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La vie dans les régions métropolitaines
Les résidents des banlieues sont-ils réellement moins actifs physiquement?

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par Martin Turcotte

Sommaire
Ce qu’il faut savoir au sujet de la présente étude
Les résidents des banlieues sont moins susceptibles de marcher et de pédaler pour effectuer leurs déplacements routiniers
Les résidents urbains font de l’exercice en se déplaçant et ceux des banlieues, en jardinant et en faisant l’entretien de leur terrain
La proportion de personnes modérément actives est semblable dans les secteurs à densité faible et élevée
Les quartiers urbains centraux se démarquent : les résidents sont un peu plus susceptibles d’y être physiquement actifs
L’activité selon le type de lieu de résidence touche certains groupes plus que d’autres
Conclusion

Sommaire

La présente étude est la première du genre à être réalisée pour l’ensemble des régions métropolitaines canadiennes. Elle se distingue notamment des études antérieures puisqu’on s’intéresse aux liens entre l’aménagement urbain et plusieurs types d’activité physique. On y découvre que bien que les activités pratiquées soient différentes selon le type de quartier, le niveau total d’activité, lui, varie peu selon l’endroit qu’on habite.

En fait, les résidents des quartiers à faible densité résidentielle sont aussi susceptibles d’être physiquement actifs au cours d’une journée que les résidents des quartiers à forte densité résidentielle. Toutefois, ceux qui habitent les quartiers urbains centraux des plus grandes régions métropolitaines du Canada, se montrent les plus susceptibles d’entre tous d’être physiquement actifs.

Le type d’activité physique varie selon le lieu résidence. Les résidents des quartiers urbains sont en effet plus susceptibles d’effectuer des déplacements actifs pour vaquer à leurs occupations quotidiennes, c’est-à-dire à se déplacer à pied ou à bicyclette. Les résidents des quartiers suburbains sont, de leur côté, beaucoup plus portés à faire de l’activité physique en effectuant des travaux extérieurs (jardinage, entretien et nettoyage extérieurs).

Les bienfaits de l’activité physique sur la santé sont nombreux et bien reconnus, autant par les scientifiques que par les autorités en santé publique1. Tous n’en profitent cependant pas de la même façon, la participation à l’activité physique variant sensiblement selon l’âge, l’état de santé, le sexe, le revenu, les goûts personnels et ainsi de suite2.

Au-delà de tous ces facteurs, la participation à l’activité physique varie-t-elle selon le type de quartier qu’on habite? Vivre en banlieue peut-il rendre les personnes moins actives qu’elles ne le seraient si elles habitaient en ville? Ces questions ont suscité l'intérêt des chercheurs en planification urbaine et en santé publique au cours de la dernière décennie 3,4,5.

Selon bon nombre d’experts, les banlieues nord-américaines encourageraient l’inactivité physique, parce qu’elles sont aménagées en fonction d’une utilisation presque exclusive de l’automobile. En effet, marcher ou pédaler pour rejoindre les lieux de travail, les commerces et les emplacements d’autres types de services est, dans la plupart des banlieues, irréaliste. La même chose est vraie de la plupart des milieux ruraux.

Au contraire, un lieu de résidence en ville favoriserait les déplacements actifs. Dans les quartiers urbains traditionnels, les résidences, les services, les commerces et les lieux de travail s’entremêlent, rendant plus courtes les distances à parcourir. Étant donné ce type d’environnement, les résidents brûlent des calories sans même s’en rendre compte, en vaquant tout simplement à leurs occupations quotidiennes.

Considérant ces résultats, certains font un pas de plus et suggèrent que nous devrions nous inspirer un peu plus du passé dans la façon de planifier et d’aménager les quartiers de nos villes, de façon à favoriser l’activité physique et la santé6,7,8. Le « nouvel urbanisme », un courant influent en planification urbaine, prône par exemple une plus grande mixité entre usages résidentiels, commerciaux et espaces à bureaux, une densité plus élevée, plus de trottoirs et une meilleure connectivité entre les rues9.

Dans la présente étude, et ce, pour la première fois dans le contexte des grandes régions métropolitaines canadiennes, on quantifie la différence entre le niveau d’activité physique des résidents des quartiers urbains traditionnels (à densité élevée) à celui des résidents des quartiers typiques de banlieue (à densité faible). Pour ce faire, on utilise les données de l’Enquête sociale générale (ESG) sur l’emploi du temps de 2005, lesquelles portent sur les activités des personnes de 15 ans et plus. Les journaux de l’emploi du temps permettent de recueillir des informations à propos de la durée et de la nature de toutes leurs activités. (Pour obtenir les définitions et concepts, consulter « Ce qu’il faut savoir au sujet de la présente étude ».)

Contrairement à d’autres recherches10,11, on ne tente pas ici d’établir une relation entre la résidence dans un secteur de banlieue et l’indice de masse corporelle ou l’obésité. L’obésité est une question complexe, le niveau d’activité physique n’étant qu’un des multiples déterminants du poids. De plus, aucun renseignement sur le poids des répondants n’est recueilli dans l’ESG.

Ce qu’il faut savoir au sujet de la présente étude

La présente étude est fondée sur des données recueillies par Statistique Canada dans le cadre de l’Enquête sociale générale (ESG) de 2005. L’ESG est une enquête annuelle qui permet de mesurer les changements et les nouvelles tendances dans la société. Pour la quatrième fois en 2005, l’enquête a permis de recueillir des données sur l’emploi du temps auprès des Canadiens de 15 ans et plus dans les ménages privés des 10 provinces.

Les répondants de l’enquête ont rempli un journal de l’emploi du temps qui donne un rapport détaillé du temps alloué à toutes les activités auxquelles ils ont participé au cours d’une journée, soit la journée de référence. La collecte des données du journal s’est étendue sur une période de 12 mois. Les taux de participation et les durées représentent donc une moyenne de l’ensemble des journées de référence durant l’année de collecte. 

Les données recueillies auprès de 19 597 répondants représentent près de 26,1 millions de personnes. L’étude porte plus spécifiquement sur les 11 653 répondants qui vivaient dans une des 27 régions métropolitaines de recensement (RMR). Le tableau 2 repose sur une analyse de 6738 répondants qui résidaient dans les six plus grandes RMR, soit Toronto, Montréal, Vancouver, Ottawa-Gatineau, Calgary et Edmonton.

Quartiers à densité résidentielle faible, moyenne et élevée
La densité du quartier repose sur le type d’habitations du secteur de recensement où vit un répondant. Un secteur de recensement correspond généralement à ce que les gens considèrent comme un quartier. Les secteurs de recensement sont petits et relativement stables géographiquement. Leur population est de 2 500 à 8 000 personnes. Ils se situent au sein de RMR dont le noyau urbain compte 50 000 habitants ou plus d'après le recensement précédent.

Les termes quartiers de banlieue, suburbains correspondent à une densité résidentielle faible. Les quartiers mixtes sont de densité moyenne. Les quartiers urbains ou typiquement urbains sont à densité résidentielle élevée.

Les quartiers à densité faible sont principalement constitués de maisons individuelles, jumelées et mobiles, considérées comme des habitations suburbaines traditionnelles. À l’opposé, les quartiers à densité élevée ou urbains traditionnels sont essentiellement composés d’immeubles à logements ou en copropriété et de maisons en rangée. (On y loge plus de personnes au kilomètre carré).

Pour classifier les quartiers selon leur densité, on détermine la proportion d’habitations suburbaines traditionnelles dans chacun d’eux. Ainsi, les quartiers à faible densité sont des quartiers comptant au moins 66,6 % de ce type d’habitations, les quartiers à densité moyenne (quartiers mixtes), une concentration se situant entre 33,3 % et 66,6 % et les quartiers à densité élevée, une concentration de moins de 33,3 % d’habitations suburbaines traditionnelles.

Les quartiers centraux et périphériques
Les quartiers urbains centraux se trouvent dans un rayon de 5 km du centre-ville. Dans la présente étude, le centre-ville correspond au secteur de recensement comprenant l’hôtel de ville de la municipalité centrale de la RMR. Ce territoire inclut des quartiers urbains bien connus comme le plateau Mont-Royal à Montréal, The Annex, autour de l’Université de Toronto et Yaletown à Vancouver.

Les quartiers urbains périphériques sont ceux situés en dehors du rayon de 5 km entourant le centre-ville.

Pour plus de renseignements sur la façon de définir ces critères, voir Turcotte, M. (2008). « L’opposition ville/banlieue : comment la mesurer? » Tendances sociales canadiennes, (85), Statistique Canada, no 11‑008‑X au catalogue, disponible en ligne à : /bsolc/olc-cel/olc-cel?catno=11-008-X200800110459&lang=fra

Le seuil minimum d’activité physique recommandé
L’agence canadienne de santé publique reconnaît que faire 30 minutes d’activité à une intensité moyenne (marcher d’un bon pas, faire de la bicyclette, ramasser des feuilles) a plusieurs effets positifs sur la santé physique et mentale. Soixante minutes d’activité physique à faible intensité (marcher d’un pas modéré, effectuer de légers travaux de jardinage, etc.) permettrait aussi de demeurer en forme ou d’améliorer sa santé, tandis que 20 minutes d’activité physique vigoureuse (comme faire du jogging ou jouer au hockey) suffiraient1.

Un des avantages importants de l’ESG sur l’emploi du temps par rapport aux autres enquêtes est qu’on n’y demande pas directement aux répondants de déclarer s’ils ont pratiqué ou non une activité physique quelconque au cours des derniers mois ou semaines. Ce faisant, on évite le biais qui se produit lorsque l’on pose la question directement, provoquant une surestimation de l’incidence de l’activité physique2. Par contre, l’ESG sur l’emploi du temps ne permet pas de distinguer les activités selon leur niveau d’intensité. Afin d’éviter que les personnes qui auraient fait 20 minutes d’activité physique d’intensité élevée soient considérées comme physiquement inactives, on a placé la durée minimale d’activité à ce niveau3.

Emploi rémunéré et activité physique
En s’intéressant aux déplacements quotidiens, aux activités de loisir et aux travaux domestiques, on a tenu compte des préoccupations des spécialistes de la santé qui reconnaissent que la façon d’être actif importe beaucoup moins que le fait d’avoir bougé ou non au cours de sa journée. Cependant, le type d’emploi qu’occupe une personne peut aussi avoir une incidence sur son niveau d’activité physique. Par exemple, il est raisonnable de penser qu’un employé de la construction dépensera considérablement plus de calories au travail qu’un employé de bureau. Des analyses supplémentaires (non présentées) ont démontré que la prise en compte du type d’emploi (impliquant ou non un effort physique) n’influençait pas les conclusions qualitatives de l’étude.

Notes

  1. Agence de la santé publique du Canada. http://www.phac-aspc.gc.ca/pau-uap/guideap/pourquoi.html. Consulté le 2 juillet 2008.
  2. Katzmarzyk, P. T., et Tremblay, M. S. (2007). Limitations of Canada’s physical activity data: implications for monitoring trends. Canadian Journal of Public Health, 98(suppl. 2), S185-S194.
  3. Évidemment cette mesure n’est pas parfaite. Il est possible que certaines personnes aient marché à une très faible intensité durant 20 minutes et qu’elles n’aient rien fait d’autre de la journée, n’atteignant pas le seuil jugé nécessaire selon ce niveau d’intensité (60 minutes). Néanmoins, ces personnes sont quand même dans une situation plus favorable que celles qui n’auraient pas fait d’activité physique du tout au cours de la journée. L’objectif ici n’est pas d’avoir une mesure parfaite du niveau d’activité physique lors de la journée (ces données n’existent tout simplement pas pour le moment) mais bien d’identifier les clivages entre différents groupes de la population, en particulier selon leur lieu de résidence.

Les résidents des banlieues sont moins susceptibles de marcher et de pédaler pour effectuer leurs déplacements routiniers

La presque totalité des études publiées récemment ont démontré que les résidents de quartiers typiques de banlieue étaient plus susceptibles d’effectuer leurs déplacements quotidiens en automobile et beaucoup moins à pied ou à vélo12. On observe la même chose ici.

En 2005, les résidents des secteurs présentant les caractéristiques des banlieues traditionnelles étaient deux fois moins susceptibles d’avoir marché ou pédalé pour effectuer au moins un déplacement utilitaire (14 %) que les résidents des quartiers urbains plus densément peuplés (30 %). (Les déplacements utilitaires incluent ceux dont l’objectif est de se rendre au travail, d’aller faire des courses ou de se rendre chez des amis, mais excluent les promenades récréatives à pied ou à vélo.)

En ce qui a trait à la durée des déplacements, le temps moyen que les résidents de quartiers typiquement urbains consacraient à se déplacer à pied ou à bicyclette était presque trois fois plus élevé que celui des résidents des quartiers typiquement suburbains (respectivement 11 et 4 minutes). Lorsque l’on considère uniquement les personnes qui s’étaient déplacées à pied ou à bicyclette, les temps moyens de déplacement étaient respectivement de 35, 30 et 28 minutes dans les quartiers à densité élevée, moyenne et faible. Ce résultat indique que les résidents des quartiers urbains sont non seulement plus susceptibles de marcher ou de pédaler pour effectuer leurs déplacements mais que, lorsqu’ils le font, c’est durant une période plus longue.

Plusieurs autres facteurs que le type d’endroit où l’on demeure, tels que le revenu, l’âge et l’état de santé sont associés à la possibilité d’avoir fait un déplacement actif (tableau A.1). Par exemple, les personnes dont les revenus du ménage sont les plus faibles (moins de 40 000 $) sont plus susceptibles d’avoir effectué au moins un déplacement actif, probablement parce que moins d’entre elles possédaient une voiture. Néanmoins, si on compare les variables entre elles, celle possédant l’incidence la plus importante était, à part l’âge, le type de lieu de résidence (urbain, mixte ou suburbain). Cette corrélation entre un lieu de résidence urbain et la probabilité d’avoir effectué au moins un déplacement actif lors de la journée demeurait forte et positive lorsque l’on maintenait constants les autres facteurs inclus dans l’analyse (tableau A.2)13.

Tableau A.1 Caractéristiques associées à la participation aux différents types d'activité physique

Tableau A.1
Caractéristiques associées à la participation aux différents types d'activité physique

Tableau A.2 Régression logistique des facteurs associés à la participation à différents types d'activité physique

Tableau A.2
Régression logistique des facteurs associés à la participation à différents types d'activité physique

Les résidents urbains font de l’exercice en se déplaçant et ceux des banlieues, en jardinant et en faisant l’entretien de leur terrain

Il est possible que les résidents des banlieues, même s’ils marchent moins pour se déplacer, aient plus tendance que les résidents des quartiers urbains traditionnels à pratiquer des activités physiques dans leurs temps libres (faire des promenades à pied ou à vélo, s’entraîner, pratiquer des activités sportives). Il est aussi plausible, étant donné que leurs terrains sont généralement plus vastes et leurs domiciles, plus grands, qu’ils soient plus susceptibles de faire de l’exercice dans le cadre de travaux (jardinage, entretien du terrain, nettoyage intérieur et extérieur de la maison). Qu’en est-il vraiment?

Parmi l’ensemble des activités requérant un effort physique, la plus commune au cours d’une journée est le nettoyage intérieur, 25 % des personnes en ayant fait. En moyenne, les habitants des régions métropolitaines consacraient environ 26 minutes à faire l’époussetage, à ramasser, à passer l’aspirateur, à nettoyer la salle de bain et à faire d’autres tâches ménagères (tableau 1). Si le temps moyen que consacraient les femmes à ces tâches (37 minutes) était nettement plus élevé que celui des hommes (13 minutes), le type de quartier de résidence ne faisait cependant pas de différence. En effet, malgré que les résidences de banlieue soient généralement plus spacieuses, les taux de participation et les durées moyennes étaient pratiquement équivalents dans les quartiers à densité résidentielle faible, moyenne et élevée.

Il n’y avait pas non plus de différence entre les résidents de quartiers typiquement urbains et de banlieue en ce qui concerne la participation aux sports et aux autres activités récréatives. Environ une personne sur quatre participait à de telles activités (tableau 1).

Tableau 1 Les résidents des quartiers à densité résidentielle élevée sont plus susceptibles de faire des déplacements actifs

Tableau 1
Les résidents des quartiers à densité résidentielle élevée sont plus susceptibles de faire des déplacements actifs

Le portrait est complètement différent en ce qui a trait au jardinage, à l’entretien du terrain et au nettoyage extérieur de la maison. Pour ces activités, le clivage entre quartiers urbains et suburbains, autant pour la durée que pour la participation, est très marqué. En effet, 12 % des résidents des quartiers à faible densité résidentielle avaient jardiné, entretenu ou nettoyé l’extérieur de leur domicile, comparativement à 9 % des résidents des quartiers à densité moyenne et à seulement 5 % des résidents des quartiers à densité plus élevée. Les durées moyennes, selon les types de quartiers, étaient respectivement de 15, 10 et 6 minutes (tableau 1). Lorsque l’on maintient constants les autres facteurs associés à la participation au jardinage, à l’entretien du terrain et au nettoyage extérieur de la maison, les conclusions demeurent les mêmes (tableau A.2).

Le fait que les terrains résidentiels soient presque toujours plus grands en banlieue signifie qu’ils offrent plus d’espace pour jardiner. Mais cela veut aussi dire de plus longues entrées à pelleter en hiver, plus de gazon à tondre en été et plus de travaux extérieurs de toutes sortes à accomplir. Ces différentes activités d’entretien extérieur, qu’elles soient ou non appréciées ou prises en compte au moment de choisir un quartier de résidence, contribuent à hausser le niveau d’activité physique de nombreux résidents des quartiers à faible densité résidentielle.
 
Pour l’ensemble des sources d’activité physique (déplacements et loisirs actifs, sports et tâches domestiques), les résidents des quartiers urbains étaient légèrement plus susceptibles que les résidents des quartiers typiques des banlieues d’avoir pris part à au moins une activité physique, soit 60 % par rapport à 56 % (tableau 1)14.

La proportion de personnes modérément actives est semblable dans les secteurs à densité faible et élevée

Bien que les renseignements sur la participation et le temps moyen consacré aux activités physiques sont utiles et pertinents, il est aussi intéressant de savoir si un lieu de résidence donné est associé à une probabilité plus grande d’avoir atteint un niveau d’activité physique jugé « favorable » à la santé physique et mentale. Dans le cadre de cette étude, on considère que les personnes qui avaient consacré 20 minutes ou plus à pratiquer une activité physique quelconque lors du jour de référence étaient, au minimum, modérément actives (consulter « Ce qu’il faut savoir au sujet de la présente étude »).

La différence entre les quartiers à densité faible ou élevée n’était pas statistiquement significative en ce qui a trait à la proportion de personnes pouvant être considérées comme « modérément actives » (tableau 1). Cette conclusion demeure la même lorsque l’on maintient constant l’effet de différents facteurs comme le sexe, l’état de santé et le revenu du ménage, qui ont une incidence à la fois sur le choix d’un lieu de résidence et sur la probabilité d’être physiquement actif (tableau A.2).

Les résidents des quartiers urbains, s’ils sont nettement plus susceptibles d’être actifs dans le cadre de leurs déplacements quotidiens, se font « rattraper » par les résidents des quartiers de banlieue lorsque l’on considère les autres types d’activité physique (et en particulier le jardinage et les travaux d’entretien extérieurs). Dans l’ensemble, ils ne sont ni plus ni moins susceptibles d’avoir été modérément actifs physiquement.

Les quartiers urbains centraux se démarquent : les résidents sont un peu plus susceptibles d’y être physiquement actifs

Certains quartiers urbains possèdent, plus que les autres, des traits qui devraient être associés à un niveau d’activité physique plus élevé. Ils se trouvent au centre-ville.

On peut distinguer deux grands types de quartiers urbains à forte densité 1) les quartiers urbains centraux, qui se situent à proximité du centre-ville et 2) les quartiers urbains périphériques, où l’on trouve aussi de nombreux logements multiples, mais qui se situent en banlieue. (Pour les définitions et concepts, consulter « Ce qu’il faut savoir au sujet de la présente étude ».)

Dans les quartiers urbains centraux, soient ceux qui entourent le centre-ville de la municipalité centrale de la région métropolitaine, l’aménagement est fort différent de celui des quartiers urbains périphériques.

La plupart des quartiers urbains centraux ont été conçus avant la démocratisation de la voiture. Par conséquent, la densité, la mixité et la connectivité y sont bien présentes, ce qui devrait favoriser les déplacements actifs.

Les quartiers urbains périphériques ne sont pas uniquement différents des quartiers urbains centraux en raison de leur situation dans l’espace métropolitain; ils comportent souvent une faible mixité entre usages résidentiels et commerciaux, sont situés relativement loin des principaux circuits de transport en commun et sont composés de rues curvilinéaires, peu connectées les unes aux autres. Souvent les espaces de stationnement y sont beaucoup plus nombreux que dans le centre-ville. Bref, malgré qu’ils soient urbains par le type de logements qu’on y trouve, nombre d’entre eux possèdent peu de caractéristiques qui devraient encourager les déplacements actifs.

Pour mettre en relief le caractère distinct des quartiers urbains centraux, on a retenu les résidents des six plus grandes régions métropolitaines, soit ceux de Toronto, Montréal, Vancouver, Ottawa-Gatineau, Calgary et Edmonton. Leurs quartiers centraux correspondent le plus fidèlement aux traits associés, dans les études antérieures, aux déplacements actifs et à l’activité physique en général. Ce n’est pas nécessairement le cas dans les plus petites RMR15.

Notre étude confirme que le niveau de participation à l’activité physique est plus élevé dans les quartiers urbains centraux que dans les autres types de quartiers. Soixante et un pour cent des résidents des quartiers urbains centraux avaient fait 20 minutes ou plus d’activité physique au cours d’une journée, comparativement à environ 50 % des résidents dans les autres types de quartiers, (tableau 2). Cette différence s’explique essentiellement par la propension inégalée des résidents des quartiers urbains centraux à effectuer des déplacements actifs. Elle demeurait statistiquement significative lorsque l’on maintenait constants les facteurs tels que l’âge, le sexe et le revenu du ménage (résultats détaillés non présentés).

Tableau 2 Les résidents des quartiers urbains centraux sont plus actifs physiquement

Tableau 2
Les résidents des quartiers urbains centraux sont plus actifs physiquement

Toutefois, seulement une petite proportion de la population métropolitaine vit dans les quartiers urbains centraux. En effet, parmi les résidents des six grandes RMR, seulement 7 % y résidaient, comparativement à 47 %, dans les quartiers à faible densité, 29 %, dans les quartiers à densité moyenne et 17 %, dans les quartiers à densité élevée mais non centraux.

 

L’activité selon le type de lieu de résidence touche certains groupes plus que d’autres

Les déplacements actifs utilitaires se distinguent des autres formes d’activité physique parce que leur objectif principal n’est pas, dans la majorité des cas, de faire de l’exercice, de s’amuser ou bien de se détendre. Ils permettent en effet d’atteindre un but spécifique (se rendre quelque part) sans nécessairement avoir à prendre la décision consciente de faire de l’exercice. Les personnes qui sont moins portées à faire du sport dans le cadre de leurs loisirs peuvent donc profiter, encore plus positivement que d’autres, du fait de vivre dans un quartier qui les encourage à bouger.

Dans l’ensemble, la proportion des résidents des quartiers à densité élevée qui avaient effectué au moins un déplacement actif était deux fois plus élevée que dans les quartiers à faible densité. Dans certains groupes, cette différence entre résidents des quartiers plus ou moins urbains était cependant encore plus marquée (tableau A.3).

Tableau A.3 Interaction entre le type d'activité physique, le type de quartier et les variables socioéconomiques

Tableau A.3
Interaction entre le type d'activité physique, le type de quartier et les variables socioéconomiques

Par exemple, c’est le cas des personnes à l’horaire chargé, soit celles ayant consacré 9 heures ou plus de leur journée au travail ou aux études. Pour ces personnes, qui n’ont pas nécessairement le temps de s’adonner à des loisirs actifs, vivre dans un quartier urbain ou suburbain faisait une énorme différence du point de vue de l’activité physique. En effet, 26 % des personnes présentant ce profil et demeurant dans un quartier urbain avaient effectué au moins un déplacement actif lors d’une journée donnée. En comparaison, c’était le cas de seulement 9 % des personnes « très occupées » mais vivant dans un quartier typique des banlieues, soit près de trois fois moins.

On observe un peu le même type de phénomène pour les jeunes adultes de 25 à 34 ans. En effet, alors que 38 % des jeunes adultes âgés de 25 à 34 ans vivant dans les quartiers urbains avaient fait au moins un déplacement actif, c’était le cas de seulement 12 % de leurs homologues qui résidaient dans un quartier typique des banlieues, soit environ 3 fois moins aussi. Cette différence est si importante qu’elle a une incidence sur le niveau total d’activité physique des membres de ce groupe d’âge : 59 % des urbains de 25 à 34 ans avaient atteint le seuil de 20 minutes dans une journée, contre 49 % pour les résidents des quartiers suburbains du même groupe d’âge.

En bref, résider dans un quartier typiquement suburbain décourage les déplacements actifs en général et c’est encore plus flagrant pour certains groupes. Cette information peut être importante dans le cadre des campagnes de sensibilisation à l’activité physique, en particulier celles visant à convaincre les personnes sédentaires à bouger plus.

Conclusion

La présente étude est la première du genre à porter sur les différences de niveau d’activité physique entre les résidents des milieux urbains et suburbains des grandes régions métropolitaines canadiennes.

Les résidents des banlieues sont aussi actifs que les résidents urbains. La proportion de personnes ayant fait 20 minutes ou plus d’activité physique n’était pas plus élevée dans les quartiers à densité résidentielle élevée (urbains) que dans ceux à densité moyenne (mixtes) ou à densité faible (suburbains).

Toutefois, un groupe se distinguait, soit les résidents des quartiers urbains centraux des plus grandes métropoles. Ceux-ci étaient en effet plus susceptibles d’être modérément actifs, même s’ils ne représentent qu’une petite fraction de la population.

Les quartiers différents génèrent des activités différentes. Les résidents des quartiers plus typiquement urbains sont deux fois plus susceptibles de marcher ou de pédaler pour effectuer leurs déplacements quotidiens. Ceci confirme les résultats d’autres recherches.

Les résidents des quartiers typiques de banlieue sont nettement plus susceptibles de pratiquer des activités physiques dans le cadre de travaux extérieurs (jardinage, entretien et nettoyage extérieurs). Cette association, qui peut sembler aller de soi, n’avait jamais été explorée directement dans les études antérieures.

Les tenants du « nouvel urbanisme » encouragent les planificateurs urbains à renouer, dans leurs aménagements, avec plusieurs traits des quartiers urbains traditionnels qu’ils considèrent positifs. Malgré qu’ils demeurent l’exception, certains quartiers ont effectivement été conçus dans cette optique au cours des dernières années, au Canada comme aux États-Unis. Ceux-ci ne sont cependant pas assez nombreux pour que leurs résidents soient adéquatement représentés au sein d’une enquête comme l’ESG sur l’emploi du temps. Un défi des chercheurs consistera donc à comparer, dans les années à venir, le niveau d’activité physique dans les quartiers centraux urbains, la banlieue traditionnelle et les nouveaux quartiers bâtis selon les recommandations du nouvel urbanisme, afin d’en mesurer les effets éventuels.

Martin Turcotte est chercheur en sciences sociales à la Division de la statistique sociale et autochtone de Statistique Canada.

Notes

  1. Santé Canada. http://www.hc-sc.gc.ca/hl-vs/physactiv/index-fra.php. Consulté le 29 août 2008.
  2. Voir, par exemple, Gilmour, H. (2006). Les Canadiens physiquement actifs. Rapports sur la santé, 18(3), 49-70. No 82-003 au catalogue de Statistique Canada. Ottawa : ministre de l’Industrie.
  3. Frank, L. D., Saelens, B. E., Powell, K. E., et Chapman, J. E. (2007). Stepping towards causation: Do built environments or neighbourhood and travel preferences explain activity, driving, and obesity? Social science and  medicine, 65(9), 1898-1914.
  4. Frumkin, H., Frank, L., et Jackson, R. (2004). Urban Sprawl and Public Health—Designing, Planning, and Building for Health Communities. Washington, D.C.: Island Press.
  5. Frank, L. D., Schmid, T. L., Sallis, J. F., Chapman, J., et Saelens, B. E. (2005). Linking objectively measured physical activity with objectively measured urban form: Findings from SMARTRAQ. American Journal of Preventive Medicine, 28(2S2), 117-125. 
  6. Frumkin, H. (2002). Urban sprawl and public healh. Public Health Reports, 117(3), 201-217.
  7. Saelens, B. E., Sallis, J. F., Black, J. B., et Chen, D. (2003). Neighborhood-based differences in physical activity : an environment scale evaluation, American Journal of Public Health, 93(9), 1552-1558.
  8. Brownson, R. C., Boehmer, T. K., et Luke, D. A. (2005). Declining rates of physical activity in the United States: What are the contributors? Annual Review of Public Health, 26, 421-443.
  9. Pour plus de détails sur ce courant, voir le site internet www.newurbanism.org/. Voir aussi : Duany, A., Plater-Zyberk, E., et Speck, J. (2001). Suburban Nation: The Rise of Sprawl and the Decline of the American Dream. New York: North Point Press.
  10. Lopez, R. (2004). Urban sprawl and risk for being overweight or obese. American Journal of Public Health, 94(9), 1574-1579.
  11. Ross, N. A., Tremblay, S, Khan, S., Crouse, D., Tremblay M., et Berthelot, J. (2007). Body mass index in urban Canada: neighborhood and metropolitan area effects. American Journal of Public Health, 97(3), 500-508.
  12. Pour une analyse bibliographique complète, voir : Ewing R., et Cevero, R. (2001) Travel and the built environment: A Synthesis. Transport Research Record, 1780, 87-114. Pour une analyse bibliographique plus récente, voir Khattak, A. J., et Rodriguez, D. (2005). Travel behaviour in neo-traditional neighbourhood developments: a case study in USA. Transportation Research Part A: Policy and Practice, 39 (2005), 481-500.
  13. Certaines sources ont souligné qu’il était possible que les personnes qui ont une préférence pour la marche plutôt que pour les déplacements en automobile choisissent de vivre dans les quartiers urbains plutôt que dans les secteurs suburbains (et vice versa). Si c’est le cas, ce ne serait donc pas les caractéristiques physiques du lieu de résidence qui auraient une influence quelconque sur les comportements des résidents, mais les caractéristiques personnelles de ceux qui décident de s’y établir. Pour plus d’explications, voir le rapport du Committee on Physical Activity, Health, Transportation, and Land Use, Transportation Research Board, and Institute of Medicine of the National Academies. (2005). Does the Built Environment Influence Physical Activity? Examining the Evidence. Transportation Research Board Special Report 282. Voir aussi la critique : Eid, J., Overman, H. G., Puga, D., et Turner, M. (2008). Fat city: Questioning the relationship between urban sprawl and obesity Journal of Urban Economics, Elsevier, 63(2), 385-404.
    Dans des études plus récentes, on a tenté de tenir compte de cette critique. On y a tout de même conclu qu’un lieu de résidence en banlieue était associé, même en tenant compte des préférences pour la marche, à une diminution des déplacements utilitaires actifs. Voir, par exemple, Frank, L. A., Saelens, B. E., Powell, K. E., et Chapman, J. E. (2007); Handy, S. L., Cao, X. et Mokhtarian, P. L. (2006). Self-selection in the relationship between the built environment and walking. Journal of the American Planning Association, 72(1), 55-74; Schwanen, T., et  Mokhtarian, P. L. (2005). What affects commute mode choice: neighbourhood physical structure or preferences toward neighborhoods? Journal of Transport Geography, 13(1), 83-99.
  14. Par contre, du point de vue de la durée, la différence entre résidents des quartiers à densité faible et élevée n’était pas statistiquement significative.
  15. L’inclusion des résidents des 27 RMR ne change pas les conclusions qualitatives de la présente analyse. Cependant, les écarts de participation étaient légèrement moins prononcés que ceux présentés ici.