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Les précautions prises pour éviter la victimisation : une perspective selon le sexe

par Leslie-Anne Keown

Introduction
Ce qu’il faut savoir au sujet de la présente étude
Population à l’étude
Les femmes et les hommes ont-ils des perceptions différentes du niveau de criminalité dans leur environnement?
Les femmes et les hommes affichent-ils des différences quant à la crainte de la criminalité?
Les femmes et les hommes affichent-ils des différences quant aux comportements d’évitement?
Les femmes et les hommes affichent-ils des différences quant aux mesures habituelles de précaution prises pour éviter d’être victimes d’actes criminels?
Les différences entre les sexes relatives aux mesures de précaution persistent-elles une fois qu’est neutralisé l’effet d’autres facteurs?
La victimisation a-t-elle une incidence sur le recours à des mesures de précaution?
Population des RMR et hors RMR
Résumé

Introduction

Si la grande majorité des Canadiens se disent satisfaits de leur sécurité personnelle relativement à la criminalité (94 %)1, nombreux sont ceux qui prennent des précautions pour éviter d’être victimes d’un acte criminel, et certains déclarent craindre la criminalité. Les recherches antérieures ont montré que la crainte de la criminalité et le recours à des mesures de précaution ne sont pas répartis de façon égale entre les hommes et les femmes, ou parmi les différents groupes d’âge2,3,4. En outre, il est probable que les perceptions et la crainte de la criminalité, de même que le recours à des mesures de précaution pour éviter la victimisation criminelle varient selon que l’on vit dans une région urbaine ou rurale5,6 et même selon la taille de la région urbaine7,8.

À la lumière des résultats de l’Enquête sociale générale (ESG) de 2004 sur la victimisation criminelle, on examine dans la présente étude les différences quant aux perceptions de la criminalité, à la crainte de la criminalité et au recours à des mesures de précaution pour éviter la victimisation. La population à l’étude est constituée du principal groupe d’âge actif (de 25 à 54 ans) vivant dans les régions métropolitaines de recensement (RMR) du Canada9 (pour en savoir plus sur les concepts et les définitions voir « Ce qu’il faut savoir au sujet de cette étude »). Les perceptions examinées comprennent celles de la criminalité dans le quartier et l’évaluation de la crainte de la criminalité. Parmi les mesures de précaution prises pour éviter la victimisation figurent les comportements qui limitent certaines activités quotidiennes, comme le fait de rester chez soi le soir pour éviter d’être victime d’un acte criminel (comportement d’évitement). Ces mesures comprennent également les comportements habituels adoptés pour réduire les risques d’être exposé aux actes criminels et donc les risques de victimisation, tel que le verrouillage des portes de voiture (précautions habituelles).

Dans le cadre de l'ESG, on a demandé aux répondants s’ils avaient eu recours à des mesures de protection au cours de leur vie, comme l’installation de nouvelles serrures ou de dispositifs antivol et le recours à un chien de garde. Des recherches antérieures ont fait état de différences entre les hommes et les femmes quant à l’adoption de mesures de protection au cours de la vie, mais ces différences sont moins marquées que celles relevées entre les sexes en ce qui concerne les précautions qui limitent certaines activités quotidiennes10. Ces constatations découlent vraisemblablement du fait que les mesures prises au cours de la vie s’appliquent davantage aux activités du ménage qu’à celles des personnes.

Plus précisément, le présent article cherche à déterminer s’il existe des différences entre les hommes et les femmes de la population à l’étude pour ce qui est de la crainte de la criminalité et du recours aux mesures de précaution. Il s’agit également de déterminer si certaines différences persistent une fois qu’est neutralisé l’effet d’autres facteurs (dont la crainte de la criminalité et les perceptions du niveau de criminalité) qui peuvent influer sur le recours à des mesures de précaution.

 

Ce qu’il faut savoir au sujet de la présente étude

Le présent article s’appuie sur les données recueillies dans le cadre de l’Enquête sociale générale (ESG) de 2004. L’ESG est une enquête annuelle qui suit l’évolution et les nouvelles tendances de la société canadienne. L’information a été recueillie en 2004 dans le cadre du cycle 18 de l’ESG sur la victimisation. Le cycle 18 de l’enquête a permis d’obtenir des renseignements sur l’expérience de victimisation des Canadiens et les attitudes du public envers la criminalité, la police, les tribunaux, les prisons et la libération conditionnelle. La population cible de l’ESG de 2004 comprend toutes les personnes âgées de 15 ans ou plus, sauf les résidents à temps plein du Yukon, du Nunavut et des Territoires du Nord-Ouest. Les données ont été recueillies chaque mois, de janvier à décembre 2004. Pendant cette période, environ 24 000 personnes ont été interviewées avec succès.

Région métropolitaine de recensement (RMR) : Une RMR est un territoire formé d’une ou de plusieurs municipalités adjacentes entourant un grand noyau urbain. Une RMR doit avoir une population d’au moins 100 000 habitants, et le noyau urbain doit compter au moins 50 000 habitants. Les RMR visées par le présent article sont définies selon le découpage géographique du Recensement de 2001. Il s’agit des suivantes : St. John’s, Halifax, Saint John, Chicoutimi-Jonquière, Québec, Sherbrooke, Trois-Rivières, Montréal, Ottawa-Hull, Kingston, Oshawa, Toronto, Hamilton, St. Catharines‑Niagara, Kitchener, London, Windsor, le Grand Sudbury, Thunder Bay, Winnipeg, Regina, Saskatoon, Calgary, Edmonton, Abbotsford, Vancouver et Victoria.

Le présent article porte uniquement sur les répondants vivant dans une RMR et faisant partie du principal groupe d’âge actif (de 25 à 54 ans). L’échantillon retenu comporte 8 095 répondants qui représentent quelque 9,6 millions de Canadiens.

Population à l’étude

La population à l’étude comprend les personnes du principal groupe d’âge actif (de 25 à 54 ans)11 vivant dans des RMR. L’échantillon compte 8 095 personnes représentant environ 4,8 millions de femmes et 4,8 millions d’hommes vivant au Canada.

Le groupe d’âge visé par la présente étude a été retenu parce qu’il représente une partie importante de la population et qu’il pourrait afficher des craintes de la criminalité et des perceptions différentes de celles observées chez les jeunes adultes ou les personnes plus âgées. Ainsi, les personnes du principal groupe d’âge actif (de 25 à 54 ans) sont moins susceptibles d’avoir déclaré une expérience de victimisation au cours des 12 mois ayant précédé l’enquête que leurs cadets (31 % par rapport à 43 %), mais, elles sont plus susceptibles de l’avoir fait que leurs aînés (31 % par rapport à 14 %). Les personnes en âge de travailler sont aussi moins portées à prendre des précautions pour se protéger contre la victimisation que ne le sont les Canadiens plus âgés.

Des tendances différentes se dégagent également entre les résidents des RMR et la population vivant hors des régions métropolitaines de recensement (voir la rubrique « Population des RMR et hors RMR » pour des données plus détaillées). Pour toutes ces raisons, le présent article porte sur les Canadiens du principal groupe d’âge actif vivant dans les RMR.

Les femmes et les hommes ont-ils des perceptions différentes du niveau de criminalité dans leur environnement?

Avant d’examiner les diverses mesures de précaution que les gens prennent pour éviter d’être victimes d’un acte criminel, il importe de déterminer si les hommes se distinguent des femmes quant aux perceptions du niveau de criminalité dans leur environnement. En effet, si ces perceptions diffèrent selon le sexe, on peut s’attendre à ce que les hommes et les femmes réagissent différemment relativement à la criminalité, puisque le groupe qui perçoit un niveau plus élevé de criminalité aura une réaction plus forte à cet égard (que celle-ci s’exprime par la crainte ou par le recours à des mesures de précaution)12,13,14,15. On observe, toutefois, des différences peu marquées entre les hommes et les femmes quant à la perception du niveau de criminalité dans leur environnement (tableau 1).

Tableau 1 Perceptions de la criminalité au sein de la population de 25 à 54 ans vivant dans une RMR, selon le sexe, 2004Tableau 1  Perceptions de la criminalité au sein de la population de 25 à 54 ans vivant dans une RMR, selon le sexe, 2004

En 2004, 35 % des femmes et 32 % des hommes estimaient que la criminalité dans leur quartier avait augmenté au cours des cinq années précédentes. Bien qu’il soit statistiquement significatif, cet écart de trois points de pourcentage reste relativement mince. Les perceptions des hommes et des femmes tendent à converger pour ce qui est du niveau de criminalité dans leur quartier par rapport à d’autres quartiers : un peu plus de 1 répondant sur 10 estime que la criminalité est plus élevée dans son quartier qu’elle ne l’est ailleurs.

Les femmes et les hommes affichent-ils des différences quant à la crainte de la criminalité?

Si les hommes et les femmes diffèrent peu quant à leur perception du niveau de criminalité, ils affichent des différences marquées pour ce qui est de la crainte de la criminalité (tableau 2). Les données indiquent clairement que les femmes sont plus craintives que les hommes. En 2004, 24 % des femmes du principal groupe actif vivant dans des RMR ont déclaré se sentir pas très en sécurité ou pas en sécurité du tout lorsqu’elles marchent seules le soir, comparativement à 7 % seulement des hommes. Autrement dit, la cote exprimant les chances de ne pas se sentir en sécurité en marchant seuls le soir était 4,2 fois plus forte pour les femmes qu’elle ne l’était pour les hommes.

La crainte peut aussi se mesurer par l’inquiétude que l’on éprouve à rester seul chez soi. Là aussi les différences entre les sexes sont marquées : deux fois plus de femmes (30 %) que d’hommes (15 %) ont déclaré éprouver un peu ou beaucoup d’inquiétude lorsqu’elles sont seules à la maison en soirée.

Tableau 2 Perceptions de la sécurité personnelle au sein de la population de 25 à 54 ans vivant dans une RMR, selon le sexe, 2004Tableau 2  Perceptions de la sécurité personnelle au sein de la population de 25 à 54 ans vivant dans une RMR, selon le sexe, 2004

Les femmes et les hommes affichent-ils des différences quant aux comportements d’évitement?

Bien que les hommes et les femmes aient des perceptions semblables de la criminalité dans leur quartier, les réactions quant à la crainte varient considérablement selon le sexe. On a également observé des différences importantes entre les hommes et les femmes à l’égard des mesures de précaution prises pour éviter la victimisation, mesures qui peuvent restreindre les activités quotidiennes. Les comportements d’évitement constituent une forme de mesures de précaution. Les comportements d’évitement sont les restrictions qu’imposent les personnes sur leurs propres mouvements pour se protéger de la criminalité16,17,18,19. Cette restriction des activités a des conséquences sociales importantes parce qu’elle limite la liberté individuelle, et aussi parce qu’elle modifie les interactions urbaines et les tendances de mobilité, notamment dans les lieux publics comme les zones commerciales et les lieux de rassemblement communautaire20.

Dans le cadre de l’ESG, on mesure les comportements d’évitement en demandant aux répondants s’ils restent chez eux le soir parce qu’ils ont peur de sortir seuls. Seulement 3 % des hommes au sein de la population à l’étude ont déclaré éviter de sortir seuls le soir, alors que 17 % des femmes ont dit adopter ce comportement par crainte d’être victimes d’un acte criminel (graphique 1). En d’autres mots, la cote exprimant les chances que les femmes de 25 à 54 ans adoptent un comportement d’évitement pour se protéger de la criminalité était 7,0 fois plus élevée que celle des hommes du même groupe d’âge.

Donc, bien que les hommes et les femmes aient des perceptions assez convergentes du niveau de criminalité dans leur quartier, ces deux groupes diffèrent considérablement en ce qui concerne leur crainte de la criminalité. Il n’est donc pas surprenant de constater des différences importantes entre les hommes et les femmes au chapitre des comportements d’évitement.

Les femmes et les hommes affichent-ils des différences quant aux mesures habituelles de précaution prises pour éviter d’être victimes d’actes criminels?

Les précautions qui restreignent les activités quotidiennes peuvent comprendre, outre les comportements d’évitement, des mesures habituelles de protection contre la victimisation que l’on prend généralement hors de chez soi21. C’est ce que l’on appelle les précautions habituelles. À l’instar des comportements d’évitement, ces mesures habituelles de précaution peuvent avoir une incidence sur la liberté individuelle mais, plus important encore, elles servent à protéger les personnes.

Dans le cadre de l’ESG, on a demandé aux répondants s’ils avaient eu recours à une série de quatre précautions habituelles. Comme dans le cas des comportements d’évitement, les femmes se sont montrées nettement plus susceptibles que les hommes de prendre des mesures habituelles de précaution. En effet, la cote exprimant les chances de prendre de telles mesures était 5,7 fois plus élevée chez les femmes qu’elle ne l’était chez les hommes. Ainsi, au sein de la population de 25 à 54 ans vivant dans des RMR, 91 % des femmes avaient pris au moins une mesure habituelle de précaution comparativement à 64 % des hommes (tableau 3).

Tableau 3 Précautions habituelles prises pour éviter la victimisation au sein de la population de 25 à 54 ans vivant dans une RMR, selon le sexe, 2004Tableau 3  Précautions habituelles prises pour éviter la victimisation au sein de la population de 25 à 54 ans vivant dans une RMR, selon le sexe, 2004

Des différences entre les sexes ont aussi été notées dans chacun des quatre comportements distincts. La mesure de précaution la moins fréquente, tant pour les hommes que pour les femmes, consistait à emporter quelque chose avec soi pour se défendre, 21 % des femmes et 8 % des hommes ayant eu recours habituellement à ce moyen de protection. Par ailleurs, si 60 % des femmes déterminaient leur trajet en fonction de leur sécurité, 34 % des hommes faisaient de même. Les femmes étaient également beaucoup plus portées que les hommes à prendre des mesures habituelles de précaution en voiture. Par exemple, les femmes avaient 4 à 5 fois plus de chances de verrouiller les portes de la voiture et de vérifier qu’aucun intrus ne se trouve dans leur véhicule que les hommes.

Les données de l’Enquête sociale générale de 2004 ont révélé des différences importantes entre les hommes et les femmes à l’égard des comportements d’évitement et des mesures habituelles de précaution adoptés pour se protéger de la victimisation et en réponse à la crainte de la criminalité. Toutefois, peu de différences ont été observées quant aux perceptions de la criminalité dans le quartier (graphique 1). Il est possible, cependant, que les différences observées entre les sexes au chapitre des mesures de précaution soient partiellement attribuables à d’autres facteurs comme l’âge, le revenu, le niveau de scolarité, la crainte et les perceptions de la criminalité. La section qui suit examine l’influence de ces facteurs.

Graphique 1 La perception du niveau de criminalité des femmes et des hommes est semblable, mais leur recours à des mesures de précaution est différent Graphique 1  La perception du niveau de criminalité des femmes et des hommes est semblable, mais leur recours à des mesures de précaution est différent

Les différences entre les sexes relatives aux mesures de précaution persistent-elles une fois qu’est neutralisé l’effet d’autres facteurs?

On a utilisé une régression logistique pour déterminer si les différences entre les sexes restent importantes une fois que d’autres caractéristiques et facteurs sont pris en compte. Les modèles de régression logistique permettent de cerner la contribution particulière de chaque facteur à l’explication du recours à des mesures de précaution, par la neutralisation ou l’élimination de l’influence des autres variables. Les comportements d’évitement et les mesures habituelles de précaution sont examinés dans des modèles distincts22,23.

Les travaux antérieurs de recherche ont révélé que plusieurs autres influences peuvent expliquer les différences entre les hommes et les femmes quant à l’adoption de mesures de précaution ou de comportements d’évitement24,25,26. Parmi ces influences figurent les caractéristiques démographiques comme l’âge, le niveau de scolarité et le revenu, de même que les perceptions de la criminalité dans le quartier, les perceptions des craintes et les expériences de victimisation (pour en savoir plus voir « La victimisation a-t-elle une incidence sur le recours à des mesures de précaution? ».

 

La victimisation a-t-elle une incidence sur le recours à des mesures de précaution?

Les recherches antérieures ont montré qu’il pourrait y avoir un lien entre l’adoption de mesures de précaution et la victimisation criminelle1. On doit alors se demander s’il existe des différences entre les hommes et les femmes en ce qui concerne cette relation entre le recours à des mesures de précaution et la victimisation2. Les hommes et les femmes de 25 à 54 ans vivant dans des RMR ne présentent pas de différences au chapitre de la victimisation autodéclarée. Dans le cadre de l’ESG de 2004, un répondant sur trois a déclaré une forme ou une autre de victimisation (y compris par un conjoint ou un ex-conjoint) au cours des 12 mois ayant précédé l’enquête. Des renseignements plus détaillés sur la victimisation sont présentés dans le Juristat intitulé « La victimisation criminelle au Canada, 2004 », Gannon et Mihorean (2005), no 85-002-XPF au catalogue de Statistique Canada, vol. 25, no 7.

Les résultats du modèle général indiquent qu’il existe une relation entre la victimisation autodéclarée et le recours à des mesures habituelles de précaution. Les personnes ayant déclaré une expérience de victimisation avaient 1,3 plus de chances d’adopter une mesure habituelle de précaution que celles n’ayant pas déclaré de victimisation au cours des 12 mois ayant précédé l’enquête. On n’a observé aucune relation entre le recours à des comportements d’évitement (rester à la maison) et la victimisation une fois que l’effet des autres facteurs a été neutralisé. Toutefois, rien n’indique que l’influence de la victimisation autodéclarée sur le recours à des mesures de précaution soit différente pour les hommes et pour les femmes (voir le tableau A.1 pour les résultats du modèle).


  1. Gannon, M. et Taylor-Butts, A. (2006). L'utilisation par les Canadiens de mesures de prévention du crime. No 85F0033MIF au catalogue de Statistique Canada – No 12.
    AuCoin, K. et Beauchamp, D. (2007). Répercussions et conséquences de la victimisation, ESG 2004. Juristat. No 85-002-XIF au catalogue de Statistique Canada, vol. 27, no 1.
  2. Les répondants ont déclaré les mesures de précaution et les comportements d’évitement qu’ils ont adoptés, mais ils n’ont pas indiqué si ces mesures ont été prises avant ou après la victimisation.

Tableau 4 Comparaison des rapports de cotes pour le sexe et le recours à des mesures de protectionTableau 4  Comparaison des rapports de cotes pour le sexe et le recours à des mesures de protection

Le modèle mis au point ici montre que, malgré l’importance de plusieurs de ces influences (par exemple, les perceptions de la criminalité et des craintes, l’appartenance à une minorité visible, et le mode d’occupation du logement), ces facteurs ne réduisent pas l’influence du sexe (tableau 4). Si l’on examine les comportements d’évitement en ne tenant compte que du sexe, on observe que la cote exprimant les chances que les femmes de la population à l’étude adoptent un tel comportement (rester à la maison le soir) était 7,0 fois plus élevée que celle qu’affichaient les hommes. Même lorsque les autres influences étaient prises en compte dans le modèle, la cote des femmes restait significativement supérieure à celle des hommes. Une fois qu’était neutralisé l’effet d’autres facteurs confusionnels, les femmes de 25 à 54 ans vivant dans les RMR avaient 6,8 fois plus de chances que les hommes d’adopter des comportements d’évitement.

Un profil semblable se dégage lorsqu’on examine le recours à des mesures habituelles de précaution. La cote exprimant les chances de prendre une mesure habituelle de précaution était 5,7 fois plus élevée pour les femmes que pour les hommes lorsqu’aucune autre influence n’était prise en compte. Lorsque l’effet d’autres facteurs était neutralisé dans le modèle, les femmes continuaient d’afficher une cote significativement plus élevée que celles des hommes quant à l’adoption de mesures de précaution. Par ailleurs, l’influence du sexe ne changeait pas significativement lorsqu’était neutralisé l’effet des autres facteurs dans le modèle.

Ces résultats révèlent que, même une fois l’effet d’autres facteurs éliminé, le sexe reste une caractéristique importante en ce qui concerne l’explication des différences observées au chapitre de l’adoption de mesures de précaution qui limitent certaines formes d’activités quotidiennes. Les recherches indiquent que les différences entre les sexes quant à l’adoption de mesures de précaution persistent parce que les femmes se sentent plus vulnérables que les hommes lorsqu’elles ne sont pas à la maison27,28,29,30,31,32,33.

Population des RMR et hors RMR

En quoi les résidents des RMR diffèrent-ils des résidents hors RMR pour ce qui est de la perception de la criminalité, de la crainte de la criminalité et du recours à des mesures de précaution pour éviter la victimisation?

Il existe des différences importantes entre les personnes du principal groupe d’âge actif (de 25 à 54 ans) vivant dans des RMR et leurs homologues hors RMR en ce qui concerne la perception de la criminalité dans le quartier, la crainte de la criminalité et l’adoption de mesures de précaution qui limitent les activités quotidiennes.

En 2004, les résidents des RMR étaient plus susceptibles d’avoir eu une expérience de victimisation (33 %) que les personnes vivant hors des RMR (27 %). Ils étaient aussi proportionnellement plus nombreux à déclarer que leur quartier avait un niveau de criminalité supérieur à celui d’autres quartiers et que la criminalité dans leur quartier avait augmenté au cours des cinq années précédentes.

La crainte de la criminalité était aussi plus fréquente chez les résidents des RMR. Ainsi, 15 % des résidents des RMR ont déclaré ne pas se sentir en sécurité lorsqu’ils marchent seuls le soir dans leur quartier, comparativement à 9 % pour la population vivant hors RMR. Les résidents des RMR se sont aussi dits plus inquiets quand ils sont seuls à la maison (22 %) que les personnes vivant hors des RMR (16 %).

En ce qui concerne le recours à des mesures de précaution, ces comportements sont plus fréquents au sein de la population des RMR. Environ 10 % des résidents des RMR ont déclaré avoir des comportements d’évitement (rester à la maison) et 77 % ont indiqué recourir à au moins une mesure habituelle de précaution. Les taux correspondants pour la population vivant hors des RMR étaient de 6 % et de 66 %.

Résumé

Le présent article a montré qu’il existe des différences entre les hommes et les femmes de 25 à 54 ans vivant dans les RMR pour ce qui est de l’adoption de mesures de précaution pour se protéger contre la victimisation. Ces mesures de précaution restreignent souvent certaines formes d’activités quotidiennes. Si les hommes et les femmes ont des perceptions assez convergentes du niveau de criminalité dans leur environnement, ces deux groupes diffèrent considérablement pour ce qui est de l’adoption de mesures de précaution. Les femmes sont nettement plus susceptibles que les hommes de craindre la criminalité et de prendre des mesures de protection, qu’il s’agisse de comportement d’évitement ou de précautions habituelles. Ces différences entre les sexes persistent et restent pratiquement inchangées même lorsque divers autres facteurs, y compris la crainte de la criminalité, sont pris en compte.

Leslie-Anne Keown est chercheuse en sciences sociales à la revue Tendances sociales canadiennes.

Tableau A.1 Modèles de régression logistique pour les comportements d'évitement et les mesures habituelles de précaution - Rapport de cotes pour la population de 25 à 54 ans vivant dans une RMR¹Tableau A.1  Modèles de régression logistique pour les comportements d'évitement et les mesures habituelles de précaution — Rapport de cotes pour la population de 25 à 54 ans vivant dans une RMR¹


  1. Gannon, M. (2005). Enquête sociale générale sur la victimisation, cycle 18 : Un aperçu des résultats. No 85-565-XIF au catalogue de Statistique Canada.
  2. Ibid.
  3. Gannon, M. et Taylor-Butts, A. (2006). L’utilisation par les Canadiens de mesures de prévention du crime, 12. No 85F0033MIF au catalogue de Statistique Canada.
  4. Keown, L.A. (2007). Personal Crime Precautions in Canada (1993-2004): An Exploration, thèse de doctorat non publiée, Université de Calgary, Calgary (Alberta).
  5. Gannon, M. (2005).
  6. Gannon, M. et Taylor-Butts, A. (2006).
  7. Keown, L.A. Incorporating Place into Research: An Example Using Personal Crime Precautions in Canada, Conférence socioéconomique 2007 de Statistique Canada, Ottawa (Ontario), le 28 mai 2007.
  8. Keown, L.A. (2007).
  9. L’échantillon inclut seulement les éléments qui ne comportent pas de données manquantes parmi toutes les variables incluses dans l’analyse multivariée. Ainsi, on peut faire une comparaison entre les rapports de cotes non ajustés et ajustés.
  10. Gannon, M. et Taylor-Butts, A. (2006).
  11. L’Enquête sur la population active définit le principal groupe d’âge actif comme les personnes âgées de 25 à 54 ans.
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  16. Keown, L.A. (2007).
  17. Gannon, M. et Taylor-Butts, A. (2006).
  18. Ferraro, K.F. (1995).
  19. Miethe, T.D. (1995). Fear and withdrawal from urban life, Annals of the American Academy of Political and Social Science, 539 (mai) : 14-27.
  20. Ibid.
  21. Gannon, M. et Taylor-Butts, A. (2006).
  22. Tous les modèles ont été vérifiés au moyen d’une estimation sans rapport apparent pour déceler les éventuelles interactions entre le sexe et les autres variables du modèle. Un test général a révélé que les modèles des hommes et des femmes n’étaient pas différents.
  23. Les modèles exécutés pour chacune des quatre précautions habituelles ont donné des résultats semblables à ceux du modèle général présenté ici. Par conséquent, le modèle général est présenté. Des renseignements supplémentaires sur les modèles individuels peuvent être obtenus auprès de l’auteur.
  24. Gannon, M. et Taylor-Butts, A. (2006).
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  28. Keown, L.A. (2007).
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