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11-010-XIB
L'Observateur économique canadien
Mars 2003

Étude spéciale

REVUE DE FIN D’ANNÉE

par P. Cross*


Introduction

L’année 2002 a été insigne pour l’économie canadienne, les taux respectifs de progression du PIB et de l’emploi s’élevant à 3,4% et à  2,2%. Cette progression est d’autant plus exceptionnelle lorsqu’on compare le Canada aux autres pays du Groupe des Sept où, en moyenne, les taux de croissance de la production ont été de seulement 1%. Les États-Unis ont fait oublier une année 2001 où leur économie avait pour ainsi dire piétiné, en affichant un taux de croissance de 2,4% l’an dernier, mais ils étaient encore très loin des cinq années précédentes, où leur économie avait crû à un rythme annuel approximatif de 4%. Par ailleurs, la première année de la monnaie commune a vu la croissance ralentir dans la zone de l’euro à moins de 1% à cause de la faiblesse persistante des économies allemande et française. Enfin, le Japon est demeuré à la traîne avec un maigre taux de croissance de 0,3% en volume; une fois prise en compte une déflation qui perdure, on constate que le PIB de ce pays a rétréci en dollars courants une deuxième année de suite.
La performance économique supérieure du Canada n’a rien d’un phénomène récent. Depuis 1995, aucun grand pays membre de l’OCDE n’a mieux fait que notre pays, dont le taux cumulatif s’élève à 28% pour le PIB1 trimestriel. Aux États-Unis et au Royaume-Uni, les taux correspondants ont été de 26% et 20%; la zone de l’euro et le Japon se situaient loin derrière, à 16% et 8%. Que le Canada soit capable de se soustraire aux maux de son principal partenaire commercial et de croître sans discontinuer a étonné les prévisionnistes l’an dernier, mais son taux de croissance a en fait dépassé le taux américain quatre années de suite. En fait, l’écart canado-américain d’un point de pourcentage du taux de croissance l’an dernier n’était pas plus remarquable que les différences de 1,3 et 1,2 point relevées en 1999 et 2001 (l’écart a été de 0,7 point en l’an 2000)2. L’écart canado-américain par habitant est encore plus grand (5 points depuis 1997) et s’explique par une croissance démographique plus rapide aux États-Unis.

À l’instar des années, les cycles économiques ont leurs traits distinctifs. Pendant la récente contraction de l’économie américaine par exemple, l’indicateur de la productivité a présenté ses meilleurs résultats de l’histoire pour une période de récession. Au Canada, la croissance de l’économie s’est poursuivie en dépit du marasme dans le secteur de l’investissement qui aurait normalement dû déclencher un déclin prononcé. Il reste que bien des événements récents ne peuvent se comprendre que dans le contexte de ce qui a été le moteur du dernier cycle, à savoir l’ascension et la chute boursières. Nous entreprendrons donc de dresser le bilan de cette année en donnant un aperçu de l’évolution récente des marchés financiers dans le monde. Notons enfin que ces événements cycliques ont pour toile de fond des tendances à plus long terme de notre société, et plus particulièrement le mouvement de vieillissement de sa population et l’instruction des femmes. Nous passerons en revue cet état des choses plus en détail lorsque nous parlerons de l’évolution du marché du travail.

Figure 1

Marchés financiers

Les bourses florissantes des dernières années de la décennie 1990 aux États-Unis ont planté le décor pour un grand nombre de tendances économiques de notre époque. Les décisions d’épargne, d’investissement et d’emprunt se sont trouvées déformées par des attentes peu réalistes quant à l’avenir de la demande et des bénéfices (à preuve l’effondrement des cours boursiers qui a suivi et le nombre record de faillites). La bulle a rendu le capital artificiellement bon marché, incitant ainsi les entreprises à surinvestir. Cette constatation vaut particulièrement pour les démarrages d’entreprises de technologie, les capitaux de risque ayant délaissé les investissements productifs pour se déverser dans des émissions initiales d’actions qui « se sont dissipées en logiciels inutiles, en aventures « pointcoms » et en lignes à fibre optique inutilisées [TRADUCTION] ».3

La distorsion a été si excessive qu’elle a amené les gens à penser que le cycle économique était mort. Partout où des problèmes sont apparus, qu’il s’agisse de la crise en Asie de l’Est en 1997 ou de celle du fonds LTCM en 19984, les investisseurs ont été secourus, ce qui a renforcé l’idée que les anciennes règles économiques ne valaient plus dans la nouvelle économie, rappel des mots d’ordre d’« ère nouvelle » et de « monde nouveau » par lesquels on avait justifié les effervescences artificielles du marché antérieurement dans le siècle.5 On peut déplorer que le goût de l’innovation se soit reporté de la technologie vers des pratiques comptables de plus en plus imaginatives.

Un effet secondaire de la « mentalité de bulle » a été l’avènement d’une culture de cupidité contagieuse dans les entreprises, pour reprendre l’expression d’Alan Greenspan, président de la Réserve fédérale américaine. La flambée des cours boursiers a encouragé la spéculation et les excès d’options de participation et suscité des problèmes de régie d’entreprise. La manie boursière dans la technologie a culminé au début du nouveau millénaire. Le Nasdaq a vu ses cours presque doubler encore en moins de cinq mois, soit de novembre 1999 à février 2000, après avoir presque doublé durant l’année ayant précédé.

Que la bulle ait crevé par la suite a engendré un cercle vicieux. À mesure que décroissaient les cours boursiers et que ralentissait la croissance économique, la tentation s’est faite plus forte dans certaines entreprises d’induire le marché en erreur au moment de déclarer des rendements défaillants. À l’évocation triomphaliste d’une nouvelle économie ont succédé des nouvelles de faillites aux États-Unis : Worldcom, Enron, Global Crossing et Adelphia. Ce que ces scandales avaient en commun, c’est qu’ils étaient concentrés dans des secteurs qui avaient récemment connu la déréglementation aux États-Unis (en particulier ceux des finances, des télécommunications et de la vente d’électricité).

L’insistance sur la succession de problèmes de régie d’entreprise en 2002 a fait encore plus s’effondrer les cours boursiers. Sur le marché américain (mesuré par le S&P 500), ceux-ci ont perdu 23,4% dans l’année, accusant leur pire baisse depuis 1974. C’était aussi la première fois que les cours descendaient trois ans de suite depuis les années 1930. Dans l’ensemble, le marché boursier avait perdu en fin d’année 40% de sa valeur depuis le 31 décembre 1999. Les actions technologiques ont été le plus rudement touchées et l’indice Nasdaq a reculé de 70%. De même que le krach des années 1930 avait donné naissance à la Securities Act de 1933 et à la SEC, de même le Congrès a promulgué la loi Sarbanes-Oxley avec ses nouvelles règles de régie d’entreprise.

Les bourses américaines ont été étrillées en 2002, mais nombreuses ont été les bourses européennes et asiatiques à subir un sort pire encore. L’affaissement de la demande et les dévoilements de scandales ont fait littéralement fermer les bourses technologiques de l’Allemagne et du Japon. Dans l’ensemble, l’indice mondial des cours boursiers Morgan Stanley’s a marqué un recul de 20% l’an dernier, le pire depuis 1974; c’est ainsi qu’il a perdu 43% au total depuis l’an 2000, c’est-à-dire depuis la plus haute effervescence des actions de la technologie, de la médiatique et des télécommunications (la seule période où la perte a été encore plus cuisante (59%) a été les années 1929-1931). Précisons que, par comparaison, la bourse de Toronto, qui a pourtant connu ses premières baisses consécutives depuis 1973-1974, s’en est relativement bien tirée, présentant une perte de seulement 26% depuis deux ans, dont 14% l’an dernier. Cela s’accorde avec le constat de la supériorité canadienne au sein du Groupe des Sept pour ce qui est de la croissance économique.

L’état lamentable des finances des sociétés peut aussi se mesurer par l’écart de rendement entre les obligations respectives des entreprises et des administrations publiques. Dans le monde, les défauts de paiement ont atteint, selon la Banque du Canada, des niveaux records dans le cas des obligations des sociétés6. Au Canada, l’écart de rendement secteur public-secteur privé a pris l’an dernier la proportion record de 160 centièmes, en hausse donc sur son minimum le plus récent de 50 centièmes en 1997 (juste avant la crise en Asie et celle du LTCM). C’est dire que, en réalité, les entreprises n’ont pu profiter ces dernières années de la faiblesse des taux d’intérêt à long terme (contrairement aux administrations publiques et aux ménages), d’où leur nouvelle plus grande aversion pour l’endettement. Aux États-Unis, un nombre record de sociétés dont les valeurs étaient recommandées sont aujourd’hui considérées comme des entreprises à « valeurs de pacotille ». Une autre proportion de 45% se situait seulement au niveau immédiatement supérieur à BBB. Ce contingent est le plus nombreux depuis 1988. De telles entreprises se soucieront sans doute de ravaler leurs bilans pour éviter d’être exclues de fait des marchés boursiers par leur déclassement au rang d’« investissements de pacotille ». Une autre conséquence de la faiblesse boursière a été la multiplication des fonds de retraite sous-capitalisés à prestations déterminées dans les grandes entreprises. À l’instar des actions, les obligations des sociétés européennes ont subi un déclassement encore pire l’an dernier.

Figure 2

Mentionnons enfin que le dollar américain a commencé à perdre de sa suprématie. En pondération des échanges, sa valeur a légèrement baissé par rapport aux principales monnaies. Le dollar américain avait monté en flèche de 28%, porté par une vague de fond de placements étrangers sur les marchés des capitaux de ce pays. (Il est intéressant de remarquer que les États-Unis ont maintenu l’excédent du revenu d’investissement en 2002 malgré l’ascension rapide de la dette extérieure, ceci parce que le taux de rendement sur leurs actifs à l’étranger est supérieur à celui qu’ont réalisé les étrangers avec leurs investissements aux États-Unis.)

L’effondrement des cours boursiers a eu de grands effets économiques; il a notamment causé un tarissement des sources de capitalisation des nouvelles entreprises. Comme nous l’avons dit, chaque cycle économique a cependant ses traits distinctifs et un des traits les plus marqués de cette déroute boursière est qu’elle n’ait pas plongé le système financier dans une crise.

La capacité de ce système à composer avec la montée des défauts de paiement d’obligations et la descente des marchés boursiers s’expliquent, d’après la Banque du Canada, par l’efficience de la redistribution des risques (Revue du système financier, page 6-7). Les banques sont bien moins exposées directement, et ce sont les investisseurs qui, plus souvent qu’à leur tour, sont là pour absorber les pertes, surtout dans le cas des émissions initiales d’actions. Les provisions moyennes pour pertes sur prêts des banques canadiennes, qui se situaient au niveau de 0,2% de l’actif en 1997, se trouvaient toujours au niveau relativement bas de 0,6% en 2002 et un taux élevé de recouvrement des créances douteuses témoignait de la bonne qualité de leurs avoirs.

Investissement

Le mouvement d’ascension et de chute de l’investissement des entreprises a été des plus prononcés aux États-Unis, où les dépenses des entreprises en installations et en outillage ont constamment diminué pendant huit trimestres entre l’an 2000 et la fin de 2002, dans ce qui devait être leur plus long marasme, à 12%, (mais non leur plus noir) depuis la grande crise des années 1930. Cette période avait été précédée de six années où le taux de progression de ces dépenses s’était établi en moyenne à 10%. La chute s’est amorcée dans les dépenses d’outillage lorsque le tarissement des sources de capitalisation et la chute de la demande ont douché l’engouement pour l’informatique et les télécommunications. Les coupures ont bientôt gagné les dépenses en usines et en immeubles de bureaux et se sont encore accentuées en 2002 à mesure que se renforçait le phénomène cyclique classique des surcapacités. La réduction des investissements s’est étendue de l’outillage et des logiciels à la construction non résidentielle tant au Canada qu’aux États-Unis.

Le recul de l’investissement a été moindre au Canada, tout comme le recul boursier. Bien sûr, les deux phénomènes étaient liés. Les entreprises canadiennes n’ont pas surinvesti dans la technologie de l’outillage comme les entreprises américaines et, par conséquent, la chute qui devait suivre y a pris des proportions moins alarmantes avec une valeur totale de 5% en volume de 2000 à 2002. Les entreprises ont freiné davantage leurs dépenses sur le plan des biens technologiques. Les usagers de matériel de télécommunications ont subi la plus grande dépression en raison de la surcapacité, dégringolant de 22% en volume en 2002 après une chute de 10% l’année précédente. Par contre, la demande d’ordinateurs s’est stabilisée pour une deuxième année de suite, après avoir grimpé de 40% en moyenne par année, de 1994 à 2000. Même les dépenses en logiciels ont ralenti à moins de 10% de croissance pour la première fois depuis 1995. Entre temps, les structures non résidentielles ont fondu de 6% après avoir pratiquement stoppé en 2001. Un excédent de locaux d’usines et de bureaux a fait baisser la construction de nouveaux immeubles de 11%, tandis que le secteur de l’ingénierie souffrait des contraintes dans l’industrie pétrolière. (Le secteur de l’énergie à lui seul représente près de la moitié des bâtiments non résidentiels au Canada.)

L’an dernier, la faiblesse des investissements des entreprises par industrie était concentrée dans le secteur TIC et le secteur des ressources naturelles (en baisse d’environ 3 milliards et 2 milliards respectivement) à la suite, dans l’un et l’autre cas, d’une vive contraction de la demande mondiale. L’affaissement des investissements en haute technologie s’est accéléré après un premier ralentissement en 2001. La fabrication d’ordinateurs et de produits électroniques a été le plus durement touchée et, dans ce secteur, les dépenses d’investissement ont été amputées de 43% de leur valeur. La presque totalité de ces baisses ont eu pour origine l’industrie du matériel de télécommunication en chute libre de 74%. Dans les secteurs professionnel, scientifique et technique, la conception de systèmes informatiques a régressé de 15%. Dans le secteur de la recherche scientifique, le dérapage a été de 44%, ce qui devait effacer en majeure partie le gain de l’année précédente. Le marasme de la demande de services de télécommunication a aussi joué un rôle dans le recul de 17% (ou de 2 milliards de dollars) qu’a subi l’industrie de la radiodiffusion et des communications.

Toutes les industries de ressources naturelles ont fortement comprimé leurs dépenses d’investissement. On relevait les plus grandes baisses dans l’extraction, la fonte et l’affinage de métaux, le bois d’œuvre et le papier. Le facteur des baisses de prix a clairement joué dans ces réductions, mais dans d’autres secteurs des hausses de prix n’ont pas empêché de sabrer les dépenses en immobilisations. Cette constatation vaut particulièrement pour le secteur pétrolier et gazier où les diminutions constatées pour les projets classiques ont eu plus de poids que les augmentations observées pour les projets extracôtiers et les projets de mise en valeur des sables asphaltiques. Par ailleurs, la fermeté de la demande dans les mines non métalliques ne s’est pas traduite par un accroissement des dépenses d’investissement.

L’investissement a été peu ferme dans bien d’autres industries des plus capitalistiques au Canada. L’industrie de l’automobile a freiné ses investissements après les avoir largement accélérés l’année précédente, alors que le commerce de détail et les finances comprimaient leurs dépenses une deuxième année de suite. Deux exceptions dignes de mention sont les transports aériens et les services publics. On a aussi remarqué un ample redressement des dépenses d’investissement du secteur public, notamment dans les domaines de l’éducation et de la santé.

Le motif évident de la réduction des dépenses en immobilisations des entreprises était de remettre en état leurs finances. Ainsi, le secteur des sociétés a passé de sa position traditionnelle d’emprunteur de montants nets à celui d’important prêteur de montants nets pendant chacune des deux dernières années. Les entreprises canadiennes n’étaient pourtant pas les seules à poursuivre ces objectifs, puisque de telles tendances s’écartant des emprunts des entreprises ont été constatés tant aux États-Unis qu’au Royaume-Uni7.

Ce qu’on doit entre autres noter à propos des remous récents des bourses est que leur effet sur les dépenses s’est trouvé directement concentré dans les investissements mêmes plutôt que dans les dépenses des ménages. Les émissions d’actions des entreprises ont monté en flèche à 54 milliards de dollars au Canada en l’an 2000 – ce qui équivaut à environ 40% des nouveaux investissements – avant de tomber à 31 milliards en 2002. L’absence d’effet de richesse perceptible sur les dépenses des ménages est en partie attribuable à l’essor des prix de l’habitation.

Marchés du travail

Si l’évolution récente de l’économie réelle a eu pour toile de fond le cycle contrasté en crête et en creux des marchés financiers, l’évolution du marché du travail s’est détaché sur le fond d’une tendance au vieillissement de la population. À l’intérieur de l’augmentation globale de 330 000 personnes de 15 ans et plus l’an dernier, il y a eu un mouvement vers la tranche d’âge des plus de 45 ans, où l’accroissement s’est un peu accéléré pour atteindre 310 000. Une quatrième baisse consécutive du groupe d’âge mûr de 25 à 44 ans a largement compensé une modeste hausse du nombre de jeunes de 15 à 24 ans. Le groupe d’âge qui a le plus progressé en nombre est celui des 55 à 59 ans (augmentation de 114 000, le plus pour tout décile de 5 années d’âge entre 15 et 64 ans). Il était suivi à cet égard du groupe 45-49 ans (augmentation de 95 000). Dans l’un et l’autre cas, il faut y voir le constant cheminement de la génération du boom des naissances dans la pyramide des âges. Le nombre de gens ayant dépassé l’âge normal de la retraite de 65 ans n’a pas encore commencé à s’accroître rapidement, en partie à cause d’une quatrième baisse consécutive de l’effectif de la tranche 65-69 ans.

Figure 3

Le comportement des travailleurs plus âgés sur le marché du travail semble déjà devoir être en divergence nette avec les tendances constatées depuis des décennies. C’est un développement qui devrait se maintenir à mesure que le marché du travail s’adaptera à la réalité d’une main-d’œuvre qui vieillit. L’âge moyen de la retraite a un peu monté depuis quatre ans, passant d’un minimum de 60,9 en 1998 à 61,2 l’an dernier, ce qui mettait fin à un incessant mouvement de diminution, lequel était de 65 ans vers la fin des années 1970 (où a débuté la série actuelle de données). Une baisse du revenu d’investissement au moment où les taux d’intérêt reculaient et que les marchés boursiers chutaient pourrait avoir rendu nécessaire à certains employés âgés de travailler plus longtemps. Ce retour à des valeurs positives semble s’expliquer plus par l’offre de main-d’œuvre que par une évolution spontanée de la demande, puisqu’il s’est opéré simultanément dans l’emploi privé et public et dans le travail indépendant8.

C’est aussi ce qu’on constate lorsqu’on regarde de plus près les taux d’activité des groupes d’âge. Les taux ont le plus augmenté l’an dernier dans le groupe de plus de 54 ans avec une hausse de 1,9 point qui dépassait le gain cumulatif des quatre années précédentes (qui contrastaient déjà vivement avec deux décennies de décroissance ininterrompue). Le groupe 60-64 ans a tout particulièrement relevé son taux d’activité (3,4 points), le portant à son plus haut niveau en près de 20 ans. Dans le groupe 65-69 ans, le gain a été de 1,6 point, un sommet depuis 1982. À ces hausses des taux d’activité ont presque parfaitement correspondu des hausses des taux d’emploi, d’où l’impression que la certitude de trouver un emploi a beaucoup joué comme facteur, les gens voulant éviter les longues périodes de chômage pendant qu’ils étaient en quête de travail. La disponibilité accrue d’emplois à temps partiel ne semble pas avoir été un facteur important, puisque l’emploi à plein temps a progressé plus rapidement (bien que les travailleurs de plus de 65 ans se tournent de plus en plus vers l’emploi à temps partiel contrairement à ce qu’ils avaient l’habitude de faire dans les années 1990).

Figure 4

Il faut cependant noter que le petit nombre de travailleurs âgés en chômage ont été chômeurs le plus longtemps. Dans ce groupe, la période de chômage a été la plus longue de tous les groupes, à presque 31 semaines comparativement à une moyenne d’environ 18 semaines. C’est peut-être que les travailleurs plus âgés sont plus sélectifs au moment d’accepter un emploi, ce que leur permettrait une meilleure situation financière créée par des économies ou des prestations de retraite plus abondantes (autre possibilité : ces personnes pourraient avoir plus de difficulté à trouver du travail)9. Les conséquences sont importantes si les employeurs comptent sur les travailleurs plus âgés pour le maintien de la croissance de la main-d’œuvre au gré du vieillissement de la génération du boom des naissances.

Un autre changement que tiennent souvent pour acquis les analystes et qui est fondamental dans les tendances récentes de la population active est la féminisation du travail. Près de la moitié (46,1%) de la main-d’œuvre est aujourd’hui féminine et les taux d’activité des femmes continuent à croître plus vite que ceux des hommes, notamment chez les adultes. En 1976, l’activité des femmes d’âge adulte était de la moitié seulement de l’activité de leur pendant masculin (41% contre 81%), elle était de bien moins de la moitié dans le cas des femmes de plus de 45 ans. Une génération plus tard, l’écart n’est invariablement que d’environ 10 et 15 points respectivement pour les femmes de 25 à 44 ans (81,2% contre 92,4% chez les hommes) et les femmes plus âgées. On doit tous ces gains surtout aux femmes mariées. Ajoutons que le taux d’emploi à temps partiel a perdu quelques points chez les femmes adultes, alors qu’il augmentait de 3,7 points chez les hommes10.

Les femmes sont plus nombreuses à entrer sur le marché du travail, mais elles accèdent aussi à l’activité en jouissant d’une meilleure instruction. L’an dernier pour la première fois dans l’histoire, plus de femmes que d’hommes dans la population avaient fait au moins des études postsecondaires incomplètes. En un peu plus d’une décennie, la proportion de femmes ayant fait plus que des études secondaires a monté de 39,7% à 53,3%. Depuis 1999, le nombre de femmes âgées de 25 à 44 ans possédant un diplôme universitaire a dépassé celui des hommes (s’élevant à près de 100 000 femmes, soit près de 10% plus que les hommes l’an dernier), ce qui renverse l’avantage traditionnel que détenaient les hommes plus jeunes sur les femmes. C’est une tendance qui devrait s’accentuer à court terme, à en juger par le nombre de femmes qui fréquentent l’université.

Alors que la demande pour les diplômés universitaires a continué d’augmenter (mais à un taux moindre que la moyenne de 5 % de la fin des années 1990), elle n’a pas comblé l’offre. Par conséquent, l’an dernier pour la première fois depuis que de telles données existent, ils ont été le seul groupe d’instruction dont le taux d’emploi a baissé dans ce qui est depuis quatre ans l’inversion d’un mouvement de progression de l’emploi qui a duré une décennie. Ces quatre baisses consécutives ont ramené le taux d’emploi du groupe d’instruction universitaire de 79,1% en 1998 à 77,4% en 2001 et à 77,1% l’an dernier, niveau le plus bas jamais atteint. (Ce qui étonnera encore plus, c’est que les gens de 25 à 54 ans et ceux ayant fait des études universitaires supérieures ont perdu le plus d’emplois.) C’est ainsi que le taux de chômage du groupe d’instruction universitaire s’est accru d’un point entier pour s’établir à 5%11. Cette montée du chômage a eu lieu tant chez les hommes que chez les femmes, car les possibilités d’emploi n’ont pas suivi l’accroissement numérique de ce groupe : le nombre de travailleurs s’est élevé de 19% depuis quatre ans et le nombre d’emplois, de 18%. Il reste que le nombre d’emplois a augmenté deux fois plus vite que dans tout autre groupe (7% comparativement à une hausse de 6% seulement de la population active). Le seul autre groupe qui ait vu son taux d’emploi décroître ces dernières années est celui des seules études primaires, et ce, malgré un léger redressement observé l’an dernier.

Figure 5

Tous les groupes situés entre les plus et les moins instruits ont vu leurs taux d’emploi évoluer en hausse depuis 1997, mouvement qui durait encore en 2002. Les diplômés de l’école secondaire ont mené le mouvement avec un taux d’emploi en hausse de 1,9 point depuis cinq ans. Ils étaient suivis de près des titulaires d’un certificat d’études postsecondaires et de ceux qui n’avaient pas terminé l’école secondaire. La persistance de cette tendance au gré de l’évolution du cycle économique et dans un mouvement de progrès rapide de la technologie demeure une énigme du marché du travail. Soulignons que la convergence qui s’opère entre groupes d’instruction ne doit pas nous cacher la réalité que, en valeur absolue, l’emploi monte, les gains progressent et le chômage descend à mesure que s’élève le niveau de scolarité. Il est néanmoins notable que, dans une société qui est axée davantage sur le savoir, les mouvements de l’emploi soient mieux répartis après avoir divergé pendant le plus clair de la décennie 1990.

En distinguant la population active ayant fait des études secondaires ou moins de celle qui a fait au moins des études postsecondaires incomplètes, on peut mieux voir en résumé comment ces tendances ont évolué depuis dix ans. De 1993 à 1997, les moins instruits ont constamment perdu des emplois (pour un total de presque un demi-million ou 1 % en terme de leur taux d’emploi) et les plus instruits en ont gagné 27%, ce qui a laissé leur taux d’emploi inchangé. Depuis cette dernière année, l’emploi a augmenté dans le groupe des études secondaires ou moins, ce qui a élevé leur taux d’emploi de 3,0 points. Pendant ce temps, la progression de l’emploi chez les plus instruits ralentissait en 2001 et 2002, y présentant ses gains consécutifs les plus modestes jamais relevés, sans doute partiellement à cause du marasme de la demande dans les industries de haute technologie. Malgré tous ces remous, on doit noter que les taux de chômage de ces deux groupes sont pour ainsi dire revenus à leurs niveaux respectifs de 10,2% et 6,0% en 1990, reflet de la diminution du nombre de travailleurs moins instruits et de la progression plus rapide du nombre de travailleurs ayant fréquenté les établissements postsecondaires.

De l’examen du tableau de la croissance par industrie, on peut tirer des indices quant à la divergence moindre entre les niveaux d’instruction. Soutenue par le marché florissant de l’habitation, l’industrie de la construction a vu bondir de 5% le nombre de ses emplois l’an dernier pour un gain global de 20% depuis 1998. Les emplois en construction sont aujourd’hui les plus nombreux de l’histoire et, dans cette industrie, le taux de chômage a glissé sous la barre des 10%. C’est moins de la moitié de son niveau d’il y a dix ans. Il y a aussi eu une volte-face remarquable dans le secteur de la fabrication. Ni la construction ni la fabrication n’ont besoin de travailleurs très instruits car ces deux industries emploient 46% de travailleurs qui n’ont pas d’études postsecondaires. L’industrie primaire, où la scolarité est la plus réduite, a continué à faire bande à part sur ce plan. Les mines ont réduit leurs emplois en réaction à la faiblesse des prix sur les marchés mondiaux et le secteur forestier a élagué ses emplois une deuxième année de suite. Dans l’agriculture, l’emploi s’est stabilisé, mais seulement après le départ de près du quart des travailleurs agricoles les trois années précédentes.

Dans les services, le taux moyen de croissance de l’emploi est revenu à son niveau habituel de la fin des années 1990 après avoir brièvement fléchi en 2001, mais dans sa composition l’emploi a délaissé les industries où la main-d’œuvre a un bagage universitaire. La demande a repris dans des services de consommation – comme ceux des secteurs du commerce et de l’hôtellerie et de la restauration – où la main-d’œuvre est relativement moins instruite, la moitié des travailleurs n’y ayant pas fait d’études postsecondaires. L’emploi s’est également enlisé dans le groupe professionnel, scientifique et technique (où la main-d’œuvre est la plus instruite du secteur privé) après une décennie de croissance ininterrompue à une cadence annuelle moyenne de près de 7%. Cette industrie comprend la conception de systèmes informatiques où le ralentissement a été remarquable après la disparition de la « bulle technologique ». Les services d’information, de culture et de loisirs ont aussi subi un revers après des années de progression incessante et rapide.

Dans certains services, l’emploi a continué à battre son plein. Les services de gestion et d’administration ont dominé à l’échelle des industries avec une croissance à deux chiffres qui s’est maintenue pour les services aux entreprises (où il y a eu passage du simple au double après 1998 et au triple depuis 1994, les entreprises ayant de plus en plus recours à la sous-traitance) avec en complément une reprise dans les services de construction et de sécurité privée. Les gains qui suivaient en importance ont été relevés dans les services publics : la santé et l’éducation ont rebondi après une accalmie en 2001 et les administrations publiques ont offert leur premier gain appréciable depuis 1992. L’administration est le seul secteur ayant une prépondérance de travailleurs du savoir qui affiche une croissance supérieure à la moyenne (avec près de 70% de femmes, ceci a aussi contribué à relever leur emploi).

Il est bon de remettre l’évolution l’an dernier de l’emploi selon l’industrie dans la perspective des tendances à long terme depuis 1989. De 1989 à 1993, l’économie a perdu des emplois dans son adaptation à la récession et sa réorganisation en réaction à divers éléments d’évolution structurelle (dont l’avènement du libre-échange, l’imposition de la TPS et l’adoption d’une politique de rigueur monétaire visant à combattre l’inflation). Le secteur de la fabrication a dominé dans les compressions d’emplois. Des pertes d’emplois dans les secteurs de la construction et des ressources se sont ajoutées à la faiblesse de l’emploi dans les industries de distribution et de manutention de biens (plus particulièrement dans les industries du transport et du commerce de gros). Comme les secteurs de la consommation et de la technologie étaient faibles eux aussi, le secteur public (santé, éducation et administration publique) a dû porter seul le fardeau du soutien de l’emploi.

De 1993 à 1999, l’emploi s’est accéléré. Si on regarde en arrière, on peut voir cette période comme l’âge d’or du commerce et de la technologie. La fabrication s’est revitalisée, surtout grâce aux exportations d’appareils de télécommunication et d’automobiles et, à elle seule, la conception de systèmes informatiques a contribué pour moitié à l’apparition de 300 000 emplois professionnels, scientifiques et techniques de plus. Les secteurs des transports et du commerce de gros ont vu chacun leur nombre d’emplois augmenter de plus de 100 000 dans une progression des courants de biens échangeables. Les secteurs de l’information et des loisirs en ont fait autant, stimulés par les progrès des communications sans fil, des canaux spécialisés de télévision et des jeux de hasard. Pendant ce temps, le secteur public assistait à une décroissance appréciable de ses emplois.

Tableau 1: Emploi selon l'industrie, 1989-2002
(changement en milliers)*

  1989-1993 1993-1999 1999-2002
       
Total -129 1 674 881
  (-0,2%) (2,1%) (3,0%)
Primaires1 -38 -66 -59
Construction -118 81 108
Fabrication -344 431 109
Transports -43 124 11
Commerce de gros -7 120 18
Commerce de détail -7 88 164
Information et loisirs2 -3 212 69
Hébergement et restauration 40 140 79
Finances 25 22 33
Professionnels et techniques 63 287 89
Gestion et services aux entreprises 33 164 84
Enseignement 76 74 33
Santé 125 88 163
Administration publique 68 -91 4
       
* Variation moyenne en pourcentage entre parenthèses.
1 Inclut les services publics.
2 Inclut d'autres services.

Depuis qu’a crevé la bulle de la technologie – avec un ralentissement concomitant des échanges dans l’économie mondiale –, la croissance de l’emploi a hautement été tributaire des industries liées à la consommation des ménages. Si le nombre total d’emplois s’est accru de près de 900 000 depuis 1999, on en doit directement environ la moitié à la construction (surtout à cause du marché de l’habitation), au commerce de détail (surtout à cause des biens et services liés à l’habitation), à l’hôtellerie-restauration, aux jeux de hasard et aux autres services récréatifs. Nous ne tenons pas compte ici des gains relevés dans le secteur de la fabrication, où l’emploi a délaissé dans sa progression l’éclatant secteur de la haute technologie pour des secteurs plus ordinaires comme ceux des aliments et des meubles. D’autres secteurs de haut vol comme ceux des transports, du commerce de gros, de la radiodiffusion et des télécommunications sont revenus sur terre, tout comme les services professionnels, scientifiques et techniques où, en 2002, la conception de systèmes informatiques devait présenter ce qui était seulement sa deuxième perte annuelle d’emplois jamais observée. Pendant ce temps, la santé et l’éducation se ranimaient nettement grâce à une réinjection de fonds.

Il n’y a que trois secteurs où la tendance n’ait pas changé pendant ces trois périodes. L’industrie primaire (ce qui comprend les services publics) a vu l’emploi diminuer sans cesse. Aux pertes d’emplois qui se multipliaient en agriculture se sont ajoutées des baisses d’emplois imputables aux moratoires sur les pêches et aux compressions dans l’exploitation forestière. La faiblesse des prix des produits minéraux a laissé l’emploi dans les mines (le secteur pétrolier est exclu) à la moitié seulement de son niveau de 1989. Le secteur des finances et des affaires immobilières a connu seulement une progression infime de l’emploi : sans une flambée de croissance dans le secteur du commerce des valeurs mobilières vers la fin de la dernière décennie, il n’y aurait pas eu de gain du tout. Dans les services de gestion et autres services aux entreprises, l’emploi a été en croissance soutenue tout au long de ces années. Une brusque contraction des services de placement temporaire et de voyages ces deux dernières années a suivi une décennie de croissance rapide, mais la demande qui s’attache aux services aux entreprises est demeurée ferme.

Cette vaste évolution de la demande dans l’industrie se retrouve dans les données détaillées sur les professions. Depuis trois ans, les emplois se sont multipliés le plus dans la vente (ce qui comprend les commis et les caissiers des comptoirs de vente au détail) et les métiers de la construction. Il y a aussi eu une solide demande d’enseignants et de travailleurs de la santé. De tous les groupes, ce sont ceux où une pénurie croissante de main-d’œuvre l’an dernier a fait le plus baisser les taux de chômage. Ce sont aussi les seuls groupes où ces taux aient évolué en baisse l’an dernier, si on exclut le groupe des opérateurs de machines dans le secteur de la fabrication. Dans les sciences naturelles et sociales, l’emploi a aussi présenté de solides gains.

Les professions propres à l’industrie primaire sont en décroissance depuis dix ans, d’où pour elles la triste distinction de constituer la seule catégorie professionnelle où le chômage soit à deux chiffres (10,5%). On ne s’étonnera pas que, dans ce secteur, la main-d’œuvre ait rétréci, les gens le délaissant pour sonder les possibilités d’emploi qui s’offrent ailleurs ou prendre leur retraite. Après avoir un peu diminué de 4% de 1987 à 1998, cette main-d’œuvre a transformé son exode en hémorragie pour péricliter de 12% les trois années suivantes12. Le seul autre secteur où la main-d’œuvre se soit contractée ces dernières années est celui de la gestion, en baisse de 4% depuis l’an 2000, ce qui s’explique peut-être par les rachats d’états de service et les retraites anticipées. Néanmoins, chez les cadres supérieurs, le taux de chômage s’est élevé le plus à 3,5%, atteignant ainsi son plus haut niveau depuis la récession de 1991-1992.

Tant l’emploi et à plein temps que l’emploi à temps partiel ont repris l’an dernier. Le relèvement de 5,6% de l’emploi à temps partiel était le plus important depuis presque deux décennies. Cette progression s’expliquerait autant par les préférences personnelles (ce qui comprend la fréquentation scolaire) que par une conjoncture où s’assombrissent les perspectives de travail à plein temps.

L’augmentation du travail à temps partiel est une des raisons pour lesquelles le nombre moyen d’heures travaillées a reculé de 0,4% dans l’économie, malgré l’évolution en hausse de l’emploi global. Ajoutons que le nombre de gens faisant de longues semaines de 50 heures et plus a décru une deuxième année de suite pour tomber à 12,3% en proportion de l’emploi, le plus bas depuis 1986. Il y a deux ans seulement au point de culmination de l’économie, ce groupe prenait des proportions presque records de 13,7% de toute la population occupée. Un aspect plus singulier encore de la situation est que le nombre de personnes faisant de longues semaines de travail a diminué malgré un bond du cumul d’emplois de 10% après deux années de baisse. Ce cumul a été concentré dans les services, plus particulièrement dans les services de santé et d’éducation.

La perception généralisée d’un relâchement des liens entre les employeurs et les salariés ne paraissait pas sur le marché du travail. L’emploi temporaire a crû plus rapidement que l’emploi permanent depuis cinq ans, mais l’écart observé l’an dernier était le plus petit jamais constaté (3,4% contre 2,2%; l’emploi saisonnier dominait au tableau des hausses de l’emploi temporaire). Dans leur très vaste majorité (87%), les emplois sont restés permanents, n’ayant que légèrement reculé depuis les 88,7% de 1997. De cette stabilité témoignait la durée moyenne d’occupation des emplois qui, après quatre baisses consécutives, devait bondir pour presque égaler le maximum record établi en 1997. Bien sûr, si on occupe plus longtemps un emploi, c’est souvent qu’on traverse une période économique d’anxiété où les gens hésiteront à quitter leur travail devant des taux d’embauchage en chute libre (la durée d’occupation des emplois a fait des bonds, par exemple, pendant une période record de cinq mois dans la récession de 1990-1992).

Marchés des produits

Les entreprises ont recommencé à augmenter leurs stocks en 2002, après les avoir réduits en 2001, alors que les ventes s’amenuisaient. Ce changement dans les stocks est responsable de pratiquement toute la différence entre la croissance réelle de 1,5% en 2001 et celle de 3,4% l’an dernier. Si on ne tient pas compte des stocks, la croissance aurait été de 2,9% et de 2,6% respectivement. La plus grande partie de la reprise des stocks l’an dernier est attribuable aux détaillants, en particulier les détaillants d’automobiles, chez qui la demande s’est le plus améliorée. Les fabricants ont gardé un oeil vigilant sur les niveaux de stocks.

La fermeté du PIB, mis à part les stocks, s’est concrétisée dans la demande intérieure finale, où la croissance réelle de 2,6% était pratiquement la même que l’année précédente. Tandis que l’habitation montait en flèche de 16%, de loin sa croissance la plus rapide depuis 1987, la chute rapide de l’investissement des entreprises amortissait grandement la situation. La croissance des dépenses des consommateurs en biens et services a peu changé, à un peu moins de 3%, malgré l’augmentation momentanée des ventes de véhicules.

Le commerce extérieur est demeuré lent pour une deuxième année de suite, alourdi par la chute de la demande de machines et d’équipement des deux côtés de la frontière. Le volume des exportations n’a repris qu’une fraction des pertes de l’année précédente, tandis que les gains s’écroulaient pour une deuxième année de suite en raison de la baisse radicale des prix d’une grande variété de produits de base. Les importations se portaient légèrement mieux grâce à la forte demande pour les autos et d’autres biens de consommation.

Le climat inhabituel a eu des répercussions importantes sur de grands secteurs de l’économie. La tendance au réchauffement s’est poursuivie, accompagnée d’une sécheresse persistante dans l’Ouest du Canada. La récolte de blé s’en est trouvée amoindrie à 15,45 millions de tonnes métriques, un quart de la production de 2001 et à peine un peu plus de la moitié des 26,8 millions de tonnes récoltées en 2000. La mauvaise température au centre du Canada a aussi nui aux récoltes de légumes, en particulier à celle du maïs. Les répercussions sur les prix des aliments ont été variées. L’augmentation du prix du pain a été mitigée par l’abattage précoce du bétail (pour réduire le coût d’alimentation des animaux). Dans l’ensemble, le prix des aliments a augmenté de 2,6% de moins que l’année précédente.

Ailleurs, le temps généralement plus doux a eu des résultats variables. Dans le secteur de l’habitation où la demande avait poussé à la limite les capacités de l’industrie toute l’année, le temps le plus clément jamais observé en début d’année a probablement eu pour effet d’amplifier la production globale. Les services publics ont pu oublier la faiblesse de la demande de chauffage pendant l’hiver lorsque la demande a monté en flèche dans un été de chaleurs inégalées.

Un autre grand facteur de divergence entre le Canada et les États-Unis est apparu le 11 septembre. Les attentats terroristes ont provoqué de part et d’autre de la frontière de grandes pertes dans des industries aussi diverses que celles des transports aériens, de l’hébergement et des jeux de hasard, mais presque toutes s’étaient entièrement rétablies au Canada dans les trois mois qui avaient suivi. La seule exception à cet égard était le tourisme d’un jour de provenance américaine, mais pour compenser en partie, il y avait un accroissement du tourisme d’outre-mer qui boudait les États-Unis. Les industries américaines correspondantes ne se sont pas remises des attentats et les licenciements qui ont eu lieu dans les transports aériens, l’aérospatiale et le tourisme sont demeurés une importante source de pertes d’emplois en 2002.

L’écart canado-américain n’a jamais été aussi grand que dans le secteur de la fabrication. L’un et l’autre de ces pays ont essuyé des pertes en 2001 par les premiers effets de l’affaissement des investissements en technologie et des attentats terroristes, mais la croissance a vite repris au Canada; ce secteur a vu le nombre de ses emplois s’élever de 2,2% l’an dernier à l’inverse de ce qui se produisait aux États-Unis où les fabricants éliminaient encore 5 % de leurs emplois en 2002 pour ainsi faire tomber cet indicateur à son plus bas niveau en 41 ans.

Divers facteurs ont joué dans ce plus grand écart canado-américain, mais un des principaux semble être le taux de change. Légèrement dévalorisé l’an dernier, le dollar américain reste à des niveaux presque records, soutenu par un véritable afflux de capitaux au sommet de l’activité boursière. Une des victimes en a été le dollar canadien, qui est tombé à un niveau sans précédent de 63.7 cents américains avant de se redresser en fin d’année.

Conclusion

La descente qui a suivi la chute des marchés boursiers à travers le monde après l’éclatement de la bulle technologique a dominé l’ensemble des développements économiques l’an dernier. L’investissement a baissé une deuxième année de suite au Canada, tandis que les coupures de dépenses effectuées par les entreprises à travers le monde ont entraîné dans leur sillon les exportations. La chute cyclique du commerce et de la technologie a freiné l’avantage dont avait bénéficié les travailleurs plus scolarisés tout au long des années 1990. Quand même, la croissance au Canada était soutenue par des gains rapides des dépenses des ménages qui ont fait suite à la baisse des taux d’intérêt, les diminutions d’impôt et un marché du travail en santé. La forte croissance de l’emploi relié à la consommation a soutenu l’augmentation globale, en particulier pour les femmes qui de plus en plus dépassent les hommes à ce niveau. Les marchés du travail ont été touchés de manière croissante par le vieillissement de la génération du boom des naissances, qui adopte des attitudes différentes des autres générations à l’approche de l’âge de la retraite.

Notes

1 Plus bas dans l’échelle du développement, le Mexique et la Corée du sud connaissaient une croissance légèrement plus rapide à 32% et 39%. Source : Principaux indicateurs économiques de l’OCDE, février 2003.
2 Les taux de croissance réels du PIB étaient de 5,4%, 4,5%, 1,5% et 3,4% au Canada, de 1999 à 2002, comparativement à 4,1%, 3,8% et 0,3% et 2,4% aux États-Unis.
3 J.Stiglitz, « The Roaring Nineties » dans The Atlantic Monthly, October 2002,
p. 82.
4 La crise en Asie de l’est a commencé avec l’effondrement de la devise thaï en juillet 1997 et s’est propagée en Malaisia, en Corée, aux Philippines et en Indonésie. La crise du fonds Long Term Capital Management a été déclenchée par le déclin du rouble russe en juillet 1998. Voir J.Stiglitz, p. 83-84.
5 Voir R.J.Shiller, « Irrational Exuberance », Princeton University Press, 2000,
p. 101-105.
6 La banque du Canada, « Revue du système financier », décembre, p. 5.
7 Au R.-U. une baisse de 3,2 milliards de livres dans les investissements entre le milieu de 2001 et 2002 a accompagné un mouvement d’emprunt net de
3,8 milliards de livres à des prêts nets de 2,3 milliards de livres (p. 5, Economic Trends, Office of National Statistics, février 2003). Aux É.-U., les emprunts nets des sociétés sont tombés de près de 200 milliards de dollars en 2001. Les données de 2002 ne sont pas encore publiées.
8 Chaque secteur a son comportement particulier; les employés du secteur public prennent une retraite précoce, mais affichent la plus grande augmentation des dernières années, de 57,8 ans en 1998 à 58,4 ans. Les travailleurs autonomes prennent la retraite la plus tardive, plus tard que 65 ans partout. Les travailleurs du secteur privé ont l’augmentation la plus modeste des dernières années, en hausse de seulement 0,2 points depuis 2000, à 61,3 ans.
9 Ces deux tendances étaient évidentes aux États-Unis, où le taux d’emploi a augmenté pour les 55 à 64 ans, le seul groupe à afficher une augmentation : leur durée du chômage était de 20,6 semaines, comparativement à une moyenne de 16,6 semaines.
10 La montée rapide réelle de l’emploi à temps partiel se trouve chez les jeunes, qui a presque doublé, de 21% de tous les emplois en 1976, à 45% en 2002. En tête se trouvent les jeunes femmes, ce qui est conforme à l’évidence de plus en plus grande de réussite académique.
11 Cette tendance est encore plus marquée aux États-Unis où le taux d’emploi des diplômés universitaires a dégringolé de 2 points et le taux de chômage a augmenté de 1,3 points au cours des huit derniers trimestres, ce qui est cependant conforme à la détérioration remarquée dans les autres groupes.
12 Ces données reposent sur les emplois propres aux industries primaires. Les données plus générales sur la population active de toutes les industries du secteur primaire indiquent une chute de 16% depuis 1998, suivant un soubresaut de 4% au cours de la décennie précédente. Bien que cet exode soit important en comparaison à la main-d’oeuvre des emplois primaires, il n’a eu que peu de répercussions sur les autres principaux agrégats et équivaut à moins de 2% des cols bleus ou des travailleurs moins instruits.

Études spéciales récemment parues


* Groupe d'analyse de conjoncture.

 



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Date de modification : 2008-11-21 Avis importants
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