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11-010-XIB
L'Observateur économique canadien
Avril 2008

Étude spéciale

Stabilité turbulente : l’économie du Canada en 2007

par P. Cross*

 

Le début de l’année a été marqué par des appréhensions particulièrement vives au sujet des perspectives de l’économie. Trente pour cent des Canadiens pensaient que l’économie était déjà en récession au début de l’année1. Même au plus fort de l’essor de l’économie de l’Alberta, un quotidien a signalé que « pour de nombreux Canadiens, la récession est déjà une réalité »2. Avec l’augmentation des prix des aliments et de l’énergie, ceci a poussé les analystes à envisager le retour de la stagflation des années 19703. Ceci faisait écho aux incertitudes exprimées dans les salles des conseils d’administration, les sondages révélant que 40 % des PDG au Canada croyaient en la possibilité d’un important ralentissement économique à brève échéance4.

En quelque sorte, ces inquiétudes semblaient fondées. Les marchés financiers mondiaux ont été en proie à plusieurs vagues d’instabilité émanant du marché du logement américain. La montée en flèche du dollar canadien a entravé la fabrication, et également contribué, chez les consommateurs canadiens persuadés que les détaillants ne leur transmettaient pas les économies liées à la baisse des prix à l’importation, à un désir de protestation menaçant de se diriger en masse vers les États-Unis.

Ces anxiétés sont particulièrement remarquables pour une année où, en fin de compte, le PIB a connu une croissance soutenue, le taux de chômage est tombé à un creux inégalé en 30 ans, les prix ont baissé pour les biens non consommateurs d’énergie, le marché de l’habitation et le marché boursier ont battu des records et les achats des biens de consommation au Canada ont affiché leur gain le plus rapide en dix ans. Cette résilience tire son origine de l’abondance émanant de notre secteur des ressources, le point focal d’une bonne partie de l’étude de cet article et un important facteur dans la capacité du Canada à résister au ralentissement en vigueur aux États-Unis.

Volatilité des prix financiers et des produits de base…

Les variations rapides des prix ont constitué la toile de fond des événements de l’économie réelle. Le taux de change du dollar canadien, appelé à juste titre « le cours le plus important dans l’économie »5 à cause de ses répercussions profondes sur les décisions en matière de dépenses et d’investissement, contrairement aux prédictions voulant qu’il ait atteint son sommet, a poursuivi la montée amorcée il y a cinq ans pour atteindre la parité avec le dollar américain à la fin de 20076. La hausse de 16,9 % de la valeur du dollar canadien durant les douze derniers mois a été la plus importante depuis qu’il a commencé à s’apprécier vers la fin de 2002, et la plus forte de celles de toutes les grandes monnaies7.

Le fait que le dollar canadien a commencé à s’apprécier vers la fin de 2002 au moment même où les prix des produits de base ont amorcé leur montée historique n’est pas une coïncidence. L’énergie a été à l’origine de cette montée en flèche des prix qui a bientôt touché les métaux. Même si le pétrole brut a atteint 100 $ US le baril et l’or, 800 $ US l’once l’an dernier, les plus fortes augmentations en 2007 ont touché des produits agricoles comme le blé, le maïs et le canola. Ces produits ont bénéficié d’une demande à la hausse dans les pays émergents, l’ajout d’une quantité croissante d’éthanol à l’essence en Amérique du Nord8 et une série de maigres récoltes dans certains grands pays exportateurs.

Par ailleurs, les prix sur les marchés financiers mondiaux ont été exceptionnellement volatils tout au long de l’année. Une réévaluation généralisée des risques s’est amorcée au cours de l’été avant d’atteindre un pic le 9 août9, entraînant une augmentation des taux d’intérêt pour plusieurs emprunteurs dans le monde entier et le blocage de certains segments du marché (notamment le papier commercial adossé à des actifs ou PCAA, les investisseurs fuyant tout investissement touché par le marché des prêts hypothécaires à risque aux États‑Unis). Il s’agissait de la première mise à l’épreuve importante d’un système financier se servant de la titrisation hypothécaire pour disséminer le risque en dehors du système bancaire et dans le monde entier, mais qui n’était pas suffisamment transparent en ce qui concerne la qualité sous‑jacente des actifs pour apaiser les craintes des investisseurs au sujet d’un éventuel risque de crédit en temps de crise et dont le résultat incluait également une diffusion de l’incertitude à travers le globe10. Au Canada, les conséquences principales ont été la volatilité accrue du marché boursier, la fermeture du marché de 3 milliards de dollars des PCAA à l’extérieur des grandes banques et des primes de risque plus élevées de taux d’intérêt à court terme.

Dans l’ensemble, la croissance du crédit aux entreprises n’a pas été touchée, en partie parce que les banques au Canada étaient peu exposées au papier dont la valeur a été altérée par le marché des prêts à risque aux États-Unis. En outre, elle reflète la robustesse des bilans des entreprises après des années d’excédents financiers records.

La crise financière de l’an dernier s’inscrit dans une longue liste de crises semblables survenues au cours des dix dernières années, y compris la crise du peso mexicain en 1995, la contagion asiatique en 1997, le défaut de paiement russe de 1998, qui a précipité l’effondrement de l’imposant Fonds spéculatif à long terme11, la crise énergétique de Californie au début de 2000 qui a contribué à la faillite d’Enron, l’explosion de la bulle Internet vers la fin de 2000, les attentats terroristes du 11 septembre et l’effet choc sur les prix de l’énergie de l’ouragan de 2005. L’économie s’est montrée capable d’absorber la plupart de ces crises sur les marchés financiers et de s’y adapter.

… mais fermeté étonnante de l’économie réelle

Alors que de nombreux prix sur les marchés financiers et des produits de base ont fluctué plus que jamais, la croissance de la production et de l’emploi dans l’économie réelle n’a jamais été plus stable. Au cours des quatre dernières années, le PIB réel a progressé de 3,1 %, 3,1 %, 2,8 % et 2,7 %, ce qui donne un écart‑type sur quatre ans de 0,17 pour la croissance, aisément le plus faible enregistré pour toute période de quatre ans remontant jusqu’en 1961 (précédemment, l’écart‑type le plus faible était celui de 0,57 pour la période de 1963 à 1966). Il en est de même pour le nombre total d’heures travaillées, qui a augmenté de 2,1 %, 2,2 %, 1,7 % et 1,8 % après 2003. Dans ce cas, l’écart‑type de 0,19 est le plus faible pour toute période de quatre ans dans l’enquête sur la population active remontant jusqu’en 1976 (auparavant, le creux record était de 0,25 pour la période de 1984 à 1987).

Pourquoi l’économie réelle est‑elle si stable alors que certains prix fluctuent plus que jamais? Les économistes s’entendent généralement sur les raisons fondamentales de la performance économique du Canada, soit les excédents du compte courant et de la balance financière des administrations, le fonctionnement efficace du marché du logement (contrairement à la bulle financière spéculative et la mauvaise gestion du risque aux États-Unis) et les bas niveaux d’inflation et de taux d’intérêt.

La grande taille des économies modernes est un autre facteur qui entre en cause dans la stabilité de la macroéconomie. Avec une population active de 17 millions de personnes et un PIB de 1,4 billion de dollars, l’économie canadienne a la capacité d’absorber des chocs considérables.

Malgré sa taille, toutefois, l’économie canadienne s’est montrée suffisamment souple pour permettre une réaffectation rapide des ressources au gré des besoins. Ceci n’a été nulle part aussi évident que dans la croissance rapide de l’investissement dans les secteurs de l’énergie et des mines et le mouvement de personnes de l’Est vers l’Ouest du Canada depuis 200212. Ces déplacements seront examinés plus loin dans le présent document.

Les changements des prix, par exemple des actions et des produits de base ainsi que du taux de change, n’ont eu que peu d’impact sur les prix à la consommation. En fait, l’IPC a progressé de 1,8 %, 2,2 %, 2,0 % et 2,2 % au cours des quatre dernières années, ce qui donne un écart‑type de 0,17 sur la période de quatre ans, incidemment le même que pour le PIB. Cet écart‑type est également le plus faible depuis le début des années 60 (quand les prix ont augmenté de 1,3 % exactement pendant quatre années d’affilée).

Dans le passé, les périodes d’inflation en hausse ont été associées à une plus faible croissance du PIB. C’est ce que montre la figure 1, qui représente graphiquement les écarts‑types de croissance de l’IPC par rapport à la croissance du PIB réel sur quatre ans. Les trois périodes d’accélération rapide de l’inflation (se terminant en 1975, en 1984 et en 1994) étaient toutes associées à l’instabilité et aux récessions du PIB. Cela est attribuable en partie à l’effet de l’inflation sur les taux d’intérêt. Il se peut également que les périodes d’inflation mènent à d’autres distorsions, incluant les mauvaises décisions en matière d’épargnes et d’investissements qui masquent des variations des prix relatifs et ont empêché les agents économiques de réaffecter efficacement les ressources13.

Figure 1

Les prix à la consommation; un chien qui n’a pas aboyé

Malgré la forte montée des prix des produits de base, l’inflation des prix à la consommation est demeurée régulière à 2,2 % l’année dernière. Cette stabilité est d’autant plus remarquable étant donné le cocktail de facteurs qui auraient normalement exercé des pressions à la hausse sur les prix; en effet, les salaires ont affiché leur augmentation la plus rapide en dix ans, la croissance de la productivité a été négligeable, les détaillants ont rétabli leurs marges bénéficiaires et le coût des produits alimentaires et de l’énergie est monté en flèche sur les marchés mondiaux.

Ce n’est pas par coïncidence que la stabilité de l’inflation s’est accompagnée d’une forte montée des prix des produits de base et du taux de change depuis 2002. L’appréciation du dollar canadien a fait baisser les prix des importations chaque année depuis, compensant largement l’augmentation du coût des aliments et de l’énergie. Bien entendu, l’essor des prix des produits de base a été étroitement lié à celui du dollar au cours des six dernières années, tout comme les prix des produits de base ont été le moteur du marché boursier de Toronto au cours de cette période.

La vigueur du dollar canadien a aidé à faire équilibre à la plupart des pressions à la hausse sur les prix. Les prix à la consommation des produits alimentaires au Canada ont progressé de 2,7 % seulement l’année dernière, la baisse des prix des fruits et des légumes (dont un bon nombre ont été importés) venant compenser dans une large mesure le coût croissant du pain et d’autres denrées alimentaires. Par ailleurs, les prix de l’essence ont augmenté de 46 % entre 2002 et 2007 au Canada, ce qui correspond à moins de la moitié de l’augmentation de 105 % aux États‑Unis, grâce à la vigueur du dollar canadien. Pour les automobilistes, cela représente une économie éventuelle de 19 milliards de dollars  sur leurs factures d’essence au cours des cinq dernières années. De manière plus générale, la mondialisation aidait à atténuer les pressions inflationnistes dans les pays développés, en augmentant l’offre de produits manufacturés importés moins coûteux et en stimulant la productivité.

Le Canada excède la croissance aux États-Unis

En 2007, à 2,7 %, la croissance du PIB réel du Canada était supérieure à celle de toutes les autres grandes régions développées, y compris la zone euro (2,6 %), les É.‑U. (2,2 %) et le Japon (2,1 %). Qui plus est, la croissance au Canada a été à peine touchée par le ralentissement aux États‑Unis où la progression du PIB est passée de 2,9 % en 2006 à 2,2 % en 2007. Il s’agit de la première année où la croissance au Canada a été supérieure à celle aux États‑Unis depuis la récession survenue aux États‑Unis au début de la présente décennie après l’éclatement du “dot-com”. Il convient de rappeler l’importance de l’écart qui peut s’afficher entre la croissance au Canada et celle aux États‑Unis lorsque cette dernière ralentit; en effet, en 2001, la croissance du PIB du Canada, à 1,8 %, était presque le triple de celle de 0,7 % aux États‑Unis, qui étaient aux prises avec une récession, tandis que la hausse de 2,9 % enregistrée en 2002 était près du double de celle de 1,6 % aux États‑Unis. Le mythe bien connu selon lequel « le Canada attrape le rhume quand les États-Unis éternuent » a été discrédité il y a des années; jusqu’ici en 2007 et 2008, on a à peine reniflé, tandis qu’aux États-Unis la contagion dans les marchés financier et du logement a dégénéré.

Figure 2

La croissance soutenue affichée au Canada l’an dernier, malgré le ralentissement aux États-Unis, apporte des éclaircissements sur le récent débat au sujet de la mesure dans laquelle le Canada (et d’autres pays comme la Chine) peuvent « se dissocier » de l’économie américaine. Jusqu’ici le ralentissement aux États‑Unis s’est limité dans une large mesure aux secteurs du logement et de l’automobile, tous deux en perte de vitesse pour une deuxième année d’affilée, et évidemment le secteur financier. La majeure partie de l’économie américaine est demeurée vigoureuse, notamment les investissements des entreprises et les exportations qui constituent les marchés clés de plusieurs de nos grandes industries (comme l’aérospatiale et les communications sans fil, ainsi que les matériaux industriels et les produits énergétiques).

Figure 3

Par conséquent, tandis que les recettes d’exportation des produits forestiers et de l’auto­mobile du Canada ont chuté de 13 % et de 6 %, respectivement, les exportations totales ont continué de croître modérément pour la quatrième année consécutive. La part des exportations totales du Canada représentée par les produits forestiers et de l’automobile est donc tombée à un creux record de 22,9 %, comparativement au sommet de 40,2 % atteint en 1987 (et 37,2 % aussi récemment qu’en 1999). Soustraire le contenu importé de ces exportations laisse leur part du PIB à valeur ajoutée à seulement 4,1 %.

Les prix des produits de base se dissocient des États‑Unis

La hausse globale de nos exportations en 2007 était attribuable aux produits de base, notamment aux biens industriels (en hausse de 11 %), aux produits agricoles (10 %) et aux produits énergétiques (6 %), qui représentaient exactement la moitié des exportations. Les prix de ces biens sont demeurés fermes sur les marchés mondiaux, la faiblesse aux États‑Unis étant largement compensée par la demande à la hausse des pays émergents. Cette dissociation des prix de la plupart des ressources naturelles de l’économie américaine s’est accélérée au début de 2008 quand les prix des produits de base ont soudainement augmenté de 11% en janvier et en février, une de leurs plus importantes progressions jamais enregistrées malgré les perspectives de plus en plus sombres de l’économie américaine. Les exportateurs canadiens se sont rapidement détournés du marché américain en baisse; tandis que les exportations aux États‑Unis ont reculé de 2 % chacune des deux dernières années, les expéditions outre‑mer ont augmenté de 13 % en 2006 et de 16 % en 2007.

Figure 4

Le FMI a attribué la rupture entre le prix des marchandises et le ralentissement de l’économie américaine à la croissance soutenue des économies émergentes, « lesquelles ont causé la plus grande partie de la récente croissance des produits de base ». Alors que le ralentissement de la croissance mondiale pourrait avoir abaissé le prix des marchandises, il soutient que : «la taille du relâchement est minime, étant donné le resserrement des situations sur les marchés de produits de base14».

Des conditions météorologiques inhabituelles ont peut‑être été à l’origine d’une partie de l’inquiétude ressentie par les Canadiens au début de 2007. L’hiver 2006‑2007 a commencé par l’absence déconcertante des conditions climatiques hivernales habituelles dans de nombreuses régions. En effet, malgré un froid intense plus tard dans la saison, cet hiver a été le deuxième le plus clément enre­gistré au Canada, les températures étant de 3°C au‑dessus de la normale. À l’échelle mondiale, ce fut l’hiver le plus doux jamais enregistré15. Cet état des choses rend la montée des prix de l’énergie d’autant plus remarquable et aide à expliquer pourquoi le retour à des températures plus normales tard en 2007 a aidé à pousser les prix de l’énergie vers de nouveaux sommets.

Les ressources haussent les revenus

Le début de l’année a été marqué également par une inquiétude généralisée au sujet de la croissance toujours faible de la productivité. À la fin de l’année, toutefois, ces inquiétudes s’étaient apaisées, en partie grâce aux prix plus élevés obtenus pour nos ressources naturelles. Cela a servi à rappeler qu’il y a deux façons d’augmenter le revenu par habitant, dont l’une, traditionnelle, consiste à augmenter la productivité, laquelle est à la baisse depuis 2000, augmentant moins de 1 % chaque année. Plutôt, c’est la hausse de nos termes de l’échange qui est venue appuyer la croissance du revenu au Canada. Cette hausse était attribuable aux prix plus élevés des exportations de ressources naturelles sur les marchés mondiaux et aux prix plus faibles des importations résultant de l’appréciation du dollar canadien.

La vigueur des prix des produits de base a soutenu les dépenses intérieures plus élevées au Canada alors même que les recettes provenant des exportations aux États‑Unis baissaient. L’essor du secteur des ressources naturelles a fait augmenter directement les bénéfices auxquels était attribuable la hausse des investissements des entreprises qui s’est échelonnée sur six ans. L’énergie et l’extraction minière de métaux à elles seules ont contribué pour 60 % à la croissance des investissements des entreprises entre 2002 et 2007. Les prix des produits de base étaient également le principal facteur qui a contribué à l’appréciation du dollar canadien, entraînant une chute des prix à l’importation qui a favorisé les dépenses des consommateurs ainsi que des entreprises.

Figure 5

Ces effets sur le revenu sont saisis par la croissance du revenu national brut (RNB) qui corrige le PIB réel en fonction des variations de nos termes de l’échange et des paiements nets au titre de la dette extérieure. Le RNB réel s’est accru de 3,1 % l’an dernier, comparativement à une progression de 2,7 % du PIB réel. La croissance du RNB a ainsi dépassé celle du PIB pour une cinquième année consécutive. La plus grande partie de cette croissance supplémentaire du revenu était attribuable à la hausse de nos termes de l’échange; l’an dernier, elle a soutenu de fortes dépenses intérieures16.

Les économistes considèrent généralement une productivité plus élevée comme une source plus fiable et permanente de croissance du revenu que les hausses des termes de l’échange attribuables aux prix des ressources plus élevés. Ils voient souvent d’un œil sceptique la poussée des prix des produits de base, puisqu’elle est souvent suivie d’un effondrement. Toutefois, la montée actuelle des prix des produits de base s’est déjà révélée être différente. Elle a été « plus forte pendant plus longtemps » qu’au cours de tout cycle passé et elle ne montre pas de signe d’essoufflement. Ceci fait de l’actuel boom une copie à l’opposé des années 1990, qui représentaient le plus long cycle de ralentissement pour les produits de base17.

Les raisons de ce « super‑cycle » des prix des produits de base continuent de faire l’objet de débats. Les prix sont restés élevés, malgré le ralentissement des marchés du logement et de l’automobile aux États‑Unis, à la faveur de la demande robuste des pays émergents (notamment les dépenses en infrastructures en Chine et en Inde18). Entre‑temps, l’offre a été lente à réagir aux prix plus élevés, notamment pour le pétrole, les métaux et les céréales. Les réserves de pétrole à faible coût semblaient se raréfier, obligeant la production à se déplacer vers des lieux où les coûts d’exploitation sont élevés, comme dans le cas des sables bitumineux de l’Alberta, et aidant à gonfler le futur prix du pétrole au dessus de 100 dollars US le baril pour la prochaine décennie. La sécheresse dans plusieurs grandes régions productrices de céréales comme l’Australie et l’Ukraine a amené les stocks de céréales à des creux records.

Pour les métaux, une théorie nouvelle veut que la récente augmentation des prix marque le retour à la normale après une baisse prolongée au cours des années 199019. Selon cette théorie, cette baisse était attribuable à l’implosion de l’Union soviétique et d’autres États communistes en Europe de l’Est. Ces économies étaient fortement axées sur la production et la consommation de matériaux industriels; lorsque leur demande industrielle intérieure s’est effondrée, elles ont voulu écouler leurs métaux sur les marchés mondiaux, provoquant une baisse des prix tout au long des années 90. Dans cette optique, les prix des métaux, au lieu d’être près d’un pic cyclique, ne font que retourner à des niveaux durables.

Quoi qu’il en soit, il n’existe pas de données statistiques permettant de craindre que les mines soient davantage assujetties au cycle d’expansion et de ralentissement que des industries telles que les automobiles et le logement. Depuis 1981, les extractions minières métallique et non métallique ont connu le même nombre de cycles que la production de ces autres secteurs, et ces fluctuations étaient beaucoup plus faibles dans le secteur de l’extraction minière.

La récente flambée des prix des produits de base n’a pas touché toutes les ressources. Le prix des produits forestiers s’est fortement ressenti du marasme de la demande de logements aux États-Unis et du recul régulier de la consommation de papier journal. Les prix du bétail sont restés enfoncés, en partie parce que les producteurs ont envoyé une partie de leurs troupeaux à l’abattage en raison du coût élevé des céréales fourragères. Les prix du gaz naturel ont dégringolé à cause de l’excédent attribuable aux stocks élevés et à l’offre accrue de gaz naturel liquéfié (GNL) des producteurs à faible coût dans les Caraïbes et au Moyen‑Orient. Les prix du gaz naturel, au moins, ont commencé à se redresser à la fin de l’année quand le temps plus froid a fait augmenter la demande en Amérique du Nord juste au moment où l’Asie, où les prix étaient plus élevés, a commencé à remplacer l’Amérique du Nord comme destination des expéditions de GNL20.

L’énergie et l’exploitation minière alimentent le cycle d’investissement

Les investissements des entreprises ont poursuivi leur expansion régulière, augmentant de près de 6 % en volume. Il s’agit de la sixième année consécutive de croissance et d’un point du cycle où, dans le passé, les investissements ont normalement commencé à ralentir. Cependant, les entreprises entendent au contraire accroître leurs dépenses en capital en 2008 (voir la Figure 6, qui intègre les intentions d’investissement des entreprises pour 2008 dans la croissance constante d’environ 6 % prévue pour les quatre prochains trimestres, étant donné que nous n’avons pas de données sur leur répartition trimestrielle).

Figure 6

La vigueur soutenue des investissements des entreprises en 2008 peut tenir à plusieurs raisons. Premièrement, les investissements ont poursuivi leur forte hausse dans le secteur de l’énergie, où les prix demeurent à des niveaux historiquement élevés. Les investissements dans les sables bitumineux ont continué d’être les plus importants dans le secteur de l’énergie, contrebalançant la baisse constante des dépenses au chapitre du forage aux fins d’exploitation de réserves de sources de pétrole classiques qui deviennent de plus en plus rarissimes et la forte baisse des dépenses ciblant le gaz naturel (celui‑ci a été durement touché par le coût élevé de la main‑d’œuvre et des matériaux au Canada, comme le démontre l’extraction du gaz qui se poursuit presque à pleine capacité aux États-Unis, malgré les plus bas prix en 2007).

Les autres investissements dans le secteur de l’énergie ont continué de progresser. Les immobilisations dans le secteur des services publics ont connu une croissance à deux chiffres pour répondre à la demande accrue d’électricité. L’investissement en pipelines a augmenté encore plus rapidement ; des pipelines ont été construits pour transporter une partie de la production accrue des sables bitumineux vers les marchés aux États‑Unis et de nouvelles usines de traitement et des raffineries ont été construites pour traiter le bitume brut.

Les dépenses en capital au titre des mines métalliques ont augmenté de 33 % l’an dernier, encore plus rapidement que celles dans le secteur de l’énergie, et les entreprises prévoient une autre augmentation de 33 % en 2008. L’investissement dans ce secteur a triplé depuis 2003, atteignant 4,6 milliards de dollars en réaction à la montée en flèche des prix, afflux d’argent presque identique à celui des bénéfices d’exploitation.

De façon générale, les bénéfices ont aidé à stimuler l’investissement dans la plupart des industries. Les bénéfices des entreprises ont progressé encore de 6 % en 2007, 18 des 22 industries majeures affichant des bénéfices d’exploitation plus élevés. Étant donné les excédents financiers très élevés des sociétés, la perturbation des marchés boursiers et du crédit en août dernier semble avoir eu peu d’effet sur les projets d’investissement.

Enfin, les pénuries de main‑d’œuvre qui se poursuivent et l’augmentation du prix de la main-d’œuvre par rapport au prix du capital encouragent les entreprises à investir davantage. Le prix de la main‑d’œuvre à l’échelle de l’économie (calculé par les gains moyens par heure de l’EPA) a continué d’augmenter, tandis que le coût du capital s’est stabilisé après 2002. Le coût des installations et des équipements est demeuré essentiellement inchangé au cours de cette période, une baisse de 18 % du prix des machines et du matériel (importés pour la plupart) venant compenser la hausse du coût de construction (attribuable principalement à celle des salaires). Par conséquent, le rapport du prix du capital à celui de la main‑d’œuvre a reculé de 15 % au cours des cinq dernières années. Cela explique peut‑être, en même temps que la vague de prospérité touchant le secteur des ressources, la continuelle vigueur des investissements des entreprises après tant d’années de croissance.

Figure 7

Le secteur des ressources semble être au centre de plusieurs énigmes concernant l’économie canadienne. Souvent, les Canadiens ne s’enorgueillissent pas suffisam­ment de leur base de ressources21, mais ils sont sur la défensive lorsque les entreprises étrangères veulent investir davantage au pays. La timidité de l’attitude canadienne à l’égard des ressources est un facteur qui a contribué à la prise de contrôle par des intérêts étrangers d’entreprises minières vedettes comme Inco, Falconbridge et Alcan. Les acquéreurs apparemment voyaient l’augmentation des prix des métaux comme étant plus permanente que les entreprises et les actionnaires canadiens et ils étaient donc plus disposés à offrir un prix élevé pour acquérir ces actifs22, confiants dans la future valeur de ces entreprises.

La production des produits de base tarde à répondre aux prix

En outre, le secteur des ressources naturelles aide à expliquer pourquoi l’augmentation des investissements ne s’est pas traduite par une hausse de la productivité. Pour paraphraser la fameuse citation de Robert Solow23 au sujet des ordinateurs et de la productivité, l’effet de l’essor des produits de base s’observe partout, sauf dans les statistiques sur la production et l’emploi. Les bénéfices, les investissements, les exportations et les ventes de ressources ont tous connu une hausse très marquée au cours des dernières années, mais la production et l’emploi dans le secteur primaire ont augmenté seulement au même taux à peu près que l’économie dans son ensemble. Cet écart montre bien que l’essor des produits de base était principalement un phénomène de prix.

Depuis 2002, la production du secteur des ressources (agriculture, pêche, foresterie et exploitation minière) a augmenté de juste 11 %, taux inférieur au taux de croissance de 14 % de l’ensemble de l’économie. En revanche, l’emploi dans le secteur des ressources s’est accru de 13,6 %, ce qui laisse supposer une diminution de la production par employé24. L’écart entre la croissance de l’emploi et celle de la production était attribuable au secteur minier, où l’emploi a bondi de 25 % entre 2002 et 2007, tandis que la production n’a augmenté que de 9 %25.

Visiblement, les investissements plus élevés des dernières années ont été attribuables principalement à l’essor des produits de base, les ressources ayant contribué pour les deux tiers à leur croissance depuis 2002. Toutefois, une bonne partie de ces investissements a été faite au titre d’actifs moins productifs (comme les sables bitumineux) ou de la réouverture de sites abandonnés soudainement redevenus rentables lorsque les prix sont montés en flèche.

La plus faible productivité de ces sources se reflète dans diverses mesures de la production matérielle. Malgré l’attrait que présentent les prix records, le volume de production du pétrole brut n’a augmenté que de 18 % après 2002, légèrement plus que la croissance économique globale. De plus, malgré le récent afflux d‘investissements dans l’extraction minière de métaux, le volume de production de cuivre, de zinc, de minerai de fer, d’or et d’argent a poursuivi sa tendance à la baisse (le nickel faisant exception). Bien entendu, la faible remontée de l’offre de nombreux produits de base a simplement intensifié l’explosion de leurs prix—comme d’ailleurs la demande sans cesse croissante malgré les prix plus élevés. L’inélasticité de l’offre ainsi que de la demande ont alimenté la flambée des prix des produits de base.

Le secteur de la fabrication se restructure

La production manufacturière s’est repliée de 1 % pour la deuxième année consécutive, s’établissant à un niveau légèrement supérieur à celui atteint en 2002 juste avant que le dollar canadien n’amorce son ascension. Même si leur production est restée stable au cours des cinq dernières années, les fabricants ont sabré dans leurs effectifs pour accroître la productivité (quoique ces gains ont été compensés par une baisse de productivité dans d’autres secteurs tels les ressources).

En 2007, les ventes manufacturières par industrie dans l’ensemble ont affiché presque exactement le même profil d’augmentation ou de diminution que depuis 2002. Les vêtements, les produits forestiers et les automobiles ont tous continué d’enregistrer d’importantes pertes, tandis qu’un faible recul s’observe pour l’impression, les boissons et le tabac, le caoutchouc et le plastique ainsi que les ordinateurs et les produits électroniques. Ces diminutions ont été contrebalancées par la croissance rapide des livraisons de pétrole, de métaux de première transformation, de produits aérospatiaux, de ma­chines, de produits en métal, de minéraux non métalliques et des produits chimiques. Les produc­teurs d’aliments et les fabricants de meubles et d’articles divers, pour leur part, ont enregistré de modestes hausses. Depuis 2003, les expéditions dans les dix industries en expansion ont augmenté de 32 %, tandis que celles dans les neuf industries en régression ont diminué de 14 %.

Figure 8

La persistance de ces profils de croissance sectoriels sur une période de cinq ans laisse fortement supposer quel sera le secteur de la fabrication après sa restructuration en réaction à l’appréciation du dollar. Le profil des intentions en matière d’investissement dans le secteur de la fabrication pour 2008 vient renforcer encore cette tendance. En effet, les industries pétrolières, de la première transformation des métaux, des produits chimiques, des biens d’équipement et des produits alimentaires ont toutes l’intention de prendre de l’expansion, tandis que les industries des produits forestiers, du vêtement, de l’automobile, de l’imprimerie, des plastiques, du caoutchouc, des boissons et tu tabac prévoient toutes dépenser moins. Ces schémas en matière d’investissement renforceront le cours de la tendance de la production à l’avenir26.

Les dépenses des ménages accélèrent

Les ménages ont participé à l’augmentation du revenu et de la richesse au Canada. Le revenu nominal du travail a augmenté de 6 %, croissance correspondant à celle des bénéfices, en raison de la hausse de l’emploi et de l’accélération des salaires résultant du resserrement des marchés du travail. Par ailleurs, en raison des marchés boursiers et du logement records, le patrimoine net des ménages canadiens a augmenté de 7 %. Étant donné le faible taux d’inflation, la plus grande partie de ces hausses de revenu et de richesse générait des accroissements du pouvoir d’achat réel.

La croissance du revenu et du patrimoine des Canadiens s’est traduite par une hausse de 4,7 % des dépenses de consommation en 2007, la plus importante augmentation annuelle en volume depuis 1985 (excluant le total des voyages outre-mer, les dépenses au Canada ont augmenté le plus depuis 1997). Les détaillants ont continué de vendre des quantités impressionnantes de téléviseurs à écran plat. Les ventes automobiles ont atteint un nouveau record, soit 1,686 million de véhicules. Malgré les prix élevés de l’essence, les ventes de camions ont progressé, tandis que celles de voitures particulières ont légèrement reculé, levant la part de camions dans toutes les ventes de véhicules à un chiffre record de 49,2 % (dépassant le dernier summum de 48.2% en 1998 lorsque les prix de l’essence ont chuté). Ainsi, la consommation d’essence a augmenté de 3,6 % l’an dernier, malgré des prix records à la pompe. Une autre mesure du pouvoir d’achat à la hausse des Canadiens se retrouve dans les voyages à l’étranger qui ont fortement augmenté, particulièrement vers des destinations de vacances outre‑mer plus que les courts déplacements aux États‑Unis pour faire du magasinage : les voyages outre-mer ont connu un accroissement de 9,8 %, tandis que les excursions aux États-Unis étaient en hausse de 6,1 %, incluant une augmentation de 3,3 % dans les voyages d’un jour.

Le marché du logement au Canada a poursuivi son expansion, en contraste marqué avec celui des États‑Unis de plus en plus en proie au marasme. Les ventes de maisons existantes ont atteint un nouveau sommet, là aussi malgré les prévisions d’un ralentissement, et le patrimoine logement des ménages a augmenté de 9 % (par opposition à une chute de 4 % aux États-Unis). Les dépenses au chapitre des rénovations ont également connu une hausse marquée, tandis que la construction de maisons neuves a été stable pour une deuxième année consécutive.

Les différences régionales ont continué de s’atténuer

Ces dernières années, le Canada est souvent décrit comme étant caractérisé par une économie florissante axée sur les ressources dans l’Ouest et un secteur de la fabrication de plus en plus en proie au marasme dans l’Est. En 2007, cela était plus faux que simpliste. Les différences régionales en matière de croissance de l’emploi étaient moins prononcées qu’au cours des dernières années. Pour la première fois depuis 2004, l’emploi a augmenté dans chaque province. Même si l’Alberta s’est maintenue en tête du peloton, affichant une hausse de 4,7 %, la croissance s’est accélérée dans toutes les autres provinces. Les hausses les plus importantes s’observent au Québec, presque doublant pour se fixer à 2,3 %, et en Nouvelle‑Écosse, où l’emploi a rebondi après avoir chuté en 2006.

Le taux de chômage est passé à un creux record dans toutes les trois régions, s’établissant à 6,7 % dans le Centre du Canada, à 4,0 % dans l’Ouest et à 9,2 % dans la région de l’Atlantique (et à un taux beaucoup plus faible dans ses régions urbaines). La Colombie‑Britannique, le Québec et le Nouveau‑Brunswick ont tous affiché leurs taux de chômage les plus faibles depuis 1976, tandis que Terre‑Neuve, la Nouvelle‑Écosse, le Manitoba et l’Alberta ont affiché des taux pratiquement identiques à leurs plus bas niveaux historiques, soit au plus à 0,2 point près.

La convergence de la croissance régionale s’est reflétée dans le rétrécissement des écarts en matière de chômage entre les provinces. La dispersion des taux de chômage provinciaux (mesurée par leur écart‑type) est passée à 3,0 l’an dernier, soit à son niveau le plus faible sauf pour 1983 (lorsque 8 provinces sur 10 ont connu un taux à deux chiffres à l’issue de la récession de 1981‑1982).

Le déplacement de la population de l’Est et du Centre du Canada vers l’Ouest ces dernières années a aidé à niveler ces différences régionales en matière de chômage. Toutefois, ces flux migratoires ont ralenti en 2007, en partie parce que les différences interrégionales des taux de chômage étaient moins prononcées.

Figure 9

La diminution de la durée du chômage dans chaque province, sauf en Nouvelle‑Écosse, est une autre mesure du resserrement du marché du travail à l’échelle du pays. La période de chômage moyenne au Canada est passée à 14,0 semaines l’année dernière, la période la plus courte depuis 1976 et en baisse par rapport à celle de 16,1 semaines en 2002, quand le dollar a commencé son ascension (la durée maximale était de 25,7 semaines en 1994). La durée des périodes de chômage a été la plus courte jamais enregistrée en Alberta, à Terre‑Neuve, à l’Î.‑P.‑É., au Nouveau‑Brunswick et en Ontario. L’Ontario a affiché la baisse la plus importante, cette période passant de 13,3 semaines en 2006 à 11,6 semaines en 2007. Malgré les pertes croissantes d’emplois dans le secteur de la fabrication en Ontario, ces travailleurs, manifestement, soit ont trouvé un emploi dans d’autres industries, soit ont déménagé ailleurs pour trouver du travail. Le contraste est frappant avec les fortes augmentations de la durée des périodes d’emploi pendant d’autres périodes de marasme du secteur de la fabrication en Ontario au début des années 80 et 90.

L’Ouest du Canada a de nouveau affiché la plus forte croissance de l’emploi, grâce aux secteurs de la construction et de la fabrication, ainsi qu’aux gains répandus en services. Le secteur des ressources naturelles de l’Alberta a continué d’être le plus florissant au pays en 2007. En revanche, les pertes d’emploi dans les fabriques du Centre du Canada ont été largement compensées par la croissance dans les secteurs de la construction et des services (notamment les services aux entreprises).

Alors que l’Ouest et le Centre du Canada ont connu des resserrements du marché du travail dans le passé, la région de l’Atlantique a connu pour la première fois des pénuries de main‑d’œuvre. En Nouvelle‑Écosse, 16 % des fabricants ont déclaré l’an dernier que des pénuries de main‑d’œuvre non spécialisée avaient entravé la production, taux supérieur à celui de 15 % en Alberta27. Les pénuries de main‑d’œuvre non spécialisée dans la région de l’Atlantique étaient nettement supérieures à celle de 2 % déclarée dans le Centre du Canada. En outre, la pénurie de main‑d’œuvre spécialisée dans la région de l’Atlantique était au moins deux fois plus élevée que celle de 6 % déclarée dans le Centre du Canada, bien qu’inférieure à celle déclarée par les provinces des Prairies.

Les étendues rurales et les petites entreprises ont mené la croissance d’emplois

La renaissance du secteur des ressources a revitalisé les régions rurales du Canada au cours des dernières années. Selon l’Enquête sur la population active, la croissance de l’emploi dans les régions rurales a été la plus rapide de celles de toutes les agglomérations urbaines et rurales depuis 2004 (10 % par rapport à 6 % dans les villes et à une diminution dans les villages). Cette augmentation est attribuable principalement à la croissance dans le domaine de la construction, du commerce et de l’exploitation minière, activités qui sont souvent menées dans les régions éloignées. Les emplois dans les régions rurales ont augmenté malgré une petite baisse dans les emplois agricoles, tendance qui pourrait bien s’inverser en 2008 après la reprise des prix des céréales.

Les sources de croissance passant des exportations (qui sont dominées par les grandes entreprises) aux dépenses intérieures, la croissance de l’emploi a emboîté le pas, se déplaçant des grandes entreprises vers les petites. Les employeurs comptant moins de 100 salariés ont ajouté 185 000 emplois, représentant les deux tiers de la croissance totale de l’emploi enregistrée l’année dernière (partagée à parts égales entre les employeurs comptant entre 20 et 99 salariés et ceux avec moins de 20). En revanche, les grandes entreprises (plus de 500 salariés) ont ajouté seulement 46 000 emplois, leur plus faible hausse depuis 2004. La plus grande partie de cette expansion a eu lieu dans le secteur public.

La croissance des petites entreprises a été menée par la forte demande dans le secteur de la construction où les entreprises comptant moins de 20 salariés ont créé près de 30 000 nouveaux emplois. Les services aux entreprises (y compris ceux de consultants) se sont classés au deuxième rang. En revanche, les grandes entreprises ont été ralenties par les pertes d’emplois chez les fabricants comptant entre 100 et 500 salariés, ainsi que chez ceux ayant plus de 500 salariés. Les fabricants dans le groupe des entreprises comptant de 20 à 99 salariés ont également perdu des emplois, mais ces pertes ont été compensées par des hausses dans les secteurs du commerce, de l’immobilier et des services aux entreprises.

Les postes à temps plein ont dominé la croissance de l’emploi pour une deuxième année consécutive. Par ailleurs, un nombre croissant des personnes travaillant encore à temps partiel ont donné comme raison un choix personnel et non une nécessité économique. Le nombre de personnes travaillant à temps partiel en raison d’une conjoncture économique défavorable a diminué pour la quatrième année d’affilée, représentant moins du tiers de ces travailleurs à temps partiel. Les raisons du travail à temps partiel indiquées le plus souvent étaient la fréquentation de l’école, le choix personnel et les soins donnés aux enfants.

La forte augmentation du nombre de personnes occupant plus d’un emploi est une autre mesure du degré de resserrement du marché du travail. Plus de la moitié de la croissance du nombre de travailleurs occupant plus d’un emploi a eu lieu en Ontario, suivie de près par l’Alberta et la C.‑B. Leur nombre a peu changé au Québec et dans les provinces de l’Atlantique, où les taux de chômage sont demeurés supérieurs à la moyenne pour le Canada.

Vieillissement de la population et pénuries de main‑d’œuvre chroniques

Les pénuries de main‑d’œuvre au Canada l’année dernière étaient attribuables principalement à la vigueur de l’économie et non à la diminution de l’offre de main‑d’œuvre. Cependant, comme nous l’avons signalé dans un article publié dans le numéro de juin de L’Observateur économique canadien28, ces pénuries de main‑d’œuvre préfigurent peut‑être une tendance à plus long terme qui se dessine à mesure que la génération des boomers atteint l’âge traditionnel de la retraite. La population âgée de 25 à 44 ans a diminué pour la dixième année consécutive, l’entrée des boomers dans des groupes d’âge plus élevés n’étant pas compensée par un afflux de personnes plus jeunes sur le marché du travail. Plus particulièrement, le nombre de personnes de 60 à 64 ans a augmenté de 114 000 l’an dernier, plus que tout autre segment de la population. C’est la première fois que la plus forte augmentation dans toute cohorte d’âge se situe à un âge aussi avancé (dans de nombreux cas, ces personnes étaient admissibles aux prestations du RPC/RRQ). La plus forte accélération au cours des dernières années s’observe chez les personnes de 65 à 69 ans, dont le nombre était à la baisse encore en 2002 mais a bondi de 45 000 l’an dernier.

Étant donné le vieillissement rapide de la population et les pénuries de main‑d’œuvre grandissantes, l’une des tendances les plus positives observées est la disposition croissante des travailleurs plus âgés de rester actifs. Après le creux de 23,7 % affiché en 1996, le taux d’activité des personnes de 55 ans et plus a augmenté chaque année, atteignant 33,3 % en 2007. Initialement, cette augmentation était le fait principalement de personnes de 55 à 64 ans, dont le taux d’activité est passé de 47,1 % en 1996 à 60,1 % l’année dernière (un peu inférieur seulement au taux de 67 % pour les jeunes de 15 à 24 ans). Le taux de activité des personnes de 65 ans et plus, qui était de 6,0 % en 2000, a bondi à 8,9 % en 2007, incluant une hausse de 0,6 point l’an dernier.

Conclusion

L’économie canadienne a affiché plusieurs tendances divergentes l’année dernière. La demande intérieure s’est accélérée, tandis que la croissance en exportations s’est ralentie. En ce qui concerne les exportations, les livraisons aux États-Unis ont diminué, tandis que celles destinées aux marchés outre‑mer ont augmenté. Le secteur de la fabrication a été presque également divisé entre les forces en expansion et celles en régression. Les prix des produits de base se sont envolés, mais la production du secteur des ressources est restée stationnaire. Les consommateurs ont dû payer des prix plus élevés pour les services et l’essence, mais le coût des biens a baissé. Malgré les gains soutenus des investissements des entreprises, la productivité est restée moribonde.

L’essor des prix des produits de base, qui a entamé sa sixième année en 2008, était à l’origine d’un bon nombre de ces tendances divergentes ou même contradictoires. Les prix plus élevés des produits de base ont alimenté une montée du taux de change sans précédent depuis 2002, exerçant un effet à la baisse sur les prix des importations, tandis que la vigueur de l’économie intérieure a augmenté le coût des services. Malgré la faiblesse récente de la demande des États-Unis, les marchés d’exportation de nos ressources outre‑mer sont demeurés robustes. Les investissements des entreprises se sont intensifiés progressivement, mais souvent dans des actifs en ressources moins productifs, ce qui a entravé la croissance de la productivité.

Contrairement aux cycles antérieurs, l’essor des prix des produits de base amorcé il y a six ans ne semble pas être sur le point de s’essouffler au début de 2008. En fait, le contraire s’observe, avec les mois de janvier et février affichant une de leurs plus importantes hausses consécutives jamais enregistrées. L’énergie et les métaux, qui constituaient le principal moteur de cette augmentation, ont été remplacés par les céréales.

Grâce dans une large mesure aux revenus tirés des ressources, le Canada a pu défier la sagesse conventionnelle et surmonter plusieurs obstacles à une croissance soutenue. Ces difficultés comprenaient le ralentissement de l’économie américaine et le resserrement du crédit sur les marchés financiers mondiaux. Les problèmes à long terme de vieillissement de la population qui sont inter-reliés et la faible croissance de la productivité sont apparus de façon croissante en 2007. La récente stabilité économique du Canada en est d’autant plus remarquable. La tension dans le secteur financier aux États-Unis constituera une menace à cette stabilité en 2008. La capacité du Canada à diverger davantage de l’économie américaine va probablement dépendre du fait que les prix des produits de base demeureront ou non élevés ainsi que des mesures que prendra la Réserve fédérale pour remédier aux turbulences du système financier.

Études spéciales récemment parues


Notes

* Groupe de l’analyse de conjoncture (613-951-9162).
1

Financial Post, le 12 janvier 2007. Voir aussi « Les Canadiens sont pessimistes », La Presse, le 25 janvier 2007.

2

Calgary Herald, le 29 décembre 2006.

3

« Food prices spike fuels stagflation fears », National Post, le 21 mars 2007.

4

Tiré d’un sondage Ipsos-Reid réalisé par KPMG, le 1er février 2008.

5

Introduction à l’article de T. Courchene intitulé « Canada’s Floating Exchange Rate Needs Fixing ». Options politiques, février 2008, vol. 29, no 2, p. 25.

6

Exportation et développement Canada, par exemple, s’attendait à ce que le dollar recule pour s’établir à entre 82 cents et 84 cents (US) en 2007.

7

Même si le dollar canadien s’est apprécié de plus de 50 % par rapport au dollar américain depuis 2002, les variations annuelles ont été remarquablement régulières. Le cours annuel moyen du dollar canadien a augmenté de 7,7 cents US en 2003, qu’ont suivi des hausses de 5,5 cents, 5,7 cents, 5,6 cents et 4,9 cents. Ces variations annuelles correspondent plus étroitement aux perspectives à long terme du processus de planification pour de nombreuses entreprises (et administrations publiques) que les fluctuations à court terme qui retiennent surtout l’attention des médias.

8

Si la demande croissante d’éthanol a exercé une pression à la hausse sur les prix des cultures (sa part de la culture du maïs aux États-Unis a doublé pour atteindre 6 %), l’ajout d’une quantité croissante d’éthanol à l’essence aide également à expliquer pourquoi les prix à la pompe n’ont pas atteint des sommets records en même temps que le pétrole brut.

9

Pour des précisions sur ces événements, voir la Revue du système financier de la Banque du Canada, Banque du Canada, décembre 2007.

10

Pour en savoir plus sur le marché hypothécaire aux États-Unis, voir « Money for Nothing and Checks for Free: Recent Developments in U.S. Subprime Mortgage Markets » de J. Kiff et P. Mills, FMI WP/07/188. « Fostering Sustainable Homeownership » (le 14 mars 2008), une allocution de Ben Bernanke, président de la Réserve fédérale des États-Unis, constitue un résumé utile.

11

Pour un compte rendu de cet événement, voir R. Lowenstein, When genius failed: the rise and fall of Long-Term Capital Management. Random House, NY, 2000.

12

Toutefois, le FMI a signalé que la réaffectation sans heurts de la main‑d’œuvre en réponse à l’essor récent des prix des produits de base au Canada n’a pas empêché une « piètre performance au chapitre de la productivité », dans l’ensemble, en raison des rigidités du marché des produits. Voir R. Balakrishnan, Canadian Firm and Job Dynamics. Document de travail du FMI, février 2008, p. 22.

13

Pour en obtenir un résumé, voir « Does Stabilizing Inflation Contribute to Stabilizing Economic Activity? », une allocution de Frederic Mishkin, administrateur de la Réserve fédérale des États-Unis, le 25 février 2008.

14

T. Helbling et V. Blackman, « Commodity Price Moves and the Global Economic Slowdown ». IMF Survey Magazine, le 20 mars 2008.

15

« World had warmest winter on record », The Ottawa Citizen, le 16 mars 2007.

16

R. Macdonald, Les termes de l’échange et la dépense intérieure. Statistique Canada, no 11-624-MIF au catalogue, no 18. Les paiements d’intérêt nets à l’étranger ont augmenté en 2007, en partie parce que les investisseurs canadiens se sont débarrassés de plus de 50 milliards de dollars en effets de commerce américains après le resserrement du crédit survenu en août.

17

Pour en savoir davantage sur le débat à propos du prix des produits de base, voir « Analysts try to prick idea of a commodity bubble », Financial Times, le 11 mars 2008.

18

Voir par exemple R. Meredith, The Elephant and The Dragon. WW Norton, NY, 2007. Il faut remarquer que la demande de produits de base en Chine et en Inde est stimulée par les projets d’infrastructure dans ces pays et non pas par les exportations qui exigent beaucoup de main-d’œuvre.

19

Voir « Eyesight on Consolidation: Backpedaling on the cycle ». Ernst and Young, série Mining Eyesight, p. 3.

20

Les prix du GNL sont montés en flèche au Japon après un tremblement de terre en juillet qui a entraîné la fermeture d’une centrale nucléaire, augmentant la demande d’alimentation énergétique au gaz. Voir « Cleaner fuel is now a global commodity » dans Special Report on Gas Industry, Financial Times, le 10 mars 2008.

21

Voir un exemple de cette attitude dans Todd Hirsch « Alberta’s love-hate relationship with oil », Options politiques, Mars 2008.

22

Ernst and Young, op. cit. p. 9.

23

« L’effet de l’ère informatique s’observe partout, sauf dans les statistiques sur la productivité », Robert Solow, New York Review of Books, le 12 juillet 1987.

24

La tendance de la production et de l’emploi ne s’est pas améliorée non plus récemment : la production de ressources n’a enregistré que de maigres gains de 0,6 % et de 0,2 % au cours des deux dernières années, tandis que la croissance de l’emploi a stoppé en 2007.

25

En revanche, les secteurs de l’agriculture, de la pêche et de la foresterie ont été des modèles d’efficacité, augmentant leur production de 15 % depuis 2002 mais leur main‑d’œuvre, de 3,4 % seulement.

26

Les automobiles constituent probablement un cas exceptionnel. La baisse de l’investissement en 2008 reflète en partie l’achèvement de la construction d’une nouvelle usine, dont l’ouverture cet été devrait entraîner une augmentation considérable des livraisons d’automobiles.

27

Données tirées de l’Enquête sur les perspectives du monde des affaires (industries manufacturières).

28

L. Martel et coll., « Projections de la population active au Canada, 2006-2031 ». L’Observateur économique canadien, juin 2007.



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Date de modification : 2008-11-21 Avis importants
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