Statistique Canada - Statistics Canada
Sauter la barre de navigation principaleSauter la barre de navigation secondaireAccueilEnglishContactez-nousAideRecherche site webSite du Canada
Le quotidienLe Canada en statistiquesProfils des communautésNos produits et servicesAccueil
RecensementLe Canada en statistiquesProfils des communautésNos produits et servicesAutres liens

Avertissement Consulter la version la plus récente.

Information archivée dans le Web

L’information dont il est indiqué qu’elle est archivée est fournie à des fins de référence, de recherche ou de tenue de documents. Elle n’est pas assujettie aux normes Web du gouvernement du Canada et elle n’a pas été modifiée ou mise à jour depuis son archivage. Pour obtenir cette information dans un autre format, veuillez communiquer avec nous.

11-010-XIB
L'Observateur économique canadien
Août 2008

Étude spéciale

À la merci du baril? Le Canada et la hausse du coût de l’énergie

par P. Cross* et Z. Ghanem

 

Depuis 2002, les Canadiens font face à une incessante montée du prix de l’énergie. Celle‑ci s’explique par l’envolée du coût du pétrole brut. Son prix est en effet en hausse une septième année de suite, un sommet depuis la mise en production commerciale du pétrole brut en 1851.

Aspect plus important encore, la flambée persistante des cours énergétiques aurait atteint, selon certains observateurs, un « point de basculement » en venant changer radicalement le comportement d’une partie des consommateurs dans le monde. Ainsi, les constructeurs automobiles nord-américains signalent un délaissement structurel des achats de gros véhicules (plus particulièrement des VUS peu économes d’essence) depuis mai. Un certain nombre de gouvernements asiatiques ont diminué leurs subventions à la consommation de produits énergétiques après les ponctions opérées sur leur budget par la montée en flèche du prix du pétrole.

Nous allons examiner certains aspects des conséquences du renchérissement de l’énergie depuis 2002 sur le secteur des ménages et celui du commerce extérieur de l’économie canadienne (nous ne nous penchons pas sur les effets pour les investissements des entreprises ou pour les recettes des administrations publiques, ni sur d’autres questions comme les disparités régionales ou la croissance de la productivité). Nous regarderons d’abord l’effet du bond récent du prix de l’essence sur la place que tiennent globalement les prix de l’énergie et des transports dans le budget du ménage. Nous passerons ensuite en revue les données statistiques démontrant ou non une éventuelle évolution des comportements des consommateurs (notamment les automobilistes) sur le plan de l’achat de véhicules et des distances qu’ils parcourent. En conclusion, nous étudierons comment le commerce canadien a profité de la hausse des prix par une expansion du secteur de l’énergie déterminée par l’exploitation rapide qui se poursuit des sables bitumineux. Jusqu’ici en 2008, l’énergie est devenue la première exportation de notre pays en importance, bien que les importations continuent à alimenter de grandes régions.

Le pétrole domine au tableau des hausses des prix de l’énergie

Le prix de l’énergie est principalement à l’origine de l’essor des cours des produits de base qui a débuté vers la fin de 2002. Les métaux en 2005 et 2006 et les céréales en 2007 et 2008 ont aussi connu des augmentations rapides, mais le bond des cours énergétiques a constitué la source la plus vive et la plus constante de renchérissement des produits de base.

Le pétrole brut a mené la charge des prix dans le domaine de l’énergie. Son prix est passé en moyenne d’une valeur de 26 dollars américains le baril en 2002 à son récent sommet de 147 $. Le prix de l’essence a suivi, dépassant récemment les 1,30 $ le litre dans les provinces centrales et s’élevant un peu au‑dessus de son point précédent de culmination dans les premiers mois de 2007 (lorsqu’une perturbation de la production des raffineries ontariennes avait provoqué une flambée des prix).

Dans la dernière année seulement, le prix du pétrole brut a doublé. Les simulations au moyen du modèle de prix normalisé d’entrées-sorties (E‑S) indiquent que, en passant du simple au double, ce prix pourrait faire monter de 5,4 % l’indice des prix du total de la production canadienne1. Cette simulation se fonde cependant sur l’hypothèse que le comportement des producteurs et des consommateurs demeure inchangé malgré les fluctuations des prix relatifs; entre autres, les acheteurs d’hydrocarbures n’améliorent pas le rendement énergétique et ne passent pas à des sources d’énergie moins coûteuses, et les augmentations de coûts sont entièrement transférées dans la chaîne de consommation. L’effet le plus marqué est sur l’industrie minière même où les prix pourraient croître de 40 % (le gros de la production minière est exporté). D’autres majorations de prix supérieures à la moyenne ont lieu en fabrication (7,9 %), dans les transports (7,1 %) et dans les pêches (7,0 %), toutes dues en grande partie à une plus grande consommation de l’énergie. Pour la plupart des autres branches d’activité, les hausses sont de moins de 5 % et, pour les services en majeure partie, d’environ 1 % (avec pour exception digne de mention une hausse de 4,7 % des prix des voyages).

Dans le cas des consommateurs, un prix du pétrole qui double pourrait faire croître de 2,9 % l’indice des prix à la consommation, selon le même modèle de prix E‑S (dans le cas du PIB, le modèle ne tient pas compte des modifications des tendances à la consommation ni des changements technologiques). Le gros de l’effet se manifeste sur le prix de l’essence dans le secteur des transports. Un aspect intéressant est que le renchérissement des hydrocarbures a une incidence indirecte plus prononcée sur l’alimentation (surtout à cause de l’essence que consomment les agriculteurs et les camionneurs) que sur l’habitation, ce qui comprend l’effet direct sur le chauffage domestique (c’est en partie que la plupart des maisons sont chauffées à l’électricité ou au gaz naturel et que, dans ce cas, les prix à la consommation ont moins monté que dans le cas du mazout). Pour toutes les autres composantes, un prix du pétrole qui double pousse les prix en hausse d’un peu plus de 1 %.

Tableau 1 Impact d'un doublement des prix du pétrole brut sur les prix à la consommation

  pourcentage
   
Total 2,9
Transport 12,5
Aliments 2,4
Vêtements 1,6
Alcool et tabac 1,5
Loisirs 1,4
Santé et soins personnels 1,4
Dépenses du ménage 1,3
Logement 1,2
Source : modèle de prix entrées-sorties de 2007

Le prix de l’essence a subi une ample progression, mais celle‑ci aurait été presque doublée s’il n’y avait eu l’augmentation de la valeur du dollar canadien. Comme le marché nord-américain de l’essence est intégré, la montée de ce taux est venue amortir les hausses de prix à la consommation au Canada. De 2002 à mai 2008, le prix du gaz naturel s’est élevé de 84 % au Canada comparativement à un taux d’accroissement de 176 % aux États-Unis. Une grande explication de cet écart est la valorisation de 57 % du dollar canadien vis‑à‑vis du dollar américain. La différence du taux d’augmentation du prix de l’essence entre le Canada et les États-Unis représente une économie de près de 30 milliards de dollars pour les consommateurs canadiens, soit l’équivalent de 3,2 % du revenu personnel disponible.

Le prix du gaz naturel a récemment atteint un sommet de presque 14 $ le million de BTU. C’est un record sauf pour la flambée de ce prix causée par les ouragans à l’automne de 2006. Le prix du gaz naturel s’est toutefois révélé plus instable que le prix du pétrole (le prix du gaz naturel a chuté à moins de 10 $ en juillet), car le premier de ces produits sert principalement au chauffage et à la climatisation domestique et subit donc l’influence de la météo. L’essence des véhicules est le facteur déterminant de la consommation d’hydrocarbures et sa demande varie moins.

Figure 1

La demande d’essence s’est invariablement accrue

Malgré l’incessante montée du prix de l’essence depuis 2002, les automobilistes canadiens n’ont pas encore réduit leur consommation2. Dans l’ensemble, les ventes d’essence au détail ont augmenté de 7,2 % de 2002 à 2007, bien que la composante de l’essence de l’IPC ait fait un bond de 46 % pendant la même période3. La consommation s’est accrue chaque année avec pour seule exception une baisse de 0,4 % en 2006 (lorsque les dégâts causés par les ouragans ont perturbé l’offre et brièvement porté les prix à des niveaux records).

Fait intéressant, la consommation d’essence a le plus crû en valeur annuelle en 2007 malgré les effets accumulés d’années de renchérissement. Elle s’est élevée de 3,9 % l’an dernier en grande partie à cause d’une augmentation de 1,9 % du nombre de kilomètres parcourus et d’une diminution du rendement énergétique. Si les ventes d’essence mensuelles ont fléchi au début de 2008, c’est que les conditions de conduite ont été compromises par plusieurs tempêtes de neige. La demande au cours des cinq premiers mois de l’année a été de 0,5 % supérieure à ce qu’elle était à la même période l’an dernier. L’augmentation de la consommation d’essence au Canada est comparable à la diminution enregistrée aux États-Unis.

Figure 2

Par le passé, les automobilistes canadiens avaient démontré pouvoir fortement réduire leur consommation en situation de hausse des prix. En volume, les achats d’essence des consommateurs ont décru de 12,1 % de 1980 à 1984, période où les prix ont crû de 65 %. La consommation s’est également contractée de 5,1 % de 1989 à 1991 lorsque le taux de renchérissement de l’essence s’est établi à 12 %. Bien sûr, une grande différence pour ces deux périodes est que le revenu réel avait été enfoncé par des récessions. Depuis 2002, celui‑ci s’accroît constamment. On a notamment relevé un gain de  1,8 % au premier trimestre de 2008 car le marché du travail est demeuré ferme.

Figure 3

La progression stable de la consommation d’essence depuis 2002 s’explique à la fois par les plus grandes distances que franchissent les véhicules et par le nombre croissant de véhicules moins économes d’énergie sur les routes.

Les Canadiens ont fait faire 332 milliards de kilomètres à leurs véhicules l’an dernier – c’est 5,2 % de plus qu’en 2002 – et le nombre de véhicules utilisés s’est accru de 9,4 %4. Dans les cinq premiers mois de 2008, les ventes de véhicules neufs ont continué à un rythme record. Ajoutons que la part que détiennent les camions (véhicules multisegments, loisir-travail5 et minifourgonnettes) dans ces ventes a monté de 46 % en 2002 à 50 % au dernier trimestre de 2007. Depuis le début de 2008, elle est retombée à 46,2 %, ce qui pourrait indiquer que les automobilistes font leurs premiers gestes pour économiser l’énergie en réaction à la montée des prix. À l’inverse, la part des voitures particulières a atteint 53,8 % dans la première moitié de cette année après cinq ans de baisse. Elle se situe à son plus haut niveau depuis le premier trimestre de 2003 (où le prix de l’essence était relativement faible). Comme on dénombre déjà 20,3 millions de véhicules sur les routes, il faudra du temps pour nettement changer le tableau de l’efficacité énergétique du parc de véhicules automobiles compte tenu du niveau actuel de 1,7 million de véhicules neufs vendus chaque année.

Figure 4

Que l’on passe soudain cette année en Amérique du Nord à des véhicules de moindre taille et moins énergivores ne devrait pas nuire outre mesure à la production automobile au Canada. D’après une classification mise au point par Desrosiers Automotive Consultants6, la production canadienne suit de près la tendance récente des ventes d’automobiles en Amérique du Nord (les véhicules pour la famille ayant un peu gagné en importance relative et les « véhicules d’entrée » assemblés au pays ayant reculé d’autant en importance). La production automobile canadienne était encore moins riche en véhicules de cette seconde catégorie (y compris en voitures compactes) il y a une décennie, mais de nouvelles usines ouvertes par des producteurs asiatiques ont refermé l’écart.

La part de l’énergie dans les dépenses de consommation

On ne s’étonnera pas que la double hausse de la consommation et du prix de l’essence ait fait monter la partie de leurs dépenses que les consommateurs affectent à ce carburant. L’an dernier, les Canadiens y ont consacré 3,6 % de leur revenu disponible comparativement à 2,9 % seulement en 2002. Au premier trimestre de 2008, cette tranche des dépenses a remonté à 3,8 %; le sommet le plus récent avait été de 3,3 % en 1982 et 1983. Il reste que la majoration des dépenses en essence a été plus discrète que leur bond en 1980 et que les ménages ont eu le temps de s’adapter.

Figure 5

L’augmentation des dépenses en essence depuis 2002 a été inférieure à la diminution (de 6,2 % à 5,3 %) du revenu affecté aux dépenses d’achat d’automobiles. Celles‑ci tiennent entièrement à des baisses de prix, puisque les Canadiens ont multiplié leurs achats de véhicules depuis six ans. De plus, le revenu disponible s’est accru en valeur nominale de 35 % entre 2002 et le premier trimestre de 2008, surtout parce que la progression de l’emploi a affermi le marché du travail.

Par ailleurs, la part globale de l’énergie dans le budget du consommateur a été stable (à 6,7 %) ces trois dernières années, ce que l’on doit à une diminution des tarifs de l’électricité (qui, en mars, le cédaient de 0,7 % à leur valeur d’il y a un an, en majeure partie à cause d’une contraction en Ontario). Quant au prix du gaz naturel, il n’a augmenté que de 32 % de 2002 à aujourd’hui en 2008, alors que le prix du mazout de chauffage domestique faisait un bond de 123 %. En raison surtout du renchérissement de l’essence et compte tenu du prix de l’électricité, la consommation d’énergie a été portée, en proportion du revenu disponible, de 5,8 % en 2002 à 6,7 % en 2005 avant de plafonner. L’hiver doux et l’été frais que nous avons connus jusqu’à présent en 2008 ont accordé un répit aux dépenses globales des ménages au chapitre de l’énergie.

Figure 6

L’utilisation des transports en commun croît lentement

Depuis 2002, les Canadiens n’ont que peu changé leurs habitudes de conduite, et c’est ce dont témoigne leur utilisation des transports en commun. Depuis lors, la demande pour le transport en commun a à peine suivi la croissance démographique. De 2002 au premier trimestre de 2008, le PIB des réseaux de transport en commun a augmenté de 10,1 %, alors que la population de plus de 15 ans s’accroissait de 8,1 %7.

Figure 7

Si la demande qui s’attache aux transports en commun a crû lentement (malgré l’envol du prix de l’essence), c’est en partie que la population augmente plus rapidement en région rurale. Depuis que les cours des produits de base ont entamé leur essor en 2002, la croissance démographique a été de 11,3 % en région rurale et de 8,5 % en région urbaine. Comme il n’y a pas de réseaux de transport en commun dans les zones rurales, cette évolution a aussi fait monter le nombre de véhicules sur les routes et les distances parcourues. Bien sûr, le revenu supérieur apporté par le boom des produits de base a donné à bien des habitants des régions rurales les moyens d’acquitter une facture de l’essence plus salée.

Le tableau régional des ventes de véhicules neufs accrédite la thèse que les prix des produits de base ont nourri la croissance de la demande de véhicules (et donc de la consommation d’essence). Depuis 2002, les ventes de véhicules se sont surtout caractérisées par des gains dans l’Ouest canadien, plus particulièrement en Alberta et en Saskatchewan, de même qu’à Terre-Neuve‑et-Labrador. La progression constatée dans ces provinces riches en ressources a eu pour moteur les camions plutôt que les voitures, lesquelles ne représentent qu’un peu plus du tiers (35,6 %) des véhicules neufs dans ces trois provinces. En revanche, les ventes sont en baisse depuis 2002 dans les provinces centrales où les voitures l’emportent sur les camions (proportions respectives de 56 % et 44 %).

Les importations fournissent près de la moitié du pétrole brut consommé au Canada

Au vu de leurs vastes réserves énergétiques, les Canadiens se croient autosuffisants en énergie, mais les importations canadiennes de produits énergétiques se sont montées à 40 milliards de dollars l’an dernier et approchent des 50 milliards de dollars jusqu’à présent en 2008. D’après les tableaux d’entrées-sorties, notre pays importe 19,8 % de l’énergie qu’il consomme8. Il est plus efficace que le commerce de l’énergie au Canada circule du nord au sud que d’est en ouest. Par conséquent, les approvisionnements dans l’est du Canada sont souvent importés, en particulier pour ce qui est du charbon et du pétrole brut. Les importations apportent les deux tiers du charbon, à destination surtout des centrales ontariennes. Le pétrole brut consommé au Canada est importé presque pour moitié (46,5 %). La plupart des mouvements de ce produit à l’importation s’expliquent par le découpage régional du marché national de l’essence. Il en coûte moins cher aux entreprises de l’est du pays d’importer leur pétrole brut de l’Algérie et de la mer du Nord que de l’Alberta9.

Le Canada compte 19 raffineries capables de fabriquer de l’essence et qui sont en mesure de produire plus de 2 millions de barils par jour (une nouvelle raffinerie en est au stade de la planification). Les raffineries du Québec et des provinces de l’Atlantique importent le plus clair de leur pétrole brut et une partie de l’offre intérieure vient de l’exploitation extracôtière à Terre-Neuve-et-Labrador10. La région de l’Atlantique exporte son pétrole raffiné principalement aux États-Unis et le Québec expédie le sien dans les provinces centrales. La capacité de raffinage a rapidement augmenté au Québec depuis 2002 après plusieurs investissements de taille11. Par ailleurs, l’Ontario importe de plus en plus son essence du Québec, sa capacité de raffinage n’étant pas restée à la hauteur de la demande (en fait, une raffinerie a fermé ses portes en 2005). Enfin, les raffineries de l’Ouest canadien transforment le pétrole brut local.

Les importations de la plupart des autres produits énergétiques sont relativement modestes. Il n’y a que 15 % du gaz naturel qui soit importé et 3 % de l’électricité (les importations de gaz pourraient s’accroître avec l’inauguration plus tard cette année d’un nouveau terminal de gaz naturel liquéfié au Nouveau-Brunswick). Le brut importé tient une grande place dans le raffinage des hydrocarbures en essence; le Canada importe seulement 6 % de son essence directement à l’état raffiné. Les importations d’essence doublent presque pendant l’été où la montée saisonnière de la conduite automobile excède la capacité nationale de raffinage, obligeant à importer d’Europe. La Colombie-Britannique n’a pas de grandes raffineries et va chercher son essence en Oregon aussi bien qu’en Alberta. Une dernière curiosité est que les raffineries de Terre-Neuve‑et-Labrador expédient la majeure partie de leur production à l’étranger, puisque cette province est contractuellement tenue de ne pas l’écouler dans le reste du pays; précisons que Terre-Neuve‑et-Labrador s’approvisionne en essence dans les autres provinces (surtout au Nouveau-Brunswick)12. Les importations ont eu une plus grande importance relative dans certains marchés spécialisés comme celui des carburants d’aviation.

Malgré ces importations, notre pays dégage un excédent considérable dans ses échanges de produits énergétiques avec l’extérieur. Les cinq premiers mois de 2008, cet excédent s’est établi à 76 milliards de dollars aux taux annuels, car les exportations dépassaient presque du tiers leur valeur d’il y a un an. En comparaison, les excédents aux comptes des biens industriels et des produits forestiers étaient d’un peu plus de 20 milliards de dollars dans chaque cas.

L’énergie est devenue notre principal produit d’exportation au début de 2008

Le renchérissement de l’énergie a foncièrement modifié le tableau des exportations canadiennes. En 2004 encore, l’énergie était le quatrième produit exporté en importance, et ce, derrière les machines et le matériel, les automobiles et les produits industriels. En troisième place ces deux dernières années (après avoir devancé les automobiles), elle est devenue la principale source de revenu à l’exportation depuis le début de 2008. Les exportations énergétiques ont presque doublé de 2002 à 2007, passant de 49 à 92 milliards de dollars. Au cours des cinq premiers mois de 2008, elles se situaient à un niveau annuel de 125 milliards de dollars. Si on regarde le passé, elles se montaient à 1 milliard de dollars seulement en 1971 et, encore en 1990, n’atteignaient pas les 14 milliards de dollars.

Figure 8

Le Canada a exporté 38,3 % de toute l’énergie qu’il a produite en 2007 (d’après les tableaux d’entrées-sorties)13. Une proportion approximative de 60 % de tout ce que produit le pays en pétrole brut, en gaz naturel et en charbon va à l’exportation. La plupart des exportations houillères consistent en charbon métallurgique que destine la Colombie-Britannique à la sidérurgie asiatique (l’Ontario importe son charbon thermique de la Pennsylvanie et de la Virginie-Occidentale pour la production d’électricité)14. L’électricité est le seul grand secteur énergétique qui ne dépende pas outre mesure des exportations, celles‑ci ne représentant que 6 % de sa production.

Figure 9

Comme les prix et la production ont monté, l’énergie a fait un bond en proportion de la masse des exportations, passant de 7 % en 1971 à 12 % en 2002 et à 26,2 % depuis le début de 2008. Le pétrole brut prédomine dans les exportations canadiennes d’énergie avec presque la moitié (49 %) du total depuis le début de l’année. Le pétrole raffiné ajoute 17 %.

Notre pays exporte du pétrole raffiné, parce que les États-Unis n’ont pas une capacité de raffinage qui suffit à sa demande. Il faut aussi dire que le vieillissement des établissements américains y a fait constamment baisser les taux de fonctionnement, car il faut prévoir plus de temps pour les travaux de réparation et d’entretien.

Le gaz naturel a été le premier produit énergétique en importance à l’exportation de 2003 à 2005, mais le fléchissement du cours l’a fait reculer. Son prix se redresse aujourd’hui et ce produit de base reprend sa place en 2008. D’autres produits énergétiques ont connu une croissance rapide depuis 2002, notamment le charbon et l’uranium dont la part des exportations a plus que doublé, tout en restant modeste à moins de 6 %.

Les exportations d’énergie seront stimulées une fois encore lorsque deux grands gisements bitumineux entreront en exploitation plus tard cet été, ce qui ajoutera près de 200 000 barils par jour à la production pétrolière canadienne (qui vaut déjà près de 6 milliards de dollars aux taux annuels et en prix courants). Dans la dernière décennie seulement, la part que détient le pétrole des sables pétrolifères est passée du quart à presque la moitié. Ces nouveaux gisements porteront la part de la production bitumineuse à plus de 50 %. Ces gains au chapitre des exportations d’énergie ont fait plus que compenser le recul constaté dans des secteurs plus traditionnels comme les industries de l’automobile et des produits forestiers.

Conclusion

Le bond récent des cours de l’énergie et du pétrole en particulier a eu une grande diversité d’effets sur différents secteurs de l’économie. Les automobilistes ont vu les prix à la pompe augmenter considérablement. La forte baisse des prix des véhicules a cependant aidé à amortir le coût global des transports. C’est ce dont témoignent les ventes records de véhicules depuis le début de l’année.

La présente étude soulève des questions concernant la rapidité à laquelle les gens réagissent aux fluctuations du prix de l’énergie. Tandis que, finalement, les ventes de camions ont tôt diminué, la consommation réelle d’essence et l’utilisation du transport en commun n’ont pas connu de changements rapides, reflétant le temps qu’il faudra pour apporter du changement aux comportements ainsi qu’au rendement énergétique de la flotte automobile. De plus, il s’agit aussi du reflet partiel de la façon dont les exportations et les revenus profitent de la montée des prix du pétrole et du gaz. Nos livraisons énergétiques ont quadruplé depuis dix ans pour occuper la première place à l’exportation depuis le début de l’année. Alternativement, l’élévation du revenu tiré des exportations a contribué à la valorisation récente du dollar canadien avec un effet d’amortissement sur les répercussions du renchérissement du pétrole brut sur le marché mondial.

Études spéciales récemment parues


Notes

* Analyse de conjoncture (613-951-9162).
1

Le modèle semble bien rendre compte de ce qui se passe dans l’économie. De 2004 à 2007, il a prédit que le renchérissement du pétrole brut ferait monter le prix à la consommation de l’essence de 22 % en moyenne annuelle, alors que la composante de l’essence de l’IPC devait en réalité monter de 19 % par an pendant cette période.

2

La source des données sur la consommation au détail d’essence est l’approvisionnement en produits pétroliers et leur aliénation (matrice Cansim 134-0004). Il serait inexact de mesurer la consommation d’essence à partir des ventes au détail des stations-service parce que ces ventes incluent d’autres articles (tels la nourriture et le tabac) et que les ventes d’essence d’autres détaillants comme les magasins de marchandises diverses ne sont pas incluses.

3

La hausse devient de 76 % au deuxième trimestre de 2008.

4

Les données sur le nombre total de véhicules sur les routes et le kilométrage viennent de l’Enquête trimestrielle sur les véhicules au Canada.

5

Les véhicules multisegments sont assemblés sur un châssis d’automobile, tandis que les véhicules loisir-travail sont assemblés sur un châssis de camion.

6

Les catégories employées sont les « véhicules d’entrée », les gros véhicules, dont les modèles de luxe et les VUS, les véhicules pour la famille et les camionnettes et fourgonnettes.

7

Les données sur la population proviennent de l’Enquête sur la population active qui ne vise que les personnes âgées de plus de 15 ans, ce qui correspond approximativement à l’âge auquel les personnes peuvent commencer à conduire dans chaque province.

8

Les données sur les importations visent 2007. La consommation totale au pays représente la somme des dépenses personnelles en énergie (données disponibles pour 2007) et des achats par les entreprises qui sont projetés à partir des tableaux d’E-S de 2004 en fonction de la croissance de la production par branche d’activité en supposant qu’il n’y a eu aucun changement sur le plan de l’intensité énergétique.

9

Voir Claude Picher, « Commerce : vers la catastrophe », La Presse, 28 juin 2008. De plus, la plupart des raffineries de l’est du pays sont conçues pour la transformation de catégories supérieures de pétrole brut, alors que celles de l’ouest traitent de plus en plus du pétrole plus lourd. Le Conference Board du Canada donne un aperçu de la question dans « Les 15 derniers pieds à la pompe : L’industrie de l’essence au Canada en 2000 ».

10

Cela s’explique en partie par le coût élevé du transport maritime des hydrocarbures vers le Canada, car la réglementation exige que ce transport se fasse uniquement par des navires battant pavillon canadien.

11

Voir « Flambée d’investissements pétroliers », M. Gagnon, p. 18, dans la revue Constructo, mars 2007.

12

« Les carburants de l’économie », p. 4, L’emploi et le revenu en perspective, été 2007.

13

Les données sur les exportations et la production d’énergie en 2007 sont intégrées aux tableaux d’E-S pour 2004 et extrapolées à la croissance de la production industrielle en supposant qu’il n’y a pas eu de changement technologique.

14

« High-flying coal stocks take major tumble », The Globe and Mail, 3 juillet 2008.



Page d'accueil | Recherche | Contactez-nous | English Haut de la page
Date de modification : 2008-11-21 Avis importants
Contenu Tableaux Graphiques Conditions économiques actuelles Événements économiques Étude spéciale Informations aux utilisateurs Version PDF