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Section 2 : Étude spéciale

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Les variations mensuelles dans l’économie deviennent-elles plus instables?

par Philip Cross 1 

Au cours de l’été 2008, les analystes ont été étonnés par les variations mensuelles du PIB et de l’emploi. En particulier, le PIB réel a bondi de 0,7 % en juillet, alors que le consensus prévoyait une croissance de 0,2 % seulement. La hausse record de 107 000 emplois en septembre a surpris les prévisionnistes qui s’attendaient à une augmentation de 10 000. Cette hausse marquée a par la suite été suivie d’une chute de 71 000 emplois en novembre. Comme l’a dit un analyste au sujet du recul de l’emploi observé en novembre, « la situation de l’emploi, de nouveau, évolue contre toute attente » 2 . Un journaliste a souligné que ce rapport « n’a été qu’un dernier parmi tant d’autres dans une série de chiffres sur l’emploi mensuels qui se sont foutu de la gueule des meilleurs économistes au pays » [traduction] 3 .

La divergence observée l’été dernier entre les attentes et les résultats, dans le cas de certaines données mensuelles, pourrait ne pas être un événement isolé. Elle pourrait refléter des déplacements structurels dans l’économie canadienne vers des industries dont la production mensuelle est foncièrement plus instable. Ces industries comprennent le secteur primaire, les services publics et la construction, qui sont tous des secteurs extrêmement instables parce qu’une bonne partie du travail est exécutée à l’extérieur, qu’ils sont plus susceptibles aux contretemps ou requièrent plus d’entretien que dans le cas de la plupart des services. Par exemple, le secteur énergétique a été à la tête de l’essor de la production en juillet, quand les perturbations de l’approvisionnement ont été résolues, tandis que le secteur agricole a été à l’origine d’une augmentation du nombre d’heures travaillées en septembre.

L’instabilité de certains mouvements mensuels récents dans l’économie est d’autant plus étonnante étant donné la stabilité de la croissance annuelle depuis 2002. De 2003 à 2007, le PIB réel a augmenté de 3,1 %, 2,9 %, 3,1 % et 2,7 %. Il s’agit de la période de quatre ans la plus durable enregistrée depuis 1961. Les heures travaillées ont affiché une stabilité similaire au cours de cette période.

Étant donné la plus grande stabilité de la macroéconomie sur une base annuelle (avant les perturbations survenues en 2008), cet article cherche d’abord à déterminer si les variations mensuelles deviennent plus ou moins fortes. Il examine ensuite la question de savoir si l’économie se déplace vers des industries qui sont plus instables sur une base mensuelle et si les remous dans ces industries se sont accentués au fil du temps. Pour terminer, il examine la variabilité d’autres données, notamment celles sur l’emploi, les mises en chantier et les ventes des industries manufacturières.

PIB

Une comparaison de l’écart-type de la croissance mensuelle du PIB réel avant et après 2002 ne révèle aucun changement dans l’instabilité, malgré un profil de croissance annuelle stable suivant 2002 4 . Une petite diminution de l’instabilité dans le secteur des biens a été compensée par une légère augmentation dans le cas des services, bien que ces derniers continuent d’afficher beaucoup moins d’irrégularité que les biens. On a enregistré d’importantes hausses dans l’instabilité en raison de perturbations spécifiques dans l’économie mondiale avant et après 2002, notamment la crise asiatique de 1998, les attaques du 9/11 de 2001, l’éruption du SRAS et la panne d’électricité en Ontario de 2003, ainsi que la crise du crédit mondiale de 2008 (figure 1).

Graphique 2.1

En plus de ces évènements particuliers, l’essor dans les secteurs des ressources naturelles et de la construction qui s’est amorcé en 2003 a renversé la tendance à la baisse à long terme de leur importance dans le PIB. De 1981 à 2002, le PIB en dollars constants dans le secteur de la construction et les industries primaires a augmenté de 39,4 %, à la traîne de la production totale qui a crû de 77,2 % au cours de la même période. De 2002 à 2007, toutefois, cette tendance s’est inversée, les secteurs des ressources et de la construction affichant une augmentation de 16,6 % de leur production par rapport à 13,9 % pour le reste du PIB.

La plus forte variabilité de la production des secteurs des ressources et de la construction laisse supposer que la baisse relative de leur part de l’économie a aidé à stabiliser le PIB global de 1981 à 2002. Depuis, leur croissance plus rapide a eu pour effet d’accroître l’instabilité du PIB total. Cette hausse de variabilité a été atténuée par une plus faible instabilité dans le secteur de la construction.

L’écart-type de la croissance du PIB mensuel est demeuré au-dessus de la moyenne dans toutes les industries primaires ainsi que dans le secteur de la construction. Comparativement à un écart-type d’à peine 0,34 pour la croissance du PIB total de janvier 2003 à août 2008, les écarts-types allaient de 0,42 pour la construction à 4,22 pour les minéraux non métalliques. Les minerais métalliques, le pétrole et le gaz ainsi que les secteurs de l’agriculture et de la pêche ont également connu une instabilité accrue, les écarts-types dépassant 1,0.

Chose intéressante, l’instabilité de la plupart des industries primaires a peu varié au fil du temps. La seule exception est celle des minéraux non métalliques, dont la variabilité mensuelle a augmenté à la faveur de la croissance rapide des activités d’exploitation minière du diamant, étant donné l’inégalité des concentrations de minerais dans les mines. Inversement, le secteur de la construction a connu une baisse d’instabilité par rapport à la décennie précédente, attribuable à l’absence d’un cycle d’expansion et de ralentissement depuis 2002 et à un plus petit nombre de grèves. Les ventes de maisons ont augmenté chaque année de 2002 à 2007, tandis que le temps perdu en raison de conflits du travail a diminué de moitié entre les années 1990 et les années 2000.

Une partie de la variabilité constante du PIB mensuel est attribuable aux fluctuations saisonnières dans l’économie canadienne qui sont devenues plus prononcées au cours des dernières années. En 2002, les facteurs saisonniers influant sur le PIB mensuel se sont situés dans une fourchette allant de 94,5 (en janvier) à 105,1 (en septembre), avec un écart-type de 0,030. En 2007, les facteurs saisonniers allaient de 94,3 à 106,5, avec un écart-type de 0,0322. Cette augmentation reflète peut-être le poids croissant des industries saisonnières comme celles des ressources et de la construction ainsi que la saisonnalité plus prononcée dans d’autres secteurs (par exemple, les plus fortes dépenses à Noël, jusqu’à ce que la prolifération des cartes-cadeaux après 2006 reporte les ventes à la nouvelle année).

Une façon pour les analystes de minimiser l’impact des données mensuelles volatiles consiste à les examiner dans un contexte à plus long terme. La plupart des importantes variations mensuelles de la production sont attribuables à des perturbations de l’offre à court terme qui généralement ont tôt fait d’être résolues. Le meilleur exemple est celui de la panne d’électricité survenue en Ontario en août 2003, qui a entraîné une diminution du PIB de 0,9 % suivie cependant d’une augmentation de 1,3 % en septembre. D’autres exemples notables comprennent la tempête de verglas en janvier 1998 et le réoutillage en vue de la production automobile en décembre 2007.

Faire simplement la moyenne de la croissance sur deux mois, par exemple, fait baisser d’environ du tiers l’écart-type de la croissance du PIB, qui passe de 0,34 à 0,23 après 2002 5 . Cela tient à ce que la plupart des grands mouvements mensuels sont souvent renversés le mois suivant : par exemple, la hausse de 0,7 % en juillet 2008 a été suivie d’une baisse de 0,5 % en août.

L’écart-type du taux de croissance sur 12 mois du PIB réel est encore plus lisse, ayant diminué (contrairement à l’instabilité mensuelle) pour passer de 1,76 avant 2002 à 0,84 après 6 . En outre, l’écart de croissance d’une année à l’autre est petit comparativement à 0,34 pour les variations mensuelles, malgré les valeurs beaucoup plus élevées observées pour la croissance annuelle (où des hausses de 3 % ou plus sont courantes, tandis que les variations mensuelles de 0,5 % ou plus sont rares).

Emploi

Même si les variations mensuelles de la production demeurent aussi instables qu’au cours de la décennie précédente, la croissance mensuelle de l’emploi est devenue légèrement plus stable. L’écart-type de la croissance mensuelle de l’emploi selon l’EPA est passé de 0,20 entre 1992 et 2002 à 0,17 après 2002. 7 

La diminution de l’instabilité des variations mensuelles de l’emploi était plus prononcée dans le secteur primaire, où l’écart-type est passé de 0,76 à 0,65 après 2002. Cette diminution est attribuable dans une large mesure au déplacement du secteur agricole vers d’autres industries primaires au cours de cette période, car l’instabilité dans chacun de ces sous-secteurs est demeurée essentiellement inchangée au fil du temps. Le déplacement des emplois principaux du secteur agricole vers d’autres industries primaires, particulièrement l’industrie pétrolière et gazière, était attribuable principalement à l’exploitation minière.

La diminution de l’instabilité des emplois tandis que celle de la production est demeurée inchangée a coïncidé avec une pénurie prononcée de main-d’oeuvre après 2002, particulièrement dans le secteur minier. Ces pénuries ont peut-être incité les employeurs à garder leurs travailleurs malgré la fluctuation de la production à court terme plutôt que de courir le risque de les perdre au profit d’autres entreprises après une mise à pied. Ainsi, il se peut que la stabilité accrue de l’emploi soit éphémère alors que l’économie ralentit, comme le montre la forte diminution des emplois en novembre et en décembre 2008.

Mises en chantier

Le secteur de l’habitation a toujours été l’un des secteurs les plus instables de l’économie, en raison de sa sensibilité aux cycles économiques en général ainsi qu’aux fluctuations météorologiques.

Depuis 2003, un déplacement marqué s’observe dans le secteur de l’habitation, des maisons unifamiliales vers les immeubles à logements multiples (particulièrement les condominiums et les maisons de retraite). Il y a dix ans, les maisons unifamiliales représentaient 60 % des logements mis en chantier au Canada et leur proportion s’élevait toujours à 57 % en 2002. En 2008, toutefois, leur part a diminué progressivement et elles représentent 40 % à l’heure actuelle. Cette diminution témoigne d’un petit recul des mises en chantier d’habitations neuves et d’une forte augmentation des mises en chantier d’immeubles à logements multiples.

Le déplacement vers les immeubles à logements multiples en soi accroît l’instabilité de la construction de logements. Après 2002, l’écart-type de la croissance mensuelle des immeubles à logements multiples s’est établi à 27,8, soit le triple de celui de 9,0 pour les maisons unifamiliales. Ce déplacement vers un secteur plus instable, toutefois, a été plus que contrebalancé par une diminution de moitié de la variabilité des maisons unifamiliales. Cette situation s’explique par la vigueur soutenue du marché de l’habitation au Canada après 2002, ainsi que par des hivers moins rigoureux dans certaines parties du pays (du moins jusqu’en 2007). La plus grande stabilité des mises en chantier de maisons unifamiliales comparé aux immeubles à logements multiples avant et après 2002 tient, entre autres choses, à ce que l’achat précède généralement la mise en chantier, tandis que le marché des condominiums a une plus forte composante spéculative. En outre, les immeubles plus élevés sont assujettis à des règles de sécurité plus strictes lorsque les vents sont forts, ce qui entraîne un plus grand nombre de fermetures.

Fabrication

L’instabilité mensuelle des ventes nominales dans le secteur de la fabrication a peu évolué depuis 1992, malgré les déplacements structurels attribuables à la hausse des coûts des intrants et à la montée en flèche du dollar après 2002. L’écart-type de la croissance des livraisons mensuelles s’est maintenu autour de 2,0 pour les périodes avant et après 2002.

La stabilité globale du secteur de la fabrication est attribuable à des changements structurels compensatoires. Depuis 2002, la croissance des ventes des industries manufacturières a été alimentée par l’aérospatiale, les métaux de première transformation et le pétrole raffiné. L’instabilité de ces industries est supérieure à la moyenne pour le secteur de la fabrication; on observe un écart-type de 25,1 pour l’aérospatiale et de 3,0 pour les métaux et le pétrole. En outre, leur instabilité a augmenté après 2002, partiellement en raison du rôle de plus en plus important des fluctuations des prix dans les mouvements mensuels.

Toutefois, même si l’activité manufacturière s’est déplacée vers certaines industries dont l’instabilité est supérieure à la moyenne, cette évolution a été contrebalancée par l’importance décroissante d’autres industries dont l’instabilité est également supérieure à la moyenne. Cela est vrai particulièrement des secteurs de l’automobile et du vêtement ainsi que des industries connexes. Entre-temps, les fabricants dans les secteurs des biens de consommation et des biens d’équipement, les secteurs les moins instables, ont vu leur importance croître dans l’ensemble du secteur de la fabrication.

Conclusion

L’auteur du présent document en est arrivé à la conclusion que les variations mensuelles de la production ne se sont pas stabilisées depuis 2003, malgré les taux de croissance annuels les plus stables observés depuis 1961. Alors que les variations cycliques dans l’économie sont devenues moins fortes de 2002 à 2007, une combinaison de changements structurels a maintenu l’instabilité des variations mensuelles et a augmenté le caractère saisonnier de notre économie.

La variabilité de la production mensuelle a des répercussions sur la façon dont les économistes font leurs analyses et la façon dont les médias en font rapport. Il semble bien qu’il y ait lieu de situer les variations mensuelles dans le contexte des tendances récentes. Il suffit de faire la moyenne de la croissance sur deux mois pour faire baisser du tiers l’instabilité de la croissance.

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