Section 3 : Étude spéciale

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Différentes mesures de l'activité économique : quantités physiques, dollars courants et volume

par D. Wyman 1 

Vue d'ensemble

La plupart des indicateurs de l'activité économique sont des quantités physiques, des dollars courants ou des mesures de volume 2 . De ces trois catégories, les données sur les quantités physiques sont les plus courantes et les plus faciles à comprendre, qu'il s'agisse, par exemple, du nombre de véhicules vendus, de boisseaux de blé récoltés ou de barils de pétrole exportés 3 . Les mesures de quantités permettent de savoir sur-le-champ si la demande ou la production d'un groupe particulier de produits évolue ou non. Ces mesures sont produites sur une grande échelle puisqu'elles reposent sur de simples comptes qui n'exigent que des ressources limitées et qu'elles sont disponibles très rapidement. Elles s'appliquent mieux à des produits relativement homogènes, car le total des quantités est calculé en supposant que les produits qui le constituent présentent une qualité similaire.

Les indicateurs en dollars courants mesurent la valeur d'une activité économique. En utilisant le dollar comme unité de mesure commune, on peut agréger les valeurs de produits hétérogènes, ce qui représente un avantage par rapport aux données sur les quantités physiques. Qui plus est, un agrégat en dollars courants constitue une amélioration par rapport aux données sur les quantités en tenant compte des différentes valeurs des divers produits d'un groupe, par exemple, le choix d'une qualité différente de boeuf ou d'une marque de vêtement. Dans les données sur les quantités physiques, chaque tranche de bifteck ou chaque chemise représente une unité. Dans les données en dollars courants, la variation de la valeur respective de chaque produit se reflète dans le prix différent de chaque article. Les grands magasins recueillent des données, par exemple, de leurs ventes totales d'une vaste gamme de produits. Les agences statistiques font la même chose lorsqu'elles combinent la valeur des biens et services vendus par tous les magasins de détail afin de calculer les ventes au détail totales.

À de nombreux égards, les mesures en volume ressemblent à leurs homologues en dollars courants, tenant compte de la diversité à la fois au sein d'un groupe de produits et entre différents groupes. Toutefois, l'influence des prix est séparée des données en dollars courants dans le but d'isoler une mesure de la variation des volumes. De nature conceptuelle plus complexe et plus difficiles à calculer, les données en volume incluent l'effet des changements dans la « quantité, la qualité et la structure 4  » dans l'économie et ont été, dans une large mesure, développées à l'intérieur des agences statistiques.

Chacun de ces indicateurs a sa place; leur utilisation dépend de l'objectif de l'analyse étant donné qu'aucun ne peut à lui seul convenir à tous les cas. De fait, comme cette étude le révélera, il est souvent éclairant de comparer des tendances à l'aide de mesures différentes, pourvu que l'analyste connaisse leurs forces et leurs faiblesses. Par exemple, une mesure de quantité comme le nombre de véhicules vendus sera un bon point de départ pour savoir si la demande globale d'automobiles a varié de façon importante. Toutefois, le nombre de véhicules vendus ne renseigne pas sur toute la diversité des nombreux modèles et des non moins nombreuses caractéristiques de l'industrie de l'automobile. Pour cette raison, les statisticiens recourront aux mesures en dollars courants et en volume des ventes d'automobiles pour exprimer cette diversité et la fluctuation des ventes d'automobiles au fil du temps. Voyons une analogie. Bien que le nombre de barils de pétrole brut soit suffisant pour faire état de la fluctuation de la production globale, les variations dans l'extraction de pétrole lourd des sables bitumineux et de pétrole léger classique ne pourront être connues que par les mesures de la production de pétrole brut en dollars courants et en volume.

Il sera examiné dans le présent article l'utilisation ainsi que les limitations des mesures de quantités physiques et des mesures en dollars courants et en volume. Des exemples illustreront à quel moment ces mesures sont complémentaires et quand une sera préférable aux autres.

Les données sur les quantités physiques

Les données sur les quantités physiques sont souvent citées dans les revues d'affaires. Le nombre de maisons vendues, d'automobiles produites et de boisseaux de céréales récoltés sont trois exemples courants.

Par rapport aux deux autres mesures, les données sur les quantités se démarquent principalement par leur méthode de production simple et rapide 5 . En effet, si la compilation et la diffusion des données en dollars courants et en volume exigent souvent plusieurs semaines, les données sur les quantités peuvent être rapidement réunies après le mois de référence, en aussi peu que deux jours dans le cas des ventes unitaires d'automobiles, ou deux semaines dans le cas des mises en chantier d'habitations 6 . Les comptes peuvent être calculés par une association d'entreprises qui communiquent leurs propres données, ou par des analystes qui compilent des données disponibles au public.

Les données sur les quantités sont faciles à utiliser. Dans un groupe de produits comme les mises en chantier d'habitations, elles peuvent être réparties selon diverses catégories : maisons individuelles, maisons jumelées, maisons en rangée et logements en co-propriété par province; on peut ensuite faire la somme des valeurs de ces composantes, une caractéristique qu'on appelle additivité. De plus, on peut procéder à une analyse de la composition, par exemple, calculer la part des camions et des automobiles dans la variation du nombre total de véhicules automobiles vendus, ou la part des automobiles ou camions dans les ventes totales de véhicules.

Les mesures de quantités physiques sont des plus utiles lorsque les produits observés sont très similaires. Le tonnage de charbon exporté du Canada en est un bon exemple. Il y a deux types de charbon produit au Canada : le charbon thermique, qui sert à produire de l'électricité, et le charbon métallurgique, qui « peut être transformé en coke, lequel sert à alimenter, avec le minerai de fer, les hauts-fourneaux où sont produits le fer et l'acier 7  ». Les entreprises canadiennes exportent presque exclusivement du charbon métallurgique (à l'inverse, les importations sont constituées presque uniquement de charbon thermique). Étant donné que le charbon exporté est un produit relativement homogène, les données sur les quantités présentent par elles-mêmes aux analystes une bonne image de la demande et, de concert avec leurs prix, des recettes tirées des exportations de charbon.

À mesure que l'homogénéité du groupe de produits faisant l'objet d'observations diminue, la clarté du message véhiculé par les données sur les quantités s'estompe. Par exemple, lorsqu'on examine la production totale de charbon au Canada, qui comprend à la fois le charbon thermique et le charbon métallurgique, on ne sait trop si une augmentation ou une diminution du tonnage est liée à une fluctuation de la demande d'électricité ou d'acier.

De même, bien que le nombre de véhicules vendus puisse indiquer sommairement l'état de l'industrie de l'automobile, on constate de grands écarts dans les prix des voitures compactes et de luxe. Le fait que la vente d'une voiture compacte et celle d'une voiture de luxe représentent deux unités dans le total des ventes signifie que cette mesure nous éclaire moins sur les changements structurels de l'industrie de l'automobile. La riche composition détaillée du marché de l'automobile, comme en témoignent le vaste éventail de produits et la diversité des modèles et des caractéristiques, ne peut pas être exprimée par le simple compte de véhicules vendus, mais plutôt par la mesure en dollars courants.

La figure 3.1 présente la tendance récente du nombre de véhicules neufs vendus entre 2008 et 2010 et leur valeur en dollars courants 8 . Une baisse notable des ventes unitaires d'automobiles est survenue à l'automne de 2008, marquant le début de la récession dans les dépenses de consommation. Les ventes ont atteint leur niveau plancher en décembre 2008 pour ensuite augmenter progressivement tout au long de 2009. Pendant de telles périodes de fluctuation rapide, les données sur les quantités représentent une mesure utile de la fluctuation de la demande. Cependant, les données sur les quantités ne révèlent pas les mouvements plus subtils que l'examen des données en dollars courants permet de saisir. Par exemple, le nombre d'unités vendues a plus diminué (-31 %) que les ventes nominales des véhicules neufs (-22 %) en 2008; cette baisse plus faible des ventes nominales indique qu'il y a eu un changement dans la composition des véhicules automobiles vendus en faveur des véhicules dispendieux, qui est survenu à mesure que la récession prenait de l'ampleur. La reprise des ventes au début de 2009 a aussi été définie plus clairement en dollars courants qu'en unités, puisque les consommateurs ont continué d'acheter des véhicules plus coûteux, notamment des camions.

Les données sur les quantités sont également limitées du fait qu'il n'est pas possible d'agréger les produits associés à des unités de mesure différentes. Par exemple, quiconque désire examiner toutes les exportations d'énergie et non pas simplement celles de charbon doit faire l'agrégation de divers produits comme des barils de pétrole, des mètres cubes de gaz naturel, des litres d'essence et des mégawattheures d'électricité. Lorsqu'on regroupe les chiffres de production ou de vente d'une diversité de produits différents, il faut aller au-delà des données unitaires exprimant les barils, les mètres cubes, les litres et les mégawattheures et favoriser plutôt une mesure commune, habituellement les dollars 9 . Si les mesures de quantités sont tout à fait appropriées pour présenter les grandes tendances de la demande d'un groupe de produits similaires, les mesures en dollars courants et en volume servent, de leur côté, à mesurer et à analyser des données plus hétérogènes. Pour bien saisir la complexité des marchés de l'énergie et de l'automobile et regrouper ces activités avec d'autres biens et services produits et consommés au Canada, il faut faire appel à des indicateurs économiques généraux en dollars courants et en volume comme les ventes au détail et le PIB.

Dollars courants

Les recettes fiscales, la capitalisation boursière et les ventes des grands magasins sont des exemples de données en dollars courants. Plus complexes que les mesures de quantités, les données en dollars courants mesurent une activité économique aux prix courants et peuvent être compilées tant et aussi longtemps qu'on peut mesurer leurs valeurs (c'est-à-dire les quantités et les prix) 10 . Les exportations totales, les ventes au détail, les bénéfices des sociétés et le PIB nominal sont des exemples de données compilées dans les organismes statistiques.

Les mesures en dollars courants (ou « nominales ») ont pour principal avantage de se prêter à l'agrégation de groupes hétérogènes de biens et services dans une seule valeur en dollars qui reflétera la diversité de ces produits et de leurs prix. Les exportations d'énergie en dollars courants fournissent aux analystes les recettes totales associées à un vaste éventail de produits énergétiques. On peut les agréger aux valeurs de tous les autres produits exportés. Lorsqu'on compile des données sur les exportations totales, on tient compte de l'hétérogénéité des produits, c'est-à-dire leur marque, leurs caractéristiques, leur conception et leur construction.

De plus, les données en dollars courants peuvent être agrégées du niveau le plus détaillé de leurs composantes au niveau le plus général, d'où leur décomposition possible, ce qui en fait un outil analytique polyvalent pour des mesures économiques générales, comme les ventes au détail, les recettes fiscales, les exportations et les importations, ou encore le PIB. Par exemple, dans les exportations d'énergie, on peut examiner les exportations de pétrole brut, de gaz naturel, de pétrole raffiné, de charbon et d'électricité en dollars courants pour mieux comprendre leur contribution aux exportations totales d'énergie. De même, les exportations d'énergie peuvent être regroupées avec les exportations de métaux, d'engrais, de produits forestiers et de produits agricoles si l'on désire examiner les exportations globales de ressources naturelles.

Malgré leurs avantages par rapport aux données sur les quantités, les données en dollars courants comportent leurs propres limitations. La principale est de ne pas pouvoir cerner la variation totale attribuable à l'effet des prix et des volumes. Par exemple, pour savoir si l'augmentation des exportations d'énergie en dollars courants entre 2002 et 2007 était le fait d'une augmentation des volumes ou des prix, ou d'une combination des deux, le meilleur indicateur n'est plus celui des exportations en dollars courants, mais celui des exportations en volume.

Volume

Les données en volume sont les cousins plus perfectionnés des données sur les quantités physiques. Elles appréhendent la diversité au sein de groupes de produits, par exemple, le pétrole brut léger et le pétrole brut lourd, et entre ceux-ci, en regroupant les exportations de pétrole brut, de charbon, de gaz naturel, d'essence et d'électricité dans les exportations d'énergie totales. Les données en volume présentent une mesure agrégative unique pour une diversité de produits. Bien que de simples données sur les quantités constituent un indicateur rapide pour des produits de base individuels, et bien que les données en dollars courants présentent les valeurs de tout l'éventail des biens et services vendus aux prix courants, les données en volume offrent quant à elles une mesure pour tout cet ensemble en excluant l'effet des variations de prix au fil du temps (on dit quelques fois d'elles qu'elles sont des données « réelles »).

Il y a deux forces en jeu dans l'incidence des prix : la première est l'impact des variations de prix d'un même produit au fil du temps, tandis que la seconde désigne la variation dans la composition des produits ou des marchés. Lorsque la qualité d'un produit s'accroît, la situation est équivalente à une diminution de prix dans le monde statistique. Puisque la mesure en volume est la mesure en dollars courants dont cet effet de prix a été retiré, elle réflète les variations dans la qualité du produit, dans la composition du marché « et, ultimement, les changements dans la composition de l'économie 11  ».

L'intégration des variations de qualité dans une mesure de volume s'explique mieux à l'aide d'un exemple. Comme l'illustre la figure 3.2, les volumes des ventes d'automobiles entre 1993 et 2008 ont doublé, passant d'environ 35 milliards de dollars en 1993 à 70 milliards de dollars en 2008. En revanche, le nombre d'automobiles vendues a augmenté de seulement 40 %, passant de 1,2 million d'unités vendues en 1993 à près de 1,7 million d'unités vendues en 2008 12 .

Les variations de qualité et de composition font le rapprochement entre ces données sur les quantités et les mesures des ventes d'automobiles en volume à la figure 3.2. Il est manifeste, à partir des données sur les quantités, que l'augmentation des volumes des ventes d'automobiles survenue entre 1993 et 2008 a été attribuable dans un pourcentage de 40 % à la hausse du nombre d'automobiles vendues. Le pourcentage restant (60 %) de la croissance des volumes s'expliquait par le changement de la composition des véhicules vendus durant cette période et par la prolifération des caractéristiques intégrées aux automobiles pendant cette période, notamment les dispositifs de sécurité comme les freins ABS, les dispositifs de sécurité pour les enfants et les sacs gonflables, de même que les systèmes de divertissement et de cartes, comme les GPS, les DVD et les stéréos MP3. Un véhicule acheté en 1993 n'offrait pas ces dispositifs et était donc de moindre qualité qu'un autre produit en 2008. De plus, entre 1993 et 2008, les consommateurs ont commencé à délaisser les automobiles en faveur de camions et de VUS plus coûteux, ce qui a fait augmenter les volumes des ventes.

On calcule habituellement les données en volume en estimant les valeurs en dollars courants pour ensuite en retirer les variations de prix. Le niveau auquel les variations de prix sont ajustées est pragmatique puisqu'on voudra connaître le niveau de détail des données où diminueront les caractéristiques importantes de différenciation des produits, par exemple, du pétrole brut léger obtenu par extraction classique par opposition à du pétrole brut lourd provenant de sables bitumineux. Toutefois, le système statistique étant dynamique, un niveau de détail jadis acceptable peut rapidement devenir périmé au point d'exiger une révision pour que les données conservent toute leur utilité. Par exemple, avant la croissance rapide de la production de pétrole brut des sables bitumineux au Canada en 1990 13 , le prix du pétrole brut était mesuré par le prix du pétrole brut conventionnel. Après 1990, il a fallu y inclure le prix du pétrole brut lourd.

Les données en volume sont tout particulièrement importantes lorsqu'on désire analyser des secteurs affichant des prix instables, comme le secteur de l'énergie, car il devient difficile d'utiliser des données en dollars courants pour mesurer la croissance de la demande. Bien que la variation des exportations d'énergie en dollars courants soit utilisée pour mesurer la croissance des recettes à l'exportation, par exemple, elle ne permet pas de savoir si les exportateurs ont reçu plus d'argent à cause d'une augmentation des prix et des volumes, d'une augmentation des prix et d'une stabilité des volumes, d'une stabilité des prix et d'une augmentation des volumes ou encore d'une diminution des prix et d'une augmentation encore plus élevée des volumes. C'est la ventilation des données en dollars courants selon leurs deux composantes de prix et de volume qui permettra de préciser de telles variations.

Les analystes ne sont aucunement tenus de choisir entre les dollars courants ou le volume puisqu'il est souvent préférable de les utiliser ensemble. Il est plus facile de comprendre la récente récession au Canada et sa reprise ultérieure lorsqu'on tient compte à la fois des données en dollars courants et en volume. Le PIB réel a régressé de 3,6 % entre le troisième trimestre de 2008 et le deuxième trimestre de 2009, moins que dans la plupart des pays du G7. En dollars courants, la baisse a été plus prononcée, affichant 7,5 %, principalement sous l'effet d'une diminution de 30 % des recettes à l'exportation. Cela nous aide à comprendre le fléchissement notable des dépenses dans certains secteurs de la demande intérieure, notamment les investissements des entreprises, qui s'est produit en même temps qu'une diminution des bénéfices elle-même causée par la baisse des prix à l'exportation.

Toutefois, certaines analyses ne peuvent être faites qu'en dollars courants ou en volume. Par exemple, l'analyse des parts, comme la part des exportations d'énergie dans les exportations totales, ne peut s'effectuer qu'en dollars courants. Les prix de l'énergie ont crû fortement au cours de la dernière décennie. En 2006, les exportations d'énergie représentaient près de 20 % des recettes d'exportation comparativement à 7 % en 1998. Pour les données en volume qui reposent sur des prix fixés en fonction de ceux de la période de base (comme les volumes Laspeyres, qui seront examinés dans la prochaine section), la part des exportations d'énergie si les prix sont maintenus constants aux prix de 2002 est différente de celle qui s'appuierait sur les prix de 1997 ou de 1992. L'analyse des parts ne se fait pas à l'aide des données en volume de Laspeyres puisque les parts varient en fonction de la période de base choisie. Dans le cas d'une mesure de volume en chaîne (comme l'indice en chaîne de Fisher), le problème n'est pas la période de base mais plutôt que ces données ne sont pas additives. Ainsi, les parts ne peuvent pas être calculées.

À l'inverse, on ne saurait mieux comprendre le lien entre le PIB et les heures travaillées (qui est une mesure du volume de la demande de travail) qu'en utilisant les données du PIB réel. Étant donné que le PIB réel représente le volume des biens et services produits au Canada, il est évident qu'une variation de la production réelle se traduira par une variation du nombre d'heures travaillées afin de produire lesdits biens et services. La mesure en dollars courants comprend les mouvements de prix, et la volatilité de ces mouvements fait se relâcher son lien avec les heures travaillées.

Différentes mesures en volume

Bien qu'il y ait diverses façons de calculer les volumes, leur interprétation en tant que données en dollars courants dont l'effet des prix a été éliminé demeure inchangée. Statistique Canada produit deux mesures différentes en volume, l'une utilisant la méthode de Laspeyres 14  et l'autre la méthode en chaîne de Fisher (chacune porte le nom de la personne ayant présidé à son élaboration) 15 . Bien que ces deux méthodologies soient différentes, elles présentent un certain chevauchement. La principale différence entre les mesures calculées par la méthode de Laspeyres et la méthode en chaîne de Fisher tient au fait que la méthode de Laspeyres repose sur une période de base fixe à partir de laquelle sont comparées toutes les évolutions futures des prix tandis que la mesure en chaîne de Fisher repondère les prix chaque période afin de réfléter de façon plus précise la structure changeante de l'économie. Plusieurs programmes économiques à Statistique Canada recourent à la méthode en chaîne de Fisher, surtout ceux qui contribuent directement à la mesure du PIB, tandis que d'autres utilisent la méthode de Laspeyres 16 . Dans certains cas, les deux mesures sont utilisées, le choix étant laissé à l'analyste de sélectionner les données qui répondent à ses besoins.

Lorsque l'on utilise la méthode de Laspeyres, l'activité économique est évaluée aux prix de la période de base (qui est mise à jour périodiquement, généralement tous les cinq à dix ans, puis enchaînée à des données utilisant des périodes de base précédentes), actuellement aux prix de 2002. Pour ce qui est des volumes Laspeyres, plus on s'éloigne de la période de base (comme en calculant des volumes de 2010 avec 2002 comme période de base), il ya une probabilité accrue que les pondérations de la période de base ne réflètent plus avec précision les prix relatifs. Les prix relatifs se fondent sur les hausses ou les diminutions des prix dans les différents secteurs de l'économie les uns par rapport aux autres. Par exemple, dans une économie composée de produits de technologie de pointe et de ressources naturelles, si les prix de ces deux secteurs évoluent en parallèle, les prix relatifs sont stables. Toutefois, lorsque les prix des produits technologiques sont en baisse parce que des produits plus avancés sont lancés sur le marché et que la demande mondiale croissante fait augmenter les prix des ressources rapidement, les prix relatifs dans ces secteurs varient, changeant ainsi l'importance ou le « poids » des secteurs dans l'économie. En dépit de mises à jour régulières de la période de base, refléter la conjoncture économique actuelle avec précision demeure une des limitations de la mesure de Laspeyres, ce qui est particulièrement évident pendant les périodes de rapides changements des prix relatifs.

L'indice en chaîne de Fisher est calculé comme une moyenne (plus précisément la moyenne géométrique) des indices de Laspeyres et de Paasche. Il a une période de référence (actuellement 2002), et non une période de base. Une période de référence est tout simplement « la période pour laquelle les séries de l'indice sont exprimées comme étant égales à 100 [ou la valeur des séries chronologiques pour cette année afin de l'exprimer en termes de dollars]. La période de référence peut être modifiée simplement en divisant les séries de l'indice avec leur niveau au cours de n'importe quelle période choisie pour être la nouvelle période de référence ». 17  La mesure en volume en chaîne de Fisher met plutôt à jour les indices pour chaque trimestre additionnel (ou chaque mois ou chaque année) afin de refléter les poids moyens au cours des deux périodes adjacentes; puis, les indices sont « enchaînés » grâce au lien établi trimestre après trimestre (ou les mois ou les années) tout comme les maillons d'une chaîne créant une série chronologique. Ce faisant, les volumes en chaîne Fisher reflètent les changements continus qui surviennent dans l'économie.

Les données qui servent au calcul du PIB dans les comptes nationaux sont habituellement calculées à l'aide de la méthode en chaîne de Fisher puisqu'une mesure précise de la croissance est nécessaire. Les données en volume sur les ventes au détail et le commerce international sont produites autant par la méthode de l'indice de Laspeyres que par celle de l'indice en chaîne de Fisher; les ventes des industries manufacturières se calculent uniquement à l'aide de l'indice de Laspeyres.

Pour ce qui est des exportations d'énergie, les prix (selon l'indice de Paasche) 18  et les volumes (selon l'indice de Laspeyres) existent à un niveau relativement détaillé : pétrole brut, gaz naturel, essence, charbon et électricité. Pour chacun de ces grands groupes du secteur de l'énergie, on calcule l'incidence des prix et des volumes pour chaque mois. L'additivité signifie que la somme des volumes de Laspeyres de ces grands groupes correspond au volume total pour le secteur de l'énergie et que la somme des volumes d'exportations pour chaque secteur – agriculture, énergie, foresterie, biens industriels, machines et matériel, automobiles et biens de consommation – est égale aux volumes des exportations totales tant qu'elles ont une période de base commune.

Lorsqu'on utilise une mesure en volume déflatée à l'aide d'un indice en chaîne de Fisher, il y a perte d'additivité parmi les composantes. Par exemple, la somme des composantes du PIB n'est pas égale à l'ensemble du PIB, pas plus que les composantes des sous-agrégats, comme les dépenses personnelles, ne sont égales aux dépenses personnelles totales. C'est d'ailleurs là le principal inconvénient de la méthode en chaîne de Fisher par rapport à celle de Laspeyres. Une des façons que Statistique Canada a choisie pour rendre plus facile l'analyse des volumes en chaîne de Fisher pour les utilisateurs de données consistait à créer des tableaux de contribution à la croissance qui quantifient pour les utilisateurs la contribution des composantes individuelles à la croissance du PIB sectoriel ou du PIB global. De même, la somme du volume de Fisher et des effets de prix est égale à la variation du PIB nominal, une caractéristique que l'on nomme l'uniformité. L'indice en chaîne de Fisher est le seul indice pour lequel cela est vrai 19 .

Les responsables du PIB trimestriel réel ont adopté la méthodologie en chaîne de Fisher en 2001 afin de maintenir une comparabilité avec les États-Unis et les agences internationales et afin d'être certains que le PIB s'ajuste plus rapidement aux changements continuels apportant de nouveaux produits de même qu'aux changements subséquents se produisant dans les prix relatifs 20 . Ce passage du PIB à une mesure en chaîne Fisher en 2001 s'est avéré prescient, puisque les variations des prix relatifs se sont accélérées après 2002 en raison de la hausse marquée sur les marchés des produits de base, l'appréciation du dollar canadien et les déclins continus des prix des TIC.

Dans les faits, il y a entre les deux mesures un compromis qui favorise la simplicité et l'exactitude 21 . En effet, on acceptera la plus grande complexité qu'ajoute la difficulté du calcul de l'indice en chaîne de Fisher pour obtenir la mesure la plus précise possible de la croissance du PIB, car même une fluctuation infime du PIB peut avoir une incidence importante sur notre compréhension de l'économie, la datation des cycles d'affaires en offrant un bon exemple. Au cours de la récession de 2008-2009, trois trimestres ont connu une diminution manifeste de la production, tandis que les trimestres qui leur étaient juxtaposés d'un côté ou de l'autre ont affiché des gains de seulement 0,1 % ou 0,2 %. Les dates de la récession pourraient donc changer à la suite de révisions relativement mineures apportées au PIB ; ainsi, mesurer de façon précise la croissance est important pour l'analyse du cycle d'affaires. Dans une optique plus vaste, on accorde beaucoup d'attention au moment exact où le commerce a commencé à se contracter rapidement et où les dépenses de consommation ont repris afin de comprendre la dynamique interne de la manière dont l'économie est passée de la récession à la reprise. Dans de tels cas, les quelques points de pourcentage qui séparent les mesures en volume de Laspeyres et en chaîne de Fisher prendront leur importance au moment de dater une période de changement dans l'économie. Pour d'autres séries et d'autres fins, comme l'examen des exportations d'énergie du Canada ou des importations de machines et de matériel, la mesure de Laspeyres demeure largement utilisée, car les utilisateurs jugent la faible perte d'exactitude acceptable lorsqu'il s'agit d'avoir une meilleure accessibilité et une meilleure interprétabilité.

Conclusion

Bien que les mesures de quantités physiques soient largement utilisées par l'industrie et qu'on en publie autant les aspects conceptuels que les données pratiques, elles ne conviennent pas aux organismes statistiques chargés d'établir des mesures statistiques de l'ensemble de l'économie. Pour cette raison, les statisticiens ont élaboré tout un éventail de données en dollars courants et en volume. Ces mesures permettent de faire des comparaisons entre des produits hétérogènes, un élément intégrant de la méthode servant à calculer les indicateurs économiques les plus importants, comme le PIB. De plus, lorsqu'on calcule le PIB en dollars courants ou en volume, la diversité complexe de chaque bien et service est préservée dans la mesure et elle peut être compilée pour présenter un portrait exact de la profondeur de l'économie canadienne.

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