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La dynamique de la surqualification : les universitaires sous-utilisés au Canada

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par Chris Li, Ginette Gervais et Aurélie Duval
Division de la statistique du revenu

Analyse en bref


Sommaire
Augmentation du nombre de travailleurs surqualifiés
Les travailleurs toujours surqualifiés : environ le tiers de la surqualification
Les travailleurs plus âgés : surqualifiés toute la période plus que les autres
Plus de la moitié des nouveaux immigrants étaient surqualifiés
Haute scolarité : moins surqualifiés et moins tout le temps surqualifiés
La surqualification ne varie pas selon les sexes et les régions
Les travailleurs à temps plein : moins en surqualification, mais plus surqualifiés longtemps

Sommaire

Vous détenez une maîtrise d’une université prestigieuse, mais tout ce que vous pouvez décrocher comme travail, c’est celui de chauffeur de taxi.

Vous êtes une immigrante diplômée d’une université étrangère et vous devez vous contenter de vendre des vêtements dans un magasin à rayons.

Vous n’êtes pas les seuls. Des milliers de personnes au Canada se trouvent dans une situation où elles doivent occuper un emploi pour lequel elles sont trop qualifiées et parfois, composer avec un faible salaire et les frustrations qui l’accompagnent.

Dans la présente étude, on examine le phénomène de la surqualification et on dresse le profil des personnes les plus susceptibles d’être trop qualifiées pour leur travail, et ce, à l’aide de données tirées de l’Enquête sur la dynamique du travail et du revenu (EDTR) de Statistique Canada.

L’étude a révélé que près de 1 personne sur 5 qui était sur le marché du travail et qui détenait un diplôme universitaire avait occupé un emploi exigeant tout au plus un diplôme d’études secondaires à un moment donné en 2001.

Les travailleurs plus jeunes étaient davantage susceptibles d’être trop qualifiés pour l’emploi qu’ils occupaient. De même, les immigrants et les personnes qui ont étudié le commerce ainsi que les arts et les sciences humaines devaient davantage accepter des emplois où ils étaient trop qualifiés. De toutes les industries, on a constaté que c’est dans le secteur de la vente au détail et en gros que les personnes trop qualifiées étaient le plus susceptibles de se retrouver.

En revanche, plus les travailleurs avaient fait des études universitaires poussées, moins ils étaient susceptibles d’occuper un emploi n’exigeant qu’un diplôme d’études secondaires. Les travailleurs syndiqués, les travailleurs à temps plein et les personnes qui ont fait des études dans les domaines des sciences et de la santé étaient également moins susceptibles d’être trop qualifiés pour un emploi.

La surqualification est une question importante pour les employés, les employeurs et les décideurs. Sur le plan personnel, elle comporte une dimension psychologique. Les diplômés universitaires sous-employés éprouvent souvent de la frustration en raison de leur faible salaire et de leur insatisfaction face au travail. Cependant, certaines personnes peuvent en faire un choix personnel. Elles peuvent décider d’occuper un emploi n’exigeant qu’un faible niveau de compétences parce qu’il offre de meilleures possibilités de carrière ou qu’il leur permet d’améliorer leur qualité de vie, étant moins exposées au stress, ou encore parce qu’elles ont d’importantes responsabilités familiales. Pour l’ensemble du pays, la surqualification représente toutefois une sous-utilisation du capital humain.

Aux fins de la présente étude, un travailleur surqualifié est une personne détenant un grade universitaire qui a occupé pendant au moins un mois, entre 1993 et 2001, un emploi exigeant tout au plus un niveau d’études secondaires. Cette définition s’inspire de celle utilisée dans un récent article publié sous le titre « Les immigrants sont-ils perdants? »1. La présente étude a un caractère longitudinal parce que l’on tient compte de la durée de la situation de surqualification, ce qui n’aurait pas été le cas si l’on avait utilisé les données du recensement. Les travailleurs qui ont déjà vécu une situation de surqualification au cours de leur vie ont ensuite été répartis comme suit : les travailleurs rarement surqualifiés, surqualifiés chroniques et toujours surqualifiés.

La présente étude est fondée sur les données de deux panels distincts de 30 000 adultes qui ont été interrogés dans le cadre de l’EDTR. Le premier panel s’est étendu sur six ans, soit de 1993 à 1998, et le second, sur six ans aussi, mais de 1996 à 2001. Les données de la première année de suivi du premier panel ont été intégrées aux données de la première année de suivi du deuxième panel. De même, les données de la deuxième année de suivi du premier panel ont été intégrées aux données de la deuxième année de suivi du deuxième panel et ainsi de suite. Les deux panels ont donc été groupés de cette façon pour chaque année de suivi. C’est la raison pour laquelle on fait référence à une « période de suivi de six ans » tout au long de l’étude.

Augmentation du nombre de travailleurs surqualifiés

Il est possible, à l’aide de la Classification nationale des professions (CNP), d’évaluer les niveaux de compétences requis pour exercer plus de 500 professions. À partir des codes de la CNP , on peut associer le niveau d’études habituellement exigé sur le marché du travail ainsi que certains critères comme l’expérience, une formation spéciale et les responsabilités liées à la santé et à la sécurité, comme dans le cas des agents de police et des infirmières.

Dans le cadre de la présente étude, on estime que le nombre de travailleurs2 détenant un diplôme universitaire et qui étaient surqualifiés pour leur poste a augmenté de près du tiers entre 1993 et 2001. On a constaté que 331 100 travailleurs se sont retrouvés dans cette situation à un moment donné en 2001, comparativement à 251 600 en 1993.

Cependant, comme on observe aussi une augmentation du nombre de travailleurs détenant un diplôme universitaire entre 1993 et 2001, le pourcentage des travailleurs trop qualifiés par rapport à l’ensemble des diplômés universitaires au sein de la population active est resté quasiment inchangé. En effet, ces personnes représentaient environ le cinquième (19 %) de l’ensemble des diplômés universitaires sur le marché du travail en 2001, soit une légère augmentation par rapport au taux de 18 % en 1993.

À partir d’ici, la présente étude n’utilise que le caractère longitudinal de l’EDTR pour évaluer la persistance de la surqualification chez les travailleurs ayant un grade universitaire. De plus, on ne se penche uniquement que sur le groupe ayant des liens très forts avec le marché du travail, c’est-à-dire ceux qui, par rapport à la période de six ans, avaient travaillé pendant plus de 4,5 ans3, dont au moins un mois à un poste exigeant tout au plus un diplôme d’études secondaires.

L’étude révèle que le pourcentage de travailleurs surqualifiés longitudinalement est supérieur aux taux de 18 % ou de 19 % obtenus en 1993 et en 2001 transversalement. Le pourcentage de personnes qui avaient des liens très forts avec le marché du travail, qui détenaient un grade universitaire et qui avaient occupé pendant au moins un mois un poste exigeant tout au plus un diplôme d’études secondaires entre 1993 et 2001 était plutôt de 30 %.

Définitions

Une personne surqualifiée se définit comme celle qui a des liens très forts avec le marché du travail, qui détient un grade universitaire et qui a occupé pendant au moins un mois, entre 1993 et 2001, un poste exigeant tout au plus un diplôme d’études secondaires. Pour ce qui est des personnes ayant occupé plusieurs postes en un mois, c’est la caractéristique de leur occupation principale qui a été retenue pour l’analyse.

La Classification des professions et niveaux de compétence vient du Projet de recherche sur les compétences essentielles (PRCE), réalisé par Développement des ressources humaines Canada (DRHC) qui a permis d’évaluer le niveau de compétences de chaque profession d’après la Classification nationale des professions (CNP), et qui comprend plus de 500 professions. À partir des codes de la CNP, le PRCE a pu associer le niveau d’études habituellement exigé sur le marché du travail ainsi que certains critères comme l’expérience, une formation spéciale et les responsabilités en matière de santé et de sécurité (comme dans le cas des agents de police et des infirmières). Ces niveaux de compétences sont les suivants : des études universitaires; un diplôme d’études collégiales, un certificat ou une formation d’apprenti; et tout au plus un diplôme d’études secondaires.

La période de travail est le nombre total de mois pendant lesquels la personne a occupé un emploi rémunéré durant la période à l’étude pour le panel. Le nombre total de mois de travail peut varier de 0 à 72 mois (ou de 0 à 6 ans). Cependant, seuls les gens qui ont travaillé pendant plus de 54 mois (ou 4,5 ans) ont été retenues pour cette analyse.

Le pourcentage de temps en surqualification pour un travailleur correspond au nombre total de mois dans un poste pour lequel il était surqualifié, divisé par le nombre total de mois de travail observé pendant le suivi de 6 ans.

La population des travailleurs n’ayant jamais connu la surqualification est composée des travailleurs qui détenaient un grade universitaire et qui n’ont jamais occupé un poste exigeant tout au plus un diplôme d’études secondaires durant le suivi de 6 ans.

La population des travailleurs ayant connu la surqualification est composée des travailleurs qui détenaient un grade universitaire et qui ont occupé pendant au moins un mois un poste exigeant tout au plus un diplôme d’études secondaires.

La population des travailleurs ayant connu la surqualification a été divisée en trois groupes :

La population des travailleurs rarement surqualifiés, c’est-à-dire les travailleurs qui détenaient un grade universitaire et qui ont occupé un poste exigeant tout au plus un diplôme d’études secondaires pendant moins de 50 % de leur période de travail.

La population des travailleurs surqualifiés chroniques, c’est-à-dire les travailleurs qui détenaient un grade universitaire et qui ont occupé un poste exigeant tout au plus un diplôme d’études secondaires pendant une période variant de 50 % à 99 % de leur période de travail.

La population des travailleurs toujours surqualifiés, c’est-à-dire les travailleurs qui détenaient un grade universitaire et qui ont occupé un poste exigeant tout au plus un diplôme d’études secondaires pendant 100 % de leur période de travail.

Les petites entreprises comptent moins de 20 employés. Les moyennes entreprises comptent de 20 à 499 employés. Les grandes entreprises comptent plus de 500 employés.

Les travailleurs toujours surqualifiés : environ le tiers de la surqualification

Une partie considérable des travailleurs qui ont fait des études universitaires ont occupé un emploi pour lequel ils étaient surqualifiés pendant toute leur période de travail.

Les résultats de l’étude montrent également que le temps passé en situation de surqualification par un petit groupe de travailleurs (ceux surqualifiés chroniques) était disproportionnellement élevé par rapport à leur nombre.

Les personnes qui occupaient un poste pour lequel elles étaient trop qualifiées pendant 100 % de leur période de travail représentaient 20 % des travailleurs qui avaient déjà vécu une situation de surqualification. Ces personnes ont accumulé plus de 11 millions de mois en situation de surqualification.

Pendant cette période de six ans, les diplômés universitaires qui avaient occupé à un moment donné un emploi exigeant tout au plus un diplôme d’études secondaires avaient passé un total de 34 millions de mois dans une situation de surqualification.

En d’autres termes, les travailleurs toujours surqualifiés représentaient seulement le cinquième de tous les travailleurs surqualifiés, mais avaient travaillé le tiers de la période totale de surqualification accumulée par tous les individus pendant la période à l’étude.

Graphique
Le temps total des travailleurs rarement en surqualification est proportionnellement plus bas que leur nombre

Parallèlement, on a examiné le groupe de répondants qui détenaient un grade universitaire et qui avaient plus rarement occupé un poste exigeant peu de compétences, c’est-à-dire pendant moins de 50 % de leur période de travail. Ce groupe représentait 66 % du nombre de travailleurs surqualifiés, mais ils n’avaient travaillé que 43 % du temps total en surqualification de tous les travailleurs, soit environ 15 millions de mois.

Les travailleurs plus âgés : surqualifiés toute la période plus que les autres

Les travailleurs plus jeunes étaient plus susceptibles d’occuper un poste pour lequel ils étaient trop qualifiés. Cependant, les travailleurs plus âgés avaient plus de chances que les jeunes, une fois qu’ils occupaient un poste pour lequel ils étaient surqualifiés, de rester dans ces conditions de surqualification pendant toute leur période de travail.

Parmi les jeunes de moins de 30 ans au début de la période d’observation de 6 ans, près la moitié (48 %) d’entre eux ont occupé un poste où ils étaient surqualifiés à un moment donné au cours de la période de suivi. Cette proportion est trois fois plus élevée que les 18 % observés dans le cas des travailleurs de 50 ans et plus.

Graphique
La surqualification diminue avec l’âge

Une autre étude de Statistique Canada, intitulée « J’ai encore l’impression d’être trop qualifié pour l’emploi que j’occupe » corrobore ce résultat4. L’étude présente des données de l’Enquête sociale générale de 2000, révélant que 33 % des jeunes de 20 à 29 ans avaient l’impression d’être surqualifiés comparativement à 23 % de leurs homologues de 30 à 64 ans.

L’analyse des données longitudinales de l’EDTR va encore plus loin. On constate que, une fois dans un poste pour lequel ils sont trop qualifiés, les travailleurs plus âgés avait tendance à rester dans cette situation. En d’autres termes, l’incidence de la surqualification 100% du temps travaillé augmente avec l’âge.

Parmi les travailleurs plus âgés ayant occupé des postes pour lesquels ils étaient surqualifiés à un moment donné pendant la période de six ans, près de la moitié d’entre eux (47 %) étaient dans une situation de surqualification toute la période travaillée, comparativement à seulement 18 % chez les plus jeunes.

Graphique
Les travailleurs plus âgés sont plus susceptibles que les plus jeunes d’être toujours surqualifiés

Les chercheurs dans le domaine du marché du travail ont formulé au moins deux théories pour expliquer cette situation chez les jeunes travailleurs. Selon la première, soit la théorie de la mobilité professionnelle, ces travailleurs pourraient occuper temporairement des emplois pour lesquels ils sont trop qualifiés afin d’acquérir des compétences qu’ils utiliseront plus tard dans des emplois de niveau supérieur.

Il peut donc être avantageux pour le travailleur de passer une période de temps limitée dans un poste pour lequel il semble surqualifié. La surqualification peut se substituer à des études plus poussées permettant d’acquérir d’autres formes de capital humain dont on peut manquer, comme l’expérience de travail ou la formation.

Selon la deuxième théorie, soit celle du jumelage, les jeunes travailleurs n’auraient pas encore toute l’expérience nécessaire pour trouver l’emploi qui leur convient. Une information incomplète déboucherait sur un mauvais jumelage entre l’employeur et l’employé.

Plus de la moitié des nouveaux immigrants étaient surqualifiés

La présente étude a révélé que les nouveaux immigrants  — c’est-à-dire ceux qui sont au Canada depuis 10 ans ou moins  — se retrouvaient plus souvent que les personnes nées au Canada dans un emploi pour lequel ils étaient trop qualifiés. De plus, ils restaient plus longtemps dans cette situation. Ce problème peut, en grande partie, être attribuable à la difficulté qu’ils éprouvent à faire reconnaître leurs diplômes obtenus à l’étranger ainsi que leur expérience de travail.

Plus de la moitié (52 %) des nouveaux immigrants détenant un grade universitaire ont occupé un emploi exigeant tout au plus un diplôme d’études secondaires à un moment donné au cours des six années de suivi. C’est presque le double de la proportion de 28 % enregistrée chez leurs homologues nés au Canada.

Graphique
Un nouvel immigrant sur deux occupe un emploi pour lequel il est surqualifié

Quand on tient compte d’autres facteurs comme les caractéristiques individuelles et les caractéristiques relatives au lieu de travail, l’étude révèle que les nouveaux immigrants sont deux fois plus susceptibles, non seulement de se retrouver dans un emploi pour lequel ils sont trop qualifiés, mais de rester à 100 % du temps dans cette situation5.

Parmi les travailleurs surqualifiés, les nouveaux immigrants risquaient, dans une proportion de 72 %, d’occuper tout le temps un emploi pour lequel ils étaient surqualifiés, comparativement à 36 % pour les Canadiens de naissance, et ce, quand les autres facteurs étaient pris en considération.

Une autre étude de Statistique Canada cependant fondée sur les données du recensement révèle des résultats similaires6. Les nouveaux immigrants étaient deux fois plus susceptibles que leurs homologues nés au Canada d’occuper des emplois exigeant peu d’études. L’étude souligne des facteurs comme les obstacles institutionnels et linguistiques, la difficulté à faire reconnaître les diplômes obtenus à l’étranger et l’expérience acquise à l’étranger ainsi qu’un grand nombre de facteurs imprévus comme la discrimination à laquelle certains immigrants sont confrontés.

De plus, les données de l’Enquête longitudinale auprès des immigrants du Canada de 2003 ont montré que, même après un séjour de deux ans au Canada, le manque d’expérience sur le marché du travail canadien constitue la plus grande difficulté ou le problème le plus sérieux auquel se heurtaient les immigrants aux âges d’activité maximale7. Beaucoup d’entre eux ont également fait savoir que leur principal problème consistait à faire accepter ou reconnaître les titres de compétences professionnelles ou les attestations scolaires, comme les diplômes ou les grades obtenus dans leur pays d’origine.

Haute scolarité : moins surqualifiés et moins tout le temps surqualifiés

Plus les travailleurs détiennent des attestations universitaires poussées, moins ils sont susceptibles de se trouver dans des emplois pour lesquels ils sont surqualifiés et de toujours y rester.

L’analyse empirique a révélé que les travailleurs ayant un baccalauréat ou un grade moins élevé risquaient, dans une proportion de 30 %, de se retrouver dans des emplois pour lesquels ils sont surqualifiés, comparativement à 19 % chez les personnes détenant une maîtrise ou un doctorat, quand on tenait compte des autres facteurs8.

Parmi les travailleurs ayant un baccalauréat ou un grade de niveau inférieur, le tiers de ceux-ci ont occupé un emploi pour lequel ils étaient surqualifiés. De plus, ces personnes étaient plus ou moins réparties également sur tout le spectre de l’intensité de la surqualification, de travailleurs rarement surqualifiés à travailleurs toujours surqualifiés. Parallèlement, 1 travailleur sur 5 détenant un grade plus élevé que le baccalauréat était surqualifié.

Graphique
Les travailleurs détenant un grade supérieur étaient surreprésentés chez les travailleurs rarement surqualifiés

Les titulaires d’un baccalauréat étaient deux fois plus susceptibles de rester 100 % du temps dans des postes pour lesquels ils sont surqualifiés que ceux détenant un grade universitaire plus élevé, quand les autres caractéristiques des individus et du lieu de travail restent les mêmes9.

La surqualification variait aussi grandement selon le domaine d’études. Par exemple, elle était moins fréquente chez les travailleurs qui avaient fait des études dans les sciences et la santé.

Environ 20 % des travailleurs qui avaient fait des études dans les sciences et la santé se sont retrouvés dans des emplois pour lesquels ils étaient surqualifiés à un moment donné de leur carrière, ce qui corrobore les résultats d’une étude antérieure10. Ce pourcentage est de beaucoup inférieur aux taux de 37 % obtenu par ceux qui ont fait des études en commerce et qui se sont retrouvées dans une situation de surqualification et au taux de 32 % dans le cas des personnes qui ont étudié en arts et en sciences humaines ou en sciences sociales.

Graphique
La surqualification est moins fréquente chez ceux ayant étudiés dans les domaines des sciences et de la santé

L’analyse a toutefois révélé qu’il n’y avait pas de différences importantes entre les diverses disciplines scolaires pour ce qui est de la probabilité d’être surqualifié 100 % du temps.

La surqualification ne varie pas selon les sexes et les régions

On n’observe pas de différences statistiquement significatives entre la proportion des hommes qui avaient des liens très forts avec le marché du travail et qui avait déjà occupé des emplois dans lesquels ils étaient surqualifiés à un moment donné de la période à l’étude et celle des femmes dans la même situation. Une autre étude récente de Statistique Canada corrobore ces résultats et présente des données qui ont mené aux mêmes conclusions11.

Les résultats de la présente étude indiquent qu’environ 31 % des hommes détenaient un grade universitaire et occupaient un emploi exigeant tout au plus un diplôme d’études secondaires, comparativement à 26 % pour les femmes.

De plus, l’étude n’a révélé aucune différence significative apparente entre les taux de surqualification selon les régions au Canada, même en tenant compte de l’effet des autres caractéristiques individuelles et des caractéristiques du lieu de travail.

Dans l’Ouest — Colombie-Britannique, Alberta, Saskatchewan et Manitoba ? 30 % des travailleurs se sont retrouvés, à un moment donné, dans une situation de surqualification, comparativement à 28 % environ dans la région centrale du Canada ? Ontario et Québec ? et à 25 % dans les provinces de l’Atlantique — Terre-Neuve-et-Labrador, Île-du-Prince-Édouard, Nouvelle-Écosse et Nouveau-Brunswick.

Les travailleurs à temps plein : moins en surqualification, mais plus surqualifiés longtemps

La surqualification était plus fréquente chez les travailleurs à temps partiel. Environ 42 % des travailleurs à temps partiel (ceux qui travaillent moins de 30 heures par semaine) ont occupé un emploi pour lequel ils étaient surqualifiés, comparativement au quart seulement des travailleurs à temps plein. Cependant, comparativement à leurs homologues à temps partiel, les travailleurs à temps plein étaient deux fois plus susceptibles d’occuper un poste dans lequel ils étaient surqualifiés pendant 100 % de leur période de travail. Cette situation est peut-être attribuable au fort attachement des travailleurs surqualifiés à temps plein envers leur travail et au fait qu’ils sont moins tentés de quitter leur travail en raison des coûts de substitution.

Graphique
Les travailleurs à temps plein sont au moins deux fois plus susceptibles de rester toujours surqualifiés

Les travailleurs canadiens surqualifiés se retrouvaient surtout dans le secteur du commerce de détail ou de gros. Dans ce secteur, 1 travailleur sur 2 a occupé un poste pour lequel il était surqualifié pendant toute la période à l’étude.

Dans les autres secteurs, les taux de surqualification ont varié de 23 % dans le secteur des services aux consommateurs à 34 % dans les secteurs de la fabrication et de la construction.

Ici encore pour ce qui est de la surqualification 100 % du temps, l’analyse a révélé qu’il n’y avait pas de différences significatives entre les différents secteurs de l’industrie, quand on tient compte des caractéristiques des individus et du lieu de travail.

Graphique
Dans le secteur du commerce, 1 travailleur sur 2 était surqualifié

Les travailleurs qui étaient syndiqués ou qui étaient couverts par une convention collective étaient moins susceptibles que leurs homologues de se retrouver dans un emploi pour lequel ils étaient surqualifiés.

Moins du quart des travailleurs syndiqués occupaient un poste pour lequel ils étaient surqualifiés, comparativement à 38 % dans le cas des travailleurs non syndiqués. Cependant, les travailleurs syndiqués qui se retrouvaient dans cette situation étaient beaucoup plus susceptibles de rester surqualifiés 100 % du temps comparativement à leurs homologues non syndiqués.

Graphique
Les membres syndiqués ou couverts par une convention collective étaient moins susceptibles d’être surqualifiés plus susceptibles de toujours y rester

La surqualification varie aussi selon la taille de l’entreprise. Environ 25 % des travailleurs au service d’une plus grande entreprise, c’est-à-dire comptant 500 employés ou plus, ont occupé un poste pour lequel ils étaient surqualifiés à un certain moment de la période à l’étude, comparativement à environ 30 % dans le cas des travailleurs employés au sein de petites et de moyennes entreprises. Cependant, la probabilité que les employés de petites entreprises occupent, pendant toute la durée de l’étude, un emploi pour lequel ils sont surqualifiés était deux fois plus élevée que dans le cas des employés des moyennes entreprises.

Graphique
Les moyennes entreprises présentent la plus petite proportion d’employés toujours surqualifiés

Échantillon et méthodes

L’Enquête sur la dynamique du travail et du revenu (EDTR), menée de 1993 à 2001, a été utilisée pour la présente analyse. Il s’agit d’une enquête à la fois longitudinale et transversale portant sur des individus et leurs ménages. L’EDTR utilise l’Enquête sur la population active comme base d’échantillonnage. Chaque personne (à peu près 30 000 adultes) de l’EDTR a été interviewée sur une période allant jusqu’à six ans. Le premier panel a commencé en 1993 et un nouveau panel a été ajouté tous les trois ans — le deuxième panel a commencé en 1996, le troisième en 1999 et le quatrième en 2002. Comme la durée des panels était de six ans, il y a toujours eu deux panels qui se sont chevauchés pendant une période de trois ans.

Utilisant l’aspect longitudinal des données de l’EDTR, les estimations dérivées des années de référence, de 1993 à 2001, sont fondées sur l’information des deux premiers panels. Pour obtenir plus de renseignements sur l’EDTR, consultez le site Web de Statistique Canada ou communiquez avec un préposé des Services à la clientèle au (613) 951-7355 (income@statcan.gc.ca).

L’échantillon se limitait aux personnes qui détenaient au moins un grade, un diplôme ou un certificat d’une université au début du panel et qui n’avaient jamais occupé un poste de gestionnaire pendant toute la durée du panel. Une autre restriction a mené à l’exclusion de tous les retraités — les personnes de 55 ans et plus qui touchaient un revenu de retraite pendant une année du panel. Pour permettre une analyse plus détaillée des caractéristiques des travailleurs en situation de surqualification, l’échantillon a été divisé en deux groupes — les personnes qui avaient travaillé pendant 4,5 ans ou moins et celles qui avaient travaillé pendant plus de 4,5 ans. Le point de démarcation de 4,5 ans a été établi de façon empirique. La majorité des individus faisant partie de l’échantillon ont travaillé pendant plus de 4,5 ans. Ceux qui ont travaillé 4,5 ans ou moins étaient considérés comme ayant peu de liens avec le marché et ceux qui avaient travaillé pendant plus de 4,5 ans comme ayant des liens très forts avec le marché du travail. Les échantillons contenaient respectivement 781 répondants pour la partie « peu de lien » et 3 065 répondants pour la partie « liens très forts ». La majorité des résultats de l’analyse se rapportent aux répondants qui avaient des liens très forts avec le marché du travail.

Pour analyse plus en profondeur, on a utilisé un modèle de régression logistique fondé sur un groupe de personnes qui avaient des liens très forts avec le marché du travail afin d’examiner quels étaient les déterminants de la surqualification des Canadiens détenant un grade universitaire et occupant un poste qui exige tout au plus un diplôme d’études secondaires. La régression logistique permet de déterminer la probabilité qu’un résultat déterminé — soit la surqualification dans cette étude — se réalise comme fonction de plusieurs variables explicatives. L’association entre chaque variable explicative et la probabilité d’être surqualifié est examinée alors que les autres variables sont gardées constantes.

Pour aider à choisi les variables à faire ressortir dans l’analyse descriptive, on a modélisé deux analyses de régression à l’aide du logiciel SUDAAN et de 1 000 poids bootstrap destinés à être utilisés avec les données longitudinales de l’EDTR. Chaque modèle a mesuré l’effet des variables suivantes sur la variable dépendante : panel, sexe, statut d’immigration, groupe d’âge, région de résidence, niveau d’études, domaine d’études, horaire de travail (temps partiel/temps plein), industrie, statut syndical et taille de l’entreprise. La valeur de la variable au début du panel de six ans a été utilisée le cas échéant. Par exemple, le niveau scolaire correspond au niveau de scolarité le plus élevé du répondant la première année. La régression mesure l’influence de chaque variable tout en tenant compte de l’effet des autres.

Les modèles ont été les suivants : une régression logistique mesurant la probabilité relative d’avoir déjà été surqualifié plutôt que de ne l’avoir jamais été étant donné son statut (tel que défini par les variables énumérées); et une régression logistique mesurant la probabilité relative de faire partie de la population des travailleurs rarement surqualifiés plutôt que de la population des travailleurs toujours surqualifiés, étant donné son statut.

Tous les résultats présentés dans le présent document sont statistiquement significatifs, du moins à un niveau de signification de 90 %. Les résultats détaillés des régressions se trouvent à la fin de ce document.

Tableau
Nombres de travailleurs surqualifiés et proportions qu’ils représentent par rapport aux détenteurs de grade universitaire pour 1993 et 2001

Tableau
Résultats de la régression logistique comparant les travailleurs n’ayant jamais connu la surqualification à ceux l’ayant connu

Tableau
Résultats de la régression logistique comparant les travailleurs rarement surqualifiés à ceux toujours surqualifiés


Notes en fin de document

  1. Voir l’article de Diane Galarneau et René Morissette, « Les immigrants sont-ils perdants? », L’emploi et le revenu en perspective, vol. 16, no 3, produit no 75-001-X au catalogue de Statistique Canada, automne 2004.
  2. Dans toute cette étude, les gestionnaires sont exclus étant donné la grande diversité de leur expérience et de leur niveau d’études.
  3. Les travailleurs à temps partiel et à temps plein sont inclus.
  4. Voir l’article de Susan Crompton, « J’ai encore l’impression d’être trop qualifié pour l’emploi que j’occupe » Tendances sociales canadiennes, no 62, no 11-008-X au Catalogue de Statistique Canada, hiver 2002.
  5. Voir les détails techniques sur la régression logistique dans la section portant sur l’échantillon et la méthode. Ces résultats sont statistiquement significatifs, du moins au niveau de signification de 90 %. Les résultats de la régression sont aussi reproduits à la fin de cet article.
  6. Voir l’article de Diane Galarneau et René Morissette, « Les immigrants sont-ils perdants? », L’emploi et le revenu en perspective, vol. 16, no 3, produit no 75-001-X au catalogue Statistique Canada, automne 2004.
  7. Voir l’article de Tina Chui et Kelly Tran, « Enquête longitudinale auprès des immigrants du Canada : progrès et défis des nouveaux immigrants sur le marché du travail », produit no 89-615-X au catalogue de Statistique Canada, octobre 2005.
  8. Voir les détails techniques sur la régression logistique dans la section portant sur l’échantillon et la méthode. Ces résultats sont statistiquement significatifs, du moins au niveau de signification de 90 %. Les résultats de la régression sont aussi reproduits à la fin de cet article.
  9. Idem.
  10. Voir Marc Frenette, « Surqualification du diplômé canadien : le rôle du programme d’études à l’égard de l’incidence, de la persistance et du rendement économique de la surqualification », Economics of Education Review, vol. 23, 2004.
  11. Idem.