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Vingt ans dans la carrière des travailleurs immigrants et des travailleurs nés au Canada

Vingt ans dans la carrière des travailleurs immigrants et des travailleurs nés au Canada

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par René Morissette et Rizwan Sultan

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Le présent article porte sur trois questions : 1) Quelle était la dynamique de l'emploi d'une cohorte particulière de travailleurs immigrants et de travailleurs nés au Canada au cours de la période de 20 ans allant de 1991 à 2010? 2) Dans quelle mesure les différences initiales entre la rémunération et la protection en matière de pensions des deux groupes ont-elles été réduites au cours de cette période? 3) Quels facteurs étaient associés à la réduction de ces différences? Les données proviennent d'enregistrements couplés du Recensement de 1991 et du Fichier de données longitudinales sur la main-d'œuvre et portent sur les salaires et traitements annuels réels et la protection en matière de pensions des travailleurs immigrants âgés de 25 à 34 ans en 1991 qui sont arrivés au Canada de 1985 à 1990 et des travailleurs nés au Canada du même groupe d'âgeNote 1.

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Du début des années 1980 au milieu des années 2000, les différences entre la rémunération des travailleurs immigrants récents et des travailleurs nés au Canada ont augmenté considérablement (Statistique Canada, 2008) (graphique 1). L'élargissement de cet écart soulève la question de la convergence possible de la rémunération des deux groupes à long terme. En dépit de recherches substantielles sur les différences entre la rémunération des immigrants et des travailleurs nés au Canada, aucune étude n'a suivi ces travailleurs individuellement sur une période de 20 ans pour déterminer les facteurs associés à la convergence de la rémunération à long terme. Afin d'approfondir cette question, le présent article examine les trajectoires individuelles d'emploi et de rémunération d'une cohorte particulière de jeunes immigrants et de leurs homologues nés au Canada au cours de la période de 1991 à 2010. Il montre comment les salaires et traitements annuels réels et la protection en matière de pensions des deux groupes ont évolué au cours de cette période de 20 ans, ainsi que le rôle que les diverses caractéristiques d'emploi ont joué à l'égard de cette convergence.

L'employé immigrant typique a eu quatre employeurs différents de 1991 à 2010

Les immigrants âgés de 25 à 34 ans en 1991 qui étaient arrivés au Canada de 1985 à 1990 étaient moins susceptibles que leurs homologues nés au Canada d'avoir un emploi rémunéré tout au long de la période de 1991 à 2010. Parmi ceux qui avaient un emploi rémunéré, tant en 1991 qu'en 2010 (ci-après appelés « employés » ou « travailleurs »), 64 % des hommes immigrants et 59 % des femmes immigrantes avaient un emploi rémunéré chaque année de 1991 à 2010. Les chiffres correspondants pour les hommes et les femmes nés au Canada de la même fourchette d'âge étaient plus élevés, s'établissant respectivement à 79 % et 71 %.

Même s'ils étaient moins susceptibles d'avoir un travail rémunéré chaque année tout au long de la période, ou peut-être pour cette raison, les immigrants ont changé d'employeur plus souvent que les employés nés au Canada par suite de mises à pied, de départs volontaires ou d'autres raisons. Les hommes et les femmes immigrants ont eu en moyenne 4,8 et 5,0 employeurs, respectivement, comparativement à 4,4 et 4,3 pour leurs homologues nés au Canada. Le nombre médian d'employeurs pour les immigrants était de 4, comparativement à 3 pour les employés nés au Canada.

Le fait que les immigrants étaient moins susceptibles que les employés nés au Canada de travailler dans de grandes entreprises au début de la période peut être l'une des raisons pour lesquelles ils ont changé d'employeur plus souvent. En 1991, 30 % des hommes immigrants et 43 % des femmes immigrantes travaillaient dans des entreprises comptant 500 travailleurs ou plus. Les pourcentages correspondants pour les hommes et les femmes nés au Canada étaient plus élevés : 50 % et 53 %, respectivement. Comme la rémunération, la protection en matière de pensions, la sécurité d'emploi et les possibilités de gagner un meilleur salaire au sein de l'organisation sont souvent meilleures dans les grandes entreprises, le roulement de travailleurs y est généralement plus faible que dans les petites entreprises (Morissette et coll., 2013).

Convergence partielle de la rémunération et de la protection en matière de pensions

Tant les travailleurs immigrants que les travailleurs nés au Canada ont connu une croissance substantielle de leurs salaires et traitements annuels réels de 1991 à 2010. Par exemple, en 2010, lorsqu'ils avaient de 44 à 53 ans, les membres de cette cohorte d'employés immigrants de sexe masculin gagnaient en moyenne 60 330 $ par année, soit 1,71 fois ce qu'ils gagnaient en 1991 (35 290 $) (tableau 1). Les montants correspondants pour les employés de sexe masculin nés au Canada étaient respectivement de 70 210 $ et 46 410 $, soit une augmentation de plus de 51 %. Le résultat net est une convergence partielle de la rémunération relative. Les salaires et traitements annuels moyens des hommes immigrants représentaient 86 % de ceux des hommes nés au Canada en 2010, comparativement à 76 % en 1991Note 2.

Cependant, l'écart entre les gains n'a pas diminué de façon constante tout au long de la période de 20 ans. De 1991 au début des années 2000, les salaires et traitements annuels des hommes immigrants de cette cohorte ont augmenté par rapport à ceux des hommes nés au Canada (graphique 2). Toutefois, la convergence a cessé autour de 2001, et à partir de 2003, les hommes immigrants ont perdu du terrain par rapport à leurs homologues nés au Canada.

La convergence partielle de la rémunération s'est produite au moment où les hommes immigrants ont augmenté leur présence dans les grandes entreprises dans une plus large mesure que les hommes nés au Canada. En 2010, 39 % des employés immigrants de sexe masculin travaillaient dans des entreprises comptant 500 travailleurs ou plus, comparativement à 30 % en 1991. Par contre, environ la moitié des employés de sexe masculin nés au Canada travaillaient dans de grandes entreprises, tant en 1991 qu'en 2010. La présence de plus en plus grande des hommes immigrants dans les grandes entreprises, combinée à la stabilité du pourcentage d'hommes nés au Canada dans ces entreprises, a été à l'origine du quart au tiers du rétrécissement de l'écart dans la rémunération entre les deux groupesNote 3. D'autres facteurs (par exemple les mouvements d'emploi différents dans des industries et des professions définies à un niveau de désagrégation détaillé et les améliorations différentes des compétences linguistiques et des réseaux sociaux), qui peuvent sous-tendre la convergence partielle de la rémunération, ne peuvent être mesurés à partir des données existantesNote 4.

La rémunération des femmes immigrantes et des femmes nées au Canada a aussi convergé partiellement. Les salaires et traitements annuels moyens des femmes immigrantes représentaient 93 % de ceux des femmes nées au Canada en 2010, comparativement à 78 % en 1991. Même si la présence des femmes immigrantes dans les grandes entreprises a augmenté, il en est allé de même pour les femmes nées au Canada. Par conséquent, les mouvements d'emploi différents selon les tailles d'entreprises ont été à l'origine d'une partie relativement faible — 3 % au plus — de la convergence de la rémunération chez les femmes.

Dans le cas des employés immigrants des deux sexes, la convergence partielle de la rémunération a été observée à la fois chez les travailleurs moins scolarisés (ceux ayant un certificat d'une école de métiers, un diplôme d'études secondaires ou un niveau inférieur de scolarité) et les travailleurs plus scolarisés (tableau 1). En 2010, peu importe leur niveau de scolarité, la rémunération des femmes immigrantes représentait environ 95 % de celle de leurs homologues nées au Canada. Dans le cas des hommes, la portée de la convergence différait selon le niveau de scolarité. En 2010, la rémunération des hommes immigrants non scolarisés représentait 78 % de celle de leurs homologues nés au Canada, comparativement à 93 % pour les travailleurs immigrants plus scolarisés.

En parallèle avec la rémunération relative, les différences de protection en matière de pensions ont diminué au cours de la période de 1991 à 2010. Par exemple, en 2010, 44 % des hommes immigrants avaient un régime de pension agréé (RPA) ou un régime de participation différée aux bénéfices (RPDB), comparativement à 56 % de leurs homologues nés au Canada (graphique 3). Deux décennies plus tôt, les proportions étaient respectivement de 25 % et 50 %.

Des analyses multidimensionnelles montrent que, comme pour la rémunération relative, la convergence partielle du taux de protection par un RPA ou un RPDB chez les hommes découlait en partie des mouvements d'emploi différents selon les tailles d'entreprises, qui ont été à l'origine du cinquième au tiers de la diminution de l'écart. Dans le cas des femmes, ces mouvements ont représenté du dixième au quart de la réduction de l'écart dans la protection par un RPA ou un RPDB.

Peu importe leur niveau de scolarité, les employés immigrants des deux sexes ont vu leur protection par un RPA ou un RPDB augmenter plus rapidement que les employés nés au Canada (tableau 2). Par conséquent, les taux de protection ont convergé au cours de la période, mais pas complètementNote 5.

Rémunération cumulative corrélée à la mobilité des travailleurs

À la fin de la période de 20 ans, les salaires et traitements cumulatifs des employés immigrants de sexe masculin de cette cohorte se situaient en moyenne à 974 900 $ (dollars de 2010), ce qui représente 17 % de moins que ceux de leurs homologues nés au Canada (1 173 900 $). Dans le cas des femmes, les montants étaient respectivement de 676 400 $ et 778 300 $Note 6, soit une différence de 13 %.

Comme il fallait s'y attendre, la rémunération cumulative était associée de façon positive au niveau de scolarité du travailleur. Lorsque les compétences linguistiques (capacité autodéclarée de soutenir une conversation dans une des deux langues officielles ou les deux) et la région de résidence en 1991 étaient prises en compte, les hommes immigrants qui étaient arrivés au Canada avec au moins un baccalauréat ont gagné en moyenne 664 500 $ de plus au cours de la période de 1991 à 2010 que leurs homologues ayant un diplôme d'études secondaires. Les femmes immigrantes titulaires d'un diplôme universitaire ont gagné 290 150 $ de plus en moyenne que celles qui avaient un diplôme d'études secondaires.

La rémunération cumulative était aussi corrélée à la mobilité des travailleurs. Lorsque le niveau de scolarité, les compétences linguistiques et la région de résidence au début de la période étaient pris en compte, les hommes immigrants qui n'avaient eu qu'un employeur au cours de la période avaient gagné environ 205 000 $ de plus que ceux qui avaient eu cinq employeurs. L'estimation correspondante pour les femmes immigrantes se rapproche de 170 000 $. Toutefois, plutôt que de montrer les répercussions du fait de demeurer avec un employeur, ces chiffres rendent probablement compte de la tendance des personnes travaillant dans des entreprises où la rémunération est élevée à demeurer dans ces entreprises pendant une longue période de temps.

La perte d'emploi (ou l'absence de perte d'emploi) a aussi influencé la rémunération cumulative des hommes et des femmes immigrants de cette cohorte. Les employés immigrants qui ont été mis à pied de façon permanente à un moment donné au cours de la période de 20 ans avaient une rémunération cumulative plus faible que ceux qui n'ont pas connu de perte d'emploi. Le désavantage au chapitre de la rémunération cumulative associé à la perte d'emploi variait entre environ 104 000 $ pour les hommes immigrants et 74 000 $ pour les femmes immigrantes.

Résumé

La baisse dans la rémunération des immigrants récents observée depuis le début des années 1980 soulève la question de la convergence complète possible de la rémunération des travailleurs immigrants et des travailleurs nés au Canada à long terme. Afin d'approfondir cette question, la présente étude a examiné les trajectoires d'emploi et de rémunération d'une cohorte particulière de travailleurs immigrants et de travailleurs nés au Canada de 1991 à 2010. La principale constatation est que, même si la rémunération et la protection en matière de pensions des employés immigrants et des employés nés au Canada ont partiellement convergé au cours de la période de 20 ans, des différences significatives ont subsisté. Ces résultats mesurent la convergence au niveau individuel. Des recherches futures pourraient servir à déterminer si le niveau de convergence de la rémunération et de la protection en matière de pensions sur une longue période diffère si la convergence est définie au niveau de la famille.

Bibliographie

Le présent article de la série Aperçus économiques est fondé sur des recherches menées par la Division de l'analyse sociale. Pour plus de renseignements, veuillez consulter les documents suivants :

Morissette, R., Y. Lu et T. Qiu. 2013. Réallocation des travailleurs au Canada, Direction des études analytiques : documents de recherche, no 348. Produit no 11F0019M au catalogue de Statistique Canada. Ottawa : Statistique Canada.

Ostrovsky, Y., et A. Stark. À paraître. An Examination of Registered Pension Plan and Registered Savings Plan Saving Behaviour Across Cohorts of Canadian-born and Immigrant Workers, Direction des études analytiques : documents de recherche. Produit no 11F0019M au catalogue de Statistique Canada. Ottawa : Statistique Canada.

Picot, G., et P. Piraino. 2012. Augmentation des gains des immigrants : biais de sélection ou progrès réel?, Direction des études analytiques : documents de recherche, no 340. Produit no 11F0019M au catalogue de Statistique Canada. Ottawa : Statistique Canada.

Statistique Canada. 2008. Gains et revenus des Canadiens durant le dernier quart de siècle, Recensement de 2006 : résultats. Produit no 97-563-X au catalogue de Statistique Canada. Ottawa : Statistique Canada.

Notes

  1. Les salaires sont exprimés en dollars de 2010. Pour déterminer les caractéristiques d'emploi (par exemple la taille de l'entreprise, le secteur d'activité) qui ont contribué à la convergence de la rémunération des immigrants et des personnes nées au Canada au cours de la période de 1991 à 2010, l'échantillon comprend uniquement les personnes qui ont eu des salaires et traitements positifs, tant en 1991 qu'en 2010.
  2. Cette convergence partielle correspond à celle notée par Picot et Piraino (2012), qui ont suivi la trajectoire de la rémunération annuelle des hommes immigrants qui sont arrivés au Canada entre 1985 et 1989 et qui avaient de 25 à 44 ans ainsi que celle de la rémunération d'un groupe de comparaison (les travailleurs nés au Canada et les immigrants arrivés au Canada avant 1980). De 1990 à 2005, les écarts de rémunération entre les deux groupes ont diminué, passant de 30,2 % à 14,8 %. Contrairement à la présente étude, Picot et Piraino (2012) n'ont pas évalué la convergence de la rémunération selon le niveau de scolarité ou la convergence dans la protection en matière de pensions.
  3. Cette constatation découle d'analyses de régression qui contrôlent la taille de l'entreprise, les grands groupes d'industries, la syndicalisation et les régions.
  4. Des industries définies à un niveau de désagrégation détaillé peuvent être déterminées dans l'ensemble de données utilisé pour la présente étude, mais les tailles relativement petites des échantillons d'employés immigrants empêchent que les analyses soient fiables à un niveau détaillé de désagrégation des industries.
  5. À partir de la Banque de données administratives longitudinales, Ostrovsky et Stark (à paraître) ont aussi déterminé que les différences entre la protection en matière de pensions des immigrants et des personnes nées au Canada ont tendance à diminuer au fil du temps. Toutefois, leurs données ne permettent pas d'analyses distinctes selon le niveau de scolarité ou une évaluation de la mesure dans laquelle les mouvements d'emploi différents selon les tailles d'entreprises sont à l'origine de la convergence partielle de la protection en matière de pensions.
  6. Conformément au tableau 1, la rémunération cumulative des hommes immigrants moins scolarisés (793 900 $) représentait 77 % de celle de leurs homologues nés au Canada (1 032 800 $). Par contre, la rémunération cumulative des hommes immigrants plus scolarisés (1 274 200 $) représentait environ 88 % de celle de leurs homologues nés au Canada (1 442 800 $). Pour les deux niveaux de scolarité, les salaires et traitements cumulatifs moyens des femmes immigrantes représentaient environ 90 % de ceux des femmes nées au Canada.
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