Études analytiques : méthodes et références
Élaboration d'estimations historiques du volume de consommation de cannabis au Canada, 1960 à 2015

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Remerciements

Nous aimerions remercier Isabelle Amano, Danny Leung et Claudia Sanmartin pour leur soutien ainsi que leurs suggestions et leurs discussions. Nous aimerions aussi remercier Cindy Renaud et Louise Simcox pour leurs efforts sans relâche en vue de la publication du présent manuscrit. Enfin, nous aimerions aussi remercier Nigel Wodrich pour ses commentaires, Naz Kazi, Conrad Barber-Dueck, Tony Peluso, Jim Tebrake et Philip Smith pour leur contribution, ainsi que les participants aux séminaires dont les résultats préliminaires ont été présentés.

Résumé

Le présent document porte sur le processus d'estimation du volume de consommation de cannabis au Canada, selon le groupe d'âge, de 1960 à 2015. La consommation de cannabis est estimée au moyen d'un modèle qui comprend d'abord une estimation du nombre de consommateurs de cannabis chez les personnes âgées de 15 à 17 ans, de 18 à 24 ans, de 25 à 44 ans et de 45 à 64 ans. Pour ce faire, on estime la prévalence de la consommation de cannabis sur la base de plusieurs sources de données d'enquête. Les consommateurs de chaque groupe d'âge sont divisés en catégories, selon la fréquence annuelle de consommation : une fois au cours de la dernière année, moins d'une fois par mois, une à trois fois par mois, chaque semaine (mais pas chaque jour) et chaque jour. Chacune des catégories de fréquence de consommation est par la suite associée à une quantité de cannabis consommée.

1 Introduction

Le 13 avril 2017, le gouvernement du Canada a déposé le projet de loi portant sur la légalisation de la consommation de cannabis à des fins récréatives au Canada. Par conséquent, il sera nécessaire de rajuster les mesures statistiques de l'activité économique dans le Système canadien des comptes macroéconomiques (SCCM), en vue d'inclure le volume, le prix et la valeur du cannabis produit, distribué et consommé par les Canadiens (Statistique Canada, 2017; Tebrake, 2017). Dans cette optique, Statistique Canada a commencé à diffuser une série de rapports et d'ensembles de données afin de fournir des renseignements sur la taille et la composition du marché du cannabis. Les premières estimations du volume de consommation de cannabis ont été publiées en décembre 2017 (Macdonald et Rotermann, 2017). Ces estimations illustrent l'évolution de la consommation de cannabis selon le groupe d'âge au Canada de 1960 à 2015. Le Centre de statistiques sur le cannabis a par la suite intégré ces estimations en les utilisant comme données de base pour établir ses estimations de la tendance de la consommation de cannabis et en étendant la couverture des données jusqu'en 2017. Rotermann et Macdonald (2018) proposent une analyse détaillée des sources de données d'enquête disponibles ainsi qu'un examen des tendances récentes de la prévalence de consommation de cannabis au Canada. Le présent document décrit la méthodologie détaillée utilisée pour estimer les séries chronologiques de données sur la consommation de cannabis de 1960 à 2015.

L'intégration dans le SCCM de la consommation de cannabis présente un défi inhabituel parce que les estimations des comptes nationaux ne comprennent pas les activités illégales^{Note 1}. De plus, même si l'évolution récente du marché du cannabis médicinal est prise en compte dans certaines statistiques des comptes nationaux, il n'existe pas de désignation officielle pour le marché du cannabis consommé à des fins médicales. Par ailleurs, le cannabis est largement disponible au Canada, malgré son interdiction, et de nombreuses personnes en consomment régulièrement à des fins récréatives. Par conséquent, il existe un marché bien établi pour le cannabis consommé à des fins récréatives à l'extérieur des limites de ce qui est mesuré comme activité économique. En outre, les sources de données existantes sur la consommation ne permettent pas de désagrégation entre le marché médical légal et le marché récréatif illégal. C'est donc dire que l'inclusion de la consommation de cannabis dans le SCCM exige l'intégration d'une estimation pour l'ensemble du marché du cannabis. Le simple ajout de la valeur marchande de la consommation de cannabis aux estimations de la consommation courante pourrait créer une discontinuité au fil du temps, une fois que la consommation de cannabis à des fins récréatives aura été légalisée.

Certaines questions stratégiques exigent aussi des renseignements sur les parts d'activité du marché noir et du marché légal. Par exemple, il est important de disposer de renseignements sur la taille totale d'un marché et de sa composition pour évaluer la mesure dans laquelle le marché légal remplace le marché noir.

Pour relever ces défis, on intègre des sources de données récentes et historiques, afin d'estimer le volume de consommation de cannabis de 1960 à 2015. Cette période englobe le marché illégal et le marché légal qui s'est développé. Elle permet aussi la création d'une série chronologique suffisamment longue pour que son inclusion, globale ou partielle, contribue à maintenir la cohérence des séries chronologiques du SCCM.

Il est essentiel de reconnaître explicitement dès le départ que l'estimation de la consommation de cannabis comporte un niveau considérable d'incertitude. Cette incertitude fait en sorte qu'il faut remonter plus loin dans le passé, parce que les sources d'information sont plus limitées et les sources de données moins uniformes. Il en est ainsi parce que la consommation de cannabis était illégale au cours de ces périodes, ce qui fait que les données existantes concernant la taille et la composition du marché du cannabis au Canada sont limitées. En outre, les données existantes affichent une tendance vers la sous-déclaration, en raison des sanctions juridiques et de la stigmatisation sociale associées à la consommation de cannabis (Rotermann et Macdonald, 2018). Par conséquent, il faut utiliser des hypothèses solides pour élaborer les estimations. Ces hypothèses sont difficiles à vérifier, et leur validité peut avoir des répercussions sur l'estimation du volume de consommation.

Deux types principaux de sources de données peuvent être utilisés pour estimer le volume de consommation de narcotiques illégaux au Canada : les enquêtes sur la santé et les toxicomanies ainsi que les enquêtes de surveillance de la consommation de drogues, de tabac et d'alcool; les données sur l'application de la loi. Pour estimer le volume de consommation de cannabis aux fins du présent document, on a utilisé les données de ces enquêtes (BDPB, 2016; ESPAD, 2015; Abramsky et Drew, 2014; Kilmer et coll., 2013 et 2011). Pour ce faire, on a combiné les estimations de population et une estimation de la proportion de consommateurs de cannabis selon le groupe d'âge, une estimation de la fréquence de consommation et une estimation de la consommation selon la fréquence. Les groupes d'âge utilisés sont ceux des personnes âgées de 15 à 17 ans, de 18 à 24 ans, de 25 à 44 ans et de 45 à 64 ans. La combinaison de ces estimations et l'agrégation entre les groupes permettent de calculer une estimation du volume de consommation de cannabis.

Les résultats montrent que la consommation totale de cannabis connaît une tendance à la hausse depuis longtemps. Du début au milieu des années 1960, avant que la consommation de cannabis ne se répande rapidement parmi les personnes âgées de 15 à 17 ans et de 18 à 24 ans, on estime que de 24 à 29 tonnes de cannabis étaient consommées chaque année au Canada. En 1972, cette quantité était passée à 223 tonnes. Un ralentissement s'est produit dans le reste des années 1970 et au début des années 1980, mais la consommation a atteint 361 tonnes en 1984. Le volume de consommation a diminué, au fur et à mesure du recul de l'estimation rajustée et étalonnée de la prévalence de la consommation et de la baisse du nombre rajusté de consommateurs, jusqu'à la fin des années 1980 et au début des années 1990, atteignant un creux de 203 tonnes en 1992. Le volume a connu une nouvelle augmentation rapide au cours de la décennie suivante et a atteint 483 tonnes en 2001. Le volume de consommation s'est stabilisé à environ 475 tonnes en moyenne de 2002 à 2010. Puis, une période d'augmentation rapide a suivi, de 2010 à 2015, culminant à une quantité estimée de 697 tonnes de cannabis consommées au Canada en 2015.

La granularité des estimations permet d'examiner les groupes d'âge à l'origine de la croissance de la consommation de cannabis au cours des diverses périodes. L'expansion du marché du cannabis à la fin des années 1960 et au début des années 1970 a été attribuable aux groupes plus jeunes (15 à 17 ans et 18 à 24 ans). Toutefois, après le début des années 1970, la croissance est venue des cohortes plus âgées, le volume de consommation par les groupes plus jeunes n'affichant pas de tendance à la hausse.

La structure du reste du présent document est la suivante. La section 2 porte sur les sources de données et la section 3 expose les grandes lignes de la méthodologie. La section 4 décrit comment les paramètres nécessaires sont estimés, tandis que la section 5 fait état des résultats. La section 6 examine le caractère délicat des estimations, et la section 7 conclut le document.

2 Sources de données

La présente étude utilise des données provenant de diverses sources. Celles-ci comprennent le rapport du Bureau du directeur parlementaire du budget (DPB) (BDPB, 2016), sur lequel repose la méthodologie du présent rapport, des estimations de la prévalence et de la fréquence de consommation du cannabis tirées de nombreuses enquêtes et des estimations de population de Statistique Canada.

Les données tirées du rapport du DPB sont prises en compte dans l'examen des estimations de paramètres et sont utilisées ici parce qu'elles facilitent les comparaisons entre la présente recherche et les travaux du DPB. Elles sont aussi utilisées parce qu'elles proviennent de sources fiables et qu'elles ont fait l'objet d'un examen par ces sources, et parce qu'il n'existe pas de motifs raisonnables de remettre en question ces estimations, compte tenu du peu de renseignements concernant certaines questions liées à la consommation de cannabis.

Les estimations d'enquête sont tirées principalement d'enquêtes nationales, sauf pour les périodes plus anciennes, pour lesquelles un moins grand nombre de données sont disponibles.

Les enquêtes nationales comprennent les enquêtes menées en 1970 par la Commission d'enquête sur l'usage des drogues à des fins non médicales (communément appelée la Commission Le Dain [Le Dain, 1972]); l'Enquête sur la promotion de la santé (EPS) (Statistique Canada, s.d.a, s.d.b); l'Enquête nationale sur la consommation d'alcool et de drogue (ENCAD) (Statistique Canada, s.d.c); l'Enquête sociale générale (ESG) (Statistique Canada, s.d.d); l'Enquête canadienne sur la consommation d'alcool et autres drogues (ECCAD) (Statistique Canada, s.d.e); l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (ESCC) (Statistique Canada, s.d.f, s.d.g); l'Enquête sur les toxicomanies au Canada (ETC) (Adlaf, Begin et Sawka, 2005); l'Enquête de surveillance canadienne de la consommation d'alcool et de drogues (ESCCAD) (Santé Canada, s.d.); l'Enquête de surveillance de l'usage du tabac au Canada (ESUTC) (Statistique Canada, s.d.h); l'Enquête canadienne sur le tabac, l'alcool et les drogues (ECTAD) (Statistique Canada, s.d.i, s.d.j).

Les estimations pour les périodes plus anciennes sont tirées d'enquêtes menées par le Centre de toxicomanie et de santé mentale (CAMH) et par des chercheurs indépendants.

On utilise les données du CAMH parce qu'elles concernent l'Ontario, qui est la province la plus populeuse, et parce qu'elles comportent des séries chronologiques étendues. Le Sondage sur la consommation de drogues et la santé des élèves de l'Ontario (SCDSEO) mené auprès des élèves du secondaire (Boak et coll., 2015) et l'enquête CAMH Monitor (Ialomiteanu et coll., 2016), qui vise les personnes âgées de 18 ans et plus, ont vu le jour en 1977. Le premier est mené tous les deux ans, tandis que la deuxième s'est tenue certaines années jusqu'en 2006, après quoi elle a été menée chaque année.

Les résultats publiés de chercheurs indépendants sont tirés de Lanphier et Phillips^{Note 2} (1971), Smart et Fejer (1971), Smart, Fejer et White (1972), Rootman (1972) et Currie, Perlman et Walker (1977). La plupart de ces études sont axées sur les personnes en âge de fréquenter l'école secondaire, ce qui fait que c'est ce groupe d'âge qui comporte la majorité des points de données pour cette période.

Les enquêtes dont les données sont tirées ciblent habituellement la population canadienne âgée de 15 ans et plus, mais un certain nombre de personnes sont exclues. On présume que les personnes âgées de moins de 15 ans consomment des quantités suffisamment petites de cannabis pour que leur exclusion n'ait pas de répercussions sur les résultats. Les personnes couramment exclues des enquêtes sont celles qui vivent en établissements et dans des réserves indiennes, qui servent dans les Forces canadiennes, qui vivent dans les territoires et qui n'ont pas de ligne téléphonique fixe (voir Rotermann et Macdonald, 2018). Pour produire une estimation de la population qui consomme du cannabis, on utilise l'estimation de la population canadienne âgée de 15 ans et plus, plutôt que celle des enquêtes individuelles. Ainsi, on fait l'hypothèse que la population exclue comporte les mêmes caractéristiques que la population visée par les enquêtes^{Note 3}.

Les estimations de population selon l'âge pour les années 1960 à 1970 sont tirées du tableau CANSIM 051-0026 (Statistique Canada, s.d.k), tandis que les estimations pour les années 1971 à 2016 sont tirées du tableau CANSIM 051-0001 (Statistique Canada, s.d.l). Ces estimations de population sont agrégées en cinq catégories d'âge. Les quatre premières correspondent aux catégories d'âge utilisées pour estimer la prévalence : 15 à 17 ans, 18 à 24 ans, 25 à 44 ans et 45 à 64 ans.

La cinquième catégorie englobe les personnes âgées de 65 ans et plus. Les personnes de cette catégorie sont incluses pour assurer une correspondance avec la population cible des enquêtes nationales qui sont utilisées comme sources de données. On présume que ce groupe d'âge n'aura pas des niveaux de consommation de cannabis dignes de mention, et on les inclut uniquement pour examiner le taux de consommation de cannabis de la population canadienne âgée de 15 ans et plus.

3 Méthodologie

Il faut suivre trois étapes pour combiner les données sur la consommation de cannabis en vue de produire une estimation du volume de cannabis consommé.

Tout d'abord, on estime le nombre de consommateurs de cannabis. Pour ce faire, on multiplie une estimation de la prévalence étalonnée par l'estimation de population. L'estimation de la prévalence est établie à partir des réponses aux enquêtes dans lesquelles les participants ont indiqué s'ils avaient consommé ou non du cannabis l'année précédente. Dans le cadre de certaines études plus anciennes, la question sur la prévalence porte sur les six mois précédents.

Pour estimer la prévalence, on a utilisé quatre groupes d'âge : 15 à 17 ans, 18 à 24 ans, 25 à 44 ans et 45 à 64 ans. Chaque groupe d'âge est traité séparément, afin de permettre d'examiner non seulement la quantité totale de cannabis consommée, mais aussi l'évolution de la structure par âge de la consommation de cannabis sur de longues périodes.

Pour chaque groupe d'âge, on a estimé le nombre de consommateurs chaque année de la façon suivante :

où $p_{i,t}$  représente la population de chaque groupe d'âge et $\%p_{i,t}$, le nombre étalonné de personnes dans chaque groupe d'âge qui ont déclaré avoir consommé du cannabis l'année précédente.

En deuxième lieu, la distribution de fréquences des consommateurs de cannabis pour chaque groupe d'âge et le facteur de sous-déclaration propre à la fréquence servent à affecter le nombre de consommateurs aux catégories de fréquence et à rajuster les données pour tenir compte de la sous-déclaration. On fait l'hypothèse que ces estimations sont fixes au fil du temps. Le nombre de consommateurs rajusté dans chaque groupe d'âge, chaque année, selon la fréquence de consommation, est exprimé de la façon suivante :

où  $Consommateur{s}_{i,t}$ correspond au nombre de consommateurs dans chaque groupe d'âge estimé à l'étape 1. $F$ représente le facteur de rajustement propre à la fréquence pour tenir compte de la sous-déclaration, $\%F$, la proportion de consommateurs de chaque groupe d'âge déclarant des fréquences différentes de consommation, et $\widehat{C}onsommateurs$, le nombre rajusté de consommateurs.

En troisième lieu, le volume de consommation pour chaque groupe d'âge, chaque année, selon le type de fréquence est calculé de la façon suivante :

où $\widehat{C}onsommateur{s}_{k,i,t}$ correspond au nombre rajusté de consommateurs de l'équation (2), ${\text{jours moyens de consommation}}_k$, à une estimation du nombre moyen de jours de consommation pour chaque catégorie de fréquence, et ${\text{grammes/jour}}_k$, à la quantité de cannabis consommée chaque jour pour chaque groupe de fréquence.

4 Estimations de paramètres

4.1 Prévalence de la consommation

Pour estimer la prévalence étalonnée de la consommation de cannabis, on a recours à une méta-analyse et à une approche des variables instrumentales. Dans le cadre de cette approche, les estimations des taux et des niveaux de croissance sont combinées, ce qui permet d'utiliser les sources de données en fonction de leurs forces relatives. On peut ainsi décomposer efficacement le problème en deux éléments distincts : estimation la plus juste possible du niveau de prévalence de la consommation de cannabis et estimation la plus juste possible des taux de croissance ou de la trajectoire au fil du temps de la prévalence de la consommation de cannabis.

Les sources de données d'enquête sont réparties entre celles utilisées comme repères et celles utilisées comme bases de projection (tableau 1). Le choix des séries étalonnées découle de la probabilité que ces sources de données comportent des résultats plus précis (Rotermann et Macdonald, 2018) ou d'une incapacité de les utiliser comme bases de projection en raison de leur nature intermittente. Les données admissibles aux séries de bases de projection sont regroupées selon la méthode de collecte et le responsable de la collecte, ce qui rend compte des différences de qualité ou de biais découlant de ces différences (Rotermann et Macdonald, 2018).

4.1.1 Estimations repères

On présume que l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes de 2002 – Santé mentale et bien-être (ESCC-SMB) et l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes de 2012 – Santé mentale (ESCC-SM) comportent le moins d'erreurs, en raison de leur méthode de collecte, de la taille relativement plus importante de leurs échantillons et du contexte dans lequel les questions ont été posées (Rotermann et Macdonald, 2018). L'EPS, l'ECCAD, l'ENCAD et l'ESG présentent des données qui sont suffisamment disséminées pour que leur utilisation corresponde à un exercice d'étalonnage supplémentaire. Elles ont été considérées comme un groupe en vue de leur inclusion comme repères pour les années 1980 et 1990. Toutefois, les séries pour lesquelles on les a utilisées comme repères produisent des résultats qui sont nettement en contradiction avec ceux des autres sources de données, ce qui a mené en dernier ressort à les omettre au moment de l'élaboration des séries chronologiques. Les estimations de la prévalence de l'ESCC-SMB et de l'ESCC-SM constituent les niveaux repères auxquels les fluctuations dans le temps sont attribuées.

4.1.2 Estimations des bases de projection

Pour élaborer des bases de projection de séries chronologiques, on regroupe les données selon la méthode de collecte et la source, afin de limiter la mesure dans laquelle le biais découlant des différentes méthodologies peut influencer les estimations des tendances de la prévalence de la consommation de cannabis. Dans ce cas, on utilise quatre groupes :

• Groupe 1 : données recueillies par Statistique Canada (ESUTC et ECTAD)
• Groupe 2 : estimations du CAMH (SCDSEO et CAMH Monitor)
• Groupe 3 : anciennes estimations (Commission Le Dain et études universitaires)
• Groupe 4 : ETC et ESCCAD.

Dans le cas des estimations du CAMH, les groupes d'âge ne correspondent pas exactement à ceux que l'on peut obtenir à partir des enquêtes plus anciennes. Il en va de même des études indépendantes relatives à des périodes plus lointaines. Cette caractéristique des données est difficile à contrôler. Dans le présent cas, les données du CAMH et celles des périodes plus anciennes sont utilisées comme variables instrumentales, plutôt que comme observations directes. Dans le cas des données du CAMH, on a recours à des combinaisons de différents groupes d'âge, pondérées selon la population. Les comparaisons avec d'autres points de données font ressortir une forte corrélation, qui appuie leur utilisation comme instruments. Dans le cas des enquêtes plus anciennes, on présume que les résultats sont acceptables, étant donné qu'il n'est pas possible de comparer des périodes qui se chevauchent.

L'analyse des propriétés des données de séries chronologiques de ces groupes montre clairement que les tendances des données des groupes 1 et 2 sont cohérentes, mais que les données du groupe 4 sont en contradiction avec celles des autres sources. On ne sait pas clairement comment les données du groupe 3 se comparent à celles d'autres sources, étant donné qu'il n'existe pas de données qui se chevauchent et sur lesquelles fonder les comparaisons.

Par conséquent, les bases de projection de séries chronologiques sont créées de la façon suivante. On utilise la même approche pour tous les groupes d'âge, rétroactivement à 1977. Tout d'abord, on utilise les données de l'ESUTC et de l'ECTAD pour l'interpolation de 2014. Compte tenu du taux de croissance entre les repères de 2002 à 2012, on projette le point de données présumé de la base de projection pour 2002, puis on interpole la valeur manquante pour 2013. Les données du CAMH servent à enchaîner les séries rétroactivement à 1977 (ou l'année la plus récente disponible pour les groupes plus âgés).

Pour les périodes plus anciennes, il faut faire preuve de plus de discernement pour favoriser l'uniformité des séries chronologiques, en raison du moins grand nombre de points de données disponibles. Dans le cas des jeunes âgés de 15 à 17 ans, la base de projection continue d'être extrapolée en couplant les données du CAMH avec celles de Smart, Fejer et White (1972). À partir de 1970, les données de la Commission Le Dain sont intégrées. La question directe sur la prévalence de la consommation de cannabis est utilisée telle quelle pour ce groupe d'âge, et les données de la question graphique servent à enchaîner rétroactivement les séries à l'année la plus lointaine disponible. Cela produit une base de projection qui, après étalonnage, correspond bien aux données observées. Dans le cas des personnes âgées de 18 à 24 ans, le taux de croissance entre l'étude de Smart et Fejer (1971) et le point de données de 1977, qui repose sur les données du CAMH, servent à créer la projection historique. À partir de ce point projeté, les données d'enquête de la Commission Le Dain servent à enchaîner rétroactivement l'estimation de la prévalence. Cela produit une estimation étalonnée qui est plus élevée que les estimations publiées, mais qui maintient la position relative des points de données plus anciens comparativement à ceux des périodes plus récentes. Dans le cas des personnes âgées de 15 à 17 ans et de 18 à 24 ans, on présume que les séries chronologiques sont constantes à partir du point de données le plus ancien (allant jusqu'à 1960). Cela crée un faible niveau de consommation totale initiale, qui aide à l'application de filtres de séries chronologiques. Dans le cas des personnes âgées de 25 à 44 ans, les données disponibles sont plus limitées. Les estimations de la prévalence pour ce groupe d'âge sont projetées rétroactivement à 1971, sur la base du taux de croissance enregistré entre le niveau établi par CAMH et celui de Smart et Fejer (1971). On utilise alors le niveau de Lanphier et Phillips (1971) comme on l'a fait pour 1970. Dans le cas des personnes âgées de 45 à 64 ans, on présume que les séries sur la prévalence commencent en 1977 et sont fondées sur un enchaînement rétroactif avec le point de données le plus ancien du CAMH.

4.1.3 Estimations étalonnées

Les graphiques 1 à 4 montrent les résultats de l'exercice d'étalonnage ainsi que les estimations des données sources et les résultats de l'inclusion du groupe élargi des repères de l'EPS, de l'ECCAD, de l'ENCAD et de l'ESG. Les résultats comportent trois points saillants.

Tout d'abord, il existe suffisamment de renseignements sur la consommation de cannabis au Canada pour produire des estimations à long terme de la prévalence étalonnée de la consommation. Ces estimations peuvent être élaborées pour différents groupes d'âge et, comme le montre l'exercice d'étalonnage, ce ne sont pas toutes les sources de données qui devraient être utilisées pour élaborer les séries chronologiques. Il est avantageux d'omettre certaines données pour améliorer les résultats de la projection et de l'étalonnage. Il est aussi important de noter que les données ne sont pas de qualité constante et que les données plus anciennes devraient être considérées comme moins exactes que les estimations plus récentes. En outre, les estimations étalonnées ne correspondent pas aux valeurs calculées directement à partir d'enquêtes (sauf pour les points de données repères de l'ESCC-SM et de l'ESCC-SMB), et cet écart peut être important pour les périodes historiques.

En deuxième lieu, l'utilisation de l'ensemble élargi de repères mène à des séries étalonnées qui sont trop peu élevées pour les périodes historiques. Elles sont trop peu élevées comparativement aux estimations d'enquête existantes et aux résultats obtenus aux États-Unis pour les deux groupes plus jeunes (annexe A).

En troisième lieu, les estimations de la prévalence à partir de l'ETC et de l'ESCCAD présentent une trajectoire temporelle très différente des autres sources de données. Dans le cas des jeunes âgés de 15 à 24 ans, la différence est moins prononcée et se manifeste comme une baisse plus marquée de la prévalence que celles découlant des autres sources de données. Dans le cas des groupes plus âgés, les données de l'ETC et de l'ESCCAD montrent une diminution de la prévalence plutôt qu'une augmentation. Compte tenu de leurs différences par rapport aux autres données d'enquête (voir Rotermann et Macdonald, 2018) et de leurs données contradictoires, l'ETC et l'ESCCAD sont considérées comme des observations aberrantes^{Note 4} et ne servent pas à évaluer l'évolution de la prévalence au fil du temps.