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    L’activité féminine dans le pays d’origine et les salaires des immigrantes au Canada

    Changements dans la répartition régionale des nouveaux immigrants au Canada

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    par Aneta Bonikowska, Feng Hou et Garnett Picot
    Division de l’analyse sociale et de la modélisation, Statistique Canada

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    Début du texte

    Diffusé : 18 Mars 2015
    Avril 2015 (correction)

    Les termes « travailleur qualifié fédéral », « Programme des travailleurs qualifiés (fédéral) » ainsi que le sigle PTQF ont été utilisés à plusieurs endroits dans l’étude. Dans certains cas, ce sont tous les programmes de travailleurs qualifiés dont il est question.

    La terminologie a été corrigée.

    Résumé

    Tant au Canada qu’aux États-Unis, on a constaté récemment un accroissement de la dispersion régionale des nouveaux immigrants. Selon des études menées aux États-Unis, une combinaison de facteurs économiques ayant un effet d’éloignement (des États tels que la Californie) et de facteurs ayant un effet d’attraction (vers les États où les emplois faiblement rémunérés sont en croissance), ainsi que les changements de politiques et de règlements publics ont contribué à l’apparition de « nouvelles portes d’entrée ». Très peu d’études ont été menées afin de déterminer quelles ont été les causes de la dispersion des immigrants entrant au Canada. Le présent document a pour objet d’évaluer l’importance relative des programmes de sélection des immigrants et des régions d’origine des immigrants dans l’explication des changements dans la répartition régionale des nouveaux immigrants au cours des années 2000. Au moyen de données tirées des fiches d’établissement et des dossiers de déclarations de revenus des immigrants, la présente étude montre que divers facteurs ont été à l’origine de la variation des proportions d’immigrants s’établissant à différents endroits. Les changements de programmes de sélection des immigrants, notamment le Programme des candidats des provinces (PCP), sont la principale raison pour laquelle un nombre croissant d’immigrants s’installent à Winnipeg et dans la province de Saskatchewan. Les changements de régions d’origine des immigrants ont été un important facteur de la diminution de l’immigration à Toronto et de son augmentation à Montréal.

    Sommaire

    Tant au Canada qu’aux États-Unis, on a constaté récemment un accroissement de la dispersion régionale des nouveaux immigrants. Selon des études menées aux États-Unis, une combinaison de facteurs économiques ayant un effet d’éloignement (des États tels que la Californie) et de facteurs ayant un effet d’attraction (vers les États où les emplois faiblement rémunérés sont en croissance), ainsi que les changements de politiques et de règlements publics ont contribué à l’apparition de « nouvelles portes d’entrée ». Très peu d’études canadiennes ont fourni des explications détaillées de la nouvelle répartition géographique des nouveaux immigrants, quoique celles axées sur les modifications apportées à la politique d’immigration laissent entendre que le Programme des candidats des provinces (PCP) a été, du moins en partie, à l’origine de l’accroissement du nombre d’immigrants qui ont choisi les provinces de l’Ouest. Cependant, ces études n’ont pas tenu compte d’autres possibilités, comme les changements de régions d’origine des immigrants. Le présent document a pour objet d’évaluer l’importance relative des programmes de sélection des immigrants et des régions d’origine des immigrants dans l’explication des changements dans la répartition régionale des nouveaux immigrants.

    L’analyse est menée séparément pour deux échantillons distincts. Le premier est axé sur les destinations prévues mentionnées sur les fiches d’établissement de tous les immigrants arrivés au Canada entre 1999-2000 et 2009-2010. Le deuxième est axé sur les destinations réelles des immigrants qui ont produit une déclaration de revenus pour la première année complète après l’établissement. Une comparaison des destinations réelles et prévues révèle qu’elles ne concordent pas pour de nombreux nouveaux immigrants. Cependant, si la plupart des régions perdent certains immigrants qui envisageaient de s’y établir, elles gagnent des immigrants qui prévoyaient s’établir dans d’autres régions. Pour les trois destinations principales — Toronto, Vancouver et Montréal — la différence entre les nombres prévus et réels d’immigrants est d’environ 6 %. En outre, les facteurs expliquant l’évolution des profils d’établissement sont très semblables, que l’on utilise les destinations réelles ou prévues.

    Une méthode de décomposition par régression est appliquée pour évaluer l’effet des changements de programmes de sélection des immigrants et des changements de régions d’origine sur le choix de destination des nouveaux immigrants. Les destinations sont définies comme étant les grandes villes et les régions provinciales en dehors de ces villes. Pour sept destinations prévues, la proportion de nouveaux immigrants a varié de plus d’un point de pourcentage. Ces destinations étaient Toronto, Montréal, Winnipeg, Calgary, Edmonton, la Saskatchewan et l’Alberta (en dehors de Calgary et d’Edmonton). L’analyse par régression est limitée à ces sept régions.

    Les résultats montrent que les changements de type de programmes aux termes desquels les immigrants ont été reçus (surtout le PCP) expliquaient presque entièrement l’augmentation des proportions de nouveaux immigrants s’installant en Saskatchewan et à Winnipeg, et jouaient un rôle important dans le cas de l’Alberta en dehors d’Edmonton et de Calgary. Les changements de programmes de sélection des immigrants ont également eu tendance à réduire la proportion d’immigrants s’installant à Montréal.

    Les changements de régions d’origine peuvent aussi influer sur les choix de destination des immigrants. Les immigrants provenant d’un pays ou d’un groupe ethnique particulier ont tendance à opter pour une destination où existe déjà une collectivité d’immigrants plus anciens provenant de la même région ou appartenant au même groupe ethnique, quoique l’établissement de la collectivité préexistante pourrait avoir été dicté par certaines caractéristiques régionales exerçant un attrait sur un groupe d’immigrants donné, comme le climat, la langue dominante, la distance par rapport au pays d’origine, et les créneaux sur le marché du travail. L’analyse laisse entendre que les changements de régions d’origine ont été un déterminant important de la diminution de l’immigration à Toronto et de son augmentation à Montréal, mais qu’ils n’ont joué qu’un petit rôle pour toute autre destination.

    Les changements de programmes de sélection des immigrants n’ont joué qu’un rôle mineur en ce qui concerne les trois destinations restantes, à savoir Toronto, Calgary et Edmonton. L’évolution des conditions économiques régionales a vraisemblablement été un facteur important qui a contribué à la variation des proportions de nouveaux immigrants allant s’établir à Toronto, à Montréal, à Calgary et à Edmonton.

    En résumé, si la modification de la composition du portefeuille de programmes de sélection des immigrants a eu un effet important, elle n’a pas été le seul déterminant de la dispersion géographique des immigrants arrivés au Canada depuis 2000.

    1 Introduction

    Traditionnellement, les personnes immigrant en Amérique du Nord se regroupaient dans des endroits particuliers. Aux États-Unis, depuis la Deuxième Guerre mondiale, les villes telles que Miami, Fort Lauderdale, Los Angeles, San Diego, Houston, Chicago, Jersey City et New York ont été les portes d’entrée des immigrants (Gozdziak et Martin, 2005; Massey et Capoferro, 2008; Singer, 2004). En 2000, les États de Californie, du Texas, de New York, du New Jersey, de l’Illinois et de la Floride hébergeaient encore plus des deux tiers des immigrants établis aux États-Unis. Au Canada, la concentration a été encore plus prononcée, la majorité des immigrants résidant dans les trois plus grandes villes, à savoir Toronto, Montréal et Vancouver. Encore en 2001, les trois quarts des immigrants entrant au Canada se sont installés dans l’une de ces trois régions métropolitaines. Diriger les nouveaux immigrants vers d’autres régions a été un objectif stratégique de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) depuis les années 1990 (CIC, 2001).

    Récemment, les deux pays ont été témoins d’une dispersion géographique importante des nouveaux immigrants — durant les années 1990 aux États-Unis et après 2000 au Canada. Durant les années 1990, les taux d’immigration aux États-Unis étaient très élevés, et la population née à l’étranger a augmenté de 57 % au cours de la décennie. Parallèlement, la concentration géographique des nouveaux immigrants a diminué. La population née à l’étranger a augmenté à un taux égal au double de la moyenne nationale américaine dans 13 États, principalement dans l’ouest et le sud-est, qui auparavant n’avaient pas été des receveurs d’immigrantsNote 1 (Camarota et Keeley, 2001; Singer, 2004). Même si la majorité des immigrants continuaient de s’établir dans les États receveurs habituels, certaines destinations perdaient leur attrait. Les études américaines donnent à penser qu’une combinaison de facteurs économiques ayant un effet d’éloignement (des États tels que la Californie) et de facteurs ayant un effet d’attraction (vers les États où les emplois faiblement rémunérés sont en croissance), ainsi que l’évolution des politiques et des règlements publics, ont contribué à l’apparition de nouvelles portes d’entrée.

    Depuis 2000, on a également assisté à une diminution de la concentration des nouveaux immigrants au Canada, comme en témoigne un recul de l’immigration à Toronto et un accroissement de celle-ci dans des régions non habituelles. De 2000 à 2010, le nombre annuel d’immigrants au Canada est passé de 227 500 à 280 700, mais le pourcentage d’immigrants ayant l’intention de s’établir à Toronto est passé de 48 % à 33 % (tableau 1). Parallèlement, la proportion de nouveaux immigrants allant s’établir en Alberta est passée de 6,3 % à 11,6 %, la moitié environ s’installant à Calgary. La part du Manitoba est passée de 2,0 % à 5,6 % et celle de la Saskatchewan, de moins de 0,8 % à 2,7 %. Enfin, la part des provinces de l’Atlantique est passée de 1,3 % à 3,0 %. Au début des années 2010, la répartition des immigrants a continué d’évoluer de Toronto et de Vancouver vers l’Alberta, la Saskatchewan et le Québec.

    Aucune étude canadienne n’a fourni des explications détaillées de ce changement dans la répartition géographique des nouveaux immigrants, quoique les études des modifications apportées à la politique d’immigration (CIC, 2011; Carter, Morrish et Amoyaw, 2008; Pandey et Townsend, 2011, 2013) font penser que le Programme des candidats des provinces (PCP), élaboré par les gouvernements fédéral et provinciaux à la fin des années 1990, est au moins en partie à l’origine de l’accroissement du nombre d’immigrants qui ont choisi de s’établir dans les provinces de l’Ouest. Cependant, d’autres possibilités, comme l’évolution des conditions économiques régionales et les changements de régions d’origine des immigrants, n’ont pas été examinées dans le cadre de ces études.

    L’objectif de la présente analyse n’est pas d’évaluer tous les facteurs pouvant être associés aux changements de destination des nouveaux immigrants, mais plutôt de déterminer précisément l’importance relative des programmes de sélection des immigrants et des régions d’origine des immigrants. Les limites des données empêchent de cerner directement l’influence de l’évolution des conditions économiques régionales. En faisant appel à une méthode de décomposition par régression, la présente analyse quantifie la mesure dans laquelle les programmes de sélection, notamment le PCP, et les régions d’origine des immigrants ont contribué à la dispersion géographique des immigrants arrivés au Canada au cours des années 2000. Les résultats laissent entendre que ces facteurs ont joué des rôles différents pour des destinations particulières.

    2 Facteurs associés aux changements dans la répartition régionale des immigrants aux États-Unis et au Canada

    Un certain nombre d’explications du profil de dispersion géographique des immigrants entrant aux États-Unis au cours des années 1990 ont été proposées (Massey, 2008). Les nouvelles destinations ont tendance à être dotées de secteurs des services peu spécialisés, bien développés et en croissance qui attirent les immigrants, particulièrement ceux en provenance du Mexique (Donato et coll., 2008; Leach et Bean, 2008). Leach et Bean (2008) soutiennent que la restructuration industrielle et un déplacement du lieu de croissance économique aux États-Unis, associés en particulier à des emplois peu spécialisés, comptaient parmi les principaux facteurs déterminants. Donato et coll. (2008) offrent une explication similaire de l’établissement croissant des immigrants dans le Sud-Est et le Midwest. Ils concluent que les nouveaux immigrants répondent à la croissance des emplois peu rémunérés dans des secteurs tels que la fabrication, la construction et les services (Johnston, Johnson-Webb et Farrel, 1999; Johnson-Webb, 2003; Parrado et Kandel, 2008).

    D’autres études américaines sont axées spécialement sur la plus grande dispersion géographique des immigrants mexicains (Kandel et Parrado, 2005; Massey, Durand et Malone, 2002; Zuniga et Hernandez-Leon, 2005). De 1990 à 1996, le pourcentage d’immigrants mexicains se rendant en Californie a diminué, passant de 58 % à 46 %, et le pourcentage allant s’installer dans des États représentant une entrée non habituelle est passé de 10 % à 21 % (Durand, Massey et Charvet, 2000). Une conjonction de circonstances économiques, sociales et politiques durant les années 1990 a contribué à l’accroissement de la dispersion géographique des immigrants mexicains. Premièrement, en raison de restrictions et de mesures de sécurité plus nombreuses à la frontière, ces immigrants ont éprouvé de plus en plus de difficulté à entrer aux États-Unis par les passages transfrontaliers habituels en Arizona, au Nouveau-Mexique et en Californie, et ont donc choisi d’autres points d’entrée. Deuxièmement, la mauvaise conjoncture économique qui a sévi en Californie au cours des années 1990 en a fait un État moins hospitalier pour les nouveaux immigrants. Troisièmement, l’essor économique qui a eu lieu dans d’autres régions du pays à la fin des années 1990, notamment dans le Midwest, le Nord-Ouest et le Sud-Est, a créé une demande soutenue de travailleurs non qualifiés et semi-qualifiés, et une hausse des salaires réels. Enfin, l’Immigration Reform and Control Act (IRCA) adopté à la fin des années 1980 a légalisé la situation de 2,3 millions d’immigrants mexicains, ce qui leur a permis de se déplacer plus librement partout aux États-Unis sans craindre de s’exposer dans de nouvelles régions.

    Au Canada également, les chercheurs ont noté des associations entre les possibilités d’emploi et les destinations des immigrants. Hou (2007) a donné des preuves des changements de destinations initiales des immigrants et de leur répartition subséquente des années 1970 aux années 1990. Selon cette étude, la concentration géographique des immigrants dans les grandes régions métropolitaines durant les années 1970 et les années 1980 reflétait le fait que les immigrants avaient tendance à être attirés par les grandes villes en raison de la forte demande de travailleurs. En outre, selon Hou (2007), la concentration des immigrants observée au cours des années 1990 résultait principalement du changement de régions d’origine. Krahn, Derwing et Abu-Laban (2006) ainsi que Haan (2008, 2009) ont également fait état d’associations entre les destinations des immigrants et les possibilités économiques durant ces décennies.

    L’évolution des conditions économiques régionales ainsi que des chagements touchant l’ensemble de la structure de l’économie canadienne pourraient avoir contribué à la dispersion des nouveaux immigrants durant les années 2000 au Canada. En raison de ces changements, la croissance du secteur de la fabrication, établi principalement dans le sud de l’Ontario et certaines parties du Québec, a été dépassé par le secteur des produits de base, en particulier le secteur pétrolier, établi principalement dans l’Ouest. D’où le fait que, parmi les 20 destinations examinées dans la présente analyse, Toronto, Hamilton et « le reste de l’Ontario » ont enregistré les plus fortes hausses du taux de chômage entre 1999-2000 et 2009-2010 (tableau 2). Par ailleurs, dans les provinces situées à l’ouest de l’Ontario, les taux de chômage étaient moins élevés et ont augmenté moins rapidement que dans le sud de l’Ontario. Bref, la conjoncture du marché du travail était meilleure dans l’ouest du Canada que dans le reste du pays. Si les conditions économiques régionales influent sur les choix de destination des immigrants, la part de nouveaux immigrants de l’Ontario (notamment celle de Toronto) devrait avoir baissé, même si les programmes de sélection des immigrants n’ont pas changé. Effectivement, la réduction importante de la part d’immigrants économiques s’installant à Toronto fait penser que les changements de conditions économiques relatives pourraient avoir joué un rôle. La diminution des nombres d’immigrants économiques explique près de 90 % de la baisse totale du nombre de nouveaux immigrants s’étant installés en Ontario entre 2000 et 2010 (CIC, 2009, 2010b).

    Cependant, l’évolution relative de la performance économique régionale n’est sans doute pas la seule raison de la dispersion des destinations des immigrants, étant donné les changements importants de programmes de sélection des immigrants qui ont eu lieu au Canada au cours des années 2000. Des études canadiennes plus récentes ont mis l’accent sur le rôle du PCP (CIC, 2011a; Carter, Morrish et Amoyaw, 2008). Le PCP, qui permet aux gouvernements provinciaux de sélectionner activement des candidats à l’immigration afin de répondre à leurs besoins en matière de croissance démographique et de développement économique, peut être considéré comme un effort collectif fédéral-provincial en vue d’arriver à une répartition plus équilibrée des immigrants dans tout le pays. Aux termes du programme, les candidats des provinces sont censés s’installer dans la province qui a fait les démarches pour leur sélection et leur entrée, mais aucun mécanisme n’a été mis en place pour les faire appliquer. Durant les années 2000, le PCP a contribué considérablement à l’augmentation du nombre d’immigrants se rendant à des destinations qui, auparavant, recevaient peu d’immigrants. Des études empiriques montrent que le PCP a été à l’origine d’accroissements importants des flux d’immigrants vers le Manitoba, l’Île-du-Prince-Édouard, ainsi que le Nouveau-Brunswick, et que les immigrants admis aux termes du PCP étaient plus susceptibles que d’autres immigrants économiques de rester dans leur province de destination initiale (Pandey et Townsend, 2011, 2013).

    Le pourcentage d'immigrants arrivant au Canada à titre de candidats des provinces a augmenté pour passer de moins de 1 % en 2000 à 13 % en 2010. Les provinces de l'Ouest sont celles qui ont ressenti cette augmentation le plus fortement. Par exemple, en 2000, moins de 15 % d'immigrants ayant l'intention de s'établir en Saskatchewan ou à Winnipeg sont entrés aux termes du PCP; à la fin de la décennie, le chiffre était d'environ 70 % (graphique 1). Par contre, pratiquement aucun des immigrants ayant l'intention de s'établir en Ontario ou au Québec au cours de la période allant de 2000 à 2010 n'est entré aux termes du PCP. Cependant, ces deux provinces ont été touchées indirectement, parce que l'immigration annuelle au Canada est demeurée plus ou moins constante au cours de la décennie, et que la hausse de la proportion d'immigrants entrés aux termes du PCP s’est assortie d’une baisse de la part d’immigrants entrant comme travailleurs qualifiés. L’accroissement de l’immigration aux termes du PCP et le déclin de la part de travailleurs qualifiés auront donc une incidence sur les endroits où les nouveaux immigrants choisissent de s’établir.

    Graphique 1 Pourcentage d'immigrants âgés de 18 à 54 ans entrant au Canada par la voie du Programme des candidats des provinces, selon la destination prévue, 1999 à 2010

    Description du graphique 1

    La répartition régionale des nouveaux immigrants pourrait également être influencée par les changements de pays d’origine. Les immigrants provenant de pays d’origine (groupes ethniques) particuliers ont tendance à être attirés par les destinations comptant un grand nombre d’immigrants antérieurs provenant du même pays. Au cours des années 2000, les principaux pays d’origine ont changé (CIC, 2010a). L’une des raisons possibles de ce changement pourrait être la modification du système de points pour la sélection des immigrants aux termes du Programme de travailleurs qualifiés (fédéral) (PTQF). La Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR) adoptée en 2002 a introduit des exigences langagières plus rigoureuses qui pourraient toucher de manière disproportionnée certains pays d’origine, particulièrement la Chine. La proportion de travailleurs qualifiés fédéraux provenant de Chine est passée de 28 % avant l’adoption de la LIPR à 16 % après son adoption (CIC, 2010a). À la fin des années 1990, la Chine (y compris Taïwan et Hong Kong dans la présente étude) et l’Inde étaient les principaux pays d’origine des immigrants, et ces immigrants avaient tendance à s’établir à Toronto et à Vancouver. En 2010, les Philippines sont devenues le pays d’origine le plus important, le nombre d’immigrants philippins ayant triplé au cours des années 2000. Les destinations de ces immigrants étaient plus diverses, en partie parce que les collectivités préexistantes étaient plus dispersées dans l’ensemble du Canada. Les changements de pays d’origine de ce genre ont tendance à accroître la dispersion géographique des nouveaux immigrants, même si la composition du portefeuille de programmes demeure constante. Les changements de pays d’origine des immigrants auraient vraisemblablement un effet particulièrement prononcé à Toronto et à Montréal. Comme le montre le tableau 3, la diminution du nombre d’immigrants en provenance de la Chine, de l’Europe du Sud-Est et d’« autres pays d’Asie du Sud » aurait tendance à réduire la proportion d’immigrants s’établissant à Toronto, alors que cette ville attirait antérieurement une part disproportionnée d’immigrants en provenance de ces régions. Comparativement, l’augmentation du nombre d’immigrants venant d’Afrique, d’Amérique centrale, d’Amérique du Sud et des Caraïbes accroîtrait la part d’immigrants s’établissant à Montréal, qui est la principale destination des immigrants provenant de ces régions.

    Il est difficile d’isoler les effets de l’évolution des conditions économiques régionales, des programmes de sélection des immigrants et des régions d’origine des immigrants. Ces effets se chevauchent vraisemblablement, puisque ces facteurs auraient tous tendance à diriger les nouveaux immigrants de l’Ontario vers les provinces de l’Ouest. En outre, les changements de programmes de sélection des immigrants pourraient représenter, du moins en partie, une réaction à l’évolution des conditions économiques régionales. En effet, l’une des principales raisons justifiant le recours accru des provinces au PCP était de répondre aux demandes perçues sur les marchés locaux du travail. Les changements de pays d’origine des immigrants peuvent aussi résulter des changements de programmes de sélection des immigrants, parce que les immigrants admis aux termes du PCP ont tendance à provenir d’autres pays d’origine que les travailleurs qualifés. Par exemple, la forte augmentation du nombre d’immigrants provenant des Philippines était reliée, du moins partiellement, à l’expansion rapide du PCP au Manitoba, où la concentration d’immigrants provenant de ce pays est relativement élevée.

    La stratégie d'analyse adoptée dans la présente étude consiste à estimer les effets globaux des changements de programmes de sélection et des changements de pays d'origine des immigrants sur une destination particulière, en ne perdant pas de vue que ces effets estimés peuvent être dictés, en partie, par les conditions économiques régionales. L'effet de l'évolution des conditions économiques régionales ne peut pas être estimé statistiquement, puisque les conditions économiques sont mesurées au niveau agrégé et que, pour une destination donnée, il existe seulement deux points de données, c'est à dire le début des années 2000 et la fin des années 2000. Comparativement, l'information sur les programmes de sélection et les régions d'origine est disponible au niveau individuel, ce qui permet une analyse statistique afin de quantifier la contribution de ces deux facteurs à la variation de la proportion d'immigrants entrant à une destination particulière. Il est raisonnable de supposer que les conditions économiques régionales, ainsi que d'autres facteurs, peuvent contribuer à la part de la variation de la proportion d'immigrants entrant à une destination particulière qui n'est pas expliquée par les programmes de sélection et les régions d'origine.

    3 Données et méthodes

    3.1 Données

    Les données contextuelles sur les tendances de la répartition géographique des nouveaux immigrants sont tirées de la page Web Faits et chiffres créée par CIC. Ces données ont trait à l’ensemble des immigrants arrivant chaque année.

    Deux autres sources de données sont utilisées dans la présente analyse. La première, le Fichier d’établissement des immigrants, est un fichier de microdonnées basé sur les fiches d’établissement des immigrants tenu à jour par CIC. Les fiches d’établissement contiennent des renseignements sur les caractéristiques démographiques de l’immigrant, le programme de sélection aux termes duquel il a été admis, et la destination prévue. Ce fichier permet d’utiliser la destination prévue comme indication indirecte de la destination initiale de l’immigrant. L’avantage de cette approche est que l’information sur la destination prévue est disponible pour tous les immigrants. L’inconvénient est que de nombreux immigrants ne s’établissent pas au lieu de destination envisagé (voir plus loin). Les immigrants sont libres de s’installer n’importe où au Canada, quelle que soit la destination prévue qu’ils ont indiquée.

    La deuxième source de données est la Base de données longitudinales sur les immigrants (BDIM). Cette dernière regroupe les données des fiches d’établissement et des dossiers fiscaux annuels des immigrants. Les dossiers fiscaux fournissent des renseignements sur les gains et d’autres composantes du revenu, les impôts payés, l’état matrimonial actuel et le lieu géographique de résidence durant l’exercice. Ce fichier permet de déterminer la destination initiale réelle des immigrants telle qu’elle est inscrite sur les déclarations de revenus produites pour la première année complète passée au Canada. L’avantage est que l’information sur le lieu de résidence reflète l’endroit où les immigrants se sont réellement établis. L’inconvénient est que les immigrants ne produisent pas tous une déclaration de revenus pour leur première année complète au Canada. Au cours de la période de référence de l’étude, de 1999-2000 à 2009-2010, en moyenne, 15 % d’immigrants âgés de 18 à 54 ans n’ont pas produit de déclaration de revenus pour la première année complète après l’établissementNote 2.

    3.2 Destinations prévues et réelles

    Afin d’évaluer les différences entre les destinations prévues et réelles, les répartitions géographiques fondées sur chaque définition sont produites pour les immigrants figurant dans la BDIM qui se sont établis entre 1999 et 2010, qui étaient âgés de 18 à 54 ans au moment de l’établissement, et qui ont produit une déclaration de revenus pour leur première année complète au Canada (environ 85 %). Vingt régions provinciales ou métropolitaines sont utilisées pour déterminer les destinations prévues ainsi que réelles (voir le tableau 1).

    Mise à part l’Île-du-Prince-Édouard, de 57 % à 87 % (le taux varie selon la destination) d’immigrants qui envisageaient de s’établir à une destination particulière l’ont effectivement fait durant leur première année complète vécue au Canada (tableau A en annexe). Par exemple, de ceux qui ont dit qu’ils envisageaient de s’installer dans le reste du Québec (à l’exclusion de Montréal et de la ville de Québec), 65 % y sont allés; 21 % sont allés à Montréal, et 4 %, à la ville de Québec. De même, 85 % des immigrants qui avaient l’intention d’aller à Edmonton y sont effectivement allés; la plupart des autres sont allés s’installer ailleurs dans l’ouest du Canada.

    Toute destination particulière gagne aussi certains immigrants qui envisageaient de s’établir ailleurs. De 9 % à 43 % d’immigrants qui se sont rendus à une destination donnée avaient déclaré au départ qu’ils envisageaient d’aller ailleurs. Par exemple, 9 % de ceux qui sont allés à Calgary avaient indiqué Toronto comme destination prévue, et 4 % avaient indiqué Vancouver (tableau B en annexe).

    Lorsqu’il est tenu compte des gains et des pertes, certaines destinations reçoivent moins d’immigrants que le nombre prévu, tandis que d’autres en reçoivent plus. Pour l’Alberta, la Colombie-Britannique, le reste du Québec, le reste de l’Ontario et Hamilton, le nombre réel d’immigrants dépassait le nombre prévu d’immigrants. Pour les provinces de l’Atlantique, le Manitoba et la Saskatchewan, Toronto, Montréal et la ville de Québec, le nombre réel d’immigrants était plus faible que le nombre prévuNote 3.

    En résumé, si l’on se concentre sur les immigrants individuels, il existe une différence importante entre les destinations prévues et réelles. Cependant, au niveau agrégé, après avoir tenu compte de tous les remaniements, habituellement, la différence entre les nombres prévus et réels n’est pas grande pour la plupart des destinations. Font exception Terre-Neuve-et-Labrador, l’Île-du-Prince-Édouard et le Nouveau-Brunswick, qui n’ont reçu que de 39 % à 80 % des immigrants prévus. En revanche, le reste de l’Alberta et le reste de l’Ontario ont reçu 25 % d’immigrants de plus que le nombre prévu.

    Puisque ni la destination prévue ni la destination initiale réelle ne brossent le tableau complet des profils de répartition initiale des immigrants, d’autres analyses ont été effectuées à l’aide de ces deux définitions (et de deux sources de données) pour s’assurer de la cohérence des résultats.

    3.3 Méthodes

    Le changement de répartition régionale des immigrants au moment de l’établissement est déterminé en comparant la situation en 1999-2000 et en 2009-2010. Afin d’accroître la taille de l’échantillon et, ainsi, d’examiner un plus grand nombre de destinations, nous avons regroupé les données de deux années, au début ainsi qu’à la fin de la période (c.-à-d. 1999-2000 et 2009-2010). Pour l’analyse portant sur les destinations prévues, la taille totale de l’échantillon est de 282 000 pour 1999-2000 et de 365 760 pour 2009-2010. Pour l’analyse portant sur les destinations réelles un an après l’établissement, la taille totale d’échantillon est de 245 170 pour 1999-2000 et de 307 590 pour 2009-2010.

    Une méthode de décomposition par régression est appliquée pour évaluer l’effet des changements de programmes d’entrée et des changements de régions d’origine sur la destination choisie par les nouveaux immigrants. L’analyse est limitée aux régions dont la part d’immigrants entrants a varié de manière significative. Pour sept destinations prévues, la proportion de nouveaux immigrants a varié de plus d’un point de pourcentage. Pour chacune de ces sept régions, trois modèles probabilistes linéaires ont été exécutés en utilisant les données groupées pour 1999-2000 et 2009-2010. Dans chacun des trois modèles, la variable dépendante prend la valeur de 1 quand un immigrant a envisagé de s’établir à une destination particulière, et la valeur de 0 sinon. Autrement dit, il s’agit de la probabilité qu’un immigrant ait envisagé de se rendre à une destination particulière.

    Le modèle 1 contient une variable indicatrice pour les années d’établissement 2009-2010 (c.-à-d. que 1999-2000 sert de référence), mais aucune autre variable de contrôle. Le coefficient de la variable indicatrice de l’année d’établissement donne la variation observée entre 1999-2000 et 2009-2011 de la probabilité que les immigrants envisagent de s’établir à une destination particulière. Le modèle 2 contient en outre des variables de contrôle pour les programmes d’entrée des immigrants : travailleurs qualifiés, regroupement familial, gens d’affaires, candidats des provinces, réfugiés, et autres (groupe de référence)Note 4. La différence entre les coefficients de la variable indicatrice de l’année d’établissement 2009-2010 dans les modèles 1 et 2 donne l’effet des changements de programme (la probabilité d’entrer aux termes d’un programme particulier) sur le choix d’une destination donnée.

    Le modèle 3 comprend 12 variables indicatrices des régions d’origine. Ces variables indicatrices sont fondées sur 13 pays ou régions d’origine des immigrants : la Chine; l’Inde; les Philippines; les États-Unis; l’Amérique centrale, l’Amérique du Sud et les Caraïbes; les autres pays d’Asie de l’Est; les autres pays d’Asie du Sud; les autres pays d’Asie du Sud-Est; l’Asie du Centre-Ouest et le Moyen-Orient; l’Europe du Nord-Ouest (groupe de référence); l’Europe du Sud-Est; l’Afrique; ainsi que l’Australie et l’Océanie. La variation du coefficient de la variable de l’année d’établissement 2009-2010 entre les modèles 2 et 3 indique l’effet supplémentaire du changement de répartition des régions d’origine sur le choix de la destination d’établissement. Les coefficients des variables des modèles 1 à 3 sont présentés au tableau C en annexe.

    Il convient de souligner que l’ordre dans lequel les variables sont entrées dans les modèles de régression séquentiels susmentionnés peut avoir une incidence sur les estimations en ce qui a trait à leurs effets sur la variable dépendante (la probabilité qu’un immigrant ait l’intention de s’établir à une destination particulière). Les programmes de sélection sont délibérément entrés pour commencer, parce que les changements de répartition des pays ou régions d’origine pourraient résulter des changements de programmes de sélection. De cette façon, les effets estimés des programmes de sélection sont maximisés. Empiriquement, les résultats de la présente étude sont similaires si l’ordre est inversé, ou si l’exercice de décomposition est fondé sur un modèle qui comprend les deux ensembles de variables simultanément (Hou, 2014).

    Les procédures susmentionnées ont été répétées pour l’échantillon d’immigrants qui avaient produit une déclaration de revenus pour la première année complète après leur établissement et qui avaient indiqué leur destination initiale réelle. La variable dépendante est dans ce cas la probabilité de vivre réellement à une destination donnée durant la première année complète depuis l’établissement. Une différence entre les modèles spécifiés pour cet échantillon est l’ajout d’une variable indiquant si l’immigrant a produit une déclaration de revenus au Canada avant l’année où il est devenu un immigrant reçu. Cette variable n’est pas disponible dans le Fichier d’établissement pour l’analyse des destinations prévues. Elle est comprise ici pour saisir, précisément, l’incidence accrue des transitions du statut de résident temporaire à celui de résident permanent au cours des années 2000. Ces transitions se font principalement par la voie du PCP, ainsi que de la catégorie de l’expérience canadienne, qui a été créée à la fin des années 2000. En Alberta ainsi qu’en Colombie-Britannique en particulier, la plupart des candidats des provinces ont été sélectionnés parmi les travailleurs étrangers temporaires comme l’exigent la plupart des volets des programmes. Il se peut aussi que les immigrants qui étaient des résidents temporaires au Canada avant l’établissement aient été fortement attachés à leur lieu de résidence quel que soit l’endroit au Canada où ils se trouvaient. Par conséquent, ces immigrants étaient plus susceptibles de demeurer à cet endroit après être devenus des immigrants reçus, indépendamment du programme aux termes duquel ils se sont établis au Canada. L’inclusion de cette variable aiderait à déterminer si ce sont les changements de programmes de sélection ou l’accroissement des transitions de l’état de résident temporaire à l’état de résident permanent au sein de chaque programme qui contribuent à la dispersion des destinations des immigrants.

    4 Résultats de la décomposition par régression

    4.1 Changements dans la répartition des destinations prévues

    Toronto, la destination qui reçoit la part la plus importante de nouveaux immigrants au Canada et qui affiche la variation la plus importante de son pourcentage annuel de nouveaux immigrants, sert à illustrer les résultats de la décomposition par régression. Les trois modèles de régression sont présentés au tableau C en annexe, et les résultats sommaires sont exposés au tableau 4. Entre 1999-2000 et 2009-2010, le pourcentage de nouveaux immigrants ayant l’intention de s’établir à Toronto a diminué de 14,2 points de pourcentage (tableau 4). Si l’on maintenait les programmes de sélection des immigrants constants au cours de la période, la proportion de nouveaux immigrants envisageant de s’établir à Toronto aurait baissé de 11,0 points de pourcentage. Donc, 3,2 points (ou 23 %) de la baisse de 14,2 points de pourcentage étaient associés à des changements de programmes de sélection des immigrants au niveau national. En maintenant également constantes les régions d’origine des immigrants, la proportion de nouveaux immigrants ayant l’intention de s’établir à Toronto aurait diminué de 8,6 points de pourcentage. Autrement dit, les changements de régions d’origine des immigrants expliquaient 2,4 points de pourcentage de la baisse de 14,2 points de pourcentage, indépendamment de la variation associée aux programmes de sélection des immigrants. Ensemble, les deux facteurs expliquaient environ 40 % (5,6 points sur 14,2) de la diminution de la proportion de nouveaux immigrants ayant l’intention de s’établir à Toronto durant les années 2000.

    La proportion de nouveaux immigrants qui envisageaient de s'établir à Montréal a augmenté de 4,6 points de pourcentage au cours de la période allant de 1999-2000 à 2009-2010. S'il n'y avait pas eu de changement de composition du portefeuille de programmes de sélection des immigrants, la proportion aurait augmenté de 8,1 points de pourcentage. Cela donne à penser que la hausse globale observée est attribuable au fait que Montréal a reçu une proportion plus importante d'immigrants dans divers programmes. Cependant, si l'on neutralise en plus l'effet des régions d'origine des immigrants, la proportion de nouveaux immigrants qui avaient l'intention de s'établir à Montréal n'aurait augmenté que de 4,7 points de pourcentage, encore une fois indépendamment de la variation associée aux programmes de sélection des immigrants. Au cours des années 2000, les proportions d'immigrants en provenance d'Afrique ainsi que de l'Amérique centrale, de l'Amérique du Sud et des Caraïbes ont augmenté à l'échelle nationale, et ces immigrants étaient plus susceptibles que les autres d'avoir indiqué Montréal comme destination prévue (tableau 3). Ces résultats font penser que les changements de programmes de sélection des immigrants ont eu tendance à réduire la proportion d'immigrants ayant l'intention de s'établir à Montréal, tandis que les changements de régions d'origine des immigrants ont eu tendance à l'accroître.

    Après Montréal, Winnipeg est la ville qui a connu la deuxième augmentation en importance de la proportion d'immigrants éventuels. Cette augmentation était entièrement associée aux changements de programmes de sélection des immigrants, particulièrement le recours accru au PCP. De même, en Saskatchewan, l'augmentation de 1,7 point de pourcentage de la proportion d'immigrants éventuels était associée presque entièrement à des changements de type de programme.

    À Calgary et à Edmonton, les deux grandes régions métropolitaines de l'Alberta, d'environ 10 % à 30 % de l'augmentation de la proportion d'immigrants éventuels était associée aux changements de programmes d'entrée. Comparativement, environ 60 % de la hausse de 1,2 point de pourcentage de la proportion d'immigrants ayant l'intention de s'installer en Alberta, en dehors d'Edmonton et de Calgary, était associée aux changements de programmes de sélection des immigrants. Dans les trois cas, les changements de régions d'origine des immigrants n'ont contribué que faiblement à l'augmentation de la proportion d'immigrants qui avaient l'intention de s'installer là.

    En résumé, l'effet des changements de programmes de sélection des immigrants varie d'après chaque destination. Évidemment, l'effet est plus prononcé pour les destinations pour lesquelles le PCP est devenu la source principale d'immigrants. En Saskatchewan et à Winnipeg, presque toute l'augmentation de la proportion d'immigrants éventuels était associée à des changements de programmes, en particulier, le pourcentage croissant d'immigrants entrant aux termes du PCP. De même, les changements de programmes d'entrée expliquaient la majeure partie de l'accroissement observé dans le reste de l'Alberta. Les changements de régions d'origine ont eu tendance à accroître la proportion d'immigrants ayant l'intention de s'établir à Montréal, mais à réduire la proportion envisageant de s'établir à Toronto.

    4.2 Changements dans la répartition des destinations initiales réelles

    Les résultats concernant les destinations réelles des immigrants qui ont produit une déclaration de revenus étaient généralement similaires à ceux présentés pour les destinations prévues. Par exemple, la proportion de nouveaux immigrants établis à Toronto a baissé de 12,3 points de pourcentage entre 1999-2000 et 2009-2010, soit la variation la plus importante observée pour toute destination (tableau 5, première colonne). Après l’ajout de variables de contrôle pour tenir compte du type de programme de sélection des immigrants, la diminution était de 9,5 points de pourcentage (tableau 5, deuxième colonne). Autrement dit, quand la composition du portefeuille de programmes de sélection des immigrants était maintenue constante (modèle 2), la variation de la probabilité qu’un immigrant s’installe à Toronto était inférieure de 2,8 points de pourcentage à celle effectivement observée. Donc, 2,8 points de pourcentage, ou 23 %, de la baisse de 12,3 points de pourcentage peuvent être attribués à la variation du pourcentage d’immigrants entrant aux termes des divers programmes, c’est-à-dire le même résultat que celui observé plus haut pour les destinations prévuesNote 5. La résidence antérieure au Canada n’expliquait qu’une faible part de la baisse de la proportion de nouveaux immigrants établis à Toronto (modèle 2a, colonne 3). Les changements de régions d’origine représentaient environ 20 % de la baisse parce qu’une proportion supérieure à la moyenne d’immigrants reçus par Toronto provenaient de régions d’origine dont la prévalence était en baisse (Chine, autres pays d’Asie du Sud) et une proportion inférieure à la moyenne provenait de régions dont la prévalence augmentait (Afrique et Europe du Nord-Ouest) (tableau 3). Globalement, plus de la moitié de la diminution de la proportion de nouveaux immigrants s’établissant à Toronto n’était pas associée à des changements de programmes de sélection des immigrants ni à des changements de régions d’origine.

    Comme à Toronto, les changements de type de programme ont exercé une pression à la baisse sur la proportion de nouveaux immigrants qui se sont installés à Montréal (-3,7 points de pourcentage), mais celle ci a été compensée par la pression à la hausse exercée par les changements de régions d'origine (+3,4 points de pourcentage) et la résidence antérieure au Canada (+0,3 point de pourcentage).

    Les changements de programme étaient à l'origine de la majorité de la variation du pourcentage de nouveaux immigrants installés en Saskatchewan, à Winnipeg et en Alberta, en dehors de Calgary et d'Edmonton. Les changements de régions d'origine ont eu peu d'effet sur les pourcentages de nouveaux immigrants allant à d'autres destinations que Toronto et Montréal.

    5 Conclusion et discussion

    Le Canada et les États-Unis ont tous deux connu récemment une plus grande dispersion régionale des nouveaux immigrants. L’accroissement de la dispersion, qui a eu lieu durant les années 1990 aux États-Unis et durant les années 2000 au Canada, a abouti à une déconcentration marquée des immigrants dans les deux pays. Au Canada, le changement a été principalement caractérisé par un mouvement des immigrants de Toronto vers Montréal et un certain nombre de destinations non habituelles dans l’Ouest, en particulier. Comme cette nouvelle répartition régionale a coïncidé avec l’entrée en vigueur du PCP, on a supposé que ce changement de programme était la cause principale du mouvement des immigrants.

    Une approche axée sur la destination est adoptée dans le présent document pour examiner les effets des changements de programme de sélection des immigrants et des régions d’origine sur les changements de répartition des nouveaux immigrants entre les principales destinations.

    L’analyse des destinations réelles comparativement aux destinations prévues donne à penser que, pour de nombreux nouveaux immigrants, les deux destinations ne concordent pas. Cependant, alors que la plupart des régions perdent certains immigrants qui avaient envisagé de s’y établir, elles gagnent des immigrants qui avaient eu l’intention de s’établir dans d’autres régions. Pour les trois destinations principales —Toronto, Vancouver et Montréal —, la différence entre les nombres d’immigrants prévus et réels n’excède pas 6 %.

    Des 20 destinations examinées, sept ont vu leur part de nouveaux immigrants varier de plus de 1 point de pourcentage. L’analyse était axée sur ces sept régions. Les changements de type de programme aux termes duquel les immigrants étaient entrés (en particulier, la prévalence croissante du PCP) expliquaient pratiquement toute l’augmentation des proportions de nouveaux immigrants allant s’établir en Saskatchewan et à Winnipeg, et jouaient un rôle important en Alberta en dehors d’Edmonton et de Calgary. Les changements de programmes de sélection des immigrants ont aussi eu tendance à réduire la proportion d’immigrants s’établissant à Montréal. L’évolution des programmes de sélection des immigrants a également joué un rôle mineur dans la variation des proportions d’immigrants s’établissant à Toronto, à Calgary et à Edmonton.

    Les changements de régions d’origine peuvent aussi influencer les choix de destination des immigrants puisque ceux provenant d’un pays ou d’un groupe ethnique particulier ont tendance à choisir une destination où existe déjà une collectivité d’immigrants plus anciens provenant de la même région ou du même groupe ethnique. Tant les immigrants plus anciens que les nouveaux immigrants s’installent dans ces collectivités en raison des réseaux sociaux et des ressources institutionnelles existants ou en raison de certains attributs régionaux, comme la langue dominante, le climat, la distance par rapport au pays d’origine et les créneaux économiques. Les destinations recevant des immigrants provenant généralement de pays dont l’importance diminue en tant que source d’immigration au Canada recevraient donc une proportion plus faible de nouveaux immigrants. L’analyse laisse entendre que les changements de régions d’origine ont été un facteur important du recul de l’immigration à Toronto et de son augmentation à Montréal, mais qu’ils ont été un facteur très mineur pour toute autre destination.

    La présente analyse pourrait surestimer les effets des programmes d’entrée sur la répartition géographique des nouveaux immigrants. Ainsi, une province pourrait avoir utilisé pour la première fois le PCP ou avoir recouru davantage au PCP parce que son économie est vigoureuse et qu’elle a besoin de travailleurs. Le cas échéant, ce ne serait pas le changement de composition du portefeuille de programmes, mais plutôt le climat économique favorable qui serait le principal facteur de l’accroissement de la proportion de nouveaux immigrants choisissant une destination particulière. Même sans le PCP, la province aurait peut-être reçu une proportion plus importante d’immigrants. Par ailleurs, si une province a utilisé pour la première fois le PCP dans l’espoir qu’un plus grand nombre de travailleurs disponibles aboutisse à une économie plus solide, le changement de composition du portefeuille de programmes serait la cause principale de l’augmentation de la proportion d’immigrants à cette destination. Cette raison de recourir au PCP existait dans de nombreuses régions, y compris les provinces de l’Atlantique et le Manitoba.

    Étant donné le petit nombre de destinations qui peuvent être étudiées de manière fiable dans le contexte de la recherche sur l’immigration au Canada, les effets de la conjoncture économique et de la croissance de l’emploi n’ont pas été pris en compte dans les modèles de régression. Ces facteurs ont vraisemblablement joué un rôle important dans les variations des proportions de nouveaux immigrants allant s’établir à Toronto, à Montréal, à Calgary et à Edmonton, qui sont les principaux centres économiques et démographiques au Canada. La conjoncture économique dans ces régions était en harmonie avec la variation des proportions de nouveaux immigrants s’y établissant. Donc, même si l’effet du changement de composition du portefeuille de programmes d’entrée avait un effet significatif, il ne s’agissait pas du seul déterminant de la dispersion géographique des immigrants qui sont venus s’installer au Canada depuis 2000. Les facteurs économiques auraient pour effet de modifier la répartition géographique des immigrants au sein des programmes d’entrée.

    La répartition géographique initiale des immigrants dans le pays hôte peut être modifiée considérablement par les forces conjuguées qu’exercent les politiques d’immigration et les conditions sur les marchés du travail régionaux. Les programmes d’immigration qui acheminent les nouveaux immigrants vers des destinations particulières peuvent accroître considérablement le nombre d’immigrants dans certaines régions habituellement non choisies comme porte d’entrée. Les politiques de sélection qui ont une incidence sur les caractéristiques des nouveaux immigrants, comme la répartition des pays d’origine et des professions, pourraient aussi transformer indirectement la répartition géographique initiale des nouveaux immigrants. Les changements concernant la nature de l’économie canadienne et les conditions économiques régionales pourraient avoir un effet encore plus prononcé, puisque la plupart des immigrants viennent au Canada pour des raisons économiques et sont donc plus susceptibles d’être attirés par les destinations qui leur offrent de meilleures possibilités d’emploi que d’autres. Cependant, ces effets n’ont pas été estimés directement dans le cadre de la présente étude.

    6 Tableaux en annexe

    Notes

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