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Résultats sur le marché du travail des femmes ayant immigré au Canada à titre de personne à charge d’un demandeur principal de la catégorie de l’immigration économique

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par Aneta Bonikowska et Feng Hou
Division de l'analyse sociale et de la modélisation, Statistique Canada

Date de diffusion : le 27 février 2017

Résumé

Les femmes qui sont arrivées au Canada en tant que conjointe d’un demandeur principal de la catégorie de l’immigration économique étaient plus scolarisées et plus susceptibles de connaître l’anglais ou le français que les femmes mariées qui sont arrivées au pays en tant que membres de la catégorie du regroupement familial. Les niveaux plus élevés de capital humain de ces femmes sont associés à un haut degré d’appariement associatif positif. La présente étude, qui utilise les données de l’Enquête nationale auprès des ménages de 2011 couplées avec celles du Fichier d’établissement des immigrants, vise à examiner la façon dont ces différences dans les caractéristiques du capital humain se traduisent par des différences dans les résultats sur le marché du travail. Ensemble, les différences dans les caractéristiques individuelles et certaines caractéristiques de l’emploi représentaient près de 70 % de l’écart observé entre les gains des conjointes des demandeurs principaux de la catégorie de l’immigration économique et les femmes mariées de la catégorie du regroupement familial. Ces résultats laissent entendre que les programmes d’immigration économique, qui évaluent et sélectionnent les demandeurs principaux en fonction de leur capital humain, choisissent également indirectement les conjointes immigrantes possédant des niveaux élevés de capital humain et de participation au marché du travail.

Mots clés : immigrants, femmes, catégorie d’immigration, résultats sur le marché du travail

Sommaire

Les programmes d’immigration économique sélectionnent les immigrants pour leur capacité perçue à intégrer le marché du travail canadien. Toutefois, ces programmes évaluent essentiellement les demandeurs principaux, qui sont surtout des hommes. Ces derniers cherchent à amener leurs conjointes et leurs enfants à charge. La présente étude examine les caractéristiques et les résultats sur le marché du travail des femmes qui sont arrivées à titre de conjointes de demandeurs principaux de la catégorie de l’immigration économique (catégorie économique). Leurs caractéristiques et les résultats observés sont comparés à ceux d’autres immigrants de la catégorie économique (demandeurs principaux de sexe masculin, féminin et conjoints masculins) et à ceux de femmes mariées qui sont arrivées en tant que membres de la catégorie du regroupement familial (catégorie de la famille).

Les femmes arrivées à titre de conjointes d’immigrants économiques et les femmes arrivées en tant que membres de la catégorie de la famille ont été admises au Canada pour des raisons autres que leurs compétences. Malgré cette similitude, les circonstances de leur arrivée présentent des différences qui pourraient avoir une incidence sur leurs résultats postmigratoires sur le marché du travail. Il est possible que les conjointes des demandeurs principaux de la catégorie économique soient indirectement sélectionnées par le système d’immigration. Notamment, il se peut que leurs caractéristiques du capital humain soient plus élevées que celles des immigrantes de la catégorie de la famille en raison de l’appariement associatif positif. D’un autre côté, les femmes de la catégorie de la famille viennent rejoindre des membres de la famille proche qui sont déjà établis au Canada et possèdent donc certaines connaissances à l’égard du marché du travail canadien que de nouveaux arrivants n’ont probablement pas. La façon dont les résultats sur le marché du travail se comparent entre ces deux groupes de femmes est une question empirique.

La présente étude repose sur le couplage des données de l’Enquête nationale auprès des ménages de 2011 et celles de la base de données du Fichier d’établissement des immigrants. Elle est axée sur les immigrants économiques qui sont arrivés au pays comme travailleurs qualifiés, dans le cadre d’un programme des candidats des provinces ou encore dans la catégorie de l’expérience canadienne. L’échantillon principal pour l’analyse est composé de couples d’immigrants économiques qui sont arrivés au pays entre 1990 et 2009 et qui étaient âgés de 25 à 64 ans en 2011. L’échantillon de contrôle de la catégorie de la famille est composé de femmes arrivées au cours de la même période, qui étaient mariées ou qui vivaient en union libre au moment de leur arrivée et qui étaient âgées de 25 à 64 ans en 2011.

Les conjointes de la catégorie économique possédaient un plus haut niveau de scolarité et une meilleure connaissance des langues officielles à leur arrivée, en plus d’afficher un taux d’emploi et des gains plus élevés après leur arrivée, comparativement aux conjointes et aux femmes vivant en union libre qui sont arrivées en tant que membres de la catégorie de la famille. Les niveaux plus élevés de capital humain, ainsi que l’appartenance à une minorité visible et le secteur de résidence, représentaient quelque 60 % de l’écart en matière d’emploi observé entre les femmes arrivées à titre de conjointes d’immigrants économiques et les femmes mariées arrivées en tant que membres de la catégorie de la famille, et ce, pour près de la moitié de l’écart entre les logarithmes des gains. Les différences touchant la fréquence de l’emploi à temps partiel et la profession représentaient un autre 20 % de l’écart entre les logarithmes des gains.

Les femmes qui sont arrivées comme conjointes de demandeurs principaux de la catégorie économique avaient un niveau de scolarité et une connaissance des langues officielles moindres à leur arrivée ainsi qu’un taux d’emploi et des gains moins élevés après leur arrivée, comparativement aux demandeurs principaux de sexe masculin et féminin de la catégorie de l’immigration économique et aux conjoints masculins. Les différences dans le capital humain ne semblent pas expliquer dans une large mesure les écarts observés entre les taux d’emploi et les gains des demandeurs principaux de sexe masculine et ceux de leurs conjointes. La profession et la fréquence de l’emploi à temps partiel, toutefois, représentaient une part importante de l’écart observé dans les gains entre les deux groupes.

Les résultats de l’étude laissent entendre que les programmes d’immigration économique examinés, qui évaluent et sélectionnent les demandeurs principaux en fonction de leur capital humain, choisissent également indirectement les conjointes immigrantes possédant des niveaux plus élevés de capital humain et de participation au marché du travail que ceux observés chez les membres d’une famille ayant immigré dans la catégorie de la famille.

1. Introduction

De nombreux immigrants arrivent au Canada avec leur conjoint et des personnes à charge. Dans la catégorie économique, les demandeurs principaux sont sélectionnés pour leur capacité perçue à intégrer le marché du travail canadien. Ce n’est pas le cas des conjoints qui les accompagnentNote 1. Parallèlement, au sein d’un couple, la personne qui répond le mieux aux critères de sélection d’un programme d’immigration (par exemple, les besoins en capital humain) est plus susceptible de faire une demande à titre de demandeur principal (Banerjee et Phan, 2015). Cela donne à penser que les conjoints des demandeurs principaux de la catégorie économique peuvent présenter des niveaux de capital humain et une capacité à réussir au sein du marché du travail canadien moins élevés que ceux des demandeurs principaux. Par ailleurs, il est possible que les conjoints des demandeurs principaux ressemblent davantage aux demandeurs principaux sur le plan du capital humain qu’à d’autres immigrants, du fait de l’appariement associatif, soit la tendance des personnes à épouser quelqu’un qui leur ressembleNote 2. Tout cela soulève la question à savoir si le système de points utilisé pour sélectionner les immigrants économiques, qui sélectionne directement le demandeur principal, ne sélectionne pas aussi, indirectement, un second immigrant ayant des caractéristiques similaires.

Comment évaluer l’idée que le système de points sélectionne en fait deux immigrants possédant un capital humain élevé plutôt qu’un seul, lorsqu’un demandeur principal marié est accepté dans le système d’immigration? La comparaison des caractéristiques et des résultats sur le marché du travail des demandeurs principaux et de leurs conjoints est la première étape évidente. Toutefois, la grande majorité des demandeurs principaux sont des hommes (Hou et Bonikowska, 2015), et donc la grande majorité des conjoints d’immigrants sont des femmes. Il ne serait pas surprenant d’observer des niveaux inférieurs de capital humain et une participation moindre au marché du travail dans ce groupe, compte tenu de la littérature existante sur les résultats des immigrants. Une meilleure façon d’évaluer la situation serait de comparer les caractéristiques et les résultats des conjoints par rapport aux autres immigrants admis au Canada pour des raisons autres que leurs compétences. Les immigrants admis pour des raisons de regroupement familial constituent le groupe de référence le plus naturel.

Étant donné que la majorité des conjoints des demandeurs principaux de la catégorie économique sont des femmes, elles sont au centre de l’analyse dans la présente étude. Les conjointes de la catégorie économique sont d’abord comparées avec les demandeurs principaux de sexe masculin de la même catégorie et avec les femmes faisant partie des demandeurs principaux et leurs conjoints de sexe masculin. Ensuite, elles sont comparées avec les femmes qui sont arrivées au pays dans la catégorie de la famille et qui étaient également mariées ou partenaires en union libre au moment d’immigrer.

Pour cette dernière comparaison, bien que les deux groupes de femmes aient immigré en tant que membres de la famille, plutôt qu’à titre de demandeurs principaux de sexe féminin, leurs circonstances diffèrent de manière potentiellement importante. Il est possible que les conjointes des demandeurs principaux de la catégorie économique soient sélectionnées indirectement par le système d’immigration : du fait de l’appariement associatif, leurs caractéristiques du capital humain sont possiblement plus élevées que celles des immigrantes de la catégorie de la famille. D’un autre côté, les femmes de la catégorie de la famille viennent rejoindre des membres de la famille proche qui sont déjà établis au Canada et possèdent donc certaines connaissances à l’égard du marché du travail canadien que de nouveaux arrivants n’ont pas nécessairement. La façon dont les résultats sur le marché du travail se comparent entre ces deux groupes de femmes est une question empirique.

Une grande part des données probantes canadiennes sur les différences touchant les résultats sur le marché du travail chez les immigrants qui sont arrivés grâce à des programmes d’immigration différents est fondée sur des données provenant de l’Enquête longitudinale auprès des immigrants du Canada. L’enquête a suivi les immigrants arrivés au pays entre octobre 2000 et septembre 2001 pendant une période de quatre ans. Toutefois, puisque cette cohorte d’immigrants est arrivée au moment de l’effondrement du secteur des technologies de l’information au Canada, il est possible qu’elle ne soit pas représentative d’autres cohortes. La base de données couplée de l’Enquête nationale auprès des ménages et du Fichier d’établissement des immigrants utilisée dans le cadre de la présente étude, bien que transversale, contient des renseignements sur la catégorie d’immigration, sur les caractéristiques du capital humain à l’arrivée et sur les résultats sur le marché du travail en 2010-2011 pour un échantillon beaucoup plus vaste d’immigrants provenant de nombreuses cohortes d’arrivée. Ce faisant, la base de données couplée est une source supérieure de données pour l’analyse dans la présente étude.

2. Littérature

Des études canadiennes antérieures indiquent clairement que des différences existent dans les résultats sur le marché du travail entre les immigrants économiques et ceux de la catégorie de la famille obtenus au moyen de l’Enquête longitudinale auprès des immigrants du Canada (ELIC). En examinant les caractéristiques et les résultats sur le marché du travail des immigrants six mois et deux ans après leur arrivéeNote 3, Aydemir (2010) montre que, parmi les femmes immigrantes (non-demandeurs principaux)Note 4, les taux d’activité sont plus élevés chez les travailleuses qualifiées que chez les immigrantes de la catégorie de la famille. Les gains des deux groupes sont similaires au départ, mais ils augmentent plus rapidement à court terme pour les travailleuses qualifiées.

Sweetman et Warman (2010) utilisent les trois cycles de l’ELIC pour étudier les gains et le taux d’emploi des demandeurs principaux de la catégorie économique, de leurs conjoints et des couples mariés qui sont arrivés au pays en tant que membres de la catégorie de la famille. Ils montrent que les gains sont plus élevés pour les demandeurs principaux et plus faibles pour la catégorie de la famille et que ces écarts persistent pendant plusieurs années après l’arrivée. Ils n’observent aucun écart entre les sexes pour les gains non corrigés des demandeurs principaux, mais ils en observent un parmi les conjoints et dans la catégorie de la famille. Après avoir tenu compte du nombre de points obtenus dans le système de sélection des immigrants, l’écart entre les sexes se creuse parmi les demandeurs principaux six mois après leur arrivée, mais aucun écart n’est observé entre les gains et les taux d’emploi quatre ans après leur arrivée. L’étude conclut également que l’écart dans les résultats sur le marché du travail entre les demandeurs principaux de la catégorie des travailleurs qualifiés et leurs conjoints n’est pas motivé par différents rendements des caractéristiques (tel que mesuré par le nombre réel ou estimé de points qu’un immigrant reçoit lors du processus de sélection).

Plusieurs théories ont été avancées pour expliquer les différences dans les résultats sur le marché du travail entre les conjoints dans les couples immigrants en général. Bien que la présente étude ne soit pas axée sur les différences entre les sexes dans les résultats des immigrants en soi, pas plus qu’elle ne tente d’évaluer l’une des théories, un sommaire des théories est présenté en guise de contexte. Les théories mettent en évidence l’idée que les résultats sur le marché du travail des immigrants sont mieux compris lorsqu’ils sont considérés au sein de contextes familiaux ou culturels plus larges. Ainsi, selon l’hypothèse d’investissement familial, les conjoints dans un couple partagent entre eux les fonctions d’investissement du capital humain dans le pays d’accueil et de financement de cet investissement. Les femmes (habituellement) acceptent des emplois offrant peu de possibilités d’avancement pour soutenir la famille, tandis que les hommes investissent dans l’acquisition de capital humain qui rapporte davantage à long terme au moyen de la formation scolaire, de la formation en cours d’emploi, de la recherche d’emploi, etc. Lorsque la situation du conjoint est bien établie, l’offre de travail de la conjointe peut décliner. Baker et Benjamin (1997) trouvent des preuves de ce phénomène au Canada. En observant des cohortes plus récentes, Cobb-Clark et Connolly (2001) trouvent certaines preuves appuyant et d’autres réfutant l’hypothèse d’investissement familial en Australie, tandis qu’une étude canadienne (Adsera et Ferrer, 2014) et plusieurs études américaines (Duleep et Dowhan, 2002; Blau et coll., 2003; Blau et Khan, 2007) présentent des preuves contraires aux prédictions de l’hypothèse de l’investissement familial. Cobb-Clark et Crossley (2004) suggèrent que l’hypothèse est trop restrictive pour aborder l’hétérogénéité des comportements des ménages d’immigrants.

Une autre hypothèse donne à penser que lorsque les familles décident de migrer, elles le font en raison du gain de revenu net dont la famille dans son ensemble devrait profiter (Mincer, 1978). Toutefois, un gain de revenu net global pour un couple d’immigrants peut signifier qu’un des conjoints du couple réalise un gain personnel en raison de la migration et l’autre, une perte personnelle. Cet autre conjoint est alors une « personne liée » qui a déménagé seulement en raison de liens familiaux. Ainsi, il est possible que la personne liée subisse une détérioration de ses résultats sur le marché du travail après le déplacement. Cette situation explique possiblement la raison pour laquelle les demandeurs principaux ont, en moyenne, de meilleurs résultats sur le marché du travail que leurs conjoints. Puisque la plupart des demandeurs principaux sont des hommes, l’hypothèse de la « personne liée » peut également permettre de prédire un plus grand écart entre les sexes quant à l’activité sur le marché du travail et les gains chez les immigrants que chez les personnes nées au pays. En s’appuyant sur les données de l’ELIC, Banerjee et Phan (2015) montrent que chez les immigrants mariés, professionnels ou gestionnaires de la catégorie des travailleurs qualifiés, les demandeurs principaux ont connu une plus faible baisse de leur pointage lié à leur statut professionnel après la migration que les personnes à charge. Bien que les pointages liés au statut se soient améliorés pour les demandeurs principaux et pour les conjoints au cours des quatre premières années, l’écart ne s’est pas rétréci.

Enfin, plusieurs études aux États-Unis et au Canada ont également étudié le rôle que jouent les normes culturelles et sociales liées aux différences entre les sexes et l’activité sur le marché du travail des femmes dans le pays d’origine, pour déterminer l’activité sur le marché du travail des femmes immigrantes dans les pays d’accueil. Ces études montrent qu’il y a effectivement une corrélation entre les caractéristiques du pays d’origine et le taux d’activité (Antecol, 2000 et 2003), l’assimilation de l’offre de travail (Blau, Khan et Papps, 2008; Frank et Hou, 2016) et la rémunération (Frank et Hou, 2015) des femmes immigrées dans les pays d’accueil.

3. Données et échantillon

La présente étude repose sur les données couplées de l’Enquête nationale auprès des ménages (ENM) de 2011 et de la base de données du Fichier d’établissement des immigrants (FEI). Ces données contiennent des renseignements sur quelques caractéristiques individuelles des immigrants à leur arrivée ainsi que sur leurs caractéristiques et leurs résultats sur le marché du travail examinés dans le cadre de l’ENM.

Trois groupes de personnes forment l’échantillon de cette étude : les couples d’immigrants économiques, les femmes qui sont arrivées en tant que membres de la catégorie de la famille et qui étaient mariées ou partenaires en union libre au moment d’immigrer et les couples nés au Canada. L’échantillon d’immigrants économiques se limite aux immigrants qui sont arrivés à titre de travailleurs qualifiés, de candidats d’une province ou en tant que membres de la catégorie de l’expérience canadienneNote 5. L’échantillon de couples d’immigrants économiques sélectionné aux fins de cette analyse comprend les immigrants qui étaient mariés ou vivaient en union libre à leur arrivée et qui vivaient encore ensemble en 2011, qui sont arrivés entre 1990 et 2009 et qui étaient âgés de 25 à 64 ans en 2011. Les demandeurs principaux étaient âgés de 25 à 45 ans à leur arrivée et leurs conjoints avaient au moins 18 ans à leur arrivée (de plus amples renseignements sur la sélection de l’échantillon d’immigrants de la catégorie économique se trouvent à l’annexe).

L’échantillon de la catégorie de la famille comprend des femmes qui étaient mariées ou vivaient en union libre à leur arrivée, qui étaient âgées de 18 ans ou plus à leur arrivée, qui étaient âgées de 25 à 64 ans en 2011 et qui sont arrivées au pays entre 1990 et 2009. Sweetman et Warman (2010) utilisent un groupe de référence de la catégorie de la famille qui est composé de personnes qui sont arrivées en couple. Ils reconnaissent qu’ils sont susceptibles de sélectionner un échantillon composé de parents et de grands-parents parrainés par un membre de la famille vivant déjà au Canada. L’objectif de la présente étude est de sélectionner un groupe de référence présentant une dynamique familiale et des intentions relatives au marché du travail similaires (les parents et les grands-parents parrainés sont probablement moins susceptibles d’immigrer au Canada avec l’intention d’établir une carrière professionnelle que ne le sont les conjoints ou les enfants des personnes les parrainant). Dans le cadre de cette étude, la majorité (80 %) des personnes composant l’échantillon de la catégorie de la famille avait moins de 40 ans à l’arrivée et avait donc peu de chance d’être des parents ou des grands-parents parrainés par des immigrants vivant déjà au Canada.

Finalement, un échantillon de couples nés au Canada a également été sélectionné à partir de l’ENM pour fournir un repère pour les résultats des groupes d’immigrants. Les personnes nées au Canada sélectionnées étaient âgées de 25 à 64 ans et étaient mariées ou en union libre en 2011. Par souci de concision, le terme « marié » sera utilisé dans la présente étude pour désigner les personnes mariées et celles vivant en union libre.

Des recherches antérieures ont permis de relever quatre caractéristiques des immigrants à leur arrivée qui constituent d’importants prédicteurs des gains subséquents. Ces caractéristiques sont l’âge à l’arrivée, le niveau de scolarité, la connaissance des langues officielles et l’expérience de travail acquise au Canada avant l’arrivée (Bonikowska, Hou et Picot, 2015)Note 6. L’information sur l’expérience canadienne avant l’arrivée n’est pas offerte dans l’ensemble de données couplées de l’ENM et du FEI. La comparaison des caractéristiques à l’arrivée des divers groupes d’immigrants d’intérêt est donc axée sur les trois autres caractéristiques.

Les données sur le niveau de scolarité et sur la connaissance des langues officielles à l’arrivée proviennent du FEI. La connaissance des langues officielles à l’arrivée est extraite à partir de deux variables distinctes : la langue maternelle de l’immigrant et la connaissance autodéclarée des langues officielles. Les données sur l’âge à l’immigration proviennent des données de l’ENM.

Les résultats sur le marché du travail examinés dans le cadre de la présente étude portent sur le taux d’emploi et les gains en 2010. La mesure des gains utilisée aux fins de l’analyse est la rémunération hebdomadaire, calculée en combinant les gains totaux provenant d’un emploi rémunéré et le revenu net provenant d’un travail autonome puis en divisant le tout par le nombre de semaines travaillées en 2010. Cette mesure reflète à la fois le taux de rémunération horaire et le nombre d’heures travaillées dans une semaine et est calculée uniquement pour les personnes ayant travaillé au moins une semaine en 2010. Une deuxième mesure des gains étudiée, définie à la fois pour les personnes ayant travaillé et celles n’ayant pas travaillé en 2010, est les gains hebdomadaires globaux. Cette mesure reflète mieux le bien-être économique global de la population. Puisque les gains hebdomadaires globaux sont transformés en logarithmes des gains aux fins de l’analyse de régression, des gains de 1 $ ont été attribués aux personnes n’ayant pas de gains hebdomadaires afin de procéder à la transformation logarithmique.

La notion d’emploi en 2010 se définit comme le fait d’avoir travaillé au moins une semaine en 2010. Des statistiques descriptives supplémentaires sont fournies pour l’emploi à temps plein et pour l’emploi pendant toute l’année. Ces notions sont définies comme le fait d’avoir travaillé au moins 49 semaines en 2010 et d’avoir principalement travaillé des semaines à temps plein.

4. Méthodes

En plus de statistiques descriptives, la présente étude comprend une analyse de régression pour trois résultats d’intérêt : 1) la probabilité d’avoir travaillé en 2010; 2) les gains hebdomadaires des personnes ayant travaillé en 2010; 3) les gains hebdomadaires globaux pour l’ensemble de l’échantillon, y compris les personnes ayant des gains nuls en 2010.

Des modèles de régression des moindres carrés pondérés ont été estimés pour les logarithmes des gains hebdomadaires conditionnels au fait d’avoir un emploi et pour les logarithmes des gains hebdomadaires globaux. Des modèles probit ont été estimés pour la probabilité d’avoir eu un emploi en 2010, et les effets marginaux moyens de covariables d’intérêt sont rapportés.

Les variables de contrôle dans l’analyse de régression se rapportent aux caractéristiques mesurées dans l’ENM ou dérivées de celle-ci. Les caractéristiques du capital humain prises en compte comprennent les éléments suivants :

Tous les modèles multivariés comprennent également des indicateurs d’appartenance à une minorité visible et de secteur de résidence au Canada. Les modèles de gains conditionnels au fait d’avoir un emploi comprennent aussi deux caractéristiques de l’emploi : le fait d’avoir travaillé principalement à temps partiel et les grands groupes de professions. Les modèles d’emploi ont été estimés en tenant compte de caractéristiques supplémentaires, soit la présence d’enfants âgés de deux ans ou moins et si la personne a fréquenté l’école entre septembre 2010 et mai 2011. Les ensembles complets d’estimations de ces modèles sont présentés dans les tableaux 1 à 3 et 5 à 7 de l’annexe.

Les modèles de logarithmes des gains hebdomadaires globaux ont fait l’objet d’une nouvelle estimation, faisant en sorte que les rendements économiques de la scolarité varient entre les groupes comparés. L’objectif n’était pas d’estimer les rendements de la scolarité au sens causal, mais plutôt d’examiner s’il existe ou non des différences systématiques entre les groupes dans les résultats économiques pour un niveau de scolarité donné.

5. Immigrants économiques : différences selon le sexe et le statut du demandeur principal

Pour mettre en contexte la comparaison entre les femmes qui sont arrivées comme conjointes de demandeurs principaux de la catégorie économique et les femmes mariées qui sont arrivées en tant que membres de la catégorie de la famille, on compare les caractéristiques et les résultats des demandeurs principaux et de leurs conjointes sur le marché du travail. Cette comparaison est effectuée séparément pour les couples d’immigrants où le demandeur principal est un homme et pour les couples où le demandeur principal est une femme.

5.1 Statistiques descriptives

Le niveau de scolarité et la connaissance des langues officielles à l’arrivée étaient généralement plus élevés chez les demandeurs principaux que chez les conjoints les accompagnant, sans égard au sexe (tableau 1). Près des trois quarts des demandeurs principaux, hommes et femmes, avaient un baccalauréat ou un diplôme d’études supérieures à leur arrivée, comparativement à environ 55 % des conjoints. Moins de 10 % des demandeurs principaux avaient comme plus haut niveau de scolarité des études secondaires ou un niveau de scolarité moins élevé. Ce nombre est passé à plus de 20 % chez les conjoints et était plus élevé chez les femmes que chez les hommes. Entre 14 % et 16 % des demandeurs principaux ne connaissaient ni le français ni l’anglais, comparativement à environ 23 % des conjoints de sexe masculin et 30 % des conjointes de sexe féminin. Les demandeurs principaux de sexe féminin avaient également tendance à être un peu plus âgées que les conjointes. Les statistiques descriptives du tableau 1 concordent avec l’idée que, lorsque les couples font une demande d’immigration, la personne qui répond le mieux aux exigences d’un programme d’immigration donné présente la demande en tant que demandeur principal.

Les plus hauts niveaux de capital humain chez les demandeurs principaux par rapport à leurs conjoints se traduisent par une plus grande probabilité à avoir un emploi ainsi qu’à travailler à temps plein toute l’année. Par exemple, un peu plus de 37 % des conjointes travaillaient à temps plein toute l’année en 2010, comparativement à un peu plus de 46 % des demandeurs principaux de sexe féminin. Les demandeurs principaux ont également enregistré des gains plus élevés conditionnels au fait d’avoir un emploi que leurs conjoints.

Il semble exister un écart entre les sexes dans les résultats sur le marché du travail (non corrigés pour tenir compte des caractéristiques individuelles) des demandeurs principauxNote 10. Les demandeurs principaux de sexe féminin ont enregistré des gains hebdomadaires moyens de 1 033 $ en 2010, conditionnels au fait d’avoir un emploi, comparativement à 1 385 $ chez les demandeurs principaux. Les demandeurs principaux de sexe féminin étaient également moins susceptibles d’avoir travaillé à un moment donné en 2010 que leurs homologues masculins : près de 83 % par rapport à près de 92 %. Elles étaient aussi moins susceptibles, d’environ 5 points de pourcentage, d’avoir travaillé que les conjoints de sexe masculin et moins portées à avoir travaillé à temps plein toute l’année. Parmi celles qui avaient un emploi, les gains hebdomadaires médians (non corrigés) étaient légèrement plus élevés chez les demandeurs principaux de sexe féminin que chez les conjoints de sexe masculin, mais les gains hebdomadaires moyens ne l’étaient pas.

5.2 Résultats de la régression

L’écart de près de 18 points de pourcentage de la probabilité d’avoir travaillé à un moment donné en 2010 n’est pas sensiblement touché par les différences dans les caractéristiques sous-jacentes entre les demandeurs principaux de sexe masculin et les conjointes (tableau 2). Au sein des couples dont la femme était le demandeur principal, les hommes étaient plus susceptibles que les femmes d’avoir travaillé en 2010, l’écart se situant à près de 5 points de pourcentage. En ajoutant les caractéristiques individuelles, cet écart montait à un peu plus de 7 points de pourcentage.

Les conjointes des demandeurs principaux ont gagné, en moyenne, environ 54 % moins (en logarithmes des gains hebdomadaires et conditionnellement au fait d’avoir un emploi)Note 11. Les différences concernant le capital humain n’ont pas contribué de manière notable à cet écart. Toutefois, l’écart s’est resserré pour s’établir à environ 29 % lorsque le statut de travail à temps partiel et la profession ont été pris en compte, en baisse d’environ 46 %. Une situation semblable peut être observée lorsque les gains globaux (qui incluent les personnes sans gains) sont examinés.

Les demandeurs principaux de sexe féminin ayant un emploi gagnaient en moyenne 6 % de plus que les conjoints de sexe masculin ayant un emploi (tableau 2). Après avoir tenu compte des caractéristiques individuelles et de l’emploi, cet écart n’était plus statistiquement significatif. Les gains globaux (qui incluent les personnes sans gains) des conjoints de sexe masculin ont augmenté par rapport à ceux des demandeurs principaux de sexe féminin lorsque les différences de capital humain étaient prises en compte, soit une tendance similaire à celle des différences d’emploi entre les deux groupes.

Les régressions des logarithmes des gains hebdomadaires globaux ont également été effectuées à nouveau, ce qui permet de tenir compte de différents rendements de la scolarité pour les demandeurs principaux et les conjoints. Les conjointes enregistraient généralement des gains globaux plus élevés pour les rendements de la scolarité que les demandeurs principaux de sexe masculin (c.-à-d. une pente plus abrupte de la trajectoire observée dans le graphique 1). Toutefois, les conjointes enregistraient également des gains inférieurs à ceux des demandeurs principaux de sexe masculin à tous les niveaux de scolarité (cette analyse comprend les personnes n’ayant pas de gains). Les demandeurs principaux de sexe féminin avaient aussi des gains plus élevés pour les rendements de la scolarité que ceux des conjoints de sexe masculin (graphique 2). Cependant, contrairement aux couples composés de demandeurs principaux de sexe masculin et de conjointes de sexe féminin, l’écart des gains globaux entre les demandeurs principaux de sexe féminin et les conjoints de sexe masculin était faible à des niveaux de scolarité plus élevés.

À titre de comparaison, au sein des couples nés au Canada, les gains globaux augmentaient avec le niveau de scolarité pour les deux sexes. Les femmes avaient de meilleurs rendements de la scolarité (en matière de gains globaux) que les hommes, et l’écart de gains moyens entre les hommes et les femmes était réduit à des niveaux de scolarité plus élevés (graphique 3).

6. Femmes immigrantes mariées arrivées au pays comme personnes à charge : comparaison entre les immigrants économiques et la catégorie de la famille

Le reste de la présente étude porte sur les femmes qui sont arrivées au pays comme conjointes de demandeurs principaux de la catégorie de l’immigration économiqueNote 12 et compare leurs caractéristiques et leurs résultats sur le marché du travail avec ceux des femmes qui sont arrivées en tant que membres de la catégorie de la famille et qui étaient mariées à leur arrivée.

6.1 Statistiques descriptives

Quelque 54 % des conjointes accompagnant les immigrants économiques avaient un grade universitaire à leur arrivée et environ 11 % avaient un grade supérieur (tableau 3). Près de 27 % avaient un diplôme d’études secondaires ou un niveau de scolarité moins élevé. Les femmes de la catégorie de la famille avaient des niveaux de scolarité inférieurs. Par exemple, un peu plus de 52 % d’entre elles avaient un diplôme d’études secondaires ou un niveau de scolarité moins élevé et environ 30 % avaient un grade universitaire. Cette situation est en partie liée à la différence d’âge entre les deux groupes de femmes dans l’échantillon. Les conjointes des immigrants économiques de la présente étude étaient plus âgées que les femmes mariées de la catégorie de la famille : plus d’un quart d’entre elles avaient entre 18 et 24 ans à leur arrivée.

La connaissance des langues officielles était également plus fréquente chez les conjointes des immigrants économiques que chez celles de la catégorie de la famille. Environ 30 % des conjointes d’immigrants économiques ont indiqué ne connaître ni le français ni l’anglais à leur arrivée. Il en était de même pour environ 39 % des femmes de la catégorie de la famille.

Même si les niveaux de capital humain, tels qu’ils sont mesurés par le niveau de scolarité et la connaissance des langues officielles à l’arrivée, étaient plus élevés chez les conjointes d’immigrants économiques que chez les femmes mariées de la catégorie de la famille, il est possible que le temps passé au Canada ait réduit ces différences, particulièrement lorsqu’on tient compte de l’âge beaucoup plus jeune des femmes de la catégorie de la famille. Toutefois, en 2011, à l’âge de 25 ans ou plus, près de 39 % des femmes de la catégorie de la famille ont déclaré avoir un diplôme d’études secondaires ou un niveau de scolarité moins élevé comparativement à près de 16 % des conjointes d’immigrants économiquesNote 13.

Étant donné les différences dans les caractéristiques du capital humain à l’arrivée documentées à la section précédente, la prochaine question est de savoir comment celles-ci se traduisent par des différences dans les résultats sur le marché du travail. Certains résultats sur le marché du travail pour l’année 2010 sont présentés au tableau 4. Ces chiffres ne sont pas corrigés pour tenir compte des différences sous-jacentes dans les caractéristiques entre les deux groupes de femmes. La plupart des statistiques présentées au tableau 4 de l’annexe sont ventilées selon le nombre d’années écoulées depuis l’arrivée. Il ne faut cependant pas oublier que les tendances observées au fil des années depuis l’arrivée pourraient s’expliquer à la fois par le temps passé au Canada et par les effets de cohorte.

Un plus grand nombre de femmes mariées immigrantes économiques que de femmes mariées de la catégorie de la famille ont travaillé à un moment donné en 2010, soit près de 74 % comparativement à près de 66 %. Environ 37 % des conjointes d’immigrants économiques travaillaient à temps plein toute l’année en 2010 comparativement à environ 30 % des femmes de la catégorie de la famille. Parmi celles qui travaillaient, près des trois quarts de chaque groupe ont travaillé principalement des semaines à temps plein. Les gains hebdomadaires, qu’ils soient conditionnels au fait d’avoir un emploi ou non, étaient également plus élevés chez les conjointes d’immigrants économiques que chez les femmes de la catégorie de la famille.

Les femmes mariées de la catégorie de la famille étaient fortement concentrées dans des professions liées à la vente et aux services (près de 32 %), suivies de celles des professions administratives et du secteur de l’enseignement et des services sociaux. Une part plus faible des conjointes d’immigrants économiques, environ 23 %, travaillaient dans des professions liées à la vente et aux services, tandis que près de 9 % travaillaient dans le secteur des sciences naturelles et appliquées, comparativement à près de 4 % des femmes de la catégorie de la famille. Environ 62 % des femmes de chaque groupe possédant un grade universitaire occupaient un emploi dans des professions qui ne nécessitent généralement pas de grade universitaireNote 14.

Les deux groupes de femmes immigrantes étaient moins susceptibles de travailler et gagnaient moins que le groupe de référence né au Canada. Les femmes nées au Canada gagnaient en moyenne 944 $ par semaine (conditionnellement au fait d’avoir un emploi), comparativement à 829 $ pour les conjointes d’immigrants économiques et 742 $ pour les femmes de la catégorie de la famille. Près de 82 % d’entre elles avaient travaillé à un moment donné en 2010 et, parmi celles-ci, un peu plus de 77 % travaillaient des semaines à temps plein.

6.2 Résultats de la régression

L’écart dans la probabilité d’avoir occupé un emploi à un moment en 2010 entre les conjointes d’immigrants économiques et les femmes mariées de la catégorie de la famille était de 8 points de pourcentage, si aucune correction tenant compte des différences dans les caractéristiques sous-jacentes (tableau 5) n’est apportée. Après avoir tenu compte des caractéristiques individuelles (variables du capital humain, appartenance à une minorité visible et secteur de résidence), de la présence de jeunes enfants et du fait d’avoir fréquenté l’école l’année précédente, l’écart était réduit à un peu moins de 3 points de pourcentage. Autrement dit, les différences entre les caractéristiques des conjointes d’immigrants économiques et des femmes mariées de la catégorie de la famille représentaient environ 66 % de l’écart observé.

Les conjointes d’immigrants économiques ont gagné environ 18 % de plus que les femmes de la catégorie de la famille, conditionnellement au fait d’avoir un emploi et sans tenir compte des différences dans les caractéristiques. Lorsque les caractéristiques individuelles étaient prises en compte, l’écart était réduit de près de la moitié. En tenant compte ensuite des différences dans la fréquence du travail à temps partiel et de la profession, l’écart était réduit à un peu moins de 6 %. Dans l’ensemble, les différences dans les caractéristiques individuelles et certaines caractéristiques de l’emploi représentaient environ 68 % de l’écart dans les logarithmes des gains hebdomadaires entre les deux groupes de femmes. Les différences liées aux caractéristiques individuelles représentaient également près de 57 % de l’écart pour les gains globaux.

En ce qui concerne les gains globaux des femmes titulaires d’un diplôme d’études secondaires, on n’observait pas de différences statistiquement significatives entre les immigrants économiques et ceux de la catégorie de la famille après correction pour tenir compte des différences liées aux caractéristiques (graphique 4). Toutefois, les rendements des études postsecondaires dans les gains globaux étaient généralement plus élevés chez les conjointes d’immigrants économiques.

7. Appariement associatif lié à la scolarité

Historiquement, le système de points pour la sélection d’immigrants au Canada n’accordait pas de points au demandeur principal pour les caractéristiques du conjoint accompagnateur, et un nombre limité de ces points a été introduit au cours des années 2000. Malgré cela, les niveaux de scolarité et la connaissance des langues officielles étaient plus élevés chez les femmes qui arrivaient à titre de conjointe d’un demandeur principal de la catégorie économique que chez les femmes mariées arrivant en tant que membres de la catégorie de la famille. Cette observation est cohérente avec la présence d’appariement associatif positif. Les demandeurs principaux sélectionnés selon le système de points pour leurs caractéristiques du capital humain, comme la scolarité, avaient choisi des conjointes possédant des niveaux de scolarité semblables au leur.

Un peu plus de 70 % des demandeurs principaux qui avaient fait des études universitaires et qui étaient mariés (ou vivaient en union libre) au moment de l’immigration avaient des conjointes ayant fait des études universitaires également (graphique 5). D’un autre côté, près de 70 % des demandeurs principaux mariés et possédant un diplôme d’études secondaires ou un niveau de scolarité moins élevé avaient des conjointes possédant un diplôme d’études secondaires ou un niveau de scolarité moins élevé.

Pour comparer le degré d’appariement associatif lié à l’éducation entre les femmes arrivées à titre de personnes à charge d’immigrants économiques et les femmes arrivées en tant que membres de la catégorie de la famille, il faut déterminer les conjoints de ce dernier groupe. On ne peut pas déterminer les conjoints des femmes de la catégorie de la famille à leur arrivée au Canada à l’aide des données. L’analyse de la présente section porte plutôt sur les femmes qui étaient à la fois mariées à l’arrivée et mariées en 2011, peu importe si le conjoint ou le partenaire avait changé entre ces deux périodes. Les couples ainsi déterminés ont ensuite été limités aux personnes âgées de 25 à 64 ans en 2011, par souci de cohérence avec la restriction d’âge utilisée ailleurs dans la présente étude. L’échantillon final est composé de 42 073 couples.

Chez ces couples, le niveau d’appariement associatif observé était un peu plus faible que chez les couples d’immigrants économiques (graphique 6). Environ 65 % des hommes ayant fait des études universitaires avaient des conjointes (femmes ayant immigré au Canada dans la catégorie de la famille) qui avaient également fait des études universitaires. Moins de la moitié des hommes ayant fait des études postsecondaires inférieures au baccalauréat avaient des conjointes possédant un niveau d’études similaire, tandis qu’environ le quart avaient des conjointes ayant fait des études universitaires.

Pour mettre ces résultats en contexte, il faut tenir compte de la corrélation des niveaux de scolarité entre les membres des couples mariés ou les partenaires vivant en union libre nés au Canada. Un peu plus de 60 % des hommes nés au Canada ayant fait des études universitaires avaient des femmes ayant également fait des études universitaires et environ 55 % des hommes ayant un diplôme d’études secondaires ou un niveau de scolarité moins élevé avaient des femmes possédant un niveau de scolarité semblable au leur (graphique 7).

Pour examiner davantage la similitude en matière de scolarité au sein des couples immigrants et des couples nés au Canada, un modèle probit a été estimé où la variable dépendante est égale à 1 si le niveau de scolarité était le même au sein du couple et égale à 0 s’il n’était pas le même. Le niveau de scolarité était classé selon les trois mêmes catégories que dans les graphiques ci-dessus. Les variables indépendantes comprenaient une variable nominale pour les immigrants, le niveau de scolarité et l’âge du conjoint et le niveau de scolarité et l’âge de la conjointe. Le modèle a été estimé sur deux échantillons : 1) un échantillon d’hommes nés au Canada et de demandeurs principaux de la catégorie de l’immigration économique de sexe masculin; 2) un échantillon d’hommes nés au Canada et d’immigrants de sexe masculin mariés à une femme immigrante qui est arrivée au pays en tant que membre de la catégorie de la famille.

Les modèles confirment les tendances générales observées dans les tableaux descriptifs ci-dessus. Les demandeurs principaux de la catégorie de l’immigration économique avaient une probabilité plus élevée, estimée à environ 9,7 points de pourcentage, d’avoir une conjointe possédant un niveau de scolarité semblable au leur que les hommes nés au Canada. Cette différence était statistiquement significative (p < 0,001). L’écart était plus faible, mais toujours statistiquement significatif, à 5,2 points de pourcentage, entre les couples où la femme était immigrante de la catégorie de la famille et les couples nés au Canada.

8. Conclusion

La majorité des femmes mariées qui arrivent au Canada comme immigrantes économiques sont des conjointes accompagnant des demandeurs principaux de la catégorie de l’immigration économique et, en tant que telles, elles ne sont pas sélectionnées par le système d’immigration de la même façon que le sont les demandeurs principaux. L’étude montre que, comparativement aux demandeurs principaux de sexe masculin et féminin de la catégorie économique et aux conjoints masculins, les femmes qui sont arrivées au pays comme conjointes de demandeurs principaux de la catégorie économique avaient un niveau de scolarité et une connaissance des langues officielles moindres à leur arrivée et affichaient un taux d’emploi et des gains moins élevés après leur arrivée. Les différences dans le capital humain ne semblent pas avoir représenté une grande part de l’écart observée sur le plan de l’emploi entre les demandeurs principaux de sexe masculin et les conjointes de sexe féminin, pas plus qu’une grande part de l’écart dans les gains entre eux. La profession et la fréquence de l’emploi à temps partiel, toutefois, représentaient une part importante de l’écart observé dans les gains entre les deux groupes.

Les conjointes des demandeurs principaux de la catégorie économique possédaient un plus haut niveau de scolarité et une meilleure connaissance des langues officielles à leur arrivée et affichaient un taux d’emploi et des gains plus élevés après leur arrivée, comparativement aux femmes mariées arrivées en tant que membres de la catégorie de la famille. Les niveaux plus élevés de capital humain (ainsi que l’appartenance à une minorité visible et le secteur de résidence) représentaient quelque 60 % de l’écart en matière d’emploi observé entre les conjointes d’immigrants économiques et les femmes mariées qui sont arrivées en tant que membres de la catégorie de la famille et près de la moitié de l’écart entre les logarithmes des gains. Les différences concernant la fréquence de l’emploi à temps partiel et la profession représentaient un autre 20 % de l’écart entre les gains.

Les résultats de l’étude concordent avec l’idée que les programmes d’immigration économique, qui évaluent et sélectionnent les demandeurs principaux selon la capacité perçue à intégrer le marché du travail canadien, évaluent également indirectement les conjointes des immigrants sélectionnés. Cette situation s’explique par l’appariement associatif. Les conjointes avaient des niveaux plus élevés de capital humain et de participation au marché du travail que les femmes mariées arrivant en tant que membres de la catégorie de la famille.

9. Annexe

9.1 Sélection de l’échantillon

L’échantillon des conjoints de demandeurs principaux de la catégorie économique a été sélectionné comme suit. Tout d’abord, les demandeurs principaux ont été sélectionnés s’ils :

Même si très peu de demandeurs principaux avaient moins de 25 ans à leur arrivée, certains avaient plus de 45 ans. La tranche d’âge de 25 à 45 ans a été choisie puisque l’étude vise à examiner les personnes faisant partie des groupes d’âge les plus actifs. Elle permet par ailleurs d’assurer une distribution d’âge plus cohérente entre les années d’arrivée, étant donné que les résultats économiques ont été observés seulement en 2010-2011 pour toutes les cohortes d’immigrants.

Compte tenu des données disponibles, il est possible de déterminer les conjoints des demandeurs principaux à l’arrivée seulement lorsqu’ils ont le même numéro de demande d’immigration. Ainsi, l’analyse porte exclusivement sur les demandeurs principaux et les conjoints qui sont arrivés avec eux sur la même demande. Les demandeurs principaux dont le numéro de demande ne figurait pas dans les données ont été exclus, tout comme les demandeurs principaux ayant le même numéro de demande qu’un autre demandeur principal.

Ensuite, les personnes mentionnées sur les fiches d’établissement à titre de conjoint ou de partenaire en union libre d’un demandeur principal et qui sont arrivées comme travailleurs qualifiés, candidats d’une province ou en tant que membres de la catégorie de l’expérience canadienne, qui étaient mariées ou vivaient en union libre à leur arrivée et qui avaient au moins 18 ans à leur arrivée ont été sélectionnées. Les conjoints sans numéro de demande et les conjoints possédant le même numéro de demande qu’un autre conjoint ont été exclus.

Lorsque les échantillons des demandeurs principaux et des conjoints ont été fusionnés, des correspondances ont été trouvées pour environ 85 % des demandeurs principaux.

D’autres restrictions sur les couples sélectionnés pour l’échantillon de l’étude incluaient ce qui suit : les deux membres du couple avaient la même catégorie d’immigration; les deux sont arrivés entre 1990 et 2009 et les deux étaient âgés de 25 à 64 ans en 2011. L’étude se concentre sur les couples intacts, c’est-à-dire les couples ayant fait une demande d’immigration en tant que membres de la catégorie de la famille, qui habitaient encore dans le même ménage en 2011 et dont l’indicateur de famille de recensement dans l’ENM était conforme à ces restrictionsNote 15.

9.2 Tableaux

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