2 Tendances récentes de l'assimilation au Canada des travailleurs issus de l'immigration

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Dans la théorie fondamentale de l'assimilation des immigrants, on met l'accent sur les difficultés qu'éprouvent les nouveaux venus à trouver à s'employer dans leur pays d'accueil. Devant les obstacles tenant à la langue, à l'information et aux réalités sociales à leur arrivée, les immigrants ont des possibilités d'emploi et des salaires inférieurs à ceux des résidents nés au Canada. À mesure qu'ils apprennent à connaître le marché du travail de leur nouvelle patrie, qu'ils se donnent des compétences adaptées à celle-ci et qu'ils acquièrent une expérience professionnelle au Canada, leurs gains se mettent à croître et le rythme de progression de leur revenu du travail l'emporte dans bien des cas sur le rythme correspondant pour les résidents nés au Canada. Il se peut que bien des immigrants en viennent en réalité à mieux tirer leur épingle du jeu sur ce plan que les travailleurs nés au Canada aux caractéristiques semblables.

La situation économique des immigrants au Canada au cours des 25 dernières années a fait l'objet de maintes études qui livrent des résultats variables. On considère généralement que les immigrants au pays ont plus de bagage scolaire, mais moins d'expérience professionnelle que les personnes nées au Canada (Frenette et Morissette, 2003). De plus en plus, les sources d'immigration sont « non traditionnelles » et les immigrants en question appartiennent à des minorités visibles 1 . Baker et Benjamin (1994) constatent que, à l'instar des États-Unis, le Canada a accueilli dans les années 1970 des immigrants qui n'ont pas autant réussi à s'intégrer à son marché du travail que ceux de la décennie précédente et dont les gains en début d'emploi et les taux d'assimilation ont été bien moindres. Le tableau qu'ils dégagent ainsi de l'expérience des immigrants sur le marché du travail canadien est « plutôt pessimiste » (p. 400). En revanche, Grant (1999) montre que les immigrants arrivés au Canada dans les années 1980 ont été plus fortunés que ceux des cohortes antérieures; leurs gains du début étaient les mêmes au commencement et à la fin de cette décennie, mais leurs taux d'assimilation étaient supérieurs à ceux de leurs prédécesseurs.

Frenette et Morissette (2003), qui se reportent aux données des recensements de la période de 1980 à 2000 pour analyser les taux de convergence des gains des immigrants et des non- immigrants, soutiennent que les gains relatifs des immigrants en début d'emploi ont considérablement diminué au cours de cette période et que cette tendance n'a été que partiellement compensée par une meilleure progression des gains relatifs dans le cas des immigrants récents. On compte de plus en plus de diplômés d'université chez les immigrants, mais les gains relatifs des immigrants n'ont pas progressé de 1990 à 2000 et les taux de faible revenu étaient nettement en hausse à la fin de la décennie.

Aydemir et Skuterud (2005) décrivent à leur tour la détérioration des gains des immigrants au Canada en début d'emploi et en examinent les causes avec les mêmes données de recensement que dans l'étude qui précède. Ils constatent que, pour un tiers environ, cette décroissance du revenu du travail peut s'expliquer par l'évolution de la composition ethnique des cohortes d'immigrants. On ne relève guère d'indices d'une moindre rétribution de la scolarité acquise à l'étranger, mais Aydemir et Skuterud réunissent des données tendant à démontrer que la rétribution est réduite pour l'expérience professionnelle acquise à l'étranger, ce qui pourrait rendre compte du quart à la moitié de toute la dégradation du revenu du travail des immigrants en début d'emploi.

Somme toute, le tableau qui se dégage de ces études et d'autres indiquerait qu'il est de plus en plus difficile aux immigrants de s'intégrer au marché du travail canadien. Ces résultats soulèvent d'autres questions auxquelles on n'a pas encore trouvé réponse. De telles difficultés se sont-elles traduites par une montée de l'inégalité chez les immigrants? La diminution des gains en début d'emploi s'est-elle accompagnée d'une augmentation de l'instabilité du revenu du travail chez ces mêmes immigrants? Quelle a été l'incidence de l'évolution de la composition des cohortes d'immigrants sur les variations de l'inégalité et de l'instabilité des gains depuis le début des années 1980? Bien que la dynamique des salaires des immigrants révèle hautement ce que sont leurs progrès économiques, le tableau ne saurait être complet s'il n'y a pas description d'autres aspects de cette dynamique des gains comme ceux de l'inégalité et de l'instabilité.

La distinction à faire entre inégalité à court terme (en coupe transversale) et inégalité à long terme est pourtant essentielle à l'analyse du phénomène de l'inégalité et de l'instabilité du revenu du travail. L'évolution de cette inégalité a habituellement à voir avec une évolution technologique fondamentale qui voue certaines compétences à la désuétude, tout en suscitant une demande de nouvelles compétences (caractéristiques des travailleurs). Quant à cette instabilité, elle a surtout à voir avec une concurrence qui s'avive, des institutions qui se transforment ou une réglementation du commerce qui change.

Il est sûr qu'un instantané de l'inégalité des gains par des données transversales se trouve à confondre les composantes permanente et temporaire, d'où l'impossibilité de cerner l'origine de l'état d'inégalité du moment. Pour séparer ces composantes, il faut disposer de modèles nécessitant des données recueillies au moyen d'un panel. À la prochaine section, nous parlerons de certains de ces modèles d'intérêt pour notre étude.

1 . Dans la Loi sur l'équité en matière d'emploi, on définit les minorités visibles comme étant formées de « personnes, autres que les Autochtones, qui ne sont pas de race blanche ou qui n'ont pas la peau blanche ».