6 Analyse descriptive

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Nous commençons par estimer en (4) la composante individuelle des gains des immigrants. Pour obtenir ycjit, nous mettons simplement en correction de la moyenne le logarithme de Ycjit dans chaque cellule cjt (cohorte×âge d'arrivée×année) et opérons la régression de log Ycjit sur une constante. Nous ajoutons ensuite des variables explicatives à la régression pour déterminer quelle est leur incidence sur l'inégalité et l'instabilité des gains. Dans ce qui suit, le calcul se fait pour les divers c et j séparément, aussi supprimons-nous les lettres en indice afin de simplifier la notation.

Le tableau 1 indique les résultats de la décomposition de variance pour tout l'effectif de chaque cohorte et les divers groupes constitutifs d'âge d'arrivée. L'addition des facteurs « inter » et « intra » ne donne pas la variance totale, parce que les panels sont non équilibrés. Pour l'ensemble des cohortes, le facteur inter est plus grand que le facteur intra, bien que la différence inter-intra varie selon les cohortes.

Le premier résultat digne de mention nous éclaire sur la question de savoir si l'inégalité des gains est plus grande chez les immigrants récents que chez les immigrants du passé. Le facteur inter calculé pour les quatre premières périodes suivant l'arrivée ( t =4) est 46 % plus élevé pour la cohorte de 1998 à 2000 et 28 % pour la cohorte de 1995 à 1997 que pour la cohorte de 1980 à 1982. Pour t =7, on n'a pas les données de comparaison entre 1998 à 2000 et 1980 à 1982, mais le facteur inter est 27 % plus élevé pour la période de 1995 à 1997 que pour la période de 1980 à 1982. Pour t =10 enfin, la supériorité de la cohorte de 1992 à 1994 est d'environ 9 % sur la cohorte de 1980 à 1982. C'est bien moins que l'écart de 16 % entre ces mêmes cohortes pour t =7 et de 23 % pour t =4. À en juger par ces résultats, les cohortes plus récentes connaissent une plus grande inégalité des gains les toutes premières années qui suivent leur arrivée que les cohortes moins récentes, mais à plus long terme, les différences entre cohortes peuvent ne pas être aussi marquées et toutes les cohortes en viennent à la fin à des valeurs comparables d'inégalité des gains.

Le facteur intra paraît plus procyclique. Pour t =4, les immigrants qui sont arrivés dans la période de 1989 à 1991 et qui sont entrés sur le marché du travail au milieu de la récession de 1990 à 1993 présentent la valeur la plus élevée. Rien d'étonnant cependant à ce que, pour t =7 et t =10, ce même facteur soit presque identique à celui de deux cohortes précédentes. En règle générale, les immigrants qui sont entrés sur le marché du travail au milieu des années 1980 ont pour t =4 un facteur intra ( σ 2intra ,t= 4 ) bien inférieur à celui des immigrants qui les ont imités par la suite. Comme on pouvait s'y attendre, les différences entre cohortes sont moindres pour t =7 et t =10, mais même dans ces cas, le facteur intra de la cohorte de 1980 à 1982 est beaucoup moins élevé que celui de toute autre cohorte.

Si nous décomposons ces tendances selon les groupes d'âge d'arrivée, nous constatons que, si dans les cohortes anciennes le facteur inter est bien plus élevé pour les immigrants âgés que pour les plus jeunes, il n'y a guère de variation selon l'âge pour les cohortes récentes. L'égalisation à l'échelle de l'âge s'expliquerait surtout par l'accroissement du facteur inter chez les immigrants plus jeunes. Pour t =4, le facteur inter ( σinter t 2, 4 = ) est 47 % plus élevé pour la cohorte de 1980 à 1982 que pour la cohorte de 1998 à 2000 (0,627 contre 0,427) dans la catégorie 25 à 29, 68 % (0,692 contre 0,413) dans la catégorie 30 à 34 et 16 % seulement (0,635 contre 0,549) dans la catégorie 45 à 49. On a donc l'impression que les différences de facteur inter entre les cohortes sont surtout déterminées par l'accentuation de l'inégalité des gains chez les immigrants qui sont arrivés au Canada plus jeunes. Le facteur inter calculé pour t =7 et t =10 obéirait à des tendances semblables.

Le tableau 2 décrit l'incidence de la scolarisation, de la compétence linguistique et de l'origine sur l'inégalité et l'instabilité des gains. Comme nous l'avons mentionné, il s'agit d'ajouter chacune de ces variables explicatives à la régression de premier stade, puis de recalculer la décomposition de la variance. La prise en compte de ces aspects influe nettement sur l'inégalité, mais très peu sur l'instabilité. On n'a pas à s'en étonner si on considère les différences de causes de l'inégalité et de l'instabilité. La scolarité, la langue et la culture ont à voir avec la compétence, laquelle est « absorbée » par la composante durable de la variabilité des gains et produit un effet à long terme.

C'est avec la variable de contrôle de la région d'origine que le facteur inter pour t =4 ( σ2inter , t =4  ) diminue le plus pour toutes les cohortes d'arrivée. Par ailleurs, les effets respectifs de la scolarisation et de la compétence linguistique varient selon les cohortes. Pour la plupart des cohortes, les effets de la scolarisation à l'étranger et de la compétence linguistique sont les mêmes pour t =4; la première de ces variables est d'une incidence un peu moins marquée pour les cohortes de 1980 à 1982 et de 1986 à 1988, mais un peu plus prononcée pour la cohorte de 1995 à 1997. Pour t =10, l'effet de la scolarisation à l'étranger paraît augmenter. Pour les cohortes de 1989 à 1991 et de 1992 à 1994, par exemple, ce facteur inter est à peu près le même dans les deux catégories. Pour t =10, la scolarisation à l'étranger produit un effet moindre.

Ces résultats montrent bien quel rôle joue la scolarité acquise à l'étranger dans les progrès économiques des immigrants. Peu après l'arrivée, la scolarisation à l'étranger peut moins influer sur les perspectives d'emploi des immigrants que des compétences plus faciles à reconnaître comme la capacité de parler français ou anglais, mais à plus long terme des immigrants déjà plus scolarisés seront plus capables de s'adapter aux exigences du marché du travail canadien.

Signalons que, même une fois pris en compte ces trois facteurs, une grande partie de l'inégalité des gains des immigrants demeure inexpliquée. Pour t =4, cette prise en compte réduit le facteur inter de 14 % à 26 % selon la cohorte et, pour t =10, de 20 % à 35 %. Notons aussi que les effets combinés de la langue, de la scolarité et de l'origine seraient supérieurs sur les cohortes plus anciennes. Pour la cohorte de 1980 à 1982 par exemple, la prise en compte des trois variables diminue le facteur inter de 26 % pour t =4 et de 35 % pour t =10. La baisse correspondante ( t =4) est de 17 % pour la cohorte de 1992 à 1994 (24 % pour t =10) et de 15 % pour la cohorte de 1998 à 2000.

On peut généralement considérer les différences de scolarité, de compétence linguistique (langues officielles) ou d'origine ethnique comme des différences de capital humain des cohortes et, par conséquent, ces variables devraient se rattacher au facteur inter de décomposition de la variance. Quant au facteur intra, il mesure la variation « inexpliquée » des gains qui n'est pas liée à la compétence. Il a peut-être à voir entre autres avec les fluctuations du marché du travail local ou avec les oscillations saisonnières de la demande de biens et de services. L'évolution de la composition en compétence des cohortes, une fois pris en compte les aspects de la scolarité, de la langue et de l'origine ethnique, peut indirectement influer sur le facteur intra de décomposition de la variance, mais elle ne devrait être d'aucune incidence directe. En fait, le tableau 2 indique que le facteur inter « absorbe » presque tout l'effet de la prise en compte des variables supplémentaires dans les régressions de premier stade. Cette constatation vaut tant pour t =4 que pour t =10.

Au tableau 3, les résultats sont ventilés selon les groupes d'âge d'arrivée. C'est le pays de naissance qui influe le plus sur le facteur inter pour t=4 ( σ2inter, t =4 ) dans l'ensemble des cohortes et des groupes d'âge d'arrivée. Les effets relatifs de la scolarité et de la langue varient toutefois considérablement selon les cohortes, les groupes d'âge et le nombre d'années pour lequel on calcule la variance. Pour t =10, la scolarisation à l'étranger est d'une plus grande incidence que la langue dans toutes les catégories d'âge pour les cohortes de 1989 à 1991 et de 1992 à 1994. L'effet est aussi plus marqué dans la tranche d'âge d'arrivée 30 à 34 pour l'ensemble des cohortes. En règle générale, il semblerait que, comparativement à la compétence linguistique, la scolarisation à l'étranger est d'une incidence quelque peu plus grande sur une plus longue période dans toutes les catégories d'âge dans le cas des cohortes plus récentes.

En somme, les données descriptives semblent indiquer que l'inégalité des gains rend compte d'une plus grande partie de la dispersion du revenu du travail des immigrants que l'instabilité des gains; que l'inégalité est plus grande pour les cohortes plus récentes que pour les cohortes du début des années 1980; que l'instabilité est procyclique, en ce sens que les immigrants arrivés un peu avant ou pendant la récession du début des années 1990 ont plus connu l'instabilité que les cohortes moins récentes; que la région d'origine est ce qui influe le plus sur l'inégalité, alors que la scolarisation à l'étranger et la capacité de parler une langue officielle varient selon les cohortes et les groupes d'âge d'arrivée; que la prise en compte de la scolarité, de la langue et de l'origine réduit l'inégalité, mais n'influe guère sur l'instabilité; et que, même après cette prise en compte, une grande partie de l'inégalité des gains des immigrants demeure inexpliquée.

À la prochaine section, nous examinerons la dynamique de l'inégalité et de l'instabilité des gains des cohortes à l'aide d'un modèle économétrique plus polyvalent.