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  1. Introduction
  2. Contexte et examen des ouvrages publiés
  3. Méthodologie
  4. Données
  5. Résultats
  6. Conclusions

1   Introduction

L'inscription à des programmes d'apprentissage a augmenté de façon constante au cours des dernières années, mais la croissance du taux d'achèvement n'a pas été aussi forte. Le Forum canadien sur l'apprentissage (FCA) a récemment publié un rapport qui porte sur neuf obstacles à l'accès aux programmes d'apprentissage, ainsi qu'à la poursuite et à la réussite de ces programmes (FCA, 2004, 2009). Selon ce rapport, les attitudes négatives du public en général à l'égard de ces professions, le manque d'information, le faible attrait des lieux de travail et les coûts de l'apprentissage pour les employés, les employeurs et les syndicats nuisent à l'inscription à ces programmes. En fait, très peu de parents mentionnent une formation professionnelle parmi les aspirations qu'ils ont pour leurs enfants. Il y a aussi un manque de stabilité d'emploi perçu, des revenus plus faibles et un statut moins élevé associés à ces professions qui requièrent un apprentissage par rapport à d'autres options qui s'offrent aux jeunes Canadiens (Sharpe et Gibson, 2005). Selon Côté et Allahar (2007:172), « [...] dans la mesure où l'université peut représenter principalement de quatre à six années de plaisir, suivies par des années de rémunération élevée, il est très tentant pour les personnes de ne pas envisager d'autres formes d'études postsecondaires comme l'apprentissage [...] » (Traduction).

Le présent document est axé sur le cheminement que suivent les apprentis inscrits une fois qu'ils sont inscrits à de la formation en apprentissage. À de nombreux égards, la présente recherche est la suite logique des ouvrages existants sur l'accès aux études postsecondaires (EPS) et la persistance dans ces études, ouvrages qui ont été axés dans une large mesure sur la formation structurée en salle de classe offerte par les collèges et les universités. En général, les recherches portant sur les EPS nécessitent d'aborder les déterminants : 1) de la poursuite d'études postsecondaires après les études secondaires; et 2) de la persistance dans un programme jusqu'à ce qu'il soit terminé, par suite de l'admission 1 . Par définition, les EPS englobent tous les types de scolarité suivant le niveau secondaire, mais la formation en apprentissage est rarement mentionnée et a certainement été peu étudiée. Cela semble regrettable, étant donné que les taux d'achèvement à long terme de l'apprentissage demeurent faibles (Morissette, 2008), même si l'augmentation du nombre d'apprentis inscrits a dépassé celle du nombre d'étudiants fréquentant l'université.

Le peu de recherches menées au Canada est peut-être attribuable, du moins en partie, au manque de données appropriées nécessaires pour étudier le sujet, ainsi qu'au fait que relativement peu (même si ce nombre est croissant) de Canadiens choisissent l'apprentissage comme option d'études. Comparativement aux données utilisées pour étudier les transitions des études secondaires à l'université ou au collège et de l'université et du collège au marché du travail, il existe peu d'ensembles de données qui permettent aux chercheurs d'étudier les transitions à l'intérieur des programmes d'apprentissage.

De façon plus particulière, le présent document est axé sur les caractéristiques démographiques, du marché du travail et des employeurs qui sont corrélés à trois résultats — ou profils d'achèvement — des apprentis : poursuite à long terme, achèvement et abandon. Existe-t-il des différences entre les métiers, ainsi que les provinces et territoires (la réglementation de ces métiers est du ressort des provinces et territoires)? Quelles sont les caractéristiques des programmes qui donnent lieu à des probabilités d'achèvement plus grandes? Les changements dans les cycles économiques ont-ils des répercussions sur l'achèvement? Les apprentis qui ont déjà fait des études sont-ils plus susceptibles de terminer leur apprentissage que ceux qui n'ont pas terminé leurs études secondaires?

La majorité des travaux jusqu'à maintenant ne concernent pas le Canada, mais plutôt les États-Unis et l'Australie et, dans une plus large mesure, l'Europe, ce qui n'est pas surprenant, compte tenu de l'importance relative de la formation en apprentissage dans des pays comme l'Allemagne, l'Autriche et la Suisse. Les travaux qui ont été effectués à partir de données canadiennes sont descriptifs dans une large mesure et dépendent d'enquêtes ayant une portée limitée ou de données comme celles du Système d'information sur les apprentis enregistrés (SIAE), une base de données administratives dont la couverture est importante, mais qui comporte des faiblesses du point de vue des covariables pertinentes.

Le présent document offre un aperçu plus exhaustif du profil d'achèvement de la formation en apprentissage, à partir des meilleures données disponibles à cette fin : celles de l'Enquête nationale auprès des apprentis (ENA) de 2007. Ces données nous permettent de nous pencher sur les corrélats du profil d'achèvement des Canadiens qui étaient inscrits à des programmes d'apprentissage à un moment donné au cours de la période de 2002 à 2004. L'utilisation des codes postaux de l'ENA, ainsi que du Fichier de conversion des codes postaux plus (FCCP+), permet le couplage des dossiers individuels et des données sur le taux de chômage régional de l'Enquête sur la population active (EPA), et permet donc d'élargir l'analyse pour tenir compte de l'importance du taux de chômage dans le profil de persistance des personnes.

Les résultats montrent qu'une gamme variée de variables démographiques et d'apprentissage sont liées à l'achèvement, à l'abandon et à la poursuite à long terme des programmes. Ces résultats correspondent aux constatations d'études antérieures qui étaient fondées dans une large mesure sur des traitements moins analytiques du sujet. Contrairement aux travaux précédents, qui comportent habituellement un lien entre le taux de chômage et l'inscription à des programmes d'apprentissage, on conclut qu'il n'existe qu'une corrélation faible entre le taux de chômage et l'achèvement de programmes d'apprentissage. Ainsi, même si la situation macroéconomique peut avoir des répercussions importantes sur l'inscription, les résultats montrent qu'elle n'a qu'un faible impact négatif sur la poursuite à long terme, et qu'elle n'a pas d'effets statistiquement significatifs sur l'achèvement et l'abandon. On a aussi déterminé que les antécédents scolaires des apprentis sont importants; ceux qui ont terminé au moins des études secondaires étant plus susceptibles de terminer les programmes. Cela laisse supposer que les études secondaires ne remplacent pas la formation en apprentissage; il s'agit plutôt d'un complément de ce type de formation. Un certain nombre de caractéristiques propres à l'emploi sont aussi pertinentes, par exemple, la taille de l'entreprise, le type de formation technique et la présence d'un compagnon d'apprentissage pendant la formation. De cela on peut inférer que la conception différente des programmes qui comportent de faibles taux d'achèvement pourrait améliorer les probabilités d'achèvement.

Le document est organisé en plusieurs sections. La section 2 énonce le contexte des connaissances actuelles concernant la persistance dans les programmes d'apprentissage au Canada. La section 3 aborde la méthodologie utilisée, et la section 4, les données utilisées. La section 5 comprend la présentation et l'examen des résultats. La dernière section, la section 6, conclut le document.

2   Contexte et examen des ouvrages publiés

2.1  Tendances de l'inscription et de l'achèvement

Le nombre de Canadiens inscrits à des programmes d'apprentissage a augmenté considérablement au cours des 12 dernières années. Le tableau 1 montre que le nombre de personnes inscrites à des programmes d'apprentissage a augmenté d'environ 120 % entre 1995 et 2007. Une part de cette hausse est le résultat de la croissance qu'ont connu les métiers non traditionnels (c.-à-d. la catégorie « autre »), qui est attribuable en partie à l'ajout d'un certain nombre de nouveaux métiers (Skof, 2006). La croissance dans les métiers traditionnels (sauf l'industrie et la mécanique) a aussi au moins doublé; une part de cette hausse est le résultat de la présence plus grande des femmes dans les principaux métiers.

Au cours de la même période de 12 ans, les inscriptions à des programmes de premier cycle au Canada n'ont augmenté que de 36 % pour les années scolaires de 1995-1996 à 2007-2008 2 . En fait, cette croissance récente du nombre d'apprentis fait que celui-ci représente environ 84 % du nombre d'étudiants collégiaux à temps plein, à peu près à la même période 3 .

En dépit de la hausse importante du nombre d'apprentis inscrits, la proportion de ceux qui terminent leur programme a diminué dans les faits, ce qui laisse supposer que l'augmentation du nombre de finissants n'a pas suivi la croissance du nombre d'inscriptions. Dans le tableau 2, le taux d'achèvement global — calculé comme correspondant au nombre de finissants divisé par le nombre de personnes inscrites — diminue pour passer d'environ 10,5 % en 1995 à moins de 7,0 % en 2007 4 . Les métiers de la construction de bâtiments et les autres métiers comportent les taux les plus faibles, tandis que l'alimentation et les services, ainsi que l'industrie et la mécanique, comportent les taux les plus élevés chaque année. Dans le cas des diplômés universitaires de premier cycle, ce ratio a diminué faiblement, passant de 31,2 % à 29,9 % au cours de la même période 5 .

Le graphique 1 représente l'évolution du nombre d'inscriptions à des programmes d'apprentissage et des taux d'achèvement par rapport à l'évolution comparable pour les diplômés universitaires de premier cycle au cours de la période de 1995 à 2007.

Comparativement à d'autres formes d'EPS, comme le collège et l'université, les exigences des programmes d'apprentissage ont tendance à être moins homogènes et le cheminement menant à l'achèvement de ces programmes n'est pas aussi simple et structuré. Il existe 13 secteurs de compétence au Canada dans le domaine de l'éducation (10 provinces et 3 territoires), qui enregistrent tous des dizaines de programmes d'apprentissage. Certains de ces programmes sont étroitement liés, et d'autres pas. Les programmes comportent des exigences différentes en matière de formation théorique, ou en salle de classe, et de formation en cours d'emploi, ou formation pratique. La version la plus récente du Tableau Ellis — qui compare les programmes d'apprentissage dans les 13 secteurs de compétence au Canada — comprend une liste de près de 400 formes d'apprentissages, dont certaines sont liées entre elles, mais qui ne sont pas toutes disponibles dans tous les secteurs de compétence (p. ex., la formation de fleuriste est disponible uniquement en Colombie-Britannique et celle de poissonnier/poissonnière, seulement au Québec) 6  . Le nombre minimum d'heures et d'années nécessaires pour terminer les programmes peut aussi différer, tout comme les autres exigences des programmes (p. ex., certains examens de compagnons peuvent être passés sans formation en apprentissage, et d'autres non).

2.2  Facteurs associés aux faibles taux d'achèvement des programmes d'apprentissage

2.2.1  Caractéristiques démographiques

Les apprentis ont tendance à être plus âgés que les étudiants collégiaux et universitaires; ainsi, les programmes d'apprentissage ne sont pas considérés comme une transition de l'école au marché du travail comme les autres options d'EPS (Gunderson, 2009). Parce qu'elles sont plus âgées, les personnes qui s'inscrivent à des programmes d'apprentissage ont tendance à avoir une expérience significative du marché du travail avant d'entreprendre ces programmes. Par conséquent, il se peut qu'elles soient moins incitées à terminer ces programmes, étant donné que celles qui le font ne profitent pas toujours d'avantages significatifs au chapitre de l'emploi ou des gains après l'apprentissage. Cela est différent des autres formes d'EPS, comme les études universitaires, pour lesquelles l'effet de parchemin peut être important. En fait, Ferrer et Riddell (2002) sont d'avis que l'importance des attestations d'études du point de vue des gains augmente avec le niveau de scolarité. Autrement dit, la pénalité liée au non-achèvement (du point de vue des gains perdus) est peut-être plus élevée pour d'autres formes d'EPS que pour la formation en apprentissage.

Les données limitées, toutefois, donnent un aperçu différent des inconvénients sur le marché du travail liés au non-achèvement. Akyeampong (1991) montre que, 12 mois après l'achèvement d'un programme (obtention d'un diplôme ou abandon), les décrocheurs touchent 77 % de la rémunération horaire des compagnons, tandis que les diplômés touchent 81 %. Toutefois, les décrocheurs sont moins susceptibles de travailler dans le métier dont ils ont fait l'apprentissage (52 % comparativement à 96 %) et ont travaillé un moins grand nombre de mois au cours de la dernière période de 12 mois (8,5 comparativement à 11,5). D'autres données (Ménard et coll., 2008) vont aussi dans ce sens : les apprentis qui terminent leur programme ont un taux d'emploi de 88 % (comparativement à un taux d'emploi de 82 % pour ceux qui ont abandonné leur programme), et ils sont plus susceptibles d'avoir un emploi permanent (80 % comparativement à 76 %). Par ailleurs, la rémunération médiane des finissants se situait à 27 $ l'heure en 2007, comparativement à 20 $ pour les décrocheurs. Ensemble, ces résultats laissent supposer que la pénalité liée à l'abandon d'un programme d'apprentissage peut être substantielle lorsque l'on tient compte à la fois des facteurs salariaux et non salariaux 7 .

D'autres différences démographiques peuvent être liées au profil d'achèvement. Les données pour les États-Unis présentées par Bilginsoy (2003) montrent que les femmes et les minorités raciales étaient plus susceptibles d'abandonner des programmes d'apprentissage après s'y être inscrites et étaient moins susceptibles de les terminer que leurs homologues blancs de sexe masculin.

Le niveau de scolarité des parents est l'un des prédicteurs les plus importants de la fréquentation du collège et de l'université au Canada (voir Finnie et coll., 2008, 2010). Lehmann (2004) montre aussi que les antécédents des parents sont importants pour déterminer la situation en matière d'apprentissage : les pères ayant des niveaux plus faibles de scolarité, tant au Canada qu'en Allemagne, sont plus susceptibles d'avoir des enfants inscrits à des programmes d'apprentissage qu'à des programmes de formation générale.

2.2.2  Cycle économique et formation en apprentissage

La question qui a été la plus abordée dans les ouvrages publiés est le rapport entre le cycle économique et l'inscription à des programmes d'apprentissage/l'achèvement de ces programmes. Le caractère cyclique des inscriptions à des programmes d'apprentissage doit être envisagé dans un contexte de demande et d'offre. Il existe plusieurs raisons pour lesquelles le cycle économique peut être responsable de la modification du nombre d'apprentis.

Du point de vue de la demande, il se peut que les employeurs n'aient pas la capacité matérielle et les ressources financières nécessaires pour recruter des apprentis, particulièrement lorsque le ratio requis de compagnons d'apprentissage et d'apprentis est fixe. Ils peuvent aussi s'inquiéter que leur investissement dans la formation se perde si les apprentis formés sont embauchés par des entreprises concurrentes. Parallèlement, il se peut que les employeurs trouvent que le recrutement d'un plus grand nombre d'apprentis représente une façon économique de former des travailleurs, tant en général que selon les spécifications de l'entreprise, et leur assure un bassin de compagnons lorsque l'économie s'améliore. Il se peut que les apprentis représentent aussi une solution de souplesse pour les employeurs au chapitre de la dotation, s'ils sont en mesure de travailler lorsqu'on leur demande et de poursuivre leur formation en salle de classe à d'autres moments.

Du côté de l'offre, la demande plus faible à l'égard de leurs services peut inciter des personnes à remettre en question l'achèvement de leur programme comme la meilleure option disponible et à passer à d'autres types d'études (p. ex. collégiales ou universitaires) ou directement au marché du travail dans un autre domaine. Parallèlement, les taux de chômage élevés peuvent inciter des personnes à suivre des programmes d'apprentissage, tout comme la demande pour les études collégiales et universitaires augmente en période de ralentissement économique. Il est possible qu'en période d'expansion économique, les apprentis soient capables de trouver de bons emplois sans terminer leur programme, ce qui fait augmenter la probabilité de non-achèvement, c'est-à-dire l'abandon ou la poursuite à long terme.

En résumé, la théorie actuelle sur le marché du travail n'indique pas la direction définitive des changements qui découlent de la situation macroéconomique. Comparativement aux collèges et aux universités, le facteur confusionnel de la formation en apprentissage représente une interaction dynamique de la demande et de l'offre, qui détermine le nombre d'apprentis disponibles. Dans le cas des universités et des collèges, le nombre d'étudiants peut augmenter, tandis que la disponibilité des places peut s'ajuster lentement seulement et de façon passive, en réponse aux variations de la demande.

Les données peu nombreuses disponibles sur les effets du cycle économique sont partagées. Même si les inscriptions à des études postsecondaires plus formelles (c.-à-d., au collège et à l'université) sont anticycliques, le contraire est vrai pour les inscriptions à des programmes d'apprentissage au Canada, ces inscriptions ayant tendance à être procycliques (Sharpe et Gibson, 2005; Skof, 2006).

Même si le nombre de nouvelles inscriptions peut être influencé par les oscillations du cycle économique, on ne sait pas clairement quel est le modèle de profil d'achèvement des personnes déjà inscrites, et il existe peu de données à ce sujet. Parmi les exceptions figure l'État australien du Queensland, où l'on a noté que les taux d'abandon de l'apprentissage augmentent lorsque la croissance de l'emploi au niveau régional est élevée (Mangan et Trendle, 2008a). Selon Mangan et Trendle, la croissance économique fournit davantage de débouchés aux apprentis, ce qui augmente la probabilité qu'ils terminent leur formation. Toutefois, leur échantillon se limite aux jeunes apprentis (15 à 24 ans); par conséquent, il se peut que ces résultats ne puissent être généralisés à la situation au Canada, où les apprentis ont tendance à être beaucoup plus âgés.

Par contre, Bilginsoy (2003) présente des données pour les États-Unis qui laissent supposer que le nombre d'apprentis est plus élevé pendant les récessions. De façon plus particulière, les abandons et les achèvements sont procycliques, une économie en expansion signifiant un coût d'opportunité plus élevé lié à la poursuite d'un programme d'apprentissage. Par ailleurs, il se peut que l'embauche d'employés par des entreprises concurrentes représente un facteur plus important pendant les périodes d'expansion économique. Toutefois, dans certains pays (comme la Suisse), les contrats d'apprentis lient les deux parties et ne peuvent être résiliés unilatéralement, ce qui rend ce résultat peu probable (Mühlemann, Wolter et Wüest, 2009).

Dans son examen des ouvrages publiés sur l'apprentissage et la formation en cours d'emploi, Brunello (2009) souligne que la plupart des études montrent que le ratio apprentis-employés est légèrement procyclique, tandis que la formation (sans inclure les apprentis) a tendance à être anticyclique. Il explique cette contradiction apparente en soulignant que les entreprises peuvent être incitées à former les travailleurs en place en période de récession, tout en réduisant l'investissement dans la formation de nouveaux employés (c.-à-d. les apprentis).

Au Canada, Sharpe et Gibson (2005) soulignent que des données non scientifiques montrent que lorsque les emplois sont rares, les apprentis sont mis à pied et ne peuvent obtenir le nombre d'heures nécessaires pour terminer leur programme. En période d'essor économique, il arrive aussi qu'ils ne disposent pas du temps nécessaire pour terminer leur formation en salle de classe. Ces deux situations peuvent avoir des répercussions sur les probabilités d'achèvement. Par exemple, les auteurs soulignent que, même si le nombre d'apprentis inscrits a augmenté de 90,8 % entre 1991 et 2002, une période d'expansion, le nombre de finissants a diminué dans les faits de 5,3 %.

2.2.3  Autres facteurs liés au faible taux d'achèvement des programmes d'apprentissage

Bilginsoy (2003) montre que l'appartenance à un syndicat comporte un lien positif avec les taux d'achèvement. De façon plus particulière, les programmes d'apprentissage aux États-Unis qui sont parrainés conjointement par des syndicats et des employeurs comportent des taux d'achèvement plus élevés que ceux offerts unilatéralement par les employeurs. Sweet et Lin (1999) ont aussi déterminé un rapport positif entre la syndicalisation et l'achèvement des programmes d'apprentissage au Canada.

La connaissance des métiers à un âge précoce peut aussi constituer un facteur de la réussite des programmes d'apprentissage. Toutes les provinces offrent une forme ou une autre de Programme d'apprentissage pour les jeunes (PAJ) qui permettent aux jeunes d'exercer un métier tout en terminant leur diplôme d'études secondaires. Il se peut que les élèves du secondaire ne soient pas inscrits à un PAJ, mais soient néanmoins exposés à divers métiers dans le cadre de cours de formation professionnelle, de programmes coop ou de programmes d'expérience de travail au secondaire, ou (au Québec seulement) d'un diplôme d'études professionnelles (DEP). Ces programmes permettent aux élèves du secondaire d'essayer différents programmes de formation professionnelle. Ils peuvent également fournir une transition au marché du travail à un certain nombre de jeunes Canadiens, même si la participation à ces programmes est relativement faible (FCA, 2010).

3   Méthodologie

La méthodologie bien établie dans les ouvrages publiés qui portent sur la persévérance dans les programmes est le modèle logit multinomial (p. ex., Finnie et Qiu [2008] sur la persévérance des jeunes Canadiens au collège et à l'université). Toutefois, les modèles logit multinomiaux comportent une restriction inopportune d'« indépendance des alternatives non pertinentes » (IANP), selon laquelle, l'ajout d'une autre option n'a pas d'effet sur la probabilité relative de toutes les options. Cet effet n'est pas plausible pour les applications comportant des options similaires (voir McFadden [1974] pour le fameux exemple « autobus rouge-autobus bleu » pour les modes de transport). Selon Hausman et Wise (1978), un modèle probit multinomial est utilisé pour éviter d'imposer cette hypothèse d'IANP 8 .

Une fois inscrite à un programme d'apprentissage, une personne a trois choix 9  : demeurer dans le programme; quitter le programme avant de l'avoir terminé; ou terminer le programme.

Le modèle général de la variable latente y*ij peut s'écrire

(1)
Image

Dans le modèle probit multinomial, on suppose que les Image suivent une loi normale multivariée avec matrice de covariance Image, où Image ne se limite pas à une matrice diagonale (c.-à-d. que les Image peuvent être corrélés).

La catégorie j est choisie par la personne i si y*ij est la plus élevée pour j, c.-à-d. : 

(2)
Image

La probabilité de choisir la catégorie j peut s'écrire : 

(3)
Image

où j=1,…,M et i=1,…,N. La variable yi représente la mesure d'intérêt de la persévérance au moment de l'enquête en 2007. Les xi sont des vecteurs des covariables qui influencent yi, et les Image sont les coefficients associés à chaque ensemble de x. Dans ce cas, M=3 et j=1 représentent un persévérant à long terme, j=2, un finissant, et j=3, un décrocheur.

Les variables xi comprennent des données démographiques sur les personnes, ainsi que les variables de contexte les plus conventionnelles dont on sait qu'elles ont un effet sur la persévérance dans les programmes d'apprentissage. Il s'agit notamment de variables comme l'âge, l'état matrimonial et le niveau le plus élevé de scolarité atteint avant le début du programme d'apprentissage. Des variables additionnelles xi sont ajoutées en blocs et comprennent la gamme plus large de variables disponibles dans l'ENA. Elles sont constituées de diverses mesures de la capacité, comme les notes de la personne au secondaire, l'inscription à un PAJ, la durée de l'inscription comme apprenti, le groupe de métiers et la situation économique locale (à partir des données de l'EPA). Étant donné que les programmes d'apprentissage sont régis par les provinces et les territoires, des variables fictives de province sont incluses, afin de saisir les différences systémiques entre les provinces 10 . L'ENA comprend des renseignements sur le fait que les parents exercent ou non le métier dans lequel l'apprenti est inscrit. Ces types de variables sont utilisés en remplacement du niveau d'études des parents dans les modèles. Enfin, diverses caractéristiques liées à l'emploi, comme la taille de l'entreprise, sont ajoutées au modèle estimé.

4   Données

L'Enquête nationale auprès des apprentis (ENA) de 2007 de Statistique Canada sert à recueillir des données sur la formation et l'emploi des apprentis au Canada. La base de sondage de l'enquête est constituée de tous les apprentis inscrits figurant dans les listes d'apprentis fournies par les provinces et les territoires (sauf le Nunavut) pour les années de référence 2002, 2003 et 2004. Au total, 30 572 répondants ont été interviewés. L'enquête a été menée entre janvier et mai 2007 11 .

Ces données sont utiles pour étudier le profil de persistance des apprentis, étant donné qu'elles comprennent des détails sur trois groupes 12  : 

  1. les persévérants à long terme (PLT), c'est-à-dire ceux dont la durée de participation est 1,5 fois supérieure à la durée normale du programme;
  2. les finissants, c'est-à-dire ceux qui ont terminé leur programme d'apprentissage; et
  3. les décrocheurs, c'est-à-dire ceux qui ont quitté le programme sans le terminer.

Chaque répondant à l'enquête est classé dans un de ces trois groupes pour la base de sondage de 2002-2004 et encore une fois en 2007, au moment de l'enquête. Évidemment, il y a des mouvements entre ces trois groupes entre 2002-2004 et 2007. Aux fins de la présente analyse, on utilise les catégories de 2007 comme variable dépendante, même si l'analyse à partir des catégories de 2002-2004 a produit des résultats similaires.

On a posé à chaque groupe un ensemble de questions sur des sujets comme la scolarité précédant l'apprentissage, les expériences de formation et de travail, le travail comme apprenti, les raisons pour lesquelles les décrocheurs n'ont pas poursuivi leur programme, les difficultés auxquelles font face les apprentis et les caractéristiques sociodémographiques générales.

L'ENA comprend aussi des renseignements sur les codes postaux au moment de l'inscription et au moment de l'enquête. L'utilisation du Fichier de conversion des codes postaux plus (FCCP+) et des données de l'Enquête sur la population active de Statistique Canada permet d'apparier les personnes et les taux de chômage au niveau local (la région économique servant de référence).

Parmi les limites importantes de ces données figure l'absence de couverture exhaustive au Québec. Il existe une différence majeure dans la portée de l'enquête entre le Québec et les autres provinces et territoires. Selon le Guide de l'utilisateur des microdonnées de l'ENA (Statistique Canada, 2008), les comparaisons des estimations entre le Québec et les autres provinces devraient être évitées, à moins que l'on compare des métiers similaires. C'est pourquoi le Québec est supprimé de l'analyse principale qui suit.

Les autres restrictions quant à l'échantillon utilisé pour l'analyse sont limitées au minimum, afin que l'analyse soit la plus représentative possible. Seuls les groupes suivants ont été supprimées de l'échantillon : celles qui ont indiqué un statut non uniforme entre 2002-2004 et 2007 (c.-à-d. celles qui avaient terminé leur programme en 2002-2004 et qui ont indiqué être des « décrocheurs » ou des « persévérants à long terme » en 2007), celles qui occupaient des métiers différents en 2002-2004 et 2007, celles qui n'ont pas travaillé comme apprentis entre 2000 et 2007 (inclusivement), celles qui ont commencé leur programme d'apprentissage avant l'âge de 16 ans 13 , et celles qui ont fourni des réponses floues ou qui avaient des réponses manquantes ou ont répondu « ne sait pas » ou « sans objet » pour des variables clés utilisées dans l'analyse. Cela représente un nombre limité de suppressions. Les poids d'enquête fournis par Statistique Canada sont utilisés dans l'analyse.

L'échantillon final est constitué de 21 939 observations représentant environ trois fois plus de Canadiens ayant participé à des programmes d'apprentissage au cours de la période visée par l'enquête de 2002 à 2004.

5   Résultats

5.1  Statistiques sommaires

Le tableau 3 présente les statistiques sommaires pour chacun des trois groupes : persévérants à long terme (PLT), finissants et décrocheurs. Ces résultats sont généralement conformes aux ouvrages publiés dans ce domaine. La proportion pondérée de PLT, de finissants et de décrocheurs est de 0,23, 0,64 et 0,13 respectivement. Les hommes dominent dans les trois catégories. Le fait que l'âge moyen pour les trois catégories soit bien supérieur à 30 ans montre aussi que les apprentis ont tendance à être beaucoup plus âgés que les personnes qui fréquentent l'université ou le collège.

Les finissants sont plus susceptibles d'avoir fait au moins des études secondaires (ou d'avoir un niveau plus élevé de scolarité en général) que les PLT ou les décrocheurs. Les finissants sont aussi plus susceptibles que les deux autres groupes de compter de trois à cinq années de participation au programme. Comme il fallait s'y attendre, les PLT ont tendance à avoir consacré plus de temps à leurs programmes, et les décrocheurs, moins. Cette dernière statistique laisse supposer que la plupart des décrocheurs abandonnent leur programme relativement tôt 14 .

Un examen superficiel de la proportion dans chacun des trois groupes, au niveau provincial ou territorial et selon le groupe de métiers détaillé, montre que les taux d'achèvement peuvent différer de façon substantielle d'un métier à l'autre.

Les finissants ont connu des taux de chômage régional plus faibles que les PLT (mais des taux de chômage légèrement plus élevés que les décrocheurs), et ces taux étaient aussi moins dispersés (c.-à-d., écarts-types plus faibles). Les finissants étaient moins susceptibles que les décrocheurs d'avoir participé à un PAJ, même s'ils étaient plus susceptibles d'avoir suivi des programmes de formation professionnelle ou technique pendant leurs études secondaires. Les finissants étaient aussi moins susceptibles de parler une langue différente au travail et à la maison 15 .

Le type de formation technique entreprise est lié à la poursuite de l'apprentissage. Environ 43 % des finissants n'avaient pas de formation technique, tout comme environ 70 % des décrocheurs. Ce dernier résultat n'est pas surprenant, étant donné que la plupart des décrocheurs abandonnent leur programme au cours des deux premières années. Le premier résultat laisse supposer qu'une proportion importante des finissants subissent avec succès l'examen sans formation technique ou ont terminé la formation avant de s'inscrire comme apprentis. Du point de vue du type de formation, la formation continue longue est davantage associée à l'achèvement qu'à la poursuite et à l'abandon.

Les finissants sont plus susceptibles d'avoir travaillé pour un seul employeur (plutôt que pour plusieurs employeurs) pendant la formation. Environ la moitié de tous les apprentis travaillaient dans des entreprises comptant moins de 20 employés; cette proportion passe à environ 77 % lorsque l'on inclut les entreprises comptant jusqu'à 99 employés.

Les résultats de la régression de la section suivante fournissent des estimations plus précises de la relation entre ces variables et les probabilités d'achèvement.

5.2  Résultats du modèle probit multinomial

Les résultats du modèle probit multinomial, qui sont fondés sur les résultats complets du tableau explicatif 1 en annexe, sont présentés dans les graphiques 2 à 14. Dans chaque cas, les coefficients correspondent aux effets marginaux aux moyennes des variables indépendantes (ou en modifiant la variable indicatrice de zéro à un). Pour faciliter la présentation et l'interprétation, on utilise des graphiques plutôt que des tableaux dans le présent document, et les chiffres situés à proximité des barres indiquent si le coefficient est statistiquement significatif au niveau de 5 %. En outre, dans les paragraphes qui suivent, on se concentrera sur le profil d'achèvement, étant donné qu'il s'agit du résultat qui nous intéresse le plus. Les effets marginaux sur la poursuite à long terme et sur le décrochage sont aussi inclus dans ce graphique, mais ils ne seront pas examinés de façon approfondie.

Il convient de souligner encore une fois que le modèle est élaboré par étape, à partir des données démographiques de base, auxquels s'ajoute en blocs une gamme variée de variables régionales liées à l'emploi 16 . Les résultats figurant dans les graphiques correspondent au troisième et dernier modèle du tableau explicatif 1. Les autres modèles du tableau explicatif 1 sont inclus à des fins de comparaison. Les résultats sont tous robustes après inclusion des variables additionnelles, le modèle étant élaboré par étape. Dans tous les cas, la variable dépendante est le statut d'apprenti au moment de l'enquête de 2007 : persévérant à long terme (ou PLT), finissant ou décrocheur.

5.2.1  Caractéristiques démographiques

Dans le graphique 2, les hommes ne sont statistiquement pas plus susceptibles que les femmes de terminer leur programme. Cela vient pour une large part du nombre de femmes dans le métier de coiffeur/esthéticien, où les programmes sont relativement courts et les taux d'achèvement élevés 17 . L'âge comporte un lien positif avec l'achèvement, mais à un taux qui diminue. De façon plus particulière, la probabilité d'achèvement atteint un sommet à environ 41 ans et diminue par la suite. Cela semble raisonnable compte tenu du fait que les apprentis ont tendance à commencer leur programme plus tard dans la vie, et que nombre d'entre eux prennent beaucoup de temps pour le terminer (tableau 3). Ces estimations tiennent aussi compte de la durée de la participation au programme d'apprentissage; ce résultat est par conséquent un effet net de l'âge. Le fait d'être divorcé ou célibataire à la fin du programme comporte un lien négatif avec l'achèvement du programme. Le fait d'avoir des enfants a tendance à réduire la probabilité d'achèvement et à augmenter la probabilité d'être un PLT.

Les données du graphique 3 montrent que les non-Autochtones 18  et les personnes qui n'appartiennent pas à une minorité visible (le groupe exclu) sont plus susceptibles de terminer leur programme. Trendle (2007) arrive à des constatations similaires pour les Australiens non autochtones du Queensland, qui ont aussi une probabilité plus faible d'annuler leurs contrats d'apprentissage par rapport à la population autochtone. Ce résultat concorde aussi avec les données de Bilginsoy (2003) pour les minorités aux États-Unis. Le statut d'immigrant ne semble pas être un déterminant de l'achèvement 19 . Le fait d'avoir une limitation d'activité (qui avait duré ou devait durer six mois ou plus) au début du programme comporte un lien négatif avec l'achèvement. Compte tenu des probabilités de l'un ou l'autre de ces états, ces effets marginaux sont importants.

5.2.2  Scolarité avant le début du programme et nombre d'années de participation au programme

Le graphique 4 porte sur les effets de la scolarité avant l'inscription à un programme d'apprenti. Le modèle général dans ce cas est que les taux d'achèvement diffèrent significativement de zéro aux deux queues de la distribution de la scolarité. Une personne ayant un niveau d'études inférieur au niveau secondaire est moins susceptible dans une proportion de 8,4 points de pourcentage de terminer un programme que quelqu'un ayant fait des études secondaires. Les personnes ayant une formation universitaire partielle, par contre, affichent une différence positive de 2,7 points de pourcentage au chapitre de l'achèvement par rapport aux diplômés d'études secondaires. On observe que les personnes ayant une formation professionnelle ou collégiale se situent à peu près au même niveau que les diplômés d'études secondaires pour ce qui est du profil d'achèvement. Ce résultat correspond dans une large mesure à ceux de Gunderson (2009), qui souligne que la formation a tendance à être plus efficace lorsqu'elle a trait à l'amélioration des compétences de travailleurs déjà qualifiés et scolarisés. Mangan et Trendle (2008b) constatent aussi pour l'Australie que les hommes qui ont terminé des études secondaires sont plus susceptibles de terminer leur apprentissage que les hommes qui n'ont pas terminé d'études secondaires.

Le nombre d'années de participation au programme d'apprentissage fournit un corrélat intéressant, bien que prévisible, de chacun de ces trois états. Comme le montre le graphique 5, la probabilité d'achever le programme augmente de façon monotone jusqu'à quatre ans (catégorie omise), puis diminue par la suite. Ainsi, ces données affichent une tendance en v inversée. Une tendance différente se dégage pour les décrocheurs, la probabilité diminuant généralement avec la durée du programme, avant d'augmenter à nouveau pour les durées supérieures à 10 ans. Dans le cas des PLT, la probabilité de demeurer dans le programme augmente avec le temps (comme il fallait s'y attendre). Ces résultats ne sont pas surprenants, étant donné que la durée normale de la plupart des programmes compris dans ces données va de trois à quatre ans (Paquin, 2009), et que la durée médiane pour l'achèvement a été estimée à quatre à cinq ans (Morissette, 2008).

5.2.3  Différences entre les provinces et les groupes de métiers

Le graphique 6 présente les résultats pour les provinces, sauf le Québec (le Québec a été exclu comme il est expliqué précédemment) 20 . Comparativement à l'Ontario (la province omise), seule Terre-Neuve-et-Labrador affiche une probabilité de poursuite à long terme plus élevée, toutes les autres provinces se situant en dessous de l'Ontario. De même, Terre-Neuve-et-Labrador affiche une probabilité négative d'achèvement par rapport à l'Ontario. La plupart des autres régions (sauf les territoires) affichent des probabilités d'achèvement significativement plus élevées que l'Ontario. Les taux d'abandon sont les plus élevés dans les territoires.

Les graphiques 7 à 9 montrent les résultats pour 24 groupes de métiers, établis à partir de la Classification nationale des professions de 2001. La catégorie omise est celle des charpentiers et ébénistes. La plupart des autres métiers comportent des probabilités d'achèvement supérieures à celles du groupe omis (ou à tout le moins pas inférieures). L'exception a trait aux conducteurs d'équipement lourd, dont la probabilité d'achèvement est de 18,3 points de pourcentage plus faibles. Au contraire, tous les autres métiers (encore une fois en excluant les conducteurs d'équipement lourd) comportent des probabilités d'abandon et de PLT aussi faibles ou plus faibles que les charpentiers et ébénistes. Plusieurs métiers comportent des probabilités d'achèvement relatives très élevées, y compris le métier de coiffeur/esthéticien, une catégorie qui est très asymétrique vers la participation des femmes 21 .

5.2.4  Amis et membres de la famille exerçant le même métier

À la lumière du grand nombre d'ouvrages publiés sur la fréquentation du collège et de l'université, il est bien connu que la scolarité des parents comporte un lien positif avec les résultats des enfants en matière de scolarité. Malheureusement, l'ENA ne comprend pas de détails sur la scolarité des parents, mais elle comprend des variables permettant de savoir si les parents de la personne, des membres de la famille proche, des amis et/ou des collègues exercent le même métier. De façon plus particulière, dans l'ENA, on pose la question suivante : « Les personnes suivantes ont-elles déjà exercé ce métier? » Les réponses possibles à cette question sont les suivantes : « Parents (père, mère) »; « Autres parents (frère, soeur, conjoint(e), tante, oncle, etc.) »; « Amis(es) »; « Collègues de travail avant l'apprentissage »; et « Aucune de ces réponses ». Les répondants ont répondu oui ou non à ces cinq questions distinctes. Les résultats qui figurent dans le graphique 10 ne montrent pas de tendance évidente; les probabilités marginales sont toutes relativement faibles comparativement à bon nombre des autres variables incluses dans le modèle. Ménard et coll. (2008) indiquent que le contact avec des personnes exerçant le même métier était le facteur le plus courant d'influence des apprentis à l'égard de ce métier. Même si ces contacts peuvent faciliter l'inscription à un programme d'apprentissage, ils ne semblent pas beaucoup influencer l'achèvement.

5.2.5  Autres influences contextuelles

Le graphique 11 porte sur divers facteurs liés à l'emploi et autres facteurs contextuels qui pourraient influencer la probabilité d'achèvement des apprentis. Le taux de chômage 22  n'a que peu de répercussions sur la probabilité de poursuite à long terme. Ces résultats laissent supposer qu'une augmentation de 2 points de pourcentage dans le taux régional entraînerait une réduction de la probabilité de poursuite à long terme d'environ 5 points de pourcentage. L'effet marginal du taux de chômage sur l'achèvement est positif et de la même ampleur, mais est significatif uniquement au niveau de 10 % (voir le tableau explicatif 1 en annexe). Même si la majeure partie de la recherche montre que l'inscription à des programmes d'apprentissage a tendance à être procyclique (voir ci-dessus), il semble y avoir peu de preuves d'un effet lié au taux de chômage. Ainsi, l'inscription au programme est peut-être effectivement procyclique, mais ces résultats laissent supposer que l'achèvement n'est ni procyclique, ni anticyclique 23 .

Toutes les provinces offrent un PAJ qui permet aux jeunes d'exercer des métiers (peut-être en vue d'une certification) tout en poursuivant leurs études secondaires. Les élèves du secondaire ne sont pas tous inscrits à un PAJ, mais peuvent néanmoins être exposés à divers métiers en suivant des cours de formation professionnelle ou en participant à des programmes coop ou d'expérience de travail au niveau secondaire. Une variable fictive se voyait attribuer le code un lorsque les personnes avaient participé à un PAJ, et une autre variable fictive a été incluse pour la participation à l'un de ces autres programmes. Compte tenu du fait que l'exposition précoce à des métiers de cette façon peut, en dernier ressort, avoir des répercussions sur l'achèvement d'un programme, la participation à un PAJ au cours des études secondaires a l'effet contre-intuitif de diminuer la probabilité d'achèvement et d'augmenter la probabilité de poursuite à long terme 24 . La dernière colonne des résultats de ces graphiques montre que la participation à des programmes de formation professionnelle ou coop pendant les études secondaires ne comporte pas de lien avec le profil d'achèvement du programme dans ce modèle. Ces résultats vont aussi dans le sens des données qualitatives de Taylor et Watt-Malcolm (2007).

Une gammée variée de caractéristiques liées à l'emploi sont aussi incluses dans le graphique 11. Dans le cadre de l'ENA, on demande si la personne a eu de la difficulté à trouver un employeur prêt à recruter des apprentis lorsqu'elle a commencé le programme, si elle était membre d'un syndicat à ce moment-là, et s'il y avait un compagnon d'apprentissage présent en tout temps pendant l'apprentissage. Nombre des résultats présentés ici sont faibles et non statistiquement significatifs. La présence constante d'un compagnon d'apprentissage pendant la formation a une petite influence positive sur l'achèvement. Le fait de parler une langue différente à la maison et dans l'emploi (le plus récent) réduit la probabilité d'achèvement de 4,5 points de pourcentage environ, même si, en raison de la construction de cette variable, on ne doit pas avoir trop confiance en cette estimation 25 .

5.2.6  Formation technique, nombre d'employeurs et taille de l'entreprise

Étant donné que la formation technique fait partie intégrante de la plupart des programmes d'apprentissage, l'accès à ce type de formation devrait augmenter la probabilité d'achèvement. En fait, des travaux préliminaires à partir de ces données ont montré que l'accès à un type ou un autre de formation technique augmente considérablement la probabilité d'achèvement. Le graphique 12 examine de façon plus poussée ce résultat préliminaire et porte sur les types particuliers de formation suivie. L'autre catégorie comprend les quelques personnes qui ont suivi plusieurs types de formation technique, ainsi que les personnes qui ont suivi des types de formation technique non catégorisés ailleurs. L'absence de formation technique représente le groupe de référence. Ceux qui ont suivi uniquement une formation continue longue (trois semaines ou plus par année) montrent des probabilités plus élevées d'achèvement. Même si ceux qui suivent une période d'études fractionnées et de la formation autodéterminée (y compris les autres formes de formation, comme la formation Internet) ont aussi des probabilités d'achèvement plus élevées.

Le nombre d'employeurs qu'un apprenti a eus pendant son apprentissage est aussi pris en compte. Un nombre plus grand d'employeurs pourrait indiquer, par exemple, la difficulté à trouver un emploi stable, à obtenir de la formation technique, à travailler avec des compagnons d'apprentissage ou un manque d'engagement à l'égard du métier. Cela peut aussi indiquer que l'apprenti était à la recherche d'un employeur qui correspondait davantage à ses compétences. Dans le graphique 13, l'augmentation du nombre d'employeurs au-delà d'un augmente la probabilité de poursuite à long terme, mais diminue la probabilité d'achèvement. Mangan et Trendle (2008b) ont aussi déterminé que les hommes en Australie qui ont travaillé auprès d'un employeur unique affichaient une probabilité plus élevée d'achèvement.

Enfin, la taille de l'entreprise où la personne a reçu de la formation pour la dernière fois peut être un corrélat important du profil d'achèvement. Les résultats du graphique 14 montrent que les probabilités d'achèvement sont améliorées dans le cas des personnes qui travaillent dans des entreprises de taille moyenne (c.-à-d. entre 20 et 500 employés), mais diminuent au fur et à mesure que la taille de l'entreprise augmente, même si l'absence de signification statistique dans le cas des coefficients des entreprises plus grandes peut être attribuable à leur nombre relativement faible.

6   Conclusions

L'ENA de 2007 comprend des renseignements sur les personnes qui étaient inscrites comme apprentis au cours de la période de 2002 à 2004 et auprès desquelles on a fait enquête au sujet de leur expérience en 2007, en incluant les persévérants à long terme, les finissants ou les décrocheurs au moment de l'enquête. Si l'on utilise une série de modèles probit multinomiaux, il existe une grande uniformité entre ces résultats et les ouvrages publiés au Canada, qui utilisent généralement des données qualitatives ou des totalisations croisées simples. Les résultats ont aussi tendance à être robustes selon différentes spécifications de modèles.

On a déterminé que plusieurs variables démographiques et relatives à l'emploi sont liées aux trois profils compris dans l'ENA. Le fait d'être divorcé, célibataire, Autochtone ou membre d'une minorité visible, et le fait d'avoir une limitation d'activité ou un faible niveau de scolarité comportent tous des liens négatifs avec l'achèvement. La durée de la participation au programme d'apprentissage, le type de formation technique, le groupe de métiers et la province de résidence sont aussi tous des corrélats importants de la poursuite, de l'achèvement et de l'abandon du programme. Le fait qu'un compagnon d'apprentissage soit présent pendant la formation est statistiquement significatif, mais le coefficient est faible en rapport avec d'autres facteurs. Il existe aussi des preuves que le taux de chômage régional est lié, positivement mais seulement faiblement, à l'achèvement du programme. Cela vient peut-être du fait que les apprentis sont capables de terminer leur formation technique ou ont un meilleur accès à des compagnons bien formés pendant les périodes de ralentissement économique.

De futures recherches pourraient porter sur les différences dans les probabilités d'achèvement selon le groupe de métiers et la province. La formation en apprentissage au Canada est du ressort des provinces et des territoires, et il arrive souvent que les exigences de programme pour le même métier diffèrent selon le secteur de compétence. Les chercheurs pourraient tirer parti de ces différences, afin de déterminer les éléments de la conception du programme qui comportent un lien positif avec les taux d'achèvement. Le cas plus particulier des métiers « sceau rouge », c'est-à-dire ceux pour lesquels les titres de compétence provinciaux et territoriaux sont reconnus au niveau national, pourrait être particulièrement utile à cet égard. De même, la recherche pourrait mettre l'accent sur les avantages de l'achèvement d'un programme. Même si de nombreux métiers comportent des exigences obligatoires (c.-à-d. qu'une personne doit être un apprenti ou un compagnon pour pouvoir les exercer), d'autres n'en comportent pas. Cela signifie qu'il peut y avoir peu d'avantages à terminer de la formation dans certains métiers, voire pas d'avantages du tout. Une analyse de la rémunération des finissants par rapport aux décrocheurs pourrait aider à expliquer certains faibles taux d'achèvement dans certains métiers. Dans une veine connexe, la probabilité d'emploi n'est peut-être pas améliorée par l'achèvement de la formation dans certains métiers, ce qui réduit l'incitatif lié à l'obtention du statut de compagnon. Enfin, un examen plus détaillé de la gamme variée d'obstacles auxquels les apprentis font face pendant la formation pourrait être utile au moment du remaniement des programmes dans le but d'augmenter le taux d'achèvement.

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