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  1. Introduction et revue de la littérature
  2. Données et mesures
  3. Taux de remplacement du revenu
  4. Analyse des effets fixes
  5. Conclusion
  6. Annexe : Sensibilité des résultats au facteur d'ajustement par équivalent-adulte

1   Introduction et revue de la littérature

La sécurité financière des femmes seules à mesure qu'elles vieillissent, particulièrement celles d'un certain âge qui font face à la dissolution du mariage en raison d'un divorce ou d'un veuvage, est un sujet de préoccupation de longue date (voir Ahn, 2005; Delbès et Gaymu, 2002; Wu, 2009; Smith, 2003; Kalmijn et Alessie, 2008).

De nombreuses études ont montré que le niveau de vie des femmes âgées diminue à la suite du veuvage. Une étude internationale a révélé des réductions importantes du revenu mensuel des veuves dans un certain nombre de pays européens (Ahn, 2005). Aux États-Unis et en Allemagne, les veuves sont deux fois plus susceptibles que les femmes mariées de se trouver en état de pauvreté après le décès de leur mari (Hungerford, 2001). Holden et Zick (2000) ont constaté que le veuvage a une incidence sur les niveaux de revenu, les taux de pauvreté et la répartition du revenu. Au Canada, plusieurs études empiriques ont analysé l'effet du veuvage sur le revenu (Burkhauser et coll., 2004; Li, 2004; Bernard et Li, 2006). Toutes ont abouti à la conclusion que la perte du conjoint a des répercussions négatives importantes sur la situation financière des femmes. Selon Li (2004), le revenu médian des veuves baisse habituellement de 7 % dans les deux années qui suivent le veuvage, tandis que le revenu des femmes qui restent mariées demeure presque identique (même après correction pour tenir compte de la taille de la famille).

L'effet du divorce sur le revenu des femmes au Canada a fait l'objet de recherches, mais celles-ci portent habituellement sur l'ensemble des femmes, plutôt que simplement celles d'âge avancé (voir Finnie [1993], Gadalla [2009], Galarneau et Sturrock [1997]). Un certain nombre d'études s'appuyant sur des données longitudinales ont abouti à la conclusion que le divorce a des conséquences économiques négatives importantes pour les femmes, mais que le revenu ajusté (pour tenir compte de la taille de la famille) des hommes divorcés augmente ou bien diminue nettement moins que celui des femmes divorcées. De trois à cinq ans après la séparation, le revenu ajusté des femmes a tendance à être d'au moins 20 % plus faible que celui observé avant le divorce. Une rare étude cherchant à déterminer les conséquences financières du divorce à un âge avancé menée par une équipe de chercheurs australiens (de Vaus et coll., 2007) comprenait l'analyse multivariée de données sur les personnes de 55 à 74 ans en incluant des variables de contrôle pour l'âge, le niveau d'études et d'autres caractéristiques personnelles. Étant donné la nature transversale des données, aucune variable de contrôle ne tenait compte des effets non observés ni du fait que les personnes appartenaient à une famille à revenu élevé ou à revenu faible avant le divorce. Les auteurs de l'étude ont conclu que le revenu familial total ajusté par équivalent-adulte des femmes divorcées était inférieur d'environ 12 000 $A à celui des femmes n'ayant jamais divorcé. Les femmes divorcées étaient moins susceptibles d'avoir un revenu provenant d'un régime de retraite, possédaient moins d'actifs et étaient plus susceptibles de recevoir des prestations de l'État. Le remariage améliorait leur situation financière. Le revenu des hommes divorcés baissait également, mais dans une moindre mesure.

Étant donné l'absence relative d'études traitant du divorce chez les personnes d'âge avancé, il est rare que le divorce et le veuvage soient étudiés de concert. Récemment, Kalmijn et Alessie (2008) se sont servis d'un modèle à effets fixes pour examiner les effets éventuels du veuvage ainsi que de la séparation chez un même échantillon de personnes aux Pays-Bas. Leur objectif n'était pas d'étudier le divorce dans le contexte particulier d'une population vieillissante, mais ils ont constaté que son effet sur le revenu familial (ajusté) était nettement plus important que celui du veuvage.

Le présent article place la recherche sur les effets économiques du veuvage et du divorce dans le contexte de celle sur les taux de remplacement du revenu. Récemment, un certain nombre d'études ont eu pour objectif de déterminer dans quelle mesure le revenu gagné durant les années d'activité (p. ex. à l'âge de 55 ans) est remplacé durant la retraite chez diverses cohortes de retraités. Selon LaRochelle-Côté, Myles et Picot (2010), les Canadiens âgés d'environ 77 à 79 ans avaient un revenu familial qui équivalait, en général, à 80 % de celui qu'ils touchaient à la mi-cinquantaine. Des conclusions semblables ont été dégagées d'études portant sur des populations plus spécifiques, y compris celles dont le niveau de participation au marché du travail était élevé durant leurs années les plus actives (LaRochelle-Côté, Myles et Picot, 2008; Denton, Finnie et Spencer, 2009), et celles ayant cotisé à un régime enregistré de retraite par opposition à celles ne l'ayant pas fait durant leurs années les plus actives (Schellenberg et Ostrovsky, 2009).

D'autres études ont porté sur des mesures non classiques du revenu, telles que la valeur nette de la résidence et d'autres actifs, et mené à la constatation qu'il s'agit de déterminants importants du bien-être des retraités (Brown, Hou et Lafrance, 2010). Certains événements familiaux pourraient avoir des répercussions sur le taux de remplacement du revenu durant la retraite. En particulier, les personnes d'âge avancé dont le mariage se dissout pourraient courir un plus grand risque de difficultés financières que celles qui restent mariées. Comme le veuvage et la séparation touchent une part non négligeable des retraités canadiens, surtout les femmes, l'examen du remplacement du revenu chez ces groupes est important.

Le présent article traite des taux de remplacement du revenu des femmes et des hommes qui ont vécu un veuvage ou une séparation (un divorce) durant leur retraite. Les résultats pour ces deux groupes sont comparés à ceux observés pour un groupe de retraités qui sont restés mariés au cours de la période de référence. Comme dans LaRochelle-Côté, Myles et Picot (2008, 2010), l'évolution du revenu d'un groupe de personnes qui étaient âgées de 54 à 56 ans en 1983 est suivie jusqu'à ce qu'elles atteignent l'âge de 78 à 80 ans en 2007, à l'aide de la banque de Données administratives longitudinales (DAL).

Il importe de souligner que l'objet de l'étude n'est pas d'étudier l'effet du divorce ou du veuvage sur le faible revenu ni sur la vulnérabilité financière durant la retraite, qui sont des sujets assez différents de celui abordé ici. L'article a pour propos de saisir dans quelle mesure le divorce et le veuvage influent sur le taux de remplacement du revenu et dans quelle mesure le revenu familial obtenu durant les années d'activité est « remplacé » pendant la retraite.

Contrairement aux études antérieures sur le veuvage ou sur le divorce et la séparation, le présent article cherche à confirmer l'hypothèse voulant que les effets du divorce et du veuvage varient selon la position sur la courbe de distribution du revenu. L'étude vise aussi à déterminer comment les sources de revenu sont modifiées par le veuvage et le divorce. Puisque le revenu familial est une meilleure mesure du bien-être économique que le revenu individuel, nous l'avons choisi comme mesure du revenu des personnes. En outre, comme la taille de la famille évolue à mesure qu'une personne passe du mariage au veuvage ou au divorce, le revenu familial est ajusté pour tenir compte de la taille de la famille. Enfin, comme le facteur d'ajustement utilisé peut avoir un effet significatif sur les résultats, une étude de sensibilité est menée afin d'évaluer l'incidence de divers facteurs d'ajustement par équivalent-adulte.

La première partie de l'article est consacrée à la présentation des résultats descriptifs sur les taux de remplacement et les sources de revenu des personnes veuves, des personnes séparées ou divorcées et des personnes toujours mariées. La deuxième partie décrit comment l'étude tient compte des différences éventuellement non observées entre les personnes veuves ou séparées, d'une part, et les personnes toujours mariées, d'autre part, en se servant d'un modèle économétrique à effets fixes. Les résultats sont présentés séparément pour les hommes et pour les femmes.

2   Données et mesures

Source des données

La présente étude utilise des données annuelles provenant de la banque DAL, un échantillon aléatoire renfermant les données fiscales de 20 % des déclarants du Fichier sur la famille T1, un fichier annuel transversal de tous les déclarants. Les enregistrements des particuliers choisis pour la banque DAL sont reliés au fil des ans afin de créer un profil longitudinal de chaque personne. La banque contient des renseignements sur les caractéristiques démographiques et le revenu, et d'autres données fiscales pour la période allant de 1982 à 2008, permettant de suivre l'évolution de la situation financière des particuliers après la retraite sur une longue période.

Comme dans LaRochelle-Côté, Myles et Picot (2008, 2010), nous suivons un échantillon de 20 % de déclarants qui étaient âgés de 54 à 56 ans en 1983 jusqu'à ce qu'ils soient âgés de 78 à 80 ans, en 2007. La sélection des personnes de 54 à 56 ans a pour objet d'augmenter la taille de l'échantillon. Dans la présente étude, toute référence aux personnes de 55 ans s'entend, en fait, de celles de 54 à 56 ans. En 2005, 95 % de la population canadienne de 55 à 59 ans a produit une déclaration de revenus. Donc, en limitant l'échantillon aux déclarants, nous n'en réduisons que légèrement la taille. Par contre, de 1982 à 1992, la proportion de personnes à faible revenu qui ont produit une déclaration était nettement plus faible. Après 1992, la mise en oeuvre de certains programmes, tel le remboursement de TPS, a encouragé la production d'une déclaration, même chez les personnes n'ayant pas de revenu imposable, ce qui a fait augmenter les taux de déclarants. Par conséquent, les données à l'extrémité inférieure de la distribution du revenu obtenues avant et après 1992 ne sont pas comparables. Pour contourner ce problème, nous avons exclu de l'étude les personnes dont le revenu familial total était inférieur à 10 000 $ 1  . Même en écartant ces personnes, l'échantillon représente environ 80 % de l'ensemble de la population pour la cohorte étudiée.

Comme la dissolution du mariage peut être repérée dans la banque DAL 2  , il est possible de suivre l'évolution des taux de remplacement du revenu associée à la séparation ou au veuvage. Les personnes séparées et celles divorcées sont considérées comme étant des personnes séparées ou divorcées; les deux termes sont utilisés indifféremment dans la suite de l'exposé. De même, pour les besoins de l'étude, les personnes vivant en union de fait sont considérées comme faisant partie de la population mariée 3  .

L'étude est axée sur les personnes qui étaient mariées à l'âge de 54 à 56 ans, les personnes seules à cet âge étant en grande partie écartées 4  . Au cours de la période de référence (ou jusqu'à ce qu'elles sortent de l'échantillon, quelle qu'en soit la raison), les personnes qui étaient mariées à la mi-cinquantaine sont restées mariées, ou sont devenues veuves ou divorcées et sont restées dans cet état, ou sont devenues veuves ou divorcées et se sont remariées subséquemment. Le dernier groupe est exclu de la plupart de l'analyse. Comme le montre le tableau 1, des 266 730 femmes et 285 420 hommes formant l'échantillon de la cohorte de 1983 5  , 42 % de femmes et plus des deux tiers des hommes sont restés mariés au cours de la période de référence (c.-à-d. jusqu'à l'âge de 78 à 80 ans ou jusqu'au moment où ils ont quitté l'échantillon). Au moins 31 % de femmes sont devenues veuves au cours de la période et ne se sont pas remariées. En revanche, à peine 8 % d'hommes du même groupe d'âge sont devenus veufs. Environ 3 % d'hommes et de femmes se sont séparés ou ont divorcé sans se remarier. Ensemble, nos trois principaux groupes représentent 76 % des femmes et 81 % des hommes dans l'échantillon.

Définition des taux de remplacement du revenu

Dans le présent article, un taux de remplacement mesure la proportion dans laquelle le revenu familial à un point particulier durant les années d'activité est remplacé au cours de la retraite. Pour déterminer ce taux, nous nous concentrons sur l'évolution du bien-être économique des particuliers à mesure qu'ils vieillissent, en comparant leur revenu (à l'âge de 78 à 80 ans, par exemple) à celui observé avant leur retraite, notamment à l'âge de 54 à 56 ans. Le revenu familial est un meilleur indicateur du bien-être que le revenu individuel, puisque le premier englobe les revenus en provenance de tous les membres de la famille et de toutes les sources. Donc, lorsque l'article fait référence au revenu d'une personne, il s'agit du revenu de la famille à laquelle la personne appartient. Le revenu familial 6  comprend les revenus de tous les membres de la famille. Les composantes du revenu telles que les revenus de placements et les revenus de pension sont présentés de la même manière; les valeurs représentent le revenu de la famille dont fait partie la personne 7  . Les revenus sont présentés en dollars constants de 2007 et sont ajustés par équivalent-adulte afin de tenir compte des différences de taille de la famille, tant entre les familles à un moment donné qu'au fil du temps, à mesure que la taille de la famille évolue 8  . À la suite d'un veuvage ou d'un divorce, la taille de la famille change. Par conséquent, la méthode utilisée pour rajuster le revenu familial en fonction des différences de taille de la famille aura une incidence sur le revenu après le veuvage ou le divorce. Si nous avions utilisé une autre échelle d'ajustement par équivalent-adulte, la variation du revenu associée à ces événements serait différente. Pour évaluer la sensibilité des résultats au choix de l'échelle, nous avons utilisé trois échelles d'ajustement par équivalent-adulte distinctes, puis estimé de nouveau les effets pour chacune. Alors que les principales constatations tiennent quelle que soit l'échelle utilisée, la grandeur de l'effet varie considérablement (voir les résultats en annexe).

Le taux de remplacement du revenu est calculé chaque année pour chaque personne sur la base de son revenu familial de départ à l'âge de 54 à 56 ans. Nous utilisons une mesure permanente du revenu (moyenne du revenu sur trois années), car le revenu familial peut varier considérablement d'une année à l'autre. Par exemple, le taux de remplacement pour une personne âgée de 72 ans en 2000 s'obtient en divisant la moyenne de son revenu familial après impôt ajusté par équivalent-adulte à 71, 72 et 73 ans, en 1999, 2000 et 2001, respectivement, par le revenu familial après impôt de cette même personne en 1982, 1983 et 1984, quand elle avait de 54 à 56 ans. Pour déterminer le revenu disponible, toutes les mesures du taux de remplacement sont calculées à partir du revenu après impôt.

3   Taux de remplacement du revenu

Résultats globaux

La baisse la plus importante des taux de remplacement du revenu est observée chez les femmes qui ont divorcé. Chez les personnes « restées mariées », le taux de remplacement médian est passé à 0,83 au moment où elles ont atteint l'âge de 78 à 80 ans. Chez les personnes veuves, il est passé à 0,79 et chez les personnes divorcées, à 0,73 (tableau 2).

Dans l'ensemble, le taux de remplacement du revenu varie selon la position sur la courbe de distribution du revenu (LaRochelle-Côté, Myles et Picot, 2008). Les effets du divorce ou du veuvage peuvent aussi varier selon que la famille a un revenu élevé ou faible. Dans les familles à faible revenu, le manque de ressources économiques peut se traduire par un taux de remplacement plus faible pour les femmes. Cependant, le plus grand accès des femmes appartenant à une famille à faible revenu à des programmes de transferts pourrait les protéger contre une baisse significative du taux de remplacement du revenu après le divorce. En outre, les effets les plus marqués du divorce pourraient s'observer chez les femmes des familles à revenu élevé, parce que leurs pertes financières associées aux revenus de placements et aux revenus d'un régime de retraite privé risquent d'être plus importantes à la suite d'un divorce.

Les personnes sélectionnées dans l'échantillon sont réparties entre les quintiles de revenu en fonction de leur revenu par équivalent-adulte à l'âge de 54 à 56 ans. Le quintile de revenu attribué à chaque personne demeure fixe au cours de la période de référence de l'étude. Les quintiles de revenu sont calculés séparément pour les hommes et pour les femmes. Nous nous intéressons ici aux courbes de taux de remplacement des femmes conditionnellement à leur revenu relatif à l'âge de 54 à 56 ans.

Le tableau 2 donne les résultats pour les femmes du quintile inférieur de revenu. Les taux de remplacement du revenu ont augmenté de l'âge de 54 à 56 ans à l'âge de 78 à 80 ans pour toutes les catégories d'état matrimonial. Dans ce quintile, les taux de remplacement augmentent lorsque les revenus provenant de régimes de pension de l'État (Régime de pensions du Canada ou Régime de rentes du Québec, Sécurité de la vieillesse et Supplément de revenu garanti) font plus que remplacer le revenu d'emploi de ces familles (LaRochelle-Côté, Myles et Picot, 2010). La hausse a été plus lente chez les femmes qui ont divorcé à un moment donné entre ces âges que chez celles qui sont restées mariées. À l'âge de 78 à 80 ans, chez ces dernières, le taux était de 1,27, tandis que chez les veuves il était de 1,19, et chez les femmes divorcées, de 1,18. À l'âge de 78 à 80 ans, tant les femmes divorcées que les veuves du quintile inférieur de revenu affichaient un taux de remplacement valant de 92 % à 94 % de celui des femmes du même quintile (à l'âge de 54 à 56 ans) qui étaient restées mariées.

Chez les femmes du quintile médian de revenu, les taux de remplacement étaient les suivants : 0,81 pour celles restées mariées, 0,71 pour les veuves et 0,60 pour les femmes divorcées. Ces résultats donnent à penser que l'effet du divorce sur le taux de remplacement du revenu est plus prononcé chez les femmes des familles à revenu moyen que chez celles des familles à faible revenu. Les taux de remplacement du revenu des femmes divorcées ou séparées équivalaient à 74 % des taux de remplacement des femmes mariées du même quintile de revenu. L'écart était nettement plus faible dans le quintile inférieur.

Chez les femmes des familles du quintile supérieur de revenu, comme chez celles des familles du quintile médian, l'effet du divorce était plus prononcé que chez leurs homologues du quintile inférieur. À l'âge de 78 à 80 ans, le taux de remplacement médian des femmes divorcées était de 0,53, celui des veuves, de 0,65 et celui des femmes restées mariées, de 0,74. Le taux de remplacement des femmes divorcées équivalait à environ 72 % de celui des femmes restées mariées; pour les veuves, la proportion était de 88 %.

Le tableau 3 donne les résultats pour les hommes. Le taux de remplacement du revenu à l'âge de 78 à 80 ans chez les hommes divorcés du quintile inférieur était égal à environ 91 % de celui des hommes qui étaient restés mariés; un taux comparable est observé chez les femmes. Chez les veufs et les hommes mariés, les taux de remplacement étaient semblables.

Dans les quintiles moyen et supérieur de revenu, deux observations distinguent les résultats observés chez les hommes de ceux observés chez les femmes. Premièrement, les taux de remplacement relevés pour les veufs sont légèrement plus élevés, et non plus faibles, que ceux calculés pour les hommes restés mariés. Deuxièmement, bien que les taux de remplacement soient plus faibles pour les hommes divorcés que pour les hommes encore mariés, l'écart n'est pas aussi prononcé que celui observé pour les femmes. Dans les deux quintiles, les taux de remplacement chez les femmes divorcées représentent de 70 % à 75 % de ceux observés chez les femmes restées mariées jusqu'à l'âge de 77 ans; les taux de remplacement chez les hommes divorcés varient de 82 % (quintile supérieur) à 90 % (quintile médian). De toute évidence, les répercussions de la dissolution du mariage sur les taux de remplacement diffèrent chez les hommes et chez les femmes.

Pourquoi la dissolution du mariage a-t-elle un effet plus prononcé chez les femmes du quintile supérieur de revenu que chez celles des autres quintiles? La réponse réside dans les sources de revenu (tableau 4). Au début de la période de référence, chez les femmes du quintile supérieur, l'écart entre les taux de remplacement des femmes ayant toujours été mariées et des femmes divorcées ou séparées tenait principalement à une différence concernant les « autres revenus », surtout les revenus de placements et les gains en capital, et à l'accès à des régimes de retraite privés (y compris les revenus provenant de régimes enregistrés d'épargne-retraite et de fonds de revenu de retraite, d'indemnités de cessation d'emploi et de rentes). Le revenu ajusté par équivalent-adulte des femmes qui avaient toujours été mariées et de celles qui avaient finalement divorcé était le même à l'âge de 54 à 56 ans, quand elles étaient toutes mariées. Cependant, à l'âge de 78 à 80 ans, les femmes de ce quintile qui étaient divorcées ou séparées avaient un revenu familial inférieur d'environ 34 000 $ à celui de leurs homologues encore mariées. Environ 14 000 $ (42 %) de cet écart étaient dus à des différences concernant les « autres revenus », y compris les revenus de placements; une tranche supplémentaire de 12 000 $ (34 %) était associée aux revenus provenant d'un régime de retraite privé, et une tranche d'un peu plus de 4 000 $ était due à de plus petites pensions de l'État.

Chez les femmes du quintile médian de revenu, l'accès aux régimes de retraite privés était le facteur le plus important, représentant 55 % de l'écart d'environ 8 000 $ entre les revenus de celles qui étaient mariées et de celles qui étaient divorcées à l'âge de 78 à 80 ans (tableau 4).

Enfin, chez les femmes du quintile inférieur âgées de 78 à 80 ans, l'écart entre les taux de remplacement observé chez les femmes divorcées et celles encore mariées était faible, particulièrement si on le compare à celui observé chez les femmes du quintile supérieur. Ce résultat reflète les flux de revenus provenant de régimes de pension de l'État (Sécurité de la vieillesse, Supplément de revenu garanti et Régime de pensions du Canada). Cette source est à l'origine d'une part importante du revenu — environ les deux tiers — des femmes de 78 à 80 ans du quintile inférieur, quel que soit leur état matrimonial. En outre, le revenu (ajusté par équivalent-adulte) moyen provenant d'un régime de pension de l'État n'était que légèrement plus faible pour les femmes veuves ou séparées à l'âge de 78 à 80 ans. La seule différence importante entre les femmes mariées et les femmes divorcées de 78 à 80 ans est celle observée pour la catégorie des « autres revenus ».

Selon la période du divorce ou du veuvage

L'âge auquel une femme devient veuve ou divorcée importe parfois. Les femmes de notre échantillon qui ont divorcé assez tôt (p. ex. à la fin de la cinquantaine) ont peut-être connu à la fin de leur vie des taux de remplacement plus faibles que celles qui ont divorcé à un âge plus avancé. L'accès aux ressources économiques pourrait devenir d'autant moins bon que l'état de divorcée se prolonge chez une personne d'âge avancé.

Les données descriptives fournissent peu de preuves à l'appui de cette notion. Le taux de remplacement du revenu des femmes qui se sont séparées ou ont divorcé entre 1985 et 1989 (entre l'âge de 56 à 58 ans et celui de 60 à 62 ans) a baissé plus tôt que celui des femmes qui ont divorcé plus tard dans la vie (entre 1990 et 1994), comme il fallait s'y attendre 9  . La diminution du taux a eu lieu durant la période du divorce (graphique 1). À l'âge de 78 à 80 ans, les taux de remplacement chez les femmes séparées relativement tôt et celles séparées plus tard dans la vie convergent. La baisse du taux de remplacement semble être indépendante de l'âge au moment de la séparation ou du divorce (au-delà de 54 à 56 ans). Naturellement, les femmes qui ont divorcé plus tôt ont vécu une plus longue période de ressources économiques relativement faibles que celles qui ont divorcé plus tard dans la vie, puisque la baisse du taux de remplacement a lieu au moment du divorce. En ce sens, l'issue a été plus sévère chez les femmes qui ont divorcé peu après 55 ans que chez celles qui l'ont fait plus tard dans la vie. Des résultats comparables ont été observés chez le groupe de femmes devenues veuves après 55 ans, mais la baisse du taux de remplacement a été moins évidente, surtout chez celles dont le veuvage est survenu plus tard dans la vie (graphique 2).

Chez les hommes rendus à la fin de leur septième décennie de vie, les taux de remplacement sont généralement comparables entre ceux qui ont divorcé « tôt » et « plus tard ». Les taux de remplacement chez les veufs sont généralement comparables à ceux observés pour les hommes ayant toujours été mariés (graphique 3), sauf peut-être ceux qui sont devenus veufs assez tôt (entre 1985 et 1989). De nouveau, ces résultats donnent à penser que la séparation ou le veuvage a peu d'effet sur les taux de remplacement du revenu chez les hommes.

En résumé, les données descriptives laissent entendre que, chez les femmes, le divorce a un effet plus prononcé sur les taux de remplacement du revenu que le veuvage, quoique l'un et l'autre fassent baisser ces taux comparativement à ceux observés chez les femmes qui restent mariées. L'effet négatif du divorce semble être plus important chez les femmes du quintile supérieur et moins prononcé chez celles du quintile inférieur. Ce résultat tient aux différents types de revenus auxquels les femmes ont accès selon le quintile. Dans le quintile inférieur, les régimes de pension de l'État (Sécurité de la vieillesse, Supplément de revenu garanti et Régime de pensions du Canada) sont la principale source de revenu et les niveaux sont à peu près les mêmes chez toutes les femmes, qu'elles soient mariées ou divorcées. Dans le quintile supérieur, les différences d'accès aux régimes de retraite privés et aux « autres » sources de revenu entre les femmes mariées et les femmes divorcées expliquent la plupart de la baisse du taux de remplacement du revenu associée au divorce.

Les femmes qui ont divorcé ou qui sont devenues veuves au début de la période allant de l'âge de 54 à 56 ans à celui de 78 à 80 ans, pour laquelle des données existent, ont connu une plus longue période de réduction des ressources économiques, puisque la baisse du taux semble coïncider approximativement avec le moment du divorce ou du veuvage. Cependant, selon ces données descriptives, le moment de l'événement, qu'il se produise peu après la mi-cinquantaine ou beaucoup plus tard, aurait peu d'effet sur la valeur finale du taux de remplacement.

Selon la cohorte

Les résultats pourraient différer chez les nouvelles cohortes d'hommes et de femmes à la retraite, particulièrement les femmes, qui ont participé plus au marché du travail que leurs homologues plus âgées. Étant donné que les femmes des nouvelles cohortes ont eu un meilleur accès aux régimes de retraite offerts par les employeurs, l'effet de la séparation ou du veuvage sur les taux de remplacement du revenu chez ces femmes pourrait être moins prononcé.

Pour vérifier cette théorie, nous comparons deux cohortes de femmes. La « cohorte de 1983 » comprend les femmes qui avaient de 54 à 56 ans en 1983 (comme la cohorte mentionnée plus haut), tandis que la « cohorte de 1993 » comprend celles qui avaient de 54 à 56 ans en 1993. Les deux cohortes ont été suivies pendant une période raisonnablement longue, de 14 ans, c'est-à-dire jusqu'à ce que les femmes atteignent 68 à 70 ans, l'âge auquel les taux de remplacement du revenu se stabilisent habituellement.

On doit se rappeler que toutes les femmes étaient mariées à l'âge de 54 à 56 ans; certaines ont divorcé ou sont devenues veuves entre cet âge et 68 à 70 ans. Si le divorce a eu un effet important sur le taux de remplacement du revenu, nous nous attendrions à ce que ce taux soit significativement plus faible à l'âge de 68 à 70 ans chez les femmes divorcées que chez les femmes encore mariées. Par conséquent, nous examinons l'écart entre les taux de remplacement à l'âge de 68 à 70 ans chez les femmes encore mariées, d'une part, et celles qui étaient soit veuves, soit divorcées ou séparées, d'autre part.

Les données descriptives brutes ne fournissent aucune preuve que l'effet du divorce sur le taux de remplacement du revenu diminue lorsque l'on passe de la cohorte de 1983 à celle de 1993, comme il fallait s'y attendre. En fait, l'écart entre les taux de remplacement à l'âge de 68 à 70 ans chez les femmes encore mariées et chez celles divorcées ou séparées serait plutôt plus grand pour la cohorte de 1993 (tableau 5, colonne 5). Par exemple, chez les femmes du quintile inférieur, le taux de remplacement était de 0,17 point de pourcentage plus faible chez les femmes divorcées que chez celles encore mariées dans la cohorte de 1983, et de 0,23 point de pourcentage plus faible chez les mêmes groupes dans la cohorte de 1993. Des tendances comparables se dégagent pour les autres quintiles.

En ce qui concerne le veuvage, les résultats semblent révéler peu de changements entre les cohortes. Les taux de remplacement relativement similaires ont été observés pour les femmes encore mariées et pour les veuves d'une cohorte à l'autre (tableau 5, colonne 3). Aucune tendance ne se dégage pour cette différence entre les groupes. Il se pourrait simplement que l'écart temporel entre les deux cohortes ne soit pas suffisant pour permettre la manifestation de changements significatifs.

4   Analyse des effets fixes

Les résultats exposés plus haut sont descriptifs. Afin de mieux évaluer l'effet du divorce sur les taux de remplacement du revenu, nous utilisons un modèle à effets fixes. Cette approche tient compte des différences non observées entre, par exemple, les personnes qui étaient séparées ou divorcées et celles qui sont restées mariées (notre groupe de comparaison) qui demeurent fixes au cours de la période de référence. Certaines différences systématiques peuvent contribuer aux écarts entre les taux de remplacement, comme les différences de niveau d'études et les différences de motivation non observées. De tels facteurs peuvent réduire la probabilité d'une séparation ou d'un divorce, et contribuer à l'existence de taux de remplacement plus élevés. Il est impossible d'observer ces effets fixes éventuels dans les données; cependant, si l'on ne tient pas compte de ces différences systématiques, leurs effets sur les taux de remplacement pourraient être interprétés par erreur comme faisant partie de l'effet de la séparation ou du divorce. En suivant les mêmes personnes au cours du temps et en observant les variations du taux de remplacement du revenu associées à la séparation ou au divorce qu'elles ont vécu, nous neutralisons ces effets non observés. Dans ce contexte longitudinal, les variables non observées n'influeront pas sur la variation du taux de remplacement due à la séparation ou au divorce.

Dans le modèle, le taux de remplacement est la variable dépendante; la séparation ou le divorce ainsi que le veuvage sont les variables indépendantes d'intérêt. Le modèle de régression par les moindres carrés ordinaires est de la forme : 

où : 

RR it désigne le taux de remplacement du revenu de la personne i durant l'année t 10  ;

V it est une variable indicatrice dont la valeur est égale à 1 l'année où la personne devient veuve et toutes les années subséquentes, et est égale à 0 autrement;

Cette différence exprime le nombre d'années passées en situation de veuvage pour l'individu i au temps t.est le nombre d'années écoulées depuis que la personne est devenue veuve (année courante moins l'année du veuvage);

D it est une variable indicatrice dont la valeur est égale à 1 l'année où la personne a divorcé ou s'est séparée et toutes les années subséquentes, et est égale à 0 autrement;

Image 4 Description: Image 4 est le nombre d'années écoulées depuis le divorce ou la séparation (année courante moins année du divorce ou de la séparation);

A ij est une variable indicatrice dont la valeur est égale à 1 quand la personne i a l'âge j et est égale à 0 autrement 11  ;

Image 5 Description: Image 5 est la composante du terme d'erreur qui traduit les caractéristiques non observées temporellement invariantes de la personne;

Image 6 Description: Image 6 est le terme d'erreur pour la personne i durant l'année t.

Le modèle 1 (équation (1)) repose sur l'hypothèse d'un effet plus ou moins instantané du divorce ou du veuvage sur le taux de remplacement, qui se manifeste la même année que le divorce ou le veuvage et demeure constant par après. Cet effet serait associé à la perte de revenu causée par la perte du conjoint. Le modèle 2 (équation (2)) introduit les termes de « nombre d'années écoulées depuis la séparation ou le divorce » et de « nombre d'années écoulées depuis le veuvage ». Dans ce modèle, l'hypothèse est que l'effet du divorce (de la séparation) ou du veuvage sur le taux de remplacement se manifeste en deux étapes, à savoir un effet immédiat lié à la perte du conjoint et aux conséquences financières de cette perte, et un effet continu (positif ou négatif) sur le taux de remplacement à mesure que les années s'écoulent. Par exemple, la séparation pourrait avoir un effet immédiat sur le taux de remplacement associé à la perte du revenu du conjoint, mais à mesure que la femme s'adapte, sa situation financière pourrait s'améliorer.

De nouveau, les données proviennent de la banque DAL. L'échantillon comprend toutes les personnes qui avaient 54, 55 ou 56 ans en 1983, dont le revenu familial ajusté par équivalent-adulte annuel moyen était supérieur à 10 000 $ de 54 à 56 ans, et qui ont été observées dans l'échantillon jusqu'à l'âge de 78, 79 ou 80 ans, ou jusqu'au moment de leur décès. Les hommes et les femmes sont répartis séparément en trois catégories d'état matrimonial : 1) mariés toutes les années de 1983 à 2008 (ou jusqu'au moment du décès); 2) mariés en 1983, mais divorcés ou séparés en 2008 (ou au moment du décès) et ne s'étant pas remariés; 3) mariés en 1983, mais veufs en 2008 (ou au moment du décès) et ne s'étant pas remariés.

Les deux modèles sont exécutés séparément pour les personnes appartenant aux quintiles 1 (revenu familial le plus faible), 3 (revenu familial moyen) et 5 (revenu familial le plus élevé), car les données descriptives donnent à penser que l'effet de la séparation ou du divorce varie selon le quintile de revenu. Ici encore, les quintiles sont définis en se fondant sur le revenu familial après impôt ajusté par équivalent-adulte associé à chaque personne de 54 à 56 ans (c.-à-d. en 1983). On veut déterminer si l'effet de la séparation ou du divorce chez les personnes qui se trouvaient à l'extrémité inférieure de la distribution du revenu diffère systématiquement de celui chez les personnes qui se trouvaient à l'extrémité supérieure durant leurs années d'activité. Comme auparavant, les résultats sont présentés séparément pour les hommes et pour les femmes.

Résultats concernant les effets fixes chez les femmes

Le modèle 1 suggère l'existence d'un gradient de revenu en ce qui concerne l'effet du veuvage sur le taux de remplacement du revenu; l'effet est négatif et significatif chez les femmes se trouvant à l'extrémité inférieure de la distribution du revenu, encore négatif mais plus faible chez celles se trouvant au milieu et légèrement positif chez celles se trouvant à l'extrémité supérieure, accroissant ainsi le taux de remplacement de 1,2 point de pourcentage (tableau 6). En revanche, la séparation ou le divorce réduit le taux de remplacement de 7,6 points de pourcentage chez les femmes du quintile inférieur, de 12,7 points chez celles du quintile médian et de 21,7 points chez celles du quintile supérieur.

Quand le nombre d'années écoulées depuis le divorce ou le veuvage est ajouté dans le modèle 2, un profil légèrement différent se dégage. Au moment de l'événement, la séparation ou le divorce a un effet négatif légèrement plus prononcé chez les femmes du quintile inférieur (12,2 points de pourcentage) et du quintile médian (14,7 points de pourcentage) de la distribution du revenu; l'effet demeure le plus prononcé chez celles du quintile supérieur (20,3 points de pourcentage).

Un certain redressement de la situation s'observe après la séparation chez les femmes des quintiles inférieur et médian. En moyenne, le taux de remplacement du revenu se redresse d'environ 0,3 point de pourcentage par année chez les femmes du quintile médian et d'environ 0,6 point de pourcentage par année chez celles du quintile inférieur après la séparation. Aucun redressement n'a lieu chez les femmes séparées du quintile supérieur. Ce redressement signifie que le revenu familial d'une femme a augmenté immédiatement après l'effet de la séparation 12  . Les résultats suggèrent qu'une décennie après la séparation, la moitié de la réduction originale du taux de remplacement que connaissaient les femmes du quintile inférieur et le cinquième de la réduction que connaissent celles du quintile médian a été comblée.

Bien que le veuvage proprement dit ne semble ne pas avoir d'effet important sur les taux de remplacement, le temps écoulé après cet événement semble quant à lui avoir un certain effet sur ces taux, surtout chez les veuves du quintile supérieur, qui ont perdu du terrain au rythme de 0,8 point de pourcentage par année. Ces résultats donnent à penser que le divorce et le veuvage affectent tous deux les taux de remplacement; toutefois, les effets diffèrent en nature et en grandeur. Alors que la séparation a une incidence immédiate qui s'estompe progressivement au fil du temps chez certaines femmes, le veuvage a peu d'effet au moment où il a lieu (sauf chez les femmes du quintile supérieur de revenu, ou il a un faible effet positif), mais exerce un certain effet plusieurs années plus tard, surtout chez les femmes du quintile supérieur.

La représentation graphique des valeurs prédites par les modèles est le meilleur moyen de comprendre les observations susmentionnées. Les résultats du modèle 2 concernant la séparation ou le divorce sont présentés visuellement dans les graphiques 5, 6 et 7. Dans ces graphiques, il est supposé que la séparation survient à 60 ans seulement (étant donné les contraintes d'échantillon). Les effets plus prononcés dans le quintile supérieur sont évidents, de même que les effets de redressement, particulièrement dans les quintiles inférieurs. Les taux de remplacement prédits pour les veuves sont présentés dans les graphiques 8, 9 et 10. Dans l'ensemble, le veuvage a peu d'incidence sur les taux de remplacement (comparativement au fait de rester marié), bien que l'on constate une certaine détérioration des taux de remplacement à la suite du veuvage chez les femmes du quintile supérieur.

Résultats concernant les effets fixes chez les hommes

Comme le suggèrent les résultats descriptifs, l'incidence de la dissolution du mariage sur le taux de remplacement du revenu est assez différente chez les hommes. Le veuvage a un effet relativement grand et positif sur les taux, et cet effet augmente à mesure que l'on se déplace vers l'extrémité supérieure de la distribution du revenu. Dans le modèle 1, un veuf voit son taux de remplacement augmenter de 8 points de pourcentage s'il se trouve dans le quintile médian de revenu au moment où le veuvage débute; pour les veufs du quintile de revenu supérieur, le taux de remplacement augmente de 11 points (tableau 7). Aucun effet statistiquement significatif n'est observé dans le quintile inférieur. Sous le modèle 2, qui tient compte d'un certain ajustement du taux dans les années qui suivent le début du veuvage, les effets positifs sont plus importants (12 points de pourcentage dans le quintile médian, 16 points de pourcentage dans le quintile supérieur), mais l'effet diminue d'environ 1 point de pourcentage par année par la suite chez les hommes du quintile médian et de 1,4 point de pourcentage par année chez ceux du quintile supérieur.

Les résultats du modèle 2 sont présentés aux graphiques 11, 12 et 13. L'effet significatif et positif du veuvage sur le taux de remplacement chez les hommes est vraisemblablement lié au fait que, chez cette génération, la majorité du revenu familial durant la vieillesse est associée à l'homme, particulièrement le revenu de pension. Lorsque la conjointe décède, le revenu familial est peut-être réduit, mais les besoins financiers de la famille diminuent vraisemblablement encore davantage, ce qui se traduit par une augmentation du taux de remplacement du revenu pour l'homme devenu seul.

Chez les hommes, l'effet de la séparation ou du divorce sur le taux de remplacement du revenu est relativement faible. Dans le modèle 1, l'effet est en grande partie non significatif, à part un faible effet négatif chez les hommes du quintile supérieur. Dans le modèle 2, les effets immédiats ne sont plus significatifs et s'amenuisent au fil du temps : de 0,4 point de pourcentage par année dans le quintile médian. Les graphiques 14, 15 et 16 représentent visuellement les résultats du modèle 2.

5   Conclusion

Étant donné le vieillissement de la population, la sécurité du revenu devient une question stratégique d'une importance croissante. Dans le cadre de leurs travaux de recherche antérieurs, LaRochelle-Côté, Myles et Picot (2008, 2010) ont constaté que le taux de remplacement du revenu était habituellement de l'ordre de 0,8 chez les Canadiens dont le niveau de participation au marché du travail était élevé à la mi-cinquantaine. Autrement dit, le Canadien moyen âgé d'environ 75 ans remplaçait environ 80 % du revenu familial dont il bénéficiait aux alentours de 55 ans. D'autres études empiriques examinant le problème sous des angles différents ont abouti à des résultats similaires.

Cependant, la mesure dans laquelle le régime de revenu de retraite « remplace » le revenu obtenu durant la vie active pourrait varier d'un groupe de population à l'autre. Les personnes (mariées ou en union de fait) qui perdent leur conjoint à un âge avancé, en raison d'une séparation ou d'un veuvage, pourraient être économiquement plus vulnérables. La présente étude cherche à déterminer si l'évolution des taux de remplacement du revenu des personnes vivent une dissolution de mariage pendant leur retraite, soit à cause d'une séparation ou d'un divorce, ou à cause d'un veuvage, diffère de celle des taux de remplacement du revenu de personnes qui restent mariées.

Chez les femmes, le divorce ou la séparation a des répercussions plus négatives sur les taux de remplacement du revenu que le veuvage, qui, après que l'on tienne compte des différences non observées entre les veuves et les femmes mariées, a peu d'effet sur les taux de remplacement. L'effet du divorce est plus important chez les femmes à l'extrémité supérieure de la distribution du revenu, où il a tendance à réduire le taux de remplacement de plus de 20 points de pourcentage. L'effet est nettement moins prononcé chez les femmes des familles à revenu plus faible, en grande partie parce que celles-ci comptent davantage sur les revenus d'un régime de pension de l'État, situation dont la prévalence est la même chez les femmes mariées que chez les femmes divorcées de cette catégorie de revenu. Par contre, les femmes du quintile de revenu supérieur voient se réduire sensiblement leur accès aux revenus d'un régime de retraite privé et à d'« autres » sources de revenu, tels que les placements. De plus, les femmes divorcées dont le revenu se situe au bas ou au milieu de la distribution voient s'atténuer les effets financiers du divorce sur leur revenu, contrairement à celles dont le revenu se situe au haut de la distribution. Cet état de fait pourrait provenir des différents arrangements financiers des femmes après le divorce, parce que plusieurs femmes dont le revenu se situe au quintile inférieur ne sont pas aussi riches que leur mari au moment du divorce. Il est donc plus probable que ces dernières reçoivent un paiement forfaitaire dont elles peuvent tirer profit par la suite. Au contraire, les femmes dont le revenu se situe au sommet de la distribution pourraient ne pas tirer profit de tels paiements, parce qu'elles ont probablement contribué à la richesse de la famille avant le divorce. Même si l'on a trouvé que les résultats des anciennes cohortes sont semblables à ceux-ci, il faut se garder de généraliser cette observation en l'étendant aux résultats de toutes les cohortes de femmes qui vont se retirer à l'avenir.

Chez les hommes, la séparation ou le divorce a peu d'effet sur les taux de remplacement du revenu, quel que soit le revenu familial au départ. Le veuvage a tendance à accroître légèrement les taux de remplacement, particulièrement chez les hommes des familles à revenu médian et à revenu élevé. Même si le revenu familial baisse parfois après le décès de l'épouse ou de la conjointe, les besoins économiques diminuent encore davantage, si bien que le revenu ajusté par équivalent-adulte augmente. Il reste à déterminer si des résultats comparables seront obtenus pour les futures cohortes de retraités.

6   Annexe : Sensibilité des résultatsau facteur d'ajustement par équivalent-adulte

Comme nous l'avons mentionné plus haut dans l'article, afin de tenir compte des différences de taille de la famille et des économies d'échelle associées à la vie dans une grande famille, les données sur le revenu familial sont ajustées par équivalent-adulte. L'ajustement est particulièrement important dans le contexte de la présente étude, parce que les comparaisons de revenu entre des familles de taille différentes sont faites transversalement ainsi que longitudinalement. En particulier, quand la taille de la famille diminue longitudinalement à la suite d'un veuvage ou d'une séparation, le plus souvent pour passer de deux membres de la famille à un seul, la variation observée du revenu familial est sensible à l'échelle d'ajustement par équivalent-adulte utilisée.

Le facteur d'ajustement le plus couramment employé est la racine carrée de la taille de la famille. Ainsi, le revenu corrigé par équivalent-adulte d'une famille de deux est égal au revenu familial réel divisé par la racine carrée de 2, soit 1,4. Cela signifie qu'une famille de deux personnes a besoin de 1,4 fois plus de revenu familial qu'une famille d'une personne pour disposer des mêmes ressources économiques. Le revenu nécessaire n'est pas le double parce que des économies d'échelle sont associées à certains coûts fixes, tels que le logement, le chauffage, etc. Mais dans quelle mesure nos résultats sont-ils sensibles au choix de ce facteur? Pour répondre à la question, nous avons réexaminé les résultats descriptifs de base en utilisant trois facteurs, à savoir la taille de la famille à la puissance 0,4, 0,5 (celle utilisée dans l'étude) et 0,6. Nos résultats sont sous-tendus en grande partie par la comparaison entre le revenu d'une famille de deux personnes (avant une séparation ou un veuvage) à celui d'une famille d'une personne (après la séparation ou le veuvage). En utilisant les trois approches mentionnées (taille de la famille à la puissance 0,4, 0,5 et 0,6), nous obtenons, pour une famille de deux personnes, des facteurs de 1,3, 1,4 et 1,5, respectivement. Pour une famille de quatre personnes, les facteurs sont 1,75, 2,0 et 2,3, respectivement.

Les principales constatations demeurent toutes les mêmes, quel que soit l'ensemble de facteurs utilisés, mais la grandeur des effets varie. Pour le démontrer, nous reproduisons les tableaux 1 et 2 en utilisant les trois différentes échelles d'ajustement par équivalent-adulte (voir le tableau 8). Comme dans la partie principale de l'article, nous partons de la population de personnes mariées à l'âge de 55 ans et comparons les taux de remplacement du revenu de celles qui étaient veuves ou séparées à l'âge de 77 ans aux taux de remplacement de celles qui étaient encore mariées à cet âge-là. Nous procédons à la comparaison par quintile de revenu (à l'âge de 55 ans), puisque les effets varient considérablement d'une position à l'autre sur la courbe de distribution du revenu.

Chez les femmes, quelle que soit l'échelle utilisée, le veuvage ainsi que le divorce ont un effet négatif sur le taux de remplacement du revenu, et l'effet du divorce est plus important que celui du veuvage, du moins chez les familles des quintiles médian et supérieur. Cependant, il existe un écart d'environ 10 points de pourcentage entre les effets, selon l'échelle utilisée. Par exemple, chez les familles du quintile médian, le taux de remplacement à l'âge de 78 à 80 ans chez les femmes séparées est égal à 71 % de celui des femmes mariées lorsque l'on utilise l'échelle de taille de la famille à la puissance 0,4, et de 79 % lorsque l'on utilise l'échelle de taille de la famille à la puissance 0,6. L'effet négatif du divorce augmente à mesure que l'on se déplace vers l'extrémité supérieure de la distribution du revenu, quelle que soit l'échelle utilisée.

Chez les hommes, le veuvage a un effet neutre ou légèrement positif sur le taux de remplacement du revenu dans les quintiles médian et supérieur de revenu, quelle que soit l'échelle utilisée. Chez les familles du quintile inférieur, le veuvage a un léger effet négatif quand l'échelle de puissance 0,4 est appliquée, mais a un effet neutre quand les autres échelles sont choisies. Le divorce a un effet plus important sur les taux de remplacement, surtout chez les hommes du quintile de revenu supérieur (mais comme il est suggéré plus haut, néanmoins plus faible que celui observé chez les femmes). En résumé, les résultats de base ne sont que marginalement sensibles au choix de l'échelle, mais la grandeur des effets peut varier considérablement selon l'échelle.

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