5 Approche de la fonction de coût

Avertissement Consulter la version la plus récente.

Information archivée dans le Web

L’information dont il est indiqué qu’elle est archivée est fournie à des fins de référence, de recherche ou de tenue de documents. Elle n’est pas assujettie aux normes Web du gouvernement du Canada et elle n’a pas été modifiée ou mise à jour depuis son archivage. Pour obtenir cette information dans un autre format, veuillez communiquer avec nous.

L'approche de la fonction de coût s'appuie sur les prix des facteurs de production comme variables explicatives. Celles-ci sont plus susceptibles d'être exogènes que les variables d'intrants utilisées dans une fonction de production. Donc, la fonction de coût est considérée par de nombreux économistes comme un meilleur moyen d'estimer l'effet du capital public. Dans l'approche de la fonction de coût, le capital public est considéré comme un facteur de production non rémunéré qui a une incidence sur le niveau de la courbe de coût variable. Habituellement, on utilise une forme fonctionnelle souple, telle qu'une translogarithmique ou une Leonteif généralisée. Les estimations calculées en s'appuyant sur les fonctions de coût continuent de produire une valeur positive de l'effet du capital public (voir, par exemple, Morrison et Schwartz, 1996; Nadiri et Mamuneas, 1994; Conrad et Seitz, 1994; Lynde et Richmond, 1992; Shah, 1992; ainsi que Berndt et Hanson, 1992). La grandeur du rendement est plus faible que celle calculée par l'approche primale, ce qui porte les auteurs à conclure que les estimations fondées sur la fonction de coût sont plus raisonnables.

Pour le Canada, Harchaoui (1997), Harchaoui et Tarkhani (2003), ainsi que Brox et Fader (2005) fournissent des estimations des réductions de coût associées au capital public en utilisant des ensembles de données au niveau de l'industrie. Ils supposent dans leurs modèles que le niveau réel de capital public entre dans la fonction de coût sous forme d'un facteur de production non rémunéré. Les entreprises sont considérées comme minimisatrices des coûts sur le capital privé et le travail, qui constituent la fonction de coût variable de l'entreprise, mais considèrent le capital public comme un acquis dans la fonction totale de coût. Ils supposent que les variations du capital public modifient la hauteur de la courbe de coût variable. Leur approche inclut aussi une fonction de demande.

En suivant cette approche, Harchaoui (1997) constate que l'effet du capital public est significatif, représentant environ 12 % de la croissance globale de la productivité du secteur des entreprises. Harchaoui et Tarkhani (2003) réexaminent la relation en utilisant un ensemble de données élargi, et déclarent qu'en moyenne, un accroissement de 1 $ de la valeur du capital public réduit le coût de production privé de 17 cents. Brox et Fader (2005), à la suite d'un exercice comparable, soutiennent que l'élasticité du capital public par rapport au coût privé est de -0,484.

Nous étendons ces analyses en adoptant une autre approche pour modéliser l'effet du capital public dans la fonction de coût.

Spécification de la fonction de coût

La relation entre les coûts et le capital public qui suit est fondée sur celle décrite dans Fernald (1999). Supposons qu'une entreprise représentative doive résoudre un problème standard de minimisation des coûts :

w est un vecteur de prix des intrants, z est un vecteur des quantités d'intrants, f (z) est la fonction de transformation décrivant le niveau de produit qui est fabriqué avec les quantités z d'intrants et q est le niveau minimal souhaité de production. Les vecteurs w et z contiennent l'information sur le capital et le travail. Sous des conditions de premier ordre standard, il est possible de décrire une fonction de coût et des fonctions de demande conditionnelle des facteurs de production.

Nous introduisons le capital public en supposant que les entreprises l'utilisent dans le procédé de production. Par conséquent, il figure en tant que facteur de production dans la fonction de transformation :

où PMF, K et L sont les facteurs de production standard et T (V,R) est une fonction combinatoire qui génère des services de transport à partir du capital public (R) et de véhicules (V). Il convient de souligner que la majorité du capital public est constituée de routes (Baldwin et Dixon, 2008). Contrairement aux formes fonctionnelles dans lesquelles il est supposé que le capital public entre directement, nous nous inspirons ici de Fernald (1999) et supposons que (V,R) combine les routes et les véhicules, ce qui permet de considérer comme approximation de l'effet du capital public que celui-ci est proportionnel à la part des services de transport imputables aux facteurs de production.

Par conséquent, il est possible d'écrire des conditions d'équilibre et une fonction de coût où le coût unitaire est une fonction du capital, du travail, de la PMF et du capital public reflété dans les parts des coûts de transport. Dans ces conditions, les facteurs de production privés épuisent l'excédent économique de sorte que leur somme soit égale à l'unité. Le capital public est un facteur non rémunéré que l'on suppose avoir une incidence sur la hauteur de la courbe de coût total.

En supposant que l'usage du capital public est proportionnel à la part des coûts de transport, il est possible de produire à partir de l'équation (5) une mesure de l'élasticité du capital public qui varie au cours du temps et selon l'industrie. En outre, cette mesure est suffisamment variable

pour pouvoir saisir une caractéristique distincte de la variation de coût due au capital public qui diffère de la PMF.

Après transformation logarithmique, nous employons l'équation de coût de Cobb-Douglas qui suit pour l'estimation :

c est le coût total, y est la production, p est le prix du capital ( k ), du travail ( l ) ou du capital public utilisé (Tc), l'indice inférieur i désigne l'industrie et l'indice inférieur t, le temps. Nous imposons à la fonction une homogénéité de degré 1 en prix et un rendement d'échelle constant sur les facteurs de production privés.

5.1 Méthode économétrique

La base de données KLEMS (ensemble de données sur le capital, le travail, l'énergie, les matières premières et les services) contient des données instables, désagrégées, qui posent plusieurs défis aux chercheurs qui souhaitent les utiliser (voir Macdonald, 2007). Comme les données sont bruitées et contiennent des observations inhabituelles, ou aberrantes, le recours à des estimateurs moins courants peut être utile pour produire les estimations des paramètres.

L'estimateur le plus couramment employé par les économistes est celui des moindres carrés ordinaires (MCO), qui est sensible aux observations aberrantes. Ces dernières peuvent influencer l'estimation de la pente et de l'ordonnée à l'origine de la droite des MCO, parce qu'elles sont formées à partir de moyennes, de variance et de covariance d'échantillon. Ces mesures sont exagérées par les observations aberrantes et, le cas échéant, peuvent donner lieu à des inférences médiocres.

En présence d'observations aberrantes, les méthodes d'estimation qui minimisent l'effet des observations inhabituelles peuvent être utiles pour décrire les relations statistiques. Dans le présent document, nous utilisons le S-estimateur de Rousseeuw et Yohai (1984) pour juxtaposer les estimations par les MCO et pour donner une idée de la façon dont le capital public affecte les coûts privés. Le S-estimateur recherche dans des sous-échantillons des données celles qui produisent les estimations pour lesquelles la dispersion des résidus est la plus faible (pour plus d'information, voir Rousseeuw et Yohai, 1984, ainsi que Chen, 2002).

En minimisant l'estimation de la variance résiduelle sur l'ensemble des sous-échantillons, l'algorithme choisit les estimations des paramètres qui représentent une majorité des observations. Les observations aberrantes, qui accroissent la variance résiduelle, ne sont pas utilisées et peuvent être identifiées d'après des mesures diagnostiques en vue d'une évaluation plus approfondie. En outre, une fois repérées, les observations aberrantes peuvent être repondérées pour éliminer leur influence et la méthode des MCO peut alors être appliquée à l'échantillon restant.

Prétest

En présence de changements de niveau et de tendance, le test de racine unitaire pose des difficultés. Ce genre d'observations peuvent donner l'impression qu'une série stationnaire suit un processus de racine unitaire et donner lieu à de mauvaises inférences (Madalla et Kim, 2003). L'ensemble de données KLEMS souffre de ces deux types d'événements (Macdonald, 2007). Par conséquent, la vérification de l'hypothèse de l'existence d'une racine unitaire pose un problème et la prudence est de rigueur.

Des tests de racine unitaire sur données de panel qui combinent l'information transversale provenant du panel en vue d'accroître leur puissance sont disponibles. Ces tests devraient aboutir à une meilleure inférence concernant la présence d'une racine unitaire. Toutefois, en présence d'observations aberrantes et de changements de tendance, il n'est pas certain qu'il en soit ainsi.

Tableau 4
Tests LM de racine unitaire sur données de panel de Hadri

L'examen de la série de prix donne à penser que le test LM de Hadri pourrait fournir une inférence suffisante. Cependant, l'ensemble de données contient des observations aberrantes qui peuvent affecter les résultats. Le test LM de Hadri est un test de racine unitaire sur données de panel de la même veine que le test KPSS (Kwaitkowski, Phillips, Schmidt et Shin, 1992) dans un cadre univarié. L'hypothèse nulle est que la série suit une tendance linéaire au cours du temps.

Les résultats impliquent que toutes les séries suivent un processus de racine unitaire (tableau 3). Toutefois, les données sous-jacentes contiennent des observations inhabituelles qui peuvent affecter les résultats. Par conséquent, nous soumettons les données à un deuxième test de racine unitaire.

Figure 6
Statistique du test de racine unitaire ADF pour Ln(C/Y)

Figure 7
Statistique du test de racine unitaire ADF pour Ln(PL)

Pour chaque industrie, nous exécutons la régression ADF avec un retard en utilisant les MCO et le S-estimateur. Les histogrammes de la statistique de test résultante sont présentés aux figures 6 à 9. Puisque le S-estimateur est insensible aux observations aberrantes, si ces dernières ont une incidence sur la statistique de test des MCO, la statistique de test du S-estimateur devrait donner un résultat différent.

Figure 8
Statistique du test de racine unitaire ADF pour Ln(P>K)

Figure 9
Statistique du test de racine unitaire ADF pour l'approximation du coût du capital public

La distribution des réponses sous-entend que, pour la majorité des séries, l'hypothèse de racine unitaire est à rejeter pour toutes les variables. Le résultat est cohérent d'une stratégie d'estimation à l'autre; toutefois, dans toutes les séries de prix, la distribution des MCO est située à la gauche de la distribution de la statistique de test du S-estimateur, ce qui implique que les observations aberrantes influent sur la statistique de test des MCO. Dans ce cas, l'effet n'est pas suffisamment prononcé pour modifier le résultat du test.

Les tests de racine unitaire ADF individuels et le test LM de Hadri impliquent que les séries suivent des processus de racine unitaire. Les résultats paraissent robustes à la stratégie d'estimation et au type de test.

Stratégie d'estimation

Les tests de racine unitaire indiquent qu'un processus de racine unitaire est présent dans les données. Toutefois, il n'est pas certain que les séries sont co-intégrées ou qu'il faudrait calculer les différences premières. L'existence d'observations aberrantes dans l'ensemble de données rend les distributions des résidus non normales et nombre de tests de co-intégration, non fiables. Au lieu d'essayer de produire des tests de co-intégration sur données de panel dans ces conditions, qui sont loin d'être idéales pour ces tests, nous adoptons deux approches et comparons les résultats.

La première approche consiste à exprimer l'équation (6) en différence logarithmique. Elle repose sur l'hypothèse que les différences logarithmiques contemporaines sont suffisantes pour refléter la relation entre les variables explicatives et la variable de réponse. Comme les parts du coût imputables au capital et au travail sont relativement stables au cours du temps, nous n'estimons pas la fonction de coût en différence logarithmique sous forme d'un système. Nous estimons plutôt les MCO et le S-estimateur à partir de l'équation en différence logarithmique unique.

La deuxième approche consiste à supposer que les données sont co-intégrées et à estimer l'équation en niveau comprenant une tendance pour la PMF, mais à se demander si les estimations posent des problèmes. Les données sont d'abord estimées sous forme d'un système de régressions apparemment non liées (SUR pour seemingly unrelated regression) en utilisant la méthode des MCO. Un deuxième ensemble d'estimations est obtenu en utilisant la méthode des moindres carrés repondérés (MCR). L'estimation MCR donne aux observations aberrantes un poids nul. Celles-ci sont repérées en appliquant l'algorithme du déterminant minimum de covariance de Rousseeuw et van Driessen (1999) et le S-estimateur aux variables de facteur de production et à l'équation (6), respectivement.

Dans les deux approches les unités du panel sont traitées comme des entités distinctes. Elles ne sont pas regroupées, et les processus d'erreur ne sont pas contraints d'avoir la même variance, hypothèse couramment formulée pour les modèles sur données de panel. Les unités employées ici sont tirées d'une gamme d'industries différant considérablement les unes des autres. La variation de l'intensité du capital permet difficilement de soutenir que l'élasticité du capital, ou du travail, est la même dans toutes les industries. De surcroît, la petite taille de certaines industries permet difficilement d'affirmer que les processus stochastiques qui affectent ces dernières sont de même ordre de grandeur.

Par conséquent, nous estimons séparément l'équation (6) pour chaque industrie. Cela équivaut à considérer que les élasticités du capital et du travail, de la PMF, des réductions de coût dues au capital public et des processus d'erreur sont particulières à l'unité. Lorsque les estimations sont produites, nous examinons leurs valeurs moyennes et individuelles.

Évaluation des estimations des paramètres

Les estimations en différence logarithmique moyennes de la productivité mutifactorielle (PMF) concordent aux attentes (tableaux 5 et 6). Les estimations les plus grandes de la PMF sont observées pour les industries primaires et celles de la construction et de la fabrication, tandis que les industries du secteur des services n'affichent que de faibles accroissements5. Pour l'ensemble des industries, les estimations de la PMF par le S-estimateur et par les MCO sont semblables et ont une valeur moyenne de -1,63 % et -1,43 %, respectivement6. Pour les deux estimateurs, la croissance de la PMF est plus importante pour le secteur de la fabrication que pour l'ensemble de l'économie.

L'estimation de l'élasticité du travail est presque égale à l'unité pour un grand nombre d'industries et diffère appréciablement, en moyenne, de la part du revenu imputable au travail. Ce résultat ne concorde pas avec les attentes a priori quant à l'élasticité du travail dans une fonction de coût en niveau, ni avec les estimations non paramétriques de la part du revenu imputable au travail dans l'économie agrégée. L'écart est dû à la nature de la variation annuelle du coût du travail et du capital.

Le coût du capital est une variable prospective qui amortit les dépenses en immobilisations sur un certain nombre de périodes. Par conséquent, elle varie moins rapidement que les taux salariaux. Les estimations de l'équation en différence logarithmique reflètent cette différence en indiquant que les variations annuelles des prix des facteurs de production reflètent les variations des taux salariaux dans une plus forte proportion que ne le laisse entendre leur part du revenu. Ce résultat a tendance à se produire dans les fonctions de coût lorsque l'on utilise les prix en différence logarithmique. Pour un certain nombre d'industries, la S-estimation diffère de l'estimation par les MCO, ce qui donne à penser qu'il existe des observations aberrantes.

Le capital public produit des estimations de l'élasticité de la réduction des coûts sur l'ensemble des industries qui concordent avec les attentes a priori. Les industries qui dépendent le plus du transport de marchandises sont celles qui connaissent les réductions les plus importantes des coûts liés à l'évolution de la fourniture de capital public au cours du temps. Les industries de services n'affichent que des réductions faibles, voire nulles. Pour la majorité des industries, le S-estimateur et les MCO fournissent des résultats semblables. En moyenne, les MCO donnent à penser que l'élasticité des prix unitaires par rapport au capital public est d'environ -0,15 pour l'ensemble de l'économie et d'environ -0,22 pour le secteur de la fabrication.

Les moyennes reposent sur l'hypothèse que toutes les industries tirent le même avantage du capital public, ce qui est vraisemblablement incorrect, étant donné les différences de propension des industries à transporter des marchandises. Si, au contraire, on utilise comme poids le produit intérieur brut nominal, la réduction de coût calculée diminue d'environ trois à quatre points de pourcentage pour toutes les industries et d'environ quatre à six points de pourcentage pour le secteur de la fabrication. Néanmoins, les résultats continuent d'indiquer que le capital public a un impact important sur les coûts du secteur privé.

L'équation en niveau logarithmique produit des valeurs un peu plus faibles de la croissance de la PMF que l'équation en différence logarithmique. Les estimations MCO et MCR donnent à penser qu'en moyenne, la croissance de la PMF est de -0,92 et -0,81, respectivement. Dans chaque cas, le secteur de la fabrication est la source de la plupart de la croissance de la PMF, l'estimation de la PMF étant importante pour l'industrie du matériel informatique et périphérique. Les industries de services affichent une croissance minime de la PMF.

Figure 10
Productivité mutifactorielle (PMF) selon l'équation en différence logarithmique

Figure 11
Élasticité du travail selon l'équation en différence logarithmique

Figure 12
Réduction marginale des coûts due au capital public selon l'équation en différence logarithmique

Les estimations de l'élasticité du capital et du travail d'après l'équation en niveau concordent étroitement avec les parts du revenu respectives de ces facteurs. Les MCO produisent des estimations de 0,37 et 0,63, respectivement, tandis que les S-estimations indiquent que l'élasticité du travail est de 0,56 et celle du capital, est de 0,44.

Figure 13
Croissance de la productivité mutifactorielle (PMF) selon l'équation en niveau logarithmique

Figure 14
Élasticité du travail selon l'équation en niveau logarithmique

Jusqu'à présent, les résultats de la méthode des MCO et ceux de la méthode qui tient compte des observations aberrantes, à savoir la méthode des MCR ou celle du S-estimateur, diffèrent peu. En revanche, l'estimation de l'élasticité du capital public est sensible à la méthode d'estimation. Les MCO fournissent des estimations qui sont semblables, en moyenne et d'une industrie à l'autre, à la spécification en différence première, tandis que les estimations par les MCR dans l'approche en niveau logarithmique donnent à penser que la fourniture de capital public ne réduit pas les coûts unitaires au cours du temps.

Figure 15
Élasticité du capital selon l'équation en niveau logarithmique

Figure 16
Réduction des coûts marginaux due au capital public selon l'équation en niveau logarithmique

Tableau 5
Moyenne des estimations des paramètres de la fonction de coût (secteur des entreprises)

Tableau 6
Moyenne des estimations des paramètres de la fonction de coût (fabrication uniquement)

Si aucune correction n'est faite pour les observations aberrantes, les deux méthodes (différence logarithmique et niveau logarithmique) produisent des estimations comparables de l'élasticité de la réduction des coûts due au capital public, que l'on calcule ou non une moyenne simple ou pondérée.

Les résultats sont semblables à ceux trouvés dans la littérature pour le Canada en ce sens qu'ils donnent une élasticité négative du capital public par rapport aux coûts du secteur privé, quoiqu'ils soient un peu plus élevés que ceux obtenus antérieurement. En particulier, Harchaoui et Tarkhani (2003) obtiennent une élasticité de la réduction des coûts de 0,06 pour le secteur des entreprises en utilisant une fonction de coût translogarithmique. Enfin, sauf dans le cas des estimations MCR du système de régressions apparemment non liées (SUR, pour seemingly unrelated regression) en niveau logarithmique, la réduction des coûts marginaux est robuste aux observations aberrantes.

Figure 17
Observations aberrantes par année

Bien que les estimations MCR de l'équation en niveau logarithmique indique que le capital public n'a pas d'impact si l'on élimine les observations aberrantes de l'échantillon, cela ne veut pas dire qu'il n'existe pas de relation économique. Cela sous-entend plutôt que, si l'on tient l'équation en niveau logarithmique pour vraie, la réduction des coûts marginaux due au capital public est générée à des points particuliers dans le temps (figure 17). Dans le cas des équations en différence logarithmique et en niveau logarithmique, les observations aberrantes sont regroupées autour du premier choc pétrolier et des deux récessions du début des années 1980. L'équation en niveau logarithmique possède aussi un nombre croissant d'observations aberrantes vers la fin de la période.

Le moment où surviennent les observations aberrantes impliquent que les industries les plus aptes à utiliser les intrants infrastructurels durant les périodes de difficulté économique sont celles qui produisent les réductions de coût observées dans l'équation en niveau. Autrement dit, durant les périodes de stress, les industries les plus aptes à utiliser le capital public réalisent de plus grandes réductions des coûts. Cette explication pourrait être raisonnable durant la première partie de la période; cependant, l'accroissement du nombre d'observations aberrantes après 1995 dans l'équation en niveau logarithmique est difficile à expliquer du point de vue économique. Contrairement à l'époque du premier choc pétrolier et des alentours des récessions du début des années 1980, nous n'observons pas d'accroissement simultané du nombre d'observations aberrantes provenant de l'équation en différence logarithmique, ni de chocs macroéconomiques. Cette divergence jette le doute sur la véracité des résultats de l'équation en niveau. En particulier, il se pourrait que le nombre croissant d'observations aberrantes à la fin de la période soit dû à une erreur de spécification de la tendance. Par conséquent, à la section suivante, des preuves supplémentaires que les équations en niveau logarithmique souffrent d'autres problèmes sont fournies.

Robustesse des estimations

La spécification incorrecte de la tendance dans la régression d'une série chronologique peut donner lieu à des résultats fallacieux. En particulier, si une série présente une tendance stochastique, ce qui est probable pour les séries de prix, et que l'on ajuste une tendance linéaire, une relation entre les deux variables existera uniquement parce qu'elles augmentent toutes deux avec le temps. Ce problème est celui qui se pose lorsque l'on examine les estimations SUR et MCR.

La marque d'une régression fallacieuse est une statistique R-carré dont la valeur est plus grande que celle de la statistique de Durbin-Watson. Cette situation est le signe d'une relation fallacieuse, parce que l'on peut montrer que, dans une régression fallacieuse, la statistique R-carré converge vers une variable aléatoire, tandis que la statistique de Durbin-Watson converge vers zéro (pour une discussion relativement non technique, voir Granger, 2001). Les statistiques de Durbin-Watson et du R-carré issues des modèles en différence et en niveau (logarithmique) sont représentées graphiquement aux figures 18 et 19, respectivement. Les équations en niveau donnent une valeur de R-carré élevée et une valeur de la statistique de Durbin-Watson faible, ce qui les fait paraître fallacieuses, et corrobore l'argument de Tatom (1991a, 1993) voulant que les régressions en niveau ne fournissent pas d'inférence adéquate.

Les équations en différence logarithmique donnent une statistique de Durbin-Watson dont la valeur est proche de deux en moyenne, ce qui fait penser que, si la corrélation sérielle est peut-être un problème pour des industries particulières, elle n'est pas préoccupante dans l'ensemble. Les équations en différence logarithmique sont caractérisées par une statistique R-carré plus faible que les équations en niveau et, pour un certain nombre d'industries, les régressions expliquent une part minime de la variation de la variable dépendante.

Figure 18
Histogrammes de la statistique D de Durbin-Watson

Figure 19
Histogrammes de la statistique R-carré

Les données laissent entendre que les estimations de la fonction de coût en différence logarithmique sont plus appropriées que les équations en niveau. Quand on tient compte de la tendance stochastique, les estimations de la réduction des coûts marginaux paraissent robustes aux erreurs de spécification de la tendance, ont un ordre de grandeur qui concorde avec les estimations antérieures calculées pour le Canada et correspondent à une estimation statistiquement valide obtenue à partir de la fonction de production. De surcroît, pour la forme fonctionnelle choisie, les moyennes simples et pondérées par le PIB nominal des estimations de la réduction des coûts marginaux sont comprises dans les intervalles de confiance calculés d'après toutes les estimations fondées sur la fonction de production.

Qu'indique la fonction de coût?

Les estimations fondées sur la fonction de coût donnent à penser que les ajouts de capital public au cours du temps réduisent les coûts privés. L'effet diffère considérablement d'une industrie à l'autre, les industries productrices de biens ayant tendance à bénéficier de réduction des coûts, tandis que les industries de services ne ressentent qu'un effet minimal.

Il est important de souligner que la façon dont le capital public est mesuré ici influence les résultats. Seules les industries qui paient pour des services de transport, lesquelles ont tendance à être les industries productrices de biens, semblent utiliser l'infrastructure publique. Les industries de services utilisent également cette infrastructure, mais elles bénéficient de la densité des milieux urbains et des effets d'agglomération qui ne sont pas reflétés par les coûts de transport. Les industries de services profitent donc indirectement, plutôt que directement, de l'infrastructure publique.

Néanmoins, les estimations d'après la fonction de coût donnent des résultats semblables à ceux obtenus antérieurement pour le Canada. La réduction moyenne des coûts attribuable au capital public pour le secteur des entreprises présentée ici est d'environ 0,11 quand on utilise le PIB nominal comme coefficient de pondération et l'approche privilégiée de la différence logarithmique. L'élasticité serait de -0,08 si l'on utilisait l'équation en niveau logarithmique et que l'on ne faisait aucune correction pour tenir compte des observations aberrantes. Cette dernière valeur est comparable à la réduction de coût de 0,06 attribuable au capital public pour le secteur des entreprises publiée par Harchaoui et Tarkhani (2003) où ils ont utilisé les ensembles de données au niveau de l'industrie et les équations en niveau logarithmique, et ils ont estimé l'impact du capital public directement en utilisant une fonction de coût partiel plutôt que total, comme nous l'avons fait ici.

 

4. Harchaoui (1997), ainsi que Harchaoui et Tarkhani (2003) utilisent des bases de données intérieurement cohérentes élaborées à Statistique Canada. Brox et Fader (2005) utilisent leurs propres séries de données économiques chronologiques pour l'analyse.

5. La moyenne pondérée de la croissance de la productivité mutifactorielle (PMF) sur l'ensemble des industries est plus faible que la moyenne non pondérée, quelle que soit la méthode d'estimation appliquée.

  Niveau logarithmique Différence logarithmique
MCO MCR MCO MCR
PIB nominal, moyenne pondérée de la croissance de la PMF -0,27 -0,42 -1,05 -1,29

Nota : PIB signifie produit intérieur brut; MCO signifie moindres carrés ordinaires; et MCR signifie moindres carrés repondérés.

6.Du côté des coûts, la PTF reflète la mesure dans laquelle les hausses des prix des facteurs de production ne sont pas transmises dans les coûts unitaires.