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  1. Introduction
  2. Produit intérieur brut réel et revenu intérieur brut réel
  3. Parités de pouvoir de production et parités de pouvoir d'achat
  4. Différences internationales entre les pratiques
  5. Calculs empiriques pour les années de référence
  6. Extrapolation et interpolation
  7. Résultats empiriques
  8. Décomposition des facteurs de croissance
  9. Rétropolation historique des parités de pouvoir d'achat
  10. Conclusion
  11. Glossaire

1   Introduction

Deux moyens peuvent être utilisés pour faire des comparaisons internationales portant sur des estimations du revenu tirées des programmes de comptabilité nationale de divers pays. Chacun requiert un déflateur distinct afin de convertir les mesures de la valeur monétaire de la production (ou du revenu produit) exprimées en diverses devises (dollars, livres sterling, euros) en mesures du volume relatif de production (parfois appelé valeur ajoutée « réelle ») ou revenu relatif réel. Ces déflateurs sont appelés parité de pouvoir d'achat (PPA) et parité de pouvoir de production (PPP).

Des programmes peuvent être conçus afin de mesurer les PPA ou les PPP. La mesure requise dépend du but de l'analyse.

Les indices de PPA sont utilisés pour comparer les niveaux de revenu réel de divers pays sur la base de leur capacité à acheter des biens et des services. Les PPA peuvent être comparées grâce à la déflation des niveaux relatifs du revenu nominal (souvent associé au produit intérieur brut [PIB]) à l'aide des indices de prix tirés des prix de la dépense intérieure finale (consommation primaire, investissement et dépenses publiques). Lorsque les prix intérieurs sont substitués au prix intérieurs et extérieurs dans le calcul du revenu réel, la mesure qui en résulte est ce qu'on appelle le revenu intérieur brut (RIB).

Les indices de PPP sont également utilisés en vue de comparer les estimations réelles entre pays. Les PPP servent à examiner les phénomènes liés à la production, c'est-à-dire les différences de capacité qu'ont les pays de produire (par opposition à consommer) des biens et des services. Les comparaisons des PPP utilisent les estimations relatives du PIB réel. Exprimé en valeur nominale, le PIB est égal au revenu généré par l'activité de production. Si l'on se fonde sur le PIB pour comparer le volume de production entre pays, il faut se servir d'un déflateur qui compare les prix de la production, et non les prix des dépenses.

Dans un monde où aucun échange n'a lieu entre les pays, les PPA et les PPP sont les mêmes, puisque les marchandises qui sont produites dans un pays sont celles qui y sont consommées. Par contre, dans un monde où ont lieu des échanges, les prix des marchandises produites ne doivent pas nécessairement correspondre aux prix des marchandises consommées.

Dans le présent document, nous examinons les différences entre les mesures des PPA et des PPP pour le Canada relativement aux États-Unis, détaillons les différences entre les deux et discutons des problèmes que pose l'estimation. Nous soutenons que l'exactitude des deux types d'estimations diffère considérablement et que, pour des raisons pratiques ayant trait à la qualité du produit, tout programme de calcul des PPA et des PPP doit se concentrer avant tout sur les PPA.

2   Produit intérieur brut réel et revenu intérieurbrut réel

Avant de discuter des parités de pouvoir d'achat (PPA) et des parités de pouvoir de production (PPP), nous examinons les différences entre les déflateurs utilisés pour produire des estimations temporelles du produit intérieur brut (PIB) « réel » et du revenu intérieur brut (RIB) « réel », parce que, selon nous, il existe un parallèle étroit quand il s'agit de produire des estimations internationales des PPA et des PPP.

Le calcul d'une estimation du PIB réel se fait en éliminant l'effet des variations des prix sur la production intérieure. Ceci se fait en se servant du déflateur du PIB.

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Comme le produit et le revenu sont équivalents dans le Système de comptabilité nationale, nous obtenons une mesure qui peut être considérée à la fois comme une mesure de la production et une mesure du revenu « réel ». Si elle est utilisée comme mesure des variations du revenu réel au fil du temps, elle reflète les variations du volume de production. Les variations des termes de l'échange qui résultent de diverses fluctuations des prix des exportations et des importations sont traitées comme des effets de prix qui n'ont aucune influence sur la croissance du revenu réel. Le revenu réel est mesuré ici uniquement en fonction des prix des produits et ses variations sont par conséquent associées aux mouvements liés à la fonction de production de l'économie.

Par contre, les variations du RIB réel sont obtenues en effectuant la déflation des variations de la valeur nominale du revenu au moyen d'un indice des prix qui dépend uniquement des prix des dépenses intérieures. Nous obtenons ainsi une mesure de la variation du revenu réel qui est associée à la courbe d'utilité du pays (Kohli, 2004). Les mesures des variations du RIB réel tiennent compte de l'effet des variations de la production ainsi que des variations des prix relatifs des exportations, par opposition aux importations, sur cette mesure du revenu réel au cours du temps.

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La différence entre les variations d'une mesure du revenu réel obtenue en utilisant les prix de la production intérieure et celles d'une mesure du revenu réel obtenue en utilisant les prix des dépenses intérieures est due à ce que l'on appelle un gain d'échange et est principalement le résultat des variations des termes de l'échange (la différence entre les variations des prix à l'importation et des prix à l'exportation) 1 . Ce gain se produit parce que les variations des prix relatifs des exportations et des importations causent des augmentations (ou des diminutions) potentielles de ce qu'un pays peut acheter sur les marchés internationaux sous forme d'importations grâce à ses exportations. Les gains d'échange ont un effet de volume qui influe sur l'absorption intérieure réelle. Durant les périodes où les variations des termes de l'échange sont grandes, d'importantes différences s'observent entre les mesures du PIB réel et du RIB réel. Parmi les pays développés, les variations du gain d'échange sont des sources importantes de croissance de la consommation et de l'investissement 2 .

Les variations des termes de l'échange peuvent être assez importantes. De 2002 à 2008, les prix des marchandises ont augmenté fortement sur les marchés internationaux. Au Canada, cela a entraîné une hausse importante des prix à l'exportation, ce qui a contribué à l'appréciation du dollar canadien relativement à la devise américaine et à la baisse des coûts à l'importation. Par conséquent, les termes de l'échange du Canada ont augmenté rapidement (graphique 1). Aux États-Unis, la hausse des prix des marchandises, particulièrement ceux de l'énergie, a réduit les termes de l'échange.

La grandeur des variations des termes de l'échange influence la rapidité avec laquelle les mesures du revenu réel progressent au cours du temps par rapport au PIB. Le PIB réel et le RIB réel traitent les termes de l'échange de deux façons fondamentalement différentes. Les calculs du PIB réel partent de l'hypothèse que les termes de l'échange sont un effet de prix, tandis que ceux du RIB réel partent de l'hypothèse qu'ils sont un effet de volume. Il en résulte que lorsque les termes de l'échange d'un pays s'améliorent, la croissance de son RIB réel s'accélère par rapport à celle de son PIB réel.

La différence de traitement des termes de l'échange entre le PIB réel et le RIB réel provient des différences de traitement des prix à l'importation et à l'exportation dans leurs déflateurs respectifs. Le déflateur du PIB s'appuie sur des indices distincts des prix à l'importation et des prix à l'exportation, ce qui permet de suivre l'évolution de la fonction de production d'un pays en se concentrant uniquement sur le volume de production. Cette méthode est celle qui doit être adoptée pour examiner les variations de la productivité. Le déflateur du RIB s'appuie sur le même indice des prix, ici le déflateur des dépenses intérieures finales Image, pour les exportations ainsi que pour les importations. Il en résulte que les variations des prix relatifs entre les exportations et les importations ne sont pas éliminées de la mesure du revenu réel par la déflation. Ceci permet au RIB de suivre les fluctuations du pouvoir d'achat du revenu intérieur généré. Cette approche est celle qui est appropriée pour mesurer l'absorption intérieure et faire des comparaisons internationales du bien-être basées sur des mesures des dépenses. Choisir le déflateur appliqué au terme des exportations nettes comme déflateur implicite tiré des dépenses intérieures permet de mesurer les accroissements du revenu réel imputables à trois facteurs, à savoir les variations de la production intérieure, des termes de l'échange et du taux de change réel (rapport des prix des biens non échangeables à ceux des biens échangeables).

Pour le calcul des PPA qui doivent servir à l'estimation du pouvoir d'achat relatif du revenu de divers pays, un raisonnement comparable dicte que le déflateur doit être produit en se fondant sur les dépenses intérieures finales. Dans le cas des estimations pour l'année de référence, le calcul des niveaux doit se fonder sur un concept de RIB réel. Le RIB réel est calculé en utilisant un déflateur pour les dépenses de consommation (C), de l'investissement total (I), des dépenses publiques (G) et des stocks. Aucun prix des exportations ou des importations n'est nécessaire. La comparaison des niveaux se fonde uniquement sur les prix relatifs des biens et services vendus sur les marchés intérieurs.

Dans le cas de l'estimation des PPP, le calcul des niveaux doit se fonder sur un concept de PIB réel, ce qui requiert le calcul des prix relatifs des marchandises, soit des sorties nettes ou des entrées intermédiaires, ou pour C, I, G, les stocks, les exportations (X) et les importations (M).

3   Parités de pouvoir de production et paritésde pouvoir d'achat

La différence entre les indices de prix utilisés pour estimer les parités de pouvoir d'achat (PPA) par opposition aux parités de pouvoir de production (PPP) se réduit à une différence de traitement des prix des marchandises échangées. Pour une marchandise i, et deux pays j et k, le prix relatif pour un produit particulier peut être représenté par : 

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Une fois qu'un grand nombre de Image ont été calculées par produit, la théorie des indices peut être utilisée pour agréger les prix relatifs par produit en une PPA globale ou une PPP globale. Sous leur forme bilatérale, les PPA et PPP agrégées du revenu peuvent s'écrire : 

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Image représente le poids du ie produit. L'ensemble de marchandises utilisées diffère dépendamment de la nécessité d'utiliser une parité de pouvoir d'achat ou une parité de pouvoir de production. En pratique, les prix relatifs individuels pour une année particulière (l'année de référence) sont agrégés en catégories de dépenses, puis pondérés pour obtenir une estimation globale utilisée pour effectuer la déflation des revenus nominaux en vue de produire une mesure du revenu réel relatif pour l'année de référence. Les calculs pour l'année de référence sont faits selon une approche ascendante qui est fondée sur les produits individuels et donne les estimations pour le revenu global, ainsi que, potentiellement, pour les composantes individuelles des dépenses et également des industries.

Si l'on souhaite obtenir une mesure des PPP qui représente la différence entre les niveaux de production, le calcul approprié pour une comparaison internationale s'appuie soit sur les sorties brutes et les entrées intermédiaires en calculant la valeur ajoutée, soit sur les prix des exportations et des importations, lesquels sont examinés séparément.

La méthode qui est préférable est le calcul de la valeur ajoutée en vue de produire les PPP se fondant sur l'équation standard du produit brut moins les entrées intermédiaires : 

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En supposant que les prix de chaque produit et entrée peuvent être établis dans les deux pays, la PPP est égale à la différence entre les indices de prix relatifs du produit brut et des entrées intermédiaires, où les poids dépendent de l'indice utilisé : 

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Baldwin, Gu et Yan (2008) suivent cette approche pour estimer une PPP entre le Canada et les États-Unis.

Peut aussi être utilisée une équation du PIB fondé sur les dépenses. En supposant qu'un indice additif peut être utilisé pour représenter la PPP, celle-ci peut s'écrire : 

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Si l'on souhaite calculer une PPA qui représente la différence d'absorption intérieure (c.-à-d. le pouvoir d'achat), un déflateur commun doit être utilisé pour les flux des échanges : 

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On trouve dans la littérature des raisons qui justifient le choix du déflateur basé sur les dépenses intérieures finales comme déflateur commun pour les exportations ainsi que les importations 3 . L'utilisation de ce déflateur permet de décomposer les écarts entre les mesures en volume du PIB et du RIB en deux termes faciles à interpréter (Kohli, 2004; Macdonald, 2007a, 2007b; Reinsdorf, 2008). Le premier provient des gains d'échange qui résultent de l'accroissement du potentiel de consommation dû aux variations des termes selon lesquels les exportations peuvent être échangées pour des importations. Le deuxième correspond au gain réalisé grâce aux variations du « taux de change réel », c'est-à-dire le ratio du prix des biens non échangeables à celui des biens échangeables, gain qui se traduit également par un accroissement potentiel de l'ensemble de marchandises de consommation et d'investissement qui peut être acheté.

Les PPP reflètent les différences internationales de capacité productive d'un pays, tandis que les PPA reflètent les différences de capacité d'absorption d'un pays. Dans le cas des petites économies ouvertes, la différence peut être importante, particulièrement si (comme au Canada) elles dépendent de types particuliers d'exportations (comme les produits énergétiques), dont les fluctuations des prix diffèrent considérablement de celles des prix des importations.

4   Différences internationales entre les pratiques

Il est important de comprendre la différence entre le concept de parité de pouvoir d'achat (PPA) et celui de parité de pouvoir de production (PPP), parce que ces deux déflateurs ne sont pas calculés de la même façon : ils produisent des mesures différentes du volume réel pour les comparaisons entre pays. Les différents termes parfois utilisés dans les discussions ont des sens à la fois similaires et différents.

L'établissement d'un ensemble complet de comptes nationaux comprend le calcul de mesures de l'activité économique selon trois méthodes qui, en équilibre, donnent la même estimation nominale de l'activité économique globale. L'approche de la production consiste à mesurer le PIB par sommation de la valeur ajoutée (différence entre la production brute et les dépenses intermédiaires) produite par les industries institutionnelles résidentes du pays. L'approche des dépenses consiste à totaliser toutes les dépenses finales (consommation, investissement, etc.) engagées par les secteurs institutionnels résidents du pays. L'approche du revenu consiste à additionner tous les revenus des facteurs primaires gagnés par les secteurs institutionnels résidents du pays qui participent à la production intérieure. En valeur nominale, la production, les dépenses et le revenu devraient toujours être égaux, même s'ils sont le résultat de méthodes assez différentes de mesure de la valeur ajoutée totale du système de production. En conséquence, les discussions des concepts de revenu national comme la valeur du revenu, ou des dépenses ou de la production se réfèrent souvent à ces trois de façon interchangeable. Mais quand une mesure du volume est produite pour capturer les variations corrigées de l'inflation, ces notions sont associées à des déflateurs tout à fait différents et produisent des mesures différentes de volume. Et c'est à ce niveau que les mesures ne sont pas nécessairement synonymes. C'est lorsque les discussions de revenu ne font pas suffisamment la distinction entre les concepts de valeur et de volume que surviennent les malentendus.

Il arrive qu'un organisme responsable de la production des PPA et des PPP oscille par inadvertance entre les diverses significations attribuées par les comptables nationaux au revenu (production, dépenses ou au revenu). Ces termes sont parfaitement synonymes s'ils sont exprimés en valeur nominale, mais différents lorsque l'on a affaire à des mesures de volume.

Le Methodological Manua of Purchasing Power Parities de l'Eurostat et de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE, 2006, p. 26) souligne que le but de la création des déflateurs (ce qu'on appelle les déflateurs de pouvoir d'achat) utilisés dans les études entre pays consiste à produire des statistiques pour comparer [traduction] « ... les différences de volumes de biens et services produits [italiques ajoutées] dans les pays. En tant que tel, ces déflateurs sont des mesures réelles et des mesures de volume ». L'OCDE exige donc des déflateurs de pouvoir de production et non pas des déflateurs de pouvoir d'achat. Renforçant cet objectif, le Manuel (p. 33) insiste sur le fait que les mesures sont destinées à [traduction] « faire des comparaisons spatiales du PIB en volume (taille des économies), du PIB par habitant (bien-être économique) et du PIB par heure travaillée (productivité du travail) ». Les mesures de la production réelle sont pertinentes à la comparaison de la taille économique et de la productivité même si elles ne peuvent servir à des fins de comparaison de bien-être économique fondé sur une capacité de consommer et d'investir dans des biens matériels. Le RIB relatif est pertinent à des comparaisons de bien-être parce que le RIB réel et le bien-être économique ne dépendent pas seulement du volume de la production, mais également du volume de biens et de services qui peuvent être achetés à la suite de l'échange.

La mesure des parités utilisée par l'Eurostat et l'OCDE s'appuie sur le taux de change pour permettre la détermination du prix relatif des biens importés et des biens exportés, selon l'hypothèse que la loi du prix unique des biens échangés est vérifiée. Accepter cette hypothèse qu'un prix unique peut être utilisé pour effectuer la déflation des exportations et des importations signifie que les estimations de l'OCDE s'approchent du concept de PPA, et ce, parce qu'en pratique cette méthode signifie que la composante de la balance commerciale dans l'équation (8) se réduit à un terme propre à l'indice de PPA, soit les exportations nettes divisées par un prix unique, dans ce cas-ci, le taux d'échange. Une PPA sous ce format n'est pas exactement équivalente à celle qui serait fondée sur le prix relatif des dépenses finales appropriées. Néanmoins, lorsque le taux d'échange suit de près le ratio du prix des dépenses intérieures, la PPA de l'Eurostat et de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) pourrait ne pas être très différente du ratio qui, selon nous, devrait être utilisé pour estimer la PPA.

Contrairement à la pratique de l'Eurostat et de l'Organisation de coopération et de développement économiques (l'OCDE), d'autres membres de la communauté internationale soutiennent que les parités sont destinées à permettre des comparaisons, non pas de la capacité productive, mais des niveaux de « bien-être » 4 . La Banque mondiale (2004, p. 6) déclare que [traduction] « les parités conviennent avant tout et par-dessus tout pour comparer les niveaux de bien-être, raison pour laquelle elles sont utilisées pour mesurer la pauvreté mondiale ».

À notre avis, la Banque mondiale 5  fait implicitement référence à un concept plus étendu que simplement le volume des biens produits, puisqu'elle définit explicitement le bien-être comme dépendant du [traduction] « flux de biens et services dont disposent les pays pour contribuer à leur bien-être économique », lequel dépend du taux auquel les exportations peuvent être échangées pour des importations.

Le World Factbook du Central Intelligence Agency adopte la même position, décrivant le PIB corrigé par les PPP comme [traduction] « ... la mesure privilégiée par la plupart des économistes pour examiner le bien-être par habitant et pour comparer les conditions de vie ».

Ce concept de bien-être est étroitement associé aux écarts entre les courbes de dépenses et non de production. La Banque mondiale mentionne précisément le besoin de comparer les niveaux de dépenses de consommation entre les pays, mais parsème ses admonestations de la notion que les dépenses totales doivent aussi être prises en considération afin de comparer les niveaux de bien-être. Cette tendance à interchanger les concepts de production et de dépenses se manifeste aussi dans le manuel de l'Eurostat et de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE, 2006, p. 2–3), quand l'accent est mis sur le fait que les parités peuvent être utilisées pour comparer les dépenses : [traduction] « Les parités sont utilisées pour convertir les dépenses finales nationales concernant les groupes de produits, les agrégats et le PIB de divers pays en dépenses finales réelles ». Cette façon de s'exprimer est malheureuse, en ce sens que les comparaisons des dépenses réelles et de la production réelle requièrent l'utilisation de déflateurs différents, comme nous l'avons soutenu plus haut.

Alors que la Banque mondiale utilise un langage plus en harmonie avec le concept de RIB réel, sa mesure concorde avec la formule utilisée par l'Eurostat et l'OCDE. Comme nous l'avons soutenu plus haut, la mesure qui reflète le mieux les différences d'absorption potentielle est celle qui s'appuie sur le déflateur des dépenses finales pour la balance commerciale nette 6 .

En résumé, l'Eurostat et l'OCDE décrivent leur programme comme un système qui mesure la parité de pouvoir d'achat, mais soutiennent qu'ils souhaitent produire une estimation de la parité du pouvoir de production et font ensuite l'utilisation d'un indice qui se rapproche d'un déflateur de pouvoir d'achat. La Banque mondiale soutient qu'elle souhaite un concept de pouvoir d'achat, mais adopte une méthode similaire à la mesure utilisée par l'Eurostat et l'OCDE pour générer ses déflateurs de pouvoir de production. Comme on l'a souligné plus haut, la confusion est résolue en adoptant le concept de revenu approprié et en l'utilisant pour générer l'estimation de parité qui convient à la finalité envisagée.

5   Calculs empiriques pour les années de référence

Aux deux sections qui suivent, nous discutons des problèmes pratiques que pose l'estimation des parités de pouvoir d'achat (PPA). Les PPA sont souvent calculées pour des années de référence particulières (valeurs repères), puis projetées jusqu'à la période suivante 7 . Divers problèmes se posent en ce qui concerne les calculs des valeurs pour les années de référence et des projections.

Le calcul des deux mesures de parité (PPA et PPP) pour les années de référence impose des fardeaux différents au système de mesure statistique. L'utilisation d'ensembles de dépenses intérieures est simple, car il est possible d'employer les données sur les prix des marchandises dont se servent continuellement le programme des prix à la consommation et le programme de l'investissement et du stock de capital. Obtenir des données de qualité raisonnable pour les différents pays est assez simple, puisqu'existent normalement des enquêtes de consommation et d'investissement basées sur des techniques d'échantillonnage représentatif qui fournissent des données de qualité acceptable, bien qu'il soit difficile de faire correspondre les produits d'un pays à ceux de l'autre si les ensembles de produits de consommation ou d'investissement diffèrent. 8 

Le passage d'une mesure de la PPA à une mesure de la PPP requiert des renseignements supplémentaires sur les prix relatifs des exportations et des importations ou, si les parités de pouvoir de production sont calculées au niveau de l'industrie, sur les prix de production et des entrées au niveau de l'industrie.

Les données requises pour transiger avec les prix des importations et des exportations ou les comparaisons entre pays des prix détaillés des biens et services produits et des entrées au niveau de l'industrie sont moins susceptibles d'être recueillies pour les systèmes statistiques nationaux. De ce fait, les efforts pour générer les estimations de la parité de pouvoir de production tentent de surmonter ce problème dans l'une des deux façons.

5.1  Approches fondées sur l'industrie pour estimer les parités de pouvoir de production

La première approche pour le calcul des parités de pouvoir de production utilise les prix des marchandises produites et des entrées de certaines industries pour créer des déflateurs de la production de l'industrie (valeur ajoutée). Cette approche ne nécessite pas de mesure directe des répercussions pour les exportations et les importations, étant donné qu'elle utilise les prix moyens reçus pour la production intérieure et les entrées intérieures du processus de production.

Un de ces ensemble d'études estime les parités de pouvoir de production à partir des données sur les marchandises provenant directement des enquêtes auprès des entreprises. On a eu recours à cette méthode principalement dans le secteur de la fabrication, où les organismes statistiques recueillent depuis longtemps les données détaillées des entreprises sur les marchandises produites et sur les entrées, ainsi que leurs prix, afin que les prix marchandises puissent être directement liés à la production de l'industrie. La méthode de la valeur unitaire (VU) repose sur des valeurs unitaires calculées à partir des données sur les marchandises recueillies dans le cadre des enquêtes sur les entreprises de fabrication dans différents pays. Les prix unitaires sont calculés en divisant la valeur des livraisons de certaines marchandises par le nombre d'unités matérielles produites de ces mêmes marchandises. Étant donné que ces valeurs sont calculées directement à partir des livraisons des usines déclarées dans les enquêtes, qui servent à calculer la production de l'industrie à partir des activités des entreprises visées par l'enquête, elles ont comme avantage que le prix dérivé s'applique directement à la production.

Cette approche a été utilisée pour comparer la productivité du secteur de la fabrication au Canada et aux États-Unis par West (1971) pour 1963, par Frank (1977), ainsi que par Baldwin et Green (2009), pour les années 1920.

La même technique a été utilisée de façon exhaustive pour étudier les différences de productivité entre les pays d'Europe et les États-Unis (Paige et Bombach, 1959). Des recherches effectuées par le National Institute for Economic Research ont permis de comparer la Grande-Bretagne aux États-Unis et à l'Allemagne (Smith, Hitchens et Davies, 1982; O'Mahoney, 1992). D'autres travaux de recherche émanant du Groningen Growth and Development Centre (voir Maddison et van Ark, 1988; van Ark, 1992) ont permis d'étudier les différences entre un certain nombre de pays d'Europe.

Il existe plusieurs problèmes liés à la technique de la VU. L'un d'eux a trait au type de données sur les marchandises qui sont utilisées et aux différences entre les pays dans la répartition des marchandises produites par les industries. Les valeurs unitaires sont souvent calculées pour des catégories qui sont relativement larges et qui peuvent comporter un ensemble de marchandises hétérogènes. Du fait de ce problème, les comparaisons entre les pays sont souvent limitées à un ensemble d'industries qui produisent un ensemble relativement homogène de marchandises. Les prix du blé et de la farine, par exemple, sont plus faciles à comparer que la vaste gamme de produits chimiques, du fait des différences substantielles qui existent entre les pays dans le type de marchandises produites.

De nombreuses études internationales de la VU se heurtent aussi au problème lié aux différences de codage des marchandises dans les pays comparés. Par conséquent, il est difficile d'apparier des marchandises similaires. On doit aussi tenir compte des différences de qualité découlant de sources secondaires, comme les différences dans les unités de mesure. Lorsqu'on utilise les gallons, il peut s'agir de gallons impériaux ou de gallons américains. Les tonnes peuvent être des tonnes anglaises ou des tonnes américaines. Il existe même des différences entre les mesures normalisées des briques d'un pays à l'autre.

Par suite des problèmes liés à la recherche d'industries dont les marchandises peuvent être facilement comparées, de nombreuses études des industries de divers pays se limitent à une poignée d'industries. Par exemple, une comparaison Canada-États-Unis effectuée par West (1971) n'a utilisé que 30 des près de 100 industries manufacturières au niveau à trois chiffres pour lesquelles il semblait y avoir des produits suffisamment homogènes pour permettre des comparaisons. Frank (1977) n'a étudié que 33 industries. La comparaison du Canada et des États-Unis effectuée par de Jong, en 1996, reposait sur un appariement d'environ 27 % seulement de la production totale du Canada pour le calcul de la valeur unitaire relative au Canada et aux États-Unis (van Ark et Timmer, 2001, p. 12). Baldwin et Gorecki (1986) élargissent l'ensemble d'observations pour les comparaisons dans les années 1980 en modélisant les prix canadiens en fonction des prix américains et des tarifs canadiens pour les industries dans lesquelles des comparaisons raisonnables de prix peuvent être effectuées, puis en appliquant ces estimations à d'autres industries, à partir de taux tarifaires.

Une autre approche pour l'estimation des parités de pouvoir de production utilise les données sur les marchandises des tableaux d'entrées-sorties. Les données sur les prix des marchandises tirées des catégories de dépenses qui sont recueillies au moyen des programmes de parité des pouvoirs d'achat sont mises en correspondance avec les matrices de sorties de marchandises des tableaux d'entrées-sorties, en vue de produire des prix moyens qui peuvent servir à créer des parités de pouvoir de production moyennes pour les sorties de marchandises de deux pays. Une méthode similaire est utilisée pour produire un déflateur d'entrée de marchandises. Lorsqu'elles sont combinées, ces deux mesures fournissent un déflateur agrégé de la valeur ajoutée (mesure de la production au niveau de l'industrie) 9 .

Jorgenson et Kuroda (1990) utilisent les prix relatifs des marchandises et les tableaux d'entrées-sorties, qui combinent des données sur l'industrie et sur les marchandises, pour calculer des mesures des prix qui peuvent être utilisées pour les sorties et les entrées au niveau de chaque industrie. Lee et Tang (2001) ont procédé au même exercice pour le Canada en 1995 et ont utilisé 201 prix relatifs de marchandises et les ont appariés le mieux possible à environ 249 groupes de marchandises communes, mais différentes, dans les tableaux d'entrées-sorties.

Cette approche se heurte au même problème que celui de la VU. Tout d'abord, ce ne sont pas toutes les catégories de marchandises des tableaux d'entrées-sorties qui comportent un prix apparié à partir des données sur les prix des dépenses, d'abord parce que le nombre de prix recueillis dans le cadre des programmes de parité des pouvoirs d'achat n'est pas important et, en deuxième lieu, parce que ces programmes sont axés sur les dépenses finales et comportent par conséquent peu d'entrées intermédiaires.

Ces problèmes signifient que les estimations ponctuelles courantes des parités de pouvoir de production sont probablement moins précises que les estimations des parités des pouvoirs d'achat.

5.2  Approche des dépenses

En deuxième lieu, si l'on utilise l'approche fondée sur les dépenses, on a recours à une hypothèse concernant le prix relatif des marchandises d'importation et d'exportation. Par exemple, Hooper (1996) et le manuel de l'Eurostat et de l'OCDE supposent que la loi du prix unique est vérifiée, c'est-à-dire que le prix à l'importation d'un bien étranger se convertit en un prix intérieur en appliquant le taux de change.

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L'estimation qui en résulte déviera de la parité des pouvoirs d'achat correcte, dans la mesure où l'hypothèse concernant les répercussions du taux de change est incorrecte.

5.2.1  Hypothèse des répercussions du taux de change

Selon la Princeton Encyclopedia of the World Economy (2009, p. 377–378) [traduction] : 

« Les répercussions du taux de change peuvent être définies comme le niveau de sensibilité des prix des importations à une variation d'un point de pourcentage des taux de change de la nation qui importe. Il existe un terme étroitement lié, à savoir la fixation des prix en fonction du marché, qui se rapporte au comportement en matière d'établissement de prix des entreprises qui exportent leurs produits vers un marché, par suite d'une variation du taux de change. De façon plus précise, la fixation des prix en fonction du marché est définie comme la variation en pourcentage des prix dans la devise de l'exportateur attribuable à une variation de 1 % du taux de change. C'est donc dire que plus la fixation des prix en fonction du marché est importante, plus les répercussions du taux de change sont faibles. »

« À une extrémité, si les prix des importations varient dans la même proportion que le taux de change, on assiste à des répercussions complètes et, par conséquent, à l'absence de fixation des prix en fonction du marché. À l'autre extrémité, si les exportateurs rajustent les prix dans leur propre devise dans la même proportion que la variation du taux de change, mais dans la direction contraire, on assiste à une fixation complète des prix selon le marché, mais à des répercussions faibles ou nulles de la variation du taux de change sur les prix du marché de destination. De façon générale, si les exportateurs modifient les prix des exportations dans leur devise dans une proportion plus faible que le taux de change, les répercussions du taux de change sont considérées comme partielles ou incomplètes. »

Des études de la fixation des prix en fonction du marché ont été menées pour la période pendant laquelle le yen japonais s'est apprécié considérablement par rapport au dollar américain, soit de 1994 à 1995 (Goldberg et Knetter, 1997). Si le taux de change avait eu des répercussions, les acheteurs de produits japonais aux États-Unis auraient fait face à des augmentations substantielles des prix. Dans les faits, les prix des voitures japonaises vendues aux États-Unis n'ont augmenté que légèrement, et les prix de certains articles électroniques ont même diminué. Les entreprises japonaises qui exportent des produits aux États-Unis ont absorbé une part importante des variations du taux de change.

Un certain nombre d'autres études ont porté sur l'étendue et les déterminants des répercussions du taux de change, et sur le comportement correspondant en matière de fixation des prix en fonction du marché. Des sommaires se trouvent dans Menon (1995a), Goldberg et Knetter (1997), et Reinert et Rajan (2009).

Les recherches sur les répercussions du taux de change en général montrent que les prix des produits étrangers en devises locales ne réagissent pas complètement au taux de change. De façon plus particulière, les répercussions incomplètes sont un phénomène courant et répandu dans une vaste gamme de pays, et il existe des différences significatives dans le taux des répercussions d'un pays à l'autre. Les répercussions ont tendance à varier de façon assez significative entre les industries ou les catégories de produits.

Les répercussions moyennes du taux de change pour les États-Unis au cours de la période de 1973 à 2003 se sont établies à 0,42, ce qui signifie qu'une variation de 1 % de la valeur du dollar américain a entraîné une variation de 0,42 % des prix des importations américaines. Des conclusions similaires s'appliquent à d'autres pays de l'OCDE, la fluctuation moyenne ayant été de 0,64 au cours de la même période (Carbaugh, 2009).

L'expérience canadienne pour les divers cycles de taux de change a été étudiée par Schembri (1989), Kardasz et Stollery (1998, 2001) et Baldwin et Yan (2007, 2008). Schembri (1989) et Baldwin et Yan (2007) ont déterminé que les prix des exportateurs canadiens comportent une distinction entre le marché intérieur (canadien) et le marché américain, du fait qu'ils limitent les répercussions des variations du taux de change à leurs prix à l'exportation, et qu'ils préfèrent plutôt faire gonfler ou restreindre leur marge bénéficiaire au cours des divers cycles de taux de change.

5.2.2  Facteurs qui influent sur la taille des répercussions

Les explications théoriques des répercussions incomplètes ont fait ressortir le rôle de la structure du marché, de la différenciation des produits et de la segmentation du marché. Les degrés de substituabilité des biens canadiens et importés et le degré de distinction du marché déterminent le pouvoir des entreprises en matière d'établissement de prix et influent sur leur latitude à réagir aux variations du taux de change. Plus la différenciation des produits et l'intégration du marché est faible, plus les vendeurs sont en position de force sur le marché. Le degré des répercussions du taux de change semble être lié aux mesures de la concentration du marché, de la différenciation des produits et de la distinction du marché (Dornbusch, 1987; Sibert, 1992; Kardasz et Stollery, 2001; Feinberg, 1989; Bloch et Olive, 1999; Krugman, 1987; Knetter, 1989; Marston, 1990; Gagnon et Knetter, 1995).

Parmi les autres facteurs qui influent sur les répercussions figurent le coût de la variation des prix, la devise utilisée pour facturer les transactions entre les pays, et l'étendue des échanges à l'intérieur des entreprises dans les sociétés multinationales, ainsi que l'externalisation.

Le coût de la variation des prix a des répercussions sur la rapidité avec laquelle les répercussions des prix se font sentir après des variations des taux de change. Les types de coûts de transaction liés aux effets de l'établissement d'un nouveau prix et à ceux de la réputation, ainsi que les coûts irrécupérables liés à l'établissement d'un réseau de distribution et de service après vente, réduisent la rapidité avec laquelle les entreprises traversent ce qu'elles peuvent interpréter comme étant des fluctuations temporaires des taux de change (Frankel et Rose, 1995; Menon, 1995b; Kasa, 1992; Krugman, 1988; Dixit, 1989; Baldwin, 1988).

La devise utilisée pour la facturation influe sur le degré des répercussions du taux de change. Lorsque les exportations sont facturées dans la devise des importateurs, les variations du taux de change ont peu d'effets sur les prix des importations du pays importateur, ce qui entraîne de faibles répercussions du taux de change. Par ailleurs, lorsque les exportations sont facturées dans la devise des exportateurs, les variations du taux de change ont un plus grand effet sur les prix des importations dans le pays importateur, ce qui entraîne des répercussions plus grandes. Selon Carbaugh (2009), le dollar américain est la devise de facturation qui prédomine dans les pays non européens : les prix de 92,8 % des importations américaines et de 99,8 % des exportations américaines étaient exprimés en dollars américains au début des années 2000. L'utilisation de la devise américaine pour la facturation contribue à expliquer les répercussions partielles des variations du taux de change sur les prix des importations américaines. La fluctuation du dollar américain n'aura pas de répercussions sur les prix des importations aux États-Unis, à court terme au moins, le prix de ces biens importés demeurant fixé en dollars américains.

Les politiques qui sont utilisés par les sociétés multinationales pour l'établissement des prix à l'intérieur des entreprises peuvent aussi empêcher la transmission complète des variations du taux de change aux prix de vente sur les marchés individuels (Dunn, 1970; Menon, 1993; Menon, 1995a). Les prix de transfert entre les filiales de multinationales font l'objet d'un examen étroit par les responsables fiscaux et, par conséquent, les multinationales peuvent être lentes à les modifier par suite des mouvements des taux de change, parce que cela entraînera de nouvelles négociations prolongées avec les responsables fiscaux locaux.

Enfin, on prétend que les changements récents qui ont touché la structure économique, par suite de l'externalisation accrue à l'étranger, ont entraîné des répercussions encore moins grandes des taux de change (Athukorala et Menon, 1994; Campa et Goldberg, 1995; Turkcan, 2005; Hellerstein et Villas-Boas, 2009). L'externalisation a entraîné une baisse de la part des coûts engagés dans la devise du pays d'origine, ce qui atténue les répercussions du taux de change. Une dépréciation de la monnaie du pays exportant les produits finaux entraîne une augmentation du coût des entrées intermédiaires importées. L'augmentation des coûts des entrées fait augmenter les coûts des exportations et, par conséquent, atténue les répercussions du taux de change qui, autrement, entraînent des baisses des prix des exportations.

Tout cela laisse supposer que l'hypothèse générale selon laquelle les prix des exportations et des importations peuvent être traités essentiellement de la même façon d'un pays à l'autre (sauf pour ce qui est des corrections en fonction du taux de change) entraînera probablement une imprécision dans les estimations du pouvoir de production. Cela est particulièrement vrai dans le cas du Canada. Les données empiriques recueillies pour le Canada, qui comportent une comparaison des prix des dépenses et des prix des sorties de l'industrie au Canada et aux États-Unis, donnent à penser que la loi du prix unique n'est pas vérifiée à tous les points dans le temps, et peut même ne pas tenir, en moyenne, sur de longues périodes (Baldwin et Yan, 2004, 2007, 2008). Les microdonnées utilisées par les responsables des comptes nationaux pour estimer la variation du volume des exportations et des importations laissent aussi supposer que les prix des exportations et des importations ne se sont pas adaptés parfaitement aux variations des taux de change après 2002. En outre, les résultats obtenus par Baldwin et Yan (2004) laissent supposer que le niveau des prix au Canada-États-Unis varie au fil du temps. Cela signifie que les estimations des parités de pouvoir de production produites selon l'hypothèse d'une répercussion parfaite sont erronées et que leur exactitude peut varier au fil du temps quand les taux de change fluctuent considérablement, comme cela a été le cas au Canada récemment.

À la lumière de ces problèmes, si une hypothèse reliée au taux de change est émise, afin de produire une parité de pouvoir de production, il est peut-être souhaitable d'expérimenter avec d'autres hypothèses au sujet des répercussions des variations du taux de change (voir Hooper, 1996), afin de produire un ensemble d'estimations qui donne un intervalle de confiance que les utilisateurs peuvent employer dans leurs analyses.

6   Extrapolation et interpolation

À l'heure actuelle, la pratique de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) consiste à utiliser des déflateurs relatifs du produit intérieur brut (PIB) pour extrapoler les parités de pouvoir d'achat (PPA) au-delà de l'année de référence.

Ces extrapolations produisent des estimations qui nécessitent une révision importante lorsqu'arrive l'année de référence suivante et semblent donc être incohérentes au cours du temps. Il en est ainsi parce que les variations des mesures réelles des valeurs repères reflètent des variations du volume de production, ainsi que des variations très importantes des termes de l'échange. Bien que l'OCDE prétend mesurer les parité de pouvoir de production, elle mesure effectivement les parités de pouvoir d'achat.

Les termes de l'échange sont traités de manière fondamentalement différente dans les calculs de l'OCDE pour les années de référence et pour les extrapolations, comme nous le montrons plus bas : dans le calcul des valeurs repères pour les années de référence, les termes de l'échange sont considérés comme un effet de volume, tandis que dans le calcul des extrapolations, ils sont considérés comme un effet de prix.

Par conséquent, les estimations des PPA projetées à partir de l'année de référence à l'aide des fluctuations relatives des déflateurs du PIB peuvent différer considérablement de celles fondées sur l'année de référence, quand ont lieu des chocs des termes de l'échange.

Afin de comprendre pourquoi le système de projections courant produit des estimations des PPA qui doivent être radicalement révisées aux nouvelles années de référence, il est important de saisir la relation entre les déflateurs des prix qui sont appropriés à l'estimation du revenu intérieur brut (RIB) réel (concept de revenu réel) et ceux qui sont appropriés à l'estimation du PIB réel (concept de produit réel).

Afin d'extrapoler une valeur repère des PPA en utilisant les données des Comptes nationaux, il est nécessaire de produire des indices-chaînes en vue de projeter les années de référence. Nous utilisons la formule de Tornqvist pour illustrer le lien entre les deux indices, à savoir l'indice implicite du RIB et l'indice implicite du PIB. L'indice de Tornqvist a l'avantage d'être log-additif, ce qui signifie que les composantes de la décomposition peuvent être interprétées comme la contribution de chaque terme à la croissance de l'indice global. Diewert (1978) montre que l'indice de Tornqvist est équivalent à une approximation de deuxième ordre de l'indice idéal de Fisher, ce qui rend ses taux de croissance comparables aux agrégats de Fisher dans les comptes nationaux, à deux décimales près.

Définissons le logarithme de l'indice de projection des PPA de Tornqvist entre les périodes t et s comme étant la différence entre les indices des prix aux États-Unis et au Canada : 

où, pour Image biens ou services, Image

Le déflateur du PIB est calculé par sommation sur les N marchandises, tandis que le déflateur du RIB est calculé par sommation sur l'ensemble des marchandises intérieures.

En agrégeant les catégories de manière que les dépenses intérieures et les données sur les échanges soient traitées séparément, les variations du projecteur de PPA peuvent s'écrire : 

De la même manière, les variations du projecteur de PPP peuvent être exprimées comme la différence entre les variations du déflateur du PIB. Le projecteur de PPP peut aussi être considéré comme la moyenne pondérée des variations du projecteur de PPP et des variations des gains d'échange (c'est-à-dire les termes de l'échange) : 

Dans le cas du déflateur du PIB, les variations des prix relatifs imputables aux gains d'échange sont incorporées dans le déflateur. Par conséquent, une mesure de volume fondée sur un déflateur du PIB reflète les différences dans la production. Dans le cas du déflateur du RIB, le gain d'échange est traité comme une mesure de volume qui influence les dépenses réelles de l'économie intérieure. Il est interprété comme un rajustement de la production intérieure pour tenir compte des variations de pouvoir d'achat résultant des prix relatifs associés aux activités d'échange.

Dans le cas du programme bilatéral des PPA États-Unis-Canada, il existe deux objectifs. Le premier consiste à produire une mesure en dollars nominaux qui peut être utilisée pour comparer les niveaux de revenu par habitant. Le deuxième est de comparer la croissance relative du niveau de revenu réel entre le Canada et les États-Unis. Dans l'un et l'autre cas, il est nécessaire d'employer l'indice de PPA ou de PPP pour traduire les dollars canadiens en dollars américains. L'un des éléments essentiels de ce processus est le traitement cohérent des termes de l'échange.

Prenons, par exemple, une série de revenus nominaux au Canada relativement aux États-Unis : 

Sous cette forme, la comparaison est d'une utilité limitée, parce que le revenu nominal est mesuré dans chaque pays dans sa devise nominale respective. Si un déflateur de parité de pouvoir de production est utilisé pour convertir les prix canadiens en prix américains, la série résultante du revenu réel relatif équivaut aux variations de la production relative : 

Si le déflateur de la parité de pouvoir d'achat est employé pour convertir les dollars canadiens en dollars américains, les mesures de volume résultantes comprennent la production, ainsi qu'un effet provenant du gain d'échange : 

Lorsque le déflateur de la parité de pouvoir d'achat est employé, à mesure que les termes de l'échange du Canada s'améliorent, il en va ainsi de sa position relative par rapport aux États-Unis. De même, une amélioration des termes de l'échange des États-Unis augmente le revenu réel relatif de ce pays par rapport au Canada.

Puisque, à l'heure actuelle, les calculs pour l'année de référence s'appuient sur un type de concept de RIB qui donne un ensemble de volumes relatifs où la production et le gain d'échange influencent les revenus réels, le projecteur qui utilise le déflateur du RIB est l'indice approprié pour extrapoler les mesures de parité de pouvoir d'achat au cours du temps. Les extrapolations et les interpolations faites en se servant des déflateurs du PIB entre les années de référence (et de la dernière année de référence jusqu'aux données des Comptes nationaux publiées le plus récemment) aboutissent à un résultat hybride, parce que les termes de l'échange sont considérés de manière fondamentalement différente lorsqu'on produit les estimations pour les années de référence et les extrapolations : dans le premier cas, les termes de l'échange sont considérés comme un effet de volume, tandis que dans le second, ils sont considérés comme un effet de prix.

La méthode actuelle de projection des estimations des déflateurs des PPA à partir de la dernière année de référence jusqu'aux données des Comptes nationaux publiées le plus récemment mêle les déflateurs du RIB et du PIB. La série qui suit est utilisée comme déflateur des PPA bilatérales États-Unis-Canada : 

Cela nous mène à une comparaison des agrégats en volume déflatés qui relient et projettent l'absorption intérieure en utilisant les fluctuations de la production : 

Trois années après que l'extrapolation a été initialement produite, l'année de référence à t+3 est mise à jour. La mise à jour du calcul de l'année de référence utilise un concept de RIB plutôt que de revenu du PIB prévu pour remplacer le déflateur projeté de parité de pouvoir. À condition que les variations des termes de l'échange soient faibles, la liaison peut produire des résultats approximativement corrects pour la comparaison souhaitée à l'équation (15). Cependant, si ces termes varient considérablement d'une année de référence à l'autre, l'estimation pour la nouvelle année de référence ne sera pas approximativement égale à l'estimation projetée :  Image Les PPA nécessiteront par conséquent d'importantes révisions, parce qu'une méthode de projection inappropriée est utilisée pour les extrapolations intertemporelles.

7   Résultats empiriques

7.1  Niveau des parités de pouvoir d'achat selon la méthode de projection

À la présente section, nous fournissons des estimations de l'indice comparatif de pouvoir d'achat entre le Canada et les États-Unis en harmonie avec le concept du revenu intérieur brut réel (RIB) et nous le comparons aux estimations actuelles fondées sur la méthodologie élaborée conjointement par l'Eurostat et l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). La parité du pouvoir d'achat (PPA) est définie comme étant égale au quotient du prix américain par le prix canadien. Quand la PPA est égale à 1, un dollar américain achète aux États-Unis un ensemble de biens équivalent à celui qu'un dollar canadien achèterait au Canada. Si elle prend la valeur de 0,80, 80 cents seulement sont nécessaires aux États-Unis pour acquérir ce qu'un dollar canadien achèterait au Canada. Puisque la PPA estimée de cette façon est utilisée pour multiplier les ratios des dépenses en dollars canadiens à celles en dollars américains pour comparer le revenu réel, plus sa valeur est élevée, plus la situation est avantageuse pour les Canadiens.

Nous avons estimé le pouvoir d'achat pour 1999 fondé sur le concept du RIB réel, puis nous l'avons extrapolé et rétropolé en nous servant des estimations des prix relatifs des dépenses finales Canada-États-Unis de leurs comptes nationaux respectifs et avons représenté les résultats au graphique 2. Nous présentons les estimations numériques au tableau 1. Nous avons également porté en graphique les estimations produites selon la méthode d'estimation de l'Eurostat et de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Il est évident que nos estimations du pouvoir d'achat suivent de près les estimations actuelles calculées selon la méthode de l'Eurostat et de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), ce qui appuie l'observation que les indices actuels suivent de près les parités de pouvoir d'achat et non les parités de pouvoir de production.

Nous procédons également à l'extrapolation des estimations pour 1999 en utilisant les déflateurs relatifs du PIB conformément à la pratique actuelle qui consiste à projeter les parités entre les années repères. La trajectoire projetée pour les PPA bilatérales États-Unis-Canada après 2002 diffère considérablement selon la méthode de projections employée (graphique 2). La projection fondée sur le PIB révèle une tendance négative, ce qui sous-entend une diminution du pouvoir d'achat du Canada comparativement à celui des États-Unis à mesure que les termes de l'échange du Canada se sont améliorés au cours de la période postérieure à 2002. L'interprétation de cette tendance est que le Canada s'en tire moins bien que les États-Unis à mesure que les prix des produits énergétiques et non énergétiques augmentent. Le déflateur du RIB produit une tendance positive, ce qui implique que la hausse des prix des produits a accru le bien-être des Canadiens relativement à celui des Américains. Mais le fait important est que la nouvelle estimation repère pour 2005 s'approche de celle calculée d'après le déflateur du RIB, mais non de celle qui aurait été obtenue en utilisant le déflateur du PIB.

Certes, après 2002, les rajustements des termes de l'échange sont importants si l'on s'en tient aux normes historiques, ce qui fait de 2000 à 2008 une période inhabituelle. Les rajustements des termes de l'échange ont entraîné une correction importante de la composante des termes de l'échange de la projection de la parité du pouvoir de production (PPP) en créant des variations importantes de la composante des gains d'échange dans l'équation (11). Toutefois, parallèlement, la taille même des rajustements des termes de l'échange met en relief aussi bien le fait qu'il est difficile d'utiliser les déflateurs du PIB pour projeter les PPA que le fait que les techniques actuelles d'extrapolation ne reflètent pas les PPA puisque qu'elles font l'objet de très larges révisions aux années repères.

Nous avons également effectué des rétropolations à partir de 1999 en utilisant les déflateurs relatifs du RIB ainsi que les déflateurs relatifs du PIB (tableau 1). En moyenne, la méthode de projection fondée sur le PIB produit de plus grandes erreurs que les déflateurs du RIB quand les valeurs projetées sont comparées à celles calculées pour les années de référence, mais l'erreur pour les rétropolations fondées sur le PIB est nettement plus faible qu'elle ne l'était pour 2005. Cette situation est due au fait que les différences entre les termes de l'échange canadien et américain sont nettement plus faibles pour la période plus ancienne.

En résumé, les estimations des PPA calculées selon la méthode de l'Eurostat et de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ne suivent pas les variations des déflateurs relatifs du PIB dans les deux pays. La mesure suit les fluctuations des déflateurs relatifs du RIB, parce que, comme nous l'avons soutenu, ce ratio est vraiment une approximation (quoique imparfaite) 10  d'un indice de pouvoir d'achat.

7.2  Niveau des parités de pouvoir de production selon la méthode de projections

Il est plus difficile de mesurer une PPP qu'une PPA, parce que les systèmes statistiques ne sont pas prédisposés à rassembler des estimations détaillées, internationalement comparables, des importations et des exportations de marchandises de manière analogue à la collecte des données destinées à produire les estimations du pouvoir d'achat, qui nécessitent les prix facilement accessibles fondés sur les dépenses.

Néanmoins, en se servant de la production brute et des entrées intermédiaires pour calculer une PPP, Baldwin, Gu et Yan (2008) obtiennent une estimation de la PPP États-Unis-Canada de 0,83 pour le secteur des entreprises et de 0,85 pour le PIB total en 1999. Bien que ces estimations des PPP soient en harmonie avec le calcul du PIB plutôt que celui du RIB, elles sont moins précises que les estimations des PPA pour les raisons mentionnées ci-dessus. Dans un certain nombre de cas, les moyennes des prix pour les marchandises sont utilisées pour estimer les points de donnée manquants, ce qui cause probablement de plus grandes erreurs de mesure que celles présentes dans les estimations des PPA. L'estimation analytique produite par Baldwin, Gu et Yan possède un plus grand intervalle de confiance que l'estimation du pouvoir d'achat basée sur les dépenses, qui peut être produite d'après les données recueillies pour le programme officiel des PPA 11 .

Ici, nous utilisons la PPP de Baldwin, Gu et Yan comme estimation pour l'année de base et le ratio des séries chronologiques des déflateurs américain et canadien fondés sur le PIB pour extrapoler l'estimation de la PPP au cours du temps (graphique 3). L'écart le plus important par rapport à l'estimation de la PPA fondée sur le RIB au cours de la période allant de 1990 à 2008 survient après 2002, alors que les termes de l'échange des États-Unis et du Canada se sont adaptés à la hausse des prix des marchandises (graphique 4).

8   Décomposition des facteurs de croissance

De 2002 à 2008, la croissance des projections des parités de pouvoir de production (PPP) et d'achat (PPA) a été négativement corrélée, à cause de l'ajustement des termes de l'échange. Au cours de cette période, les ajustements des termes de l'échange ont été suffisamment importants pour dominer les fluctuations des prix intérieurs dans l'estimation de la PPP. Par conséquent, les projections des PPP ont eu tendance à diminuer après 2002, tandis que les PPA fondées sur le RIB ont augmenté. L'écart entre les deux sources de croissance des prix peut être illustré dans la décomposition de l'équation (12) en examinant les contributions des prix intérieurs et des gains d'échange. Durant les six années écoulées entre 2000 et 2008, la contribution du gain d'échange à la croissance de la parité de pouvoir de production est plus importante que celle des prix intérieurs (graphique 5). Pendant ces années où la contribution des gains d'échange dépasse la contribution des prix intérieurs, l'estimation de la parité de pouvoir de production présente un taux de croissance dont le signe est opposé à la parité de pouvoir d'achat estimée. Les taux de croissance des parités de pouvoir d'achat et de production sont par conséquent corrélés négativement. Ainsi, l'interprétation de l'évolution du pouvoir d'achat du Canada comparativement aux États-Unis dépend de la façon dont les termes de l'échange sont traités.

Si les termes de l'échange sont traités comme une fluctuation de volume et que l'on utilise la méthode de projection des PPA, cette dernière révèle une amélioration du pouvoir d'achat du Canada comparativement aux États-Unis. Ce résultat concorde avec l'examen de la croissance du RIB réel dans les deux pays. Si l'on se sert des projections des PPP, il semble que le pouvoir d'achat du Canada a diminué comparativement aux États-Unis, contrairement aux attentes, étant donné les fluctuations des termes de l'échange qui se sont produites dans les deux pays.

Le Canada n'est pas le seul pays où les gains d'échange influencent la trajectoire des fluctuations projetées des PPA et des PPP après 2002. Nous avons refait la décomposition des projections des PPP dans l'équation (12), et nous avons comparé les sources de la croissance des PPA et des PPP des États-Unis à celles de l'Australie, du Canada, de la Nouvelle-Zélande, de la Norvège, de la Corée et du Japon (graphique 6). Nous n'examinons pas les valeurs pour les années de référence; nous nous concentrons uniquement sur les variations, au cours du temps, des projections des PPP. Nous avons choisi ces pays parce qu'ils représentent des exportateurs et des importateurs de marchandises qui ont connu des variations importantes des termes de l'échange après 2002 (Macdonald, 2010). Pour chaque couple de pays, le graphique contient les déflateurs relatifs du PIB, ainsi que la contribution à la croissance des gains d'échange et des prix finaux intérieurs de chaque pays.

Dans le cas des pays exportateurs de marchandises où les termes de l'échange ont augmenté entre 2003 et 2007, la contribution des gains d'échange à la parité de pouvoir de production dépasse celle des prix intérieurs de sorte qu'il y a une corrélation négative entre la croissance des estimations de la parité de pouvoir d'achat et de la parité de pouvoir de production (graphique 6). Au Canada, en Australie, en Nouvelle-Zélande et en Norvège, les effets pervers des termes de l'échange sur les projections des PPP sont suffisamment importants pour modifier la tendance des données (tableau 2). Le contraire a lieu dans les pays importateurs de marchandises, quoique l'effet ne soit pas aussi prononcé. En Corée et au Japon, la contribution des gains d'échange renforce les mouvements des prix intérieurs finaux, ce qui engendre une croissance du déflateur de la parité de pouvoir de production plus rapide que celui de la parité de pouvoir d'achat. Pour ces pays importateurs, l'utilisation du déflateur du PIB pour projeter les PPA produit des variations plus importantes que celles des projections fondées sur le déflateur du RIB requis.

9   Rétropolation historique des parités de pouvoird'achat

Dans la présente section, les rétropolations sont calculées au cours du temps à partir de nos repères. À l'heure actuelle, les données du Système de comptabilité nationale pour le Canada remontent jusqu'à 1961, tandis que celles pour les États-Unis remontent jusqu'à 1929. Par conséquent, il est possible de rétropoler les niveaux de PPA avec un degré de confiance raisonnable jusqu'à 1961 pour le programme bilatéral des PPA de Statistique Canada, car des données enchaînées sont disponibles pour le Canada ainsi que pour les États-Unis pour cette période.

Les estimations à plus long terme doivent toujours être considérées avec prudence. Les différences entre les systèmes de collecte des données, les définitions et l'agrégation des indices peuvent toutes donner lieu à des variations de la qualité et de l'exactitude des données sur de longues périodes.

La tendance des PPA pour la période de 1961 à 2005 est représentée au graphique 8. Elle est à la baisse de 1961 jusqu'aux alentours de 1999, puis passe à la hausse par après. La période postérieure à 2002 est marquée par une hausse particulièrement importante.

Les PPA sont utilisées pour convertir les valeurs monétaires exprimées en diverses devises en un numéraire commun : une alternative moins complexe est le taux de change. En principe, les taux de change et les estimations des PPA devraient évoluer parallèlement sur de longues périodes. Les fluctuations à long terme, de 1961 à 2000, du déflateur du RIB ainsi que du taux de change Canada-États-Unis révèlent une tendance à la baisse, mais après 2000, les deux mesures suivent une tendance à la hausse. Toutefois, durant certaines périodes, les PPA et le taux de change évoluent dans des directions opposées. Il est également manifeste que le niveau des PPA et le niveau du taux de change diffèrent généralement sur l'ensemble de la période, sauf durant les années voisines de 2000. Ces données montrent qu'il est inadéquat d'utiliser un taux de change comme déflateur des PPA au cours de cette période.

Le projecteur des PPA peut être utilisé pour procéder à des comparaisons de niveaux du revenu entre le Canada et les États-Unis au cours de la période allant de 1961 à 2008. De 1961 jusqu'au premier choc pétrolier, les niveaux du revenu canadien correspondent à environ 83 % des niveaux du revenu américain (graphique 8). Les hausses rapides du prix du pétrole qui ont eu lieu en 1972-1973 et en 1979-1980 réduisent le pouvoir d'achat des États-Unis et accroissent celui du Canada en raison de variations des termes de l'échange. Pour les États-Unis, les termes de l'échange diminuent de 51 % durant l'intervalle de dix ans entre 1971 et 1980. Au cours de cette période, le revenu relatif du Canada augmente, passant de 84 % du niveau observé aux États-Unis en 1971 à 98 % du niveau observé aux États-Unis en 1980.

En bout de ligne, le revenu du Canada revient à un niveau environ 20 % plus faible que celui observé aux États-Unis, à mesure que les effets des chocs pétroliers se dissipent. Cependant, l'ajustement est progressif, s'étalant sur une période de 12 ans, de 1981 à 1992. En 1992, le niveau du revenu canadien est égal à 82 % de celui relevé aux États-Unis. Durant le reste des années 1990, le niveau de revenu relatif Canada-États-Unis est stable. Par contre, après 1999, les États-Unis perdent du terrain par rapport au Canada à mesure que grimpent les prix de l'énergie. De 1999 à 2008, le revenu relatif du Canada passe de 82 % à 92 % du niveau relevé aux États-Unis.

10   Conclusion

La comparaison du revenu national de divers pays requiert l'utilisation de déflateurs. Le type de déflateur dépend du but poursuivi. Nous soutenons ici que deux types de déflateurs peuvent être choisis pour les comparaisons internationales, tout comme deux types de déflateurs sont utilisés pour produire les estimations chronologiques en volume du produit intérieur brut (PIB) « réel » ou du revenu intérieur brut (RIB) « réel ».

Ceux du premier type peuvent être appelés déflateurs de pouvoir de production. Ils sont nécessaires pour comparer la production. Ceux du deuxième type peuvent être appelés déflateurs de pouvoir d'achat. Ils sont nécessaires pour comparer les estimations de l'absorption intérieure.

Alors que les différences entre ces concepts sont bien reconnues par les spécialistes de la comptabilité nationale pour l'estimation de la croissance de la production, elles ne semblent pas avoir été appréciées par les organismes internationaux qui produisent des estimations des parités de pouvoir d'achat (PPA) pour les comparaisons entre pays 12 . En effet, on constate souvent dans la littérature sur les PPA que des termes comme « production » et « dépenses » sont utilisés indifféremment, ce qui est une pratique appropriée si l'on fait référence à des estimations nominales du revenu national, mais imprécise lorsque l'on discute de concepts de volume.

Nous soutenons ici que le concept de pouvoir d'achat est simple et qu'il peut être facilement estimé à l'aide de données largement disponibles sur les dépenses pour produire une mesure d'une qualité raisonnable. Nous illustrons comment il peut être utilisé pour suivre l'évolution des PPA entre le Canada et les États-Unis depuis 1961.

En revanche, l'estimation des parités de pouvoir de production (PPP) pose plus de problèmes, pour diverses raisons empiriques ayant trait à la difficulté de mesurer les prix relatifs des produits bruts et des entrées intermédiaires, ou des exportations et des importations. À l'appui de cet argument (selon lequel les mesures actuelles des PPP sont de piètre qualité), nous constatons que les mesures courantes des PPA, qui se veulent des mesures de la taille relative des économies nationales, suivent l'évolution du RIB relatif (quoique de façon imparfaite puisqu'elles n'utilisent pas de déflateur des dépenses pour la balance commerciale nette) et non du PIB relatif. Quand il existe une estimation de la PPP, cette dernière est probablement moins exacte que l'estimation de la PPA.

Nous concluons qu'à l'heure actuelle, les organismes statistiques sont mieux en mesure d'estimer des déflateurs du pouvoir d'achat pour les comparaisons internationales. L'ajustement tenant compte des prix des exportations et des importations qui est requis pour produire les estimations du pouvoir de production n'est pas nécessaire pour calculer les estimations du pouvoir d'achat. Bien que l'établissement de déflateurs du pouvoir de production soit souhaitable et que des estimations de niveaux pour les États-Unis et le Canada aient été produites pour certaines années dans le cadre de travaux de recherche, le calcul de ces estimations du pouvoir de production sur une base régulière sera de portée limitée tant qu'on n'aura pas prouvé leur qualité. En outre, si elles sont produites, il faudra s'efforcer d'obtenir des estimations plus précises des prix relatifs des produits bruts et des entrées intermédiaires (ou des exportations et des importations), ainsi que des intervalles de confiance qui doivent être appliqués aux mesures des PPP.

11   Glossaire

Parité de pouvoir d'achat :  Une mesure relative des prix des biens et services de consommation et d'investissement entre pays. Les estimations de la parité de pouvoir d'achat sont associées à l'absorption intérieure et correspondent aux rajustements des prix liés à une fonction d'utilité de l'agent représentative. La parité de pouvoir d'achat est souvent considérée comme un taux de change et convient pour étudier les différences de niveau de vie fondées sur le revenu. Pour la comparaison entre les États-Unis et le Canada, une parité de pouvoir d'achat de 0,84 signifie qu'un citoyen américain dépensera 0,84 $ pour acheter un ensemble de biens et services qui coûterait 1,00 $ à un citoyen canadien.

Parité de pouvoir de production :  Une mesure relative, entre deux pays, des prix des biens et services que ces pays produisent. Les estimations de la parité de pouvoir de production sont associées aux frontières de possibilités de production des pays et conviennent à l'examen de la taille relative du produit ou de la productivité d'une économie. Les parités de pouvoir de production sont habituellement plus difficiles à mesurer que les parités de pouvoir d'achat, parce qu'il est moins facile d'obtenir des données internationalement comparables sur les produits intermédiaires.

Termes de l'échange :  Ratio des prix des exportations aux prix des importations. Les termes de l'échange représentent le nombre d'exportations qui doivent être expédiées à l'étranger pour acheter une importation. Une amélioration des termes de l'échange accroît le bien-être dans l'économie intérieure en accroissant le volume de biens et de services à la disposition des citoyens, des entreprises et des administrations publiques, de manière analogue à la croissance de la productivité.

Gain d'échange :  Une mesure des avantages ou des inconvénients qu'entraînent pour une économie ouverte les variations des prix relatifs associés aux échanges. Dans le présent document, deux variations des prix relatifs sont combinés dans le gain d'échange, à savoir le prix relatif des biens et services échangés par rapport à celui des services non échangés, d'une part, et les termes de l'échange, d'autre part. Dans le cas du Canada, les termes de l'échange ont l'effet le plus important du point de vue quantitatif. Un accroissement du gain d'échange est le signe d'un accroissement des possibilités de consommation et d'investissement offertes à une économie ouverte.

Produit intérieur brut réel :  Une mesure, corrigée de l'inflation, de la valeur ajoutée produite par une économie. Le produit intérieur brut réel est associé à la frontière des possibilités de production d'une économie.

Revenu intérieur brut réel :  Une mesure, corrigée de l'inflation, du volume des achats intérieurs qui peuvent être effectués en utilisant le revenu tiré de la production intérieure. Les variations du RIB réel résultent des variations de la production (croissance du PIB réel) et de celles du pouvoir d'achat de la production intérieure (gain d'échange).