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  1. Introduction
  2. Méthodes d'estimation du capital humain
  3. Sources et construction des données
  4. Résultats empiriques
  5. Conclusion

1   Introduction

Le présent article décrit l'élaboration d'une mesure de la composante du patrimoine provenant des investissements dans le développement humain — habituellement appelé capital humain — et fournit une estimation de la valeur et de la composition du patrimoine du Canada, qui comprend le capital produit, le capital naturel et le capital humain. Chacun de ces éléments produit un flux de gains pouvant servir, dans le système économique, à la consommation des particuliers, à d'autres investissements et au financement des programmes gouvernementaux.

Il est courant de mesurer le capital incorporé dans les actifs physiques et les actifs des ressources naturelles, et de les inclure dans les Comptes du patrimoine. La valeur en capital d'un actif et du flux de services à n'importe quel moment diffèrent. La valeur actualisée nette du flux de gains au cours de la vie entière pour un actif comme le capital physique représente la « valeur » de ce stock de capital. La valeur actualisée nette du flux de gains de gisements de ressources est considérée comme étant la valeur de ces ressources dans les Comptes du patrimoine.

De même, chaque individu possède un profil des gains au cours de sa vie que l'on peut envisager être le montant susceptible d'être transformé en consommation, en contributions au gouvernement pour le financement des programmes requis et en économies en vue de l'établissement d'un patrimoine financier pour la retraite ou les imprévus qui ne peuvent être financés par les gains à court terme. La valeur actualisée nette de ces gains peut aussi être vue comme le capital inhérent d'un individu — que la littérature économique appelle parfois capital humain.

La valeur immédiate des flux d'un actif et sa valeur en capital mesurent de concepts différents. Un individu qui approche la fin de sa vie peut avoir un revenu annuel plus élevé, à cause de son bagage d'expérience et de formation, que celui d'un individu qui ne fait que commencer sa carrière professionnelle. Cependant, comme il ne reste à cet individu que peu d'années à gagner un salaire, la valeur actualisée des gains restants et, en conséquence, la valeur de son capital humain seront plus faibles. L'individu peut être aussi productif au cours de l'année qu'il l'a toujours été par le passé, mais le cours inexorable du temps et la fin de sa vie font en sorte que son capital humain inhérent diminue. De même que les entreprises ne sont pas viables lorsque leurs actifs approchent la fin de leur vie utile et aucun d'eux n'a été remplacé, le flux des gains des populations comprenant majoritairement des personnes âgées ne sera pas viable parce que les décès occasionneront un déclin des chiffres de ces populations. Récemment, les taux de naissance ont chuté dans certains pays, pour s'établir à des niveaux qui provoqueront en fin de compte une réduction de leur population. C'est la raison pour laquelle les estimations du capital humain sont considérées comme étant des indicateurs importants de viabilité et constituent le complément d'autres statistiques sur lesquelles on s'est plus penché jusqu'à maintenant.

Les estimations du montant du capital, de sa qualité et de son âge ont été le centre de l'examen de la croissance économique et de la viabilité au Canada et dans les autres pays membres de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE, 1998; Initiative de recherche sur les compétences, 2008). On s'est concentré en premier lieu sur les mesures du capital physique, mais on a récemment produit des estimations expérimentales du montant de capital humain.

Pour produire ces estimations, on a besoin de données détaillées sur la rémunération du travail pour des groupes de travailleurs différents. À la fin des années 1990, le programme des Comptes canadiens de productivité (CPP) a commencé à évaluer la contribution des améliorations dans les études et la formation à la croissance de la production et à celle de la productivité au Canada (Statistique Canada, 2002; Gu et coll., 2003). Le programme des CPP a construit une mesure de l'entrée travail et de la composition de la main-d'oeuvre axée sur les changements de niveaux d'études et d'expérience de la main-d'oeuvre canadienne. L'entrée travail est désagrégée selon l'âge, le niveau d'études et la catégorie de travailleurs (travailleurs rémunérés et travailleurs autonomes). Les changements de composition de la main-d'oeuvre en faveur de travailleurs plus instruits et plus expérimentés, s'avèrent être une source importante de croissance de la productivité. Au cours des 45 dernières années, ils ont été à l'origine du quart de la croissance de la productivité du travail au Canada (Baldwin et Gu, 2007).

Les indices de changements de la composition de la main-d'oeuvre construits par le programme des CPP de Statistique Canada représentent une première étape indispensable à la prise en compte, par l'emploi de l'approche fondée sur les gains de la vie entière, de mesures détaillées du capital humain dans les études empiriques de la croissance économique canadienne et dans les Comptes du patrimoine produits par les Comptes nationaux. Le présent article constitue une étape supplémentaire vers cet objectif. L'examen qu'il présente est semblable à celui qui a été fait pour les États-Unis (Jorgenson et Fraumeni, 1989).

Dans le Système de comptabilité nationale du Canada et d'autres pays, les dépenses en développement humain et en « biens incorporels » connexes sont toutes considérées comme des dépenses courantes (plutôt que comme un investissement). Cela signifie, en fait, que les dépenses consacrées aux études, à l'éducation et à la formation sont toutes classées comme des dépenses courantes, soit intermédiaires ou finales.

Les principales raisons historiques et institutionnelles de cette décision de classification sont les suivantes : 

  1. La classification est conforme aux conventions de la comptabilité d'entreprise.
  2. Les ressources que représente le capital humain ne peuvent être ni achetées ni vendues sur le marché comme peut l'être le capital non humain (physique).
  3. Certaines dépenses comme celles consacrées à l'éducation des enfants, qui sont requises pour soutenir la croissance de la population, ne sont pas directement mesurables et devraient être imputées.

Pourtant, au cours des 40 dernières années, le concept de capital humain a été utilisé fréquemment en économie (p. ex., Schultz, 1961a, 1961b; Becker, 1964). Ce concept est fondé sur une analogie entre les investissements en capital physique et les investissements faits en vue de maintenir les populations et est justifié par un principe économique commun. Quand un individu (ou entité économique) entreprend des dépenses, les effets de ces dernières peuvent être classés en deux catégories : 

  1. Les bénéfices des dépenses sont réalisés durant la période où les dépenses ont lieu (p. ex., une période d'un an).
  2. Les bénéfices des dépenses sont réalisés durant de futures périodes, et ce, éventuellement après une longue attente.

Le premier type de dépenses entre dans la catégorie de la « consommation », tandis que le deuxième est défini comme un « investissement ».

Ce principe économique donne à penser que les dépenses en développement humain devraient être classées dans la catégorie de l'investissement (et être accumulées comme il convient dans le stock de capital humain), parce que les bénéfices de ces dépenses reviennent à la personne au cours de sa vie.

Plusieurs méthodes de mesure du capital humain ont été élaborées.

Kendrick (1976) a choisi une approche fondée sur les coûts pour mesurer le capital humain et a estimé ce dernier comme étant la valeur cumulée de toutes les dépenses relatives au développement humain, telles que les coûts associés à l'éducation des enfants et à leurs études.

Jorgenson et Fraumeni (1989, 1992a et 1992b) ont élaboré une autre approche. Celle-ci utilise la valeur actualisée nette des revenus de la vie entière comme valeur de remplacement des gains potentiels, c'est-à-dire le capital inhérent à l'individu. L'approche fondée sur le revenu a été utilisée pour estimer le capital humain total de la Suède (Ahlroth, Björklund et Forslund, 1997), de l'Australie (Wei, 2004, 2007, 2008), de la Nouvelle-Zélande (Le, Gibson et Oxley, 2002), du Royaume-Uni (O'Mahony et Stevens, 2009) et de la Norvège (Greaker et Liu, 2008). Le présent document s'associe avec ces études récentes de la mesure du capital humain en appliquant l'approche fondée sur le revenu de Jorgenson et Fraumeni pour mesurer le stock de capital humain du Canada.

Les auteurs d'études antérieures ont élaboré une mesure du capital humain au Canada. Macklem (1997) ainsi que Beach et coll. (1988) ont calculé le patrimoine humain agrégé comme étant la valeur actualisée prévue du revenu du travail agrégé net des dépenses des administrations publiques. Macklem (1997) a constaté que la valeur du patrimoine humain était environ six fois plus élevée que celle du patrimoine non humain au cours de la période allant de 1963 à 1994. Bien que les auteurs de ces études se soient appuyés sur un concept de capital humain semblable à celui utilisé dans le présent document, ils ont adopté une approche macroéconomique, contrairement à l'approche utilisée ici. De plus, ils ont omis de tenir compte de l'effet de l'évolution de la composition de la population canadienne sur le capital humain, c'est-à-dire de l'accroissement de la proportion de personnes plus âgées et plus instruites. Laroche et Mérette (2000) ont calculé un indice du capital humain sous forme d'une somme pondérée du nombre de travailleurs possédant divers niveaux d'études et d'expérience. Contrairement au présent document dans lequel les individus sont pondérés par leur revenu de la vie entière, Laroche et Mérette ont pondéré les individus par leur revenu salarial courant. Toutefois, pour mesurer le stock de capital humain, il est plus approprié d'utiliser le revenu attendu de la vie entière comme pondération. Le revenu salarial que reçoit un travailleur durant une période ne représente que le flux des services du capital humain intégré dans le travailleur à ce moment. Si on prend une plus longue période de temps, on doit reconnaître que le revenu de la vie entière du travailleur peut changer en raison des événements et activités de la vie tels que les études, la formation et la conjoncture économique globale.

La suite du présent document est structurée comme suit : à la section suivante, nous décrivons les méthodes d'estimation de l'investissement en capital humain et du stock de ce capital; à la section 3, nous exposons la construction des données utilisées pour l'estimation; à la section 4, nous présentons les résultats; à la section 5, nous résumons nos constatations.

2   Méthodes d'estimation du capital humain

En général, le stock de capital peut être évalué selon deux méthodes : 

  1. il peut être évalué comme étant la somme des ajouts moins les retraits faits au stock initial au cours du temps (approche fondée sur les coûts);
  2. ou bien, il peut être évalué comme étant la valeur actualisée nette du revenu qu'il est capable de produire au cours du temps (approche fondée sur le revenu).

L'approche fondée sur les coûts est employée pour estimer la valeur du stock de capital physique, tandis que l'approche fondée sur le revenu est souvent utilisée pour estimer la valeur du capital naturel. Dans le premier cas, la valeur du capital physique s'obtient en faisant la somme de la valeur des investissements puis en soustrayant l'amortissement du stock de capital initial. Cette approche est utilisée parce que les prix des investissements physiques sont disponibles et que les projections des profits futurs émanant de ces investissements sont plus difficiles à faire.

La valeur des ressources naturelles est souvent estimée comme étant la valeur actualisée nette de la rente des ressources au cours d'une durée de vie hypothétique. Cette méthode est adoptée parce qu'on peut parfois soutenir que les rentes associées aux ressources naturelles ne seraient pas prises en compte si on ne faisait que totaliser les coûts de développement; en conséquence, le rendement des ressources et leur valeur en capital intrinsèque seront sous-estimés.

Sur un marché qui fonctionne bien où des actifs physiques sont achetés et vendus, les deux méthodes (celle des coûts et celle des gains) doivent produire à peu près les mêmes résultats. Autrement, si la valeur actualisée nette du revenu est supérieure au coût d'achat de l'actif, plus d'actifs physiques seront probablement fabriqués et utilisés : le rendement sera réduit (selon l'hypothèse des rendements décroissants) et le flux futur de gains sera en équilibre avec les coûts de production du flux de rendement. Par contre, sur un marché où il y a lieu de croire que cela ne peut pas se produire ou ne se produit pas, d'autres méthodes sont indiquées pour évaluer un actif. En raison de la nature des marchés de main-d'oeuvre (dont une des caractéristiques est la durée de l'enfance qu'un nouveau-né doit vivre avant son entrée éventuelle sur le marché du travail), les gains totaux des individus et les coûts de leur éducation et de leur formation ne seront peut-être pas égaux à la marge.

C'est pourquoi Jorgenson et Fraumeni (1989, 1992a et 1992b) ont estimé la valeur du capital humain directement en fonction du revenu du travail de la vie entière de tous les individus. Cette approche est avantageuse parce qu'elle mesure directement le concept recherché — les gains de la vie entière associés au travail. Ces gains mesurent en fin de compte la valeur économique potentielle de l'actif 1 . Elle est désavantageuse parce qu'elle requiert des projections dans le futur. L'importance ou non de ces projections est une question empirique — qui peut être examinée en étudiant l'impact d'autres hypothèses sur les estimations du capital humain et en évaluant l'importance des différences entre ces hypothèses.

L'autre avantage d'utiliser l'approche fondée sur les gains de la vie entière est qu'elle fournit une mesure des gains potentiels pouvant être utilisée pour caractériser le cours de la vie d'un individu. La vie de cet individu est caractérisée par une transformation graduelle de son capital humain potentiel en consommation, en investissement et en amélioration de ce capital, et par la transformation de ses gains présents en patrimoine financier au moyen d'économies qui seront disponibles à la retraite. Pour décrire la façon dont les membres d'une société se préparent à la retraite, on a besoin de comprendre comment le revenu potentiel (mesuré par les gains de la vie entière) est graduellement transformé au cours de la vie en état de préparation effectif (par l'acquisition d'actifs qui financeront la retraite). Les comptes de capital humain fournissent un des deux comptes principaux pour ce faire.

En suivant cette approche fondée sur le revenu pour mesurer le capital humain, Jorgenson et Fraumeni indiquent que leurs estimations du capital humain étaient au moins 4 fois plus importantes que celles de l'investissement en capital non humain aux États-Unis; de surcroît, la valeur du stock de capital humain était plus de 11 fois plus élevée que celle du capital physique ou non humain. Plus récemment, l'approche fondée sur le revenu a été utilisée pour estimer le capital humain de la Suède (Ahlroth, Björklund et Forslund, 1997), de l'Australie (Wei, 2004, 2007), de la Nouvelle-Zélande (Le, Gibson et Oxley, 2002) et de la Norvège (Greaker et Liu, 2008). Ces études ont confirmé les constatations faites pour les États-Unis et montré que la valeur du capital humain calculée selon l'approche fondée sur le revenu est significativement plus élevée que celle du stock de capital non humain. Dans un contexte apparenté, O'Mahony et Stevens (2009) ont estimé la production du secteur de l'éducation du Royaume-Uni, et Ervik, Holmøy et Hægeland (2003), celle du secteur de l'éducation en Norvège.

Kendrick (1976) et Eisner (1985) ont suivi l'approche fondée sur les coûts pour estimer l'investissement en capital humain. Cet investissement comprend le coût de l'éducation des enfants et le coût des études, y compris les gains auxquels renoncent les étudiants. Les données sur l'investissement en capital humain sont ensuite agrégées selon la méthode de l'inventaire permanent pour calculer les estimations du stock de capital humain. Plus récemment, l'approche fondée sur les coûts a été utilisée par Kokkinen (2008) pour construire une mesure du stock de capital humain de la Finlande dans le contexte d'une analyse empirique du capital humain et de la croissance économique.

En plus de ces approches, les auteurs d'études empiriques antérieures ont utilisé un grand nombre de mesures de substitution du capital humain, y compris le niveau d'études, le nombre moyen d'années de scolarité et les scores de littératie (p. ex., Barro et Lee, 1996, Coulombe et Tremblay, 2006; et pour une revue, voir OCDE, 1998).

2.1  Approche fondée sur le revenu

Les auteurs de la présente étude adoptent une variante de l'approche de Jorgenson et Fraumeni (1989, 1992a et 1992b) fondée sur le revenu pour mesurer le capital humain et estiment la valeur du stock de ce capital sous forme du revenu de la vie entière attendu d'un individu.

Cette approche traite les « individus » comme des entités qui renferment un capital dont le potentiel de gains est calculé à partir des activités sur le marché. Elle attribue un « prix » 2  à leur travail de la vie entière à l'aide de leur profil de gains actuels 3 . Nous avons mentionné plus haut que la valeur d'un actif peut être estimée en employant le flux de gains qu'il produit ou son coût de production ou d'achat. Pour le capital physique, la valeur de l'actif est observée directement d'après les opérations sur le marché ayant trait aux biens d'équipement. Le coût des services du capital issu de l'actif est ensuite calculé à l'aide de l'équation du coût du capital de l'utilisateur. Pour le capital humain, la valeur de l'actif n'est pas observée d'après les opérations sur les marchés du travail; le coût de production du travail n'est pas observé directement parce que le traffic humain est illégal et, de ce fait, la valeur des services de la vie entière ne peut être observée d'après les opérations sur le marché. Par conséquent, la valeur des actifs de capital humain est estimée ici comme étant la valeur actualisée nette des taux de rémunération observés pour la vie entière (ou revenu du travail de la vie entière) 4 . Le revenu du travail est défini comme étant le concept utilisé dans les Comptes nationaux 5 .

Pour construire le revenu du travail de la vie entière et le capital humain que renferme la population canadienne, nous excluons la valeur des activités non marchandes et nous nous concentrons sur le capital humain renfermé dans la population en âge de travailler, c'est-à-dire les personnes de 15 à 74 ans 6 . Les comptes élargis de Jorgenson et Fraumeni comprennent la valeur des activités non marchandes et celle du capital humain contenues dans l'ensemble des individus. La valeur des activités non marchandes est basée sur l'hypothèse que les individus répartissent leur temps entre des activités professionnelles et des activités non marchandes de manière que la valeur marginale soit égalisée entre les deux types d'activité. La question de l'évaluation des activités non marchandes est sujette à controverse. En outre, on peut soutenir que le capital humain contenu dans la population en âge de travailler est plus pertinent pour la mesure des capacités productives de la population canadienne. Par conséquent, nous excluons la valeur des activités non marchandes de notre mesure du capital humain et nous nous concentrons sur le capital humain de la population en âge de travailler.

Nous estimons le revenu marchand du travail de la vie entière de l'ensemble des individus de 15 à 74 ans en nous servant de données transversales étalonnées d'après les totaux des Comptes nationaux. Nous supposons que les revenus attendus au cours de futures périodes sont égaux aux revenus des individus de même sexe et de même niveau d'études et ayant l'âge que l'individu aura dans les périodes futures, corrigés pour tenir compte des augmentations de revenu réel. Les revenus de la vie entière peuvent être calculés par une récursion arrière, en débutant à l'âge de 74 ans, que l'on suppose être l'âge le plus avancé avant la retraite. Le revenu attendu d'une personne d'un âge donné est égal à son revenu du travail courant auquel s'ajoute son revenu attendu au cours des prochaines périodes de vie, multiplié par les probabilités de survie. Par exemple, la valeur actualisée du revenu de la vie entière des personnes de 74 ans est égale à leur revenu du travail courant. Le revenu de la vie entière des personnes de 73 ans est égal à leur revenu du travail courant plus la valeur actualisée du revenu de la vie entière des personnes de 74 ans, corrigé pour tenir compte des augmentations du revenu réel. Formellement, nous utilisons l'équation qui suit pour estimer le capital humain moyen par personne d'une cohorte d'individus de sexe (s), d'âge (a) et de niveau d'études (e) : 

(1)
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e = niveaux d'études atteints, 1 à 5 : 1 = zéro à huit années de scolarité, 2 = études secondaires partielles ou complètes, 3 = études postsecondaires partielles de niveau inférieur au baccalauréat, 4 = baccalauréat, 5 = maîtrise ou diplôme supérieur;

a = âges : 15 à 74 ans;

he,a= capital humain moyen ou revenu du travail moyen de la vie entière par personne pour les individus d'âge (a) et de niveau d'études (e);

Image = probabilité de prendre un emploi rémunéré pour les personnes d'âge (a) et de niveau d'études (e), définie comme étant le nombre de travailleurs rémunérés divisé par la population de la cohorte en question;

Image = rémunération annuelle du travail des travailleurs rémunérés d'âge (a) et de niveau d'études (e);

Image = probabilité d'entreprendre un travail autonome pour les individus d'âge (a) et de niveau d'études (e), définie comme étant le nombre de travailleurs autonomes divisé par la population de la cohorte en question;

Image = rémunération annuelle du travail des travailleurs autonomes d'âge (a) et de niveau d'études (e);

Image = probabilité de survivre une année supplémentaire à partir de l'âge (a);

g = taux de croissance du revenu réel;

r = taux d'actualisation.

Cette formule est appliquée à chaque génération d'individus à un moment donné selon l'hypothèse que chaque individu progresse au fil du temps en utilisant les revenus relatifs de toutes les cohortes successives et les probabilités pertinentes d'augmentation du niveau d'études et de changement de statut d'emploi qui s'appliquent à ce moment.

L'équation est vérifiée séparément pour les hommes et pour les femmes. Cette formule nécessite des estimations du taux de croissance futur du revenu réel. Nous avançons l'hypothèse ici que ce taux de croissance est égal à la croissance de la productivité du travail dans le secteur canadien des entreprises, lequel était de 1,7 % par année pour notre période d'estimation allant de 1970 à 2007. Dans le passé, la croissance du revenu réel a suivi de près celle de la productivité pendant de longues périodes de temps (Statistique Canada, 2007). Nous posons que le taux réel d'actualisation est égal à 5,1 %, qui est la moyenne pondérée des taux réels de rendement des capitaux propres et de la dette (Baldwin et Gu 2007) 7  .

Durant leur vie active, les individus peuvent entreprendre d'autres études en vue d'accroître leurs gains. Afin d'incorporer le capital humain supplémentaire de ces individus, la formule pour la récursion arrière dans (1) est modifiée (Jorgenson et Fraumeni 1989, 1992a, 1992b; Le, Gibson et Oxley 2002; Wei 2004) comme suit : 

(2)
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Image = taux d'inscription scolaire, qui est défini comme étant la proportion d'individus de niveau d'études (e) qui étudient pour atteindre un niveau d'études plus élevé (e+1);

M e = nombre d'années que les individus de niveau d'études (e) consacrent à l'obtention d'un niveau d'études plus élevé (e+1).

Les individus qui poursuivent leurs études font face à deux flux de gains possibles : l'un pour le niveau d'études courant (e) et l'autre pour le niveau d'études plus élevé (e+1) avec un retard causé par la formation scolaire. Le capital humain moyen par personne au sein d'une cohorte d'individus est la somme pondérée de ces deux flux de gains, la pondération étant la probabilité d'inscription scolaire.

Dans l'équation (2), nous faisons l'hypothèse que, pour un niveau d'études donné, les étudiants inscrits sont répartis uniformément entre les diverses années d'études, excepté pour certains jeunes âges. Par exemple, nous supposons que les étudiants de 22 ans qui ont un baccalauréat et qui sont inscrits au programme de maîtrise sont en première année 8  .

Pour estimer le capital humain du Canada, nous avons classé les membres de la population canadienne selon cinq niveaux d'études, à savoir zéro à huit années d'études, études secondaires partielles ou complètes, études postsecondaires partielles de niveau inférieur au baccalauréat, baccalauréat, et maîtrise ou diplôme supérieur. Nous supposons que les personnes comptant de zéro à huit années d'études prennent trois ans pour atteindre le niveau d'études suivant (études secondaires partielles ou complètes); que les personnes ayant fait des études secondaires partielles ou complètes prennent deux ans pour faire des études postsecondaires partielles; que les personnes ayant fait des études postsecondaires partielles prennent deux ans pour obtenir un baccalauréat; et que les personnes possédant un baccalauréat prennent deux ans pour obtenir une maîtrise ou un diplôme de niveau plus élevé.

La valeur totale du capital humain est simplement la somme pour tous les individus dans la population en question (dans notre cas, les personnes de 15 à 74 ans). La valeur du capital humain d'une population donnée sera plus faible si cette population comprend une plus grande proportion de personnes âgées, parce que la proportion d'années de travail rémunéré à venir de ce groupe est plus petite. Comme le flux de services provenant du stock de capital humain peut être pareil dans deux pays où seule la composition de l'âge de la population diffère, cette dernière observation pourrait nous sembler paradoxale; cependant, la valeur du capital humain est en fait plus faible dans la dernière situation parce que la population compte un moins grand nombre d'années à vivre. Par analogie, on peut comparer les stocks de capital physique calculés pour des actifs de type « one-hoss shay » (c'est-à-dire des actifs qui produisent un flux de services plus ou moins constant pendant leur durée de vie utile et qui cessent leur production soudainement à la fin de leur vie utile). Deux entreprises possédant les mêmes unités physiques de ce type d'actif, mais dont la structure d'âge des actifs diffère (une entreprise possédant n unités ayant encore 20 ans de vie utile et l'autre, n unités n'ayant qu'une seule année de vie utile) différeront en termes de viabilité. La première sera capable de continuer de produire pendant 20 ans sans investissement de plus, mais la seconde devra faire des investissements importants ou fermer ses portes d'ici 2 ans. Une comparaison des flux produits par le capital humain dans les deux situations nous ferait conclure que les deux pays sont en aussi bonne posture l'un que l'autre même si, en réalité, le volume de production de l'un est beaucoup moins viable que celui de l'autre. C'est pour cette raison que les personnes qui étudient la viabilité soutiennent que des mesures du capital humain sont requises pour complémenter les mesures de flux classiques employées pour étudier la croissance économique —spécifiquement dans une époque où le taux de natalité a diminué dans plusieurs pays pour atteindre des niveaux qui ne pourront pas assurer le maintien de la présente population.

Les sources des différences de capital humain par personne entre les pays sont les mêmes que celles qui déterminent les différences des taux salariaux d'un travailleur à l'autre. Les revenus élevés sont possiblement liés à plus d'expérience, à des niveaux d'études plus élevés ou à des capacités supérieures. Les différences sont aussi une fonction du montant d'intensité de capital d'un pays ou de sa richesse en ressources naturelles.

Les valeurs des changements du capital humain, plutôt que les niveaux de capital humain, sont requises pour plusieurs fins. Des changements peuvent se produire en raison de mouvements dans les prix ou les volumes. L'estimation du volume fournit une mesure qui fait abstraction des variations des prix, c'est-à-dire les variations des gains relatifs de la vie entière des individus.

Une mesure du changement du volume du capital humain est obtenue par la méthode d'agrégation de Tornqvist 9 . Nous calculons le taux de croissance de l'indice de volume du stock de capital humain agrégé sous la forme de la somme pondérée des taux de croissance du nombre d'individus selon diverses catégories de la population (sexe, âge et niveau d'études) en utilisant comme pondérations leur part de la valeur nominale du stock de capital humain : 

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K désigne les indices de volume du stock de capital humain agrégé, Ls,e,a est le nombre d'individus de sexe (s), d'âge (a) et de niveau d'études (e), et Image représente une différence première, ou variation, entre deux périodes consécutives, par exemple : 

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Les poids sont donnés par la part moyenne de capital humain de chaque catégorie de population dans la valeur nominale du stock agrégé de capital humain, c'est-à-dire par:

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Image est l'ensemble des revenus du travail moyen de la vie entière des différents types d'individus, selon le sexe, l'âge et le niveau d'études, calculé en utilisant l'équation (2).

Toutes choses étant égales par ailleurs, cet indice augmentera si le nombre d'individus augmente au fil du temps. Les pays dont la population diminue verront en même temps cet indice diminuer. Alternativement, les populations dont la composition change en raison d'une augmentation du nombre d'individus ayant plus de gains au cours des années à vivre qu'il leur reste verront leur indice de volume augmenter. Cette augmentation peut survenir si la croissance dans la population est causée par des individus dont les gains de la vie entière sont plus élevés parce qu'ils sont au début de leur carrière professionnelle ou parce que leur potentiel de gains est relevé par leur niveau d'études ou l'approfondissement de leur expérience.

La différence entre la croissance de ces chiffres de population pondérés et celle des chiffres de population non pondérés mesure la croissance du capital humain par personne. Cette croissance reflète l'effet de l'évolution démographique de la population, en raison des effets de composition dus au vieillissement et de la hausse des niveaux d'études. Le capital humain par personne s'accroîtra en cas d'évolution de la composition de la population vers des individus plus jeunes ou plus instruits dont le revenu prévu de la vie entière est plus élevé. Formellement, le capital humain agrégé par personne est

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L est le nombre d'individus dans la population.

On utilise parfois l'évolution du capital humain par personne comme un indicateur pour déterminer si une économie est en voie de développement durable. Selon certains auteurs, une économie est en voie de développement durable si le capital total (y compris le capital produit, le capital naturel et le capital humain) par personne ne diminue pas (Arrow et coll., 2007; CEE-ONU 2009).

Les variations du capital humain tirent leur origine des changements démographiques dans la population, en raison des effets de composition dus au vieillissement et de la hausse des niveaux d'études. Pour examiner l'effet des changements démographiques sur les changements dans le capital humain par personne, nous construisons les indices partiels de stock agrégé de capital humain distincts, correspondant à des caractéristiques de la population (telles que le sexe, l'âge et le niveau d'études). Par exemple, nous définissons un indice partiel du volume agrégé du stock de capital humain correspondant au sexe, de la façon suivante : 

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L'indice de volume partiel correspondant au sexe reflète le changement de répartition de la population entre les deux sexes seulement. De même, les indices de volume partiel pour le niveau d'études et l'âge mesurent le changement entre les groupes d'âge ou entre les niveaux d'études.

La différence entre la croissance de l'indice partiel du capital humain agrégé pour une caractéristique (sexe, âge ou niveau d'études) et la croissance du nombre d'individus dans la population mesure la contribution de la caractéristique au changement dans le stock du capital humain par personne. La somme des contributions de chaque caractéristique au changement dans le stock du capital humain par personne différera du changement global dans ce stock, parce que la somme des contributions individuelles des caractéristiques représente l'approximation de premier ordre de l'indice du stock de capital humain par personne.

Pour examiner l'évolution du stock de capital humain au cours du temps et présenter un compte d'accumulation du capital humain, nous allons décomposer les variations du stock de capital humain en trois composantes, à savoir l'investissement en capital humain, la dépréciation de ce dernier et sa réévaluation. La méthode de décomposition de la variation du stock de capital humain, qui est semblable à celle de la décomposition de la variation du stock de capital non humain, a été élaborée par Jorgenson et Fraumeni (1989). À titre de comparaison, nous commençons par présenter la méthode de décomposition de la variation du stock de capital non humain (Christensen et Jorgenson, 1973).

Pour un bien d'équipement unique, la valeur du stock est égale à la somme des valeurs des biens d'équipement de chaque génération, calculée sur l'ensemble des générations : 

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pt,v est le prix du bien d'équipement de la génération v à la période t. At-v est la quantité du bien d'investissement de génération v à la période t.

La variation de la valeur nominale du stock de capital d'une période à l'autre peut s'écrire : 

(9)
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Le premier terme de la dernière expression correspond à la formation brute de capital. Le deuxième terme représente la dépréciation des biens d'équipement de toutes les générations, c'est-à-dire la variation de la valeur d'un actif associée au vieillissement de l'actif et à la diminution résultante de son efficacité. Le troisième terme correspond à la réévaluation des actifs de toutes les générations, c'est-à-dire la variation de la valeur d'un actif associée à tout autre facteur que le vieillissement. Elle comprend l'inflation pure, l'obsolescence et tout autre effet sur la valeur de l'actif non associé au vieillissement (Fraumeni, 1997; Diewert, 2005; Schreyer, 2001).

Selon l'équation (9), la variation de la valeur nominale du stock de capital est égale à la somme de la formation nette de capital (formation brute de capital moins dépréciation) et de la réévaluation des actifs.

La méthode de décomposition de la variation de la valeur du stock de capital non humain (équation (9)) peut être utilisée pour décomposer la variation de la valeur du stock de capital humain. Comme celle du stock de capital non humain, la variation du stock de capital humain peut être ventilée en trois composantes, à savoir l'investissement en capital humain, la dépréciation de ce capital et sa réévaluation (Jorgenson et Fraumeni, 1989). L'investissement en capital humain reflète l'augmentation du stock de capital humain attribuable à l'éducation des enfants, la formation scolaire, la formation professionnelle et en cours d'emploi, la santé et la migration. Pour les besoins du présent document, notre mesure de l'investissement en capital humain reflète les ajouts à la population en âge de travailler résultant de l'éducation des enfants (l'arrivée de nouveaux membres de la population nés au pays dans la main-d'oeuvre), de la formation scolaire (l'amélioration des compétences par des études postsecondaires) et de la migration (nouveaux membres de la population venant d'autres pays). Pour l'estimer, nous totalisons les variations des revenus de la vie entière dues à la formation scolaire, aux revenus de la vie entière de tous les individus qui ont atteint l'âge de travailler et aux changements dans le capital humain causés par l'immigration.

La deuxième composante de la variation du capital humain provient de la dépréciation de ce dernier, c'est-à-dire la variation du stock de capital humain due au vieillissement, aux décès et à l'émigration. Nous la calculons en additionnant les variations du revenu du travail de la vie entière associées au vieillissement, pour tous les individus qui font encore partie de la population en âge de travailler et du revenu du travail de la vie entière de tous les individus qui meurent ou qui émigrent. On doit se rappeler que le capital humain de tous les membres de la population subira une réduction, chaque année de vie, de leur flux de gains totaux de la vie entière parce qu'ils auront moins d'années de travail rémunéré restantes dans leur vie (parce que la vie active rémunérée des individus cesse à un moment donné).

La troisième composante de la variation du stock de capital humain est la réévaluation du capital humain, qui représente la variation du capital humain au cours du temps pour les individus possédant un ensemble donné de caractéristiques démographiques, c'est-à-dire le sexe, le niveau d'études et l'âge. Pour la calculer, nous faisons la somme des variations du revenu du travail de la vie entière d'une période à l'autre pour les individus possédant un ensemble donné de caractéristiques démographiques. Ces changements peuvent survenir pour plusieurs raisons : les cycles économiques peuvent causer une réduction des gains pendant les replis ou des effets générationnels peuvent soudainement avoir une incidence sur les individus qui entrent sur le marché du travail. Un exemple de ce genre de variation est donné par Picot et Heisz (2000) qui décrivent une baisse des taux d'activité et une croissance lente des gains des travailleurs au Canada au début des années 1990, particulièrement parmi la cohorte de jeunes hommes. Cela donne lieu à une réévaluation faible ou négative du capital humain durant cette période, particulièrement pour cette cohorte. La question de savoir si ces changements sont de courte ou de longue durée est empirique : elle sera étudiée plus tard.

Pour établir l'équation de la décomposition de la variation du stock de capital humain, nous commençons par définir ce stock. Le stock de capital humain en dollars courants à la période t est égal à la somme des revenus du travail de la vie entière actualisés de tous les individus faisant partie de la population en âge de travailler : 

Image est l'indice de prix et Image est l'indice de volume du stock agrégé de capital humain.

La variation de la valeur du stock de capital humain de la période t-1 à la période t peut s'écrire : 

Le premier terme de la dernière expression est l'investissement en capital humain aux prix courants. Le deuxième terme est la dépréciation du capital humain. Le troisième terme est la réévaluation du stock de capital humain, c'est-à-dire la somme des variations du revenu du travail de la vie entière de période en période chez les individus possédant un ensemble particulier de caractéristiques démographiques (sexe, niveau d'études et âge).

Selon l'équation (11), la variation du capital humain est égale à la somme de l'investissement brut en capital humain nette de la dépréciation et de la réévaluation de ce capital.

Afin d'interpréter le terme d'investissement en capital humain, nous le réécrivons sous la forme : 

Nous pouvons calculer l'investissement en capital humain durant une période en faisant la somme des variations des revenus de la vie entière dues aux études, des revenus de la vie entière de tous les individus qui ont atteint l'âge de travailler durant la période et de l'effet de l'immigration. Le premier terme du deuxième membre de l'équation représente les revenus de la vie entière de tous les individus qui ont atteint l'âge de travailler (15 ans). Il reflète l'effet sur l'investissement en capital humain de l'éducation des enfants et de leurs études jusqu'à l'âge de 15 ans. Le deuxième terme fait augmenter le stock de capital humain, cette augmentation étant causée par la hausse des niveaux d'études et l'accroissement de l'immigration. Nous l'estimons comme étant égal au revenu du travail moyen de la vie entière des individus multiplié par le changement dans le nombre de diplômés dont le grade correspond à un niveau d'études donné et par l'immigration au Canada 10  .

Le terme de dépréciation du capital humain peut s'écrire sous la forme : 

Nous estimons la dépréciation du capital humain comme étant la somme de deux termes. Le premier est la variation due au vieillissement des revenus du travail de la vie entière de tous les individus qui font encore partie de la population en âge de travailler. Le deuxième correspond aux revenus du travail de la vie entière de tous les individus qui meurent, qui émigrent ou qui atteignent l'âge de 75 ans.

La valeur nominale de l'investissement en capital humain, de la dépréciation de ce capital et de sa réévaluation peut être ventilée en deux composantes associées à des indices de prix et de quantité. En traitant le revenu du travail moyen de la vie entière Image comme la composante prix de l'investissement en capital humain et les termes associés aux chiffres de population Image et Image comme la composante quantité de cet investissement dans l'équation (12), nous pouvons appliquer la formule d'agrégation de Tornqvist aux données sur les individus pour obtenir des indices de prix et de quantité pour l'investissement en capital humain. Pour obtenir ces indices pour la dépréciation, nous traitons les termes associés aux revenus de la vie entière Image, comme la composante prix, et ceux associés aux chiffres de population, comme étant la composante de quantité. De même, en traitant les variations du revenu du travail moyen de la vie entière des individus de période en période Image comme la composante prix de la réévaluation et le nombre d'individus Image comme la composante de quantité, nous obtenons des indices de prix et de quantité de la réévaluation pour tous les individus faisant partie de la population en âge de travailler.

Dans le présent document, la mesure de l'investissement en capital humain ne comprend pas l'effet de la formation en cours d'emploi ni de la santé sur l'investissement en capital humain, parce que nous ne disposons pas de données chronologiques cohérentes sur la formation et sur la santé. L'importance de la formation en ce qui concerne les investissements en capital humain a été discutée par Becker (1964) et par Mincer (1962, 1989). Mincer (1989) a décrit un sondage sur la prévalence et l'effet de la formation en cours d'emploi. Rosen (1989) a fait remarquer que, dans la méthode de mesure du capital humain de Jorgenson et Fraumeni, l'investissement en formation est inclus dans les estimations de la dépréciation. Hui Wei (2008) a fait le même commentaire et estimé la composante du terme de dépréciation qui est associée à l'effet de l'expérience professionnelle sur les investissements en capital humain pour l'Australie. Abraham et Mackie (2005, directeurs de la rédaction, chapitre 6) ont discuté des soins de santé (tel que l'exercice, le régime alimentaire et les soins médicaux) en tant que forme d'investissement en capital humain.

2.2  Approche fondée sur les coûts

L'approche de l'estimation des stocks et des flux de capital humain fondée sur les coûts est semblable à celle utilisée fréquemment pour estimer les stocks et les flux de capital physique. Elle consiste à estimer le stock de capital humain comme étant la valeur cumulée des dépenses consacrées aux éléments définis comme des investissements en capital humain.

L'approche fondée sur les coûts a été utilisée par Kendrick (1976) et par Eisner (1985) pour estimer le stock de capital humain des États-Unis. Kendrick (1976) a inclus dans l'investissement en capital humain les éléments suivants : le coût de l'éducation des enfants, les dépenses en santé et en sécurité, en déplacement, en études et en formation, ainsi que les gains auxquels renoncent les étudiants qui fréquentent un établissement d'enseignement.

Il est relativement facile de mesurer adéquatement la plupart des formes d'investissements en capital humain en utilisant diverses sources de données disponibles à Statistique Canada. Les dépenses publiques et privées en formation scolaire sont relativement bien décrites. Les dépenses consacrées par les entreprises aux programmes de formation liés à l'emploi peuvent aussi être quantifiées.

Les travaux de Mincer (1962) montrent que la formation informelle, en cours d'emploi, comporte un aspect implicite d'investissement, car les travailleurs acceptent une rémunération plus faible en vue d'acquérir de l'expérience. En effet, l'éducation résulte non seulement des études et de la formation, mais aussi de l'expérience générale acquise au travail et durant les activités de loisirs. Toutefois, les données sur les dépenses liées à la formation informelle en cours d'emploi ne sont pas directement disponibles.

L'approche de la mesure du capital humain fondée sur les coûts est utile si l'on veut faire une analyse de rentabilité des dépenses en capital humain (p. ex., Stager 1996; Vaillancourt 1995). Elle fournit une mesure du flux d'investissements en capital humain. Combinée à la mesure fondée sur les revenus, l'approche fondée sur les coûts fournit une mesure du taux de rendement de l'investissement en capital humain. Cependant, plusieurs défis doivent être surmontés pour adopter cette approche.

Le premier concerne les critères de décision utilisés pour répartir les dépenses en ressources humaines en une composante de flux de consommation et une composante de flux d'investissement. Par exemple, Kendrick (1976) suppose que tous les coûts de l'éducation des enfants jusqu'à l'âge de 14 ans sont des investissements en capital humain. Par contre, Bowman (1962) soutient que ces coûts ne devraient pas être traités comme des investissements, à moins que les individus soient considérés comme des esclaves. Un problème semblable se pose si l'on veut déterminer les contributions de divers types d'investissements en capital humain. Faute de données empiriques, Kendrick a attribué 50 % des dépenses en santé et en sécurité des ménages à l'investissement en capital humain et les 50 % restant à la consommation.

Le deuxième défi de l'approche fondée sur les coûts tient au choix des taux de dépréciation du capital humain. Ce choix est essentiellement arbitraire, à cause du manque de données empiriques. Kendrick a utilisé la méthode d'amortissement dégressif à taux double modifiée. En revanche, Eisner a utilisé la méthode de l'amortissement linéaire pour estimer le stock de capital humain.

Enfin, vient le choix des déflateurs qui peuvent être utilisés pour exprimer aux prix constants les dépenses liées à l'investissement en capital humain.

Dans la suite du document, nous appliquons l'approche fondée sur les revenus pour estimer le stock de capital humain et l'investissement dans ce capital au Canada

3   Sources et construction des données

Pour construire le capital humain agrégé au Canada, nous procédons à la classification croisée des individus membres de la population en âge de travailler en fonction des 2 sexes, de 60 âges (15 à 74 ans) et de 5 niveaux d'études (primaires, secondaires, postsecondaires partielles, baccalauréat, et maîtrise ou diplôme supérieur), ce qui nous donne 600 groupes d'individus. Nous créons une base de données sur les activités de ces individus sur le marché du travail et sur leur taux d'inscription scolaire. La base de données comprend les chiffres de population, l'emploi rémunéré, le travail autonome, l'inscription scolaire et la rémunération annuelle des travailleurs rémunérés.

Les données sur les activités sur le marché du travail et l'inscription scolaire proviennent de l'Enquête sur la population active (EPA) réalisée mensuellement de 1976 à 2007 et du Recensement de la population pour les années 1971, 1981, 1986, 1991, 1996, 2001 et 2006.

Les données sur le nombre d'individus, l'emploi rémunéré, le travail autonome 11  et l'inscription scolaire sont tirées de l'EPA pour la période allant de 1976 à 2007, et du Recensement de la population pour 1970.

Les données sur les gains annuels des travailleurs rémunérés proviennent de l'EPA pour la période allant de 1997 à 2007, parce que la collecte de données sur les gains horaires des travailleurs rémunérés a été incluse dans l'Enquête à partir de 1997. Pour les années antérieures à 1997, les gains horaires sont calculés par interpolation linéaire des données provenant des deux recensements adjacents.

L'EPA et les recensements ne fournissent pas de données sur les gains des travailleurs autonomes. Pour les estimer, nous supposons que les gains horaires des travailleurs autonomes 12  sont égaux à ceux des travailleurs rémunérés ayant le même niveau d'études et d'expérience.

Les données sur les gains annuels des travailleurs rémunérés et des travailleurs autonomes sont toutes étalonnées d'après la rémunération annuelle du travail provenant des Comptes canadiens de productivité de Statistique Canada 13  . Les données reflètent la rémunération annuelle du travail des travailleurs rémunérés et des travailleurs autonomes.

En janvier 1990, les questions de l'EPA ayant trait au niveau d'études ont été révisées. De 1976 à 1989, les études postsecondaires étaient limitées à celles qui normalement nécessitent la possession d'un diplôme d'études secondaires. Après 1990, les études postsecondaires ont englobé toutes études pouvant être prises en considération en vue de l'obtention d'un grade, d'un certificat ou d'un diplôme décerné par un établissement d'enseignement. Le changement a entraîné une réaffectation de certains répondants des études secondaires aux études postsecondaires. Pour nous assurer que les données soient cohérentes au cours du temps, nous avons regroupé les études secondaires et postsecondaires en une seule catégorie pour les données de l'EPA antérieures à 1990 et utilisé l'information sur les études secondaires et postsecondaires tirées des recensements pour répartir les données de l'EPA pour cette période.

Les données sur les taux de survie ont été tirées des Tables de mortalité, Canada, provinces et territoires publiées par Statistique Canada. Bien que l'éducation tende à accroître les taux de survie, aucune donnée de ce genre n'existe pour le Canada. Nous supposons que les taux de survie ne varient pas selon le niveau d'études et qu'ils dépendent uniquement de l'âge et du sexe.

4   Résultats empiriques

Dans la présente section, nous commençons par présenter les données utilisées pour calculer les revenus de la vie entière ainsi que les agrégats de l'investissement en capital humain et du stock de ce capital. Puis, nous présentons nos estimations de l'investissement en capital humain et du stock de ce capital, et les comparons aux estimations de l'investissement en capital non humain et du stock de ce capital.

4.1  Sommaire des données

Le tableau 1 donne la distribution de la population en âge de travailler, âgée de 15 à 74 ans, en fonction de diverses caractéristiques individuelles (sexe, âge et niveau d'études) pour les années 1970, 1980, 1990, 2000 et 2007.

La part de la population en âge de travailler qui revient aux femmes n'a pour ainsi dire pas varié de 1970 à 2007. Au cours de la période, la part des femmes a été un peu plus importante que celle des hommes.

Le niveau d'études de la population canadienne a augmenté régulièrement depuis les années 1970. La part de la population en âge de travailler ayant fait des études postsecondaires est passée de 20,4 % en 1970 à 39,8 % en 2007. Durant la même période, la part des personnes titulaires d'un baccalauréat est passée de 4,1 % à 14,1 %, et celle des titulaires d'une maîtrise ou d'un diplôme supérieur, de 1,1 % à 6,1 %.

La répartition de la population canadienne entre les divers groupes d'âge a évolué considérablement depuis 1970. La période de 1970 à 1980 a été caractérisée par l'entrée de cohortes plus jeunes — les membres de la génération du baby-boom de l'après-guerre dans la population canadienne. La tendance au rajeunissement de la population s'est renversée au début des années 1980, quand les membres de la génération du baby-boom sont passés dans le groupe des 35 à 44 ans. De 1980 à 2007, la part de la population appartenant au groupe des 15 à 34 ans est passée de 50,2 % à 35,4 %. Durant la même période, la part de la population faisant partie du groupe des 35 à 54 ans a augmenté pour passer de 30,2 % à 40,2 % et celle du groupe des 55 à 74 ans, de 19,6 % à 24,4 %.

Les tableaux 2 et 3 donnent les taux d'emploi rémunéré et de travail autonome, définis comme étant le nombre de personnes occupées exprimé en pourcentage de la population en âge de travailler. Le taux de travailleurs rémunérés en pourcentage de la population en âge de travailler a augmenté, pour passer de 48,8 % à 56,7 % de 1970 à 1990, puis est demeuré stable après 1990. La hausse du taux de travailleurs rémunérés au cours du temps est imputable à l'accroissement important du taux d'emploi des femmes. Le taux d'emploi des hommes, quant à lui, a baissé légèrement au cours de la période.

Durant toute la période, le taux d'emploi était plus élevé chez les personnes plus instruites, comme en témoigne généralement le fait qu'il augmentait avec le niveau d'études. Le taux de travailleurs rémunérés a baissé pour tous les niveaux d'études après 1990. Cependant, le taux global de travailleurs rémunérés n'a pas diminué durant la période. Cette situation est due à une évolution vers des individus plus instruits dont les taux d'emploi sont plus élevés.

De 1970 à 2007, le taux de travailleurs rémunérés a augmenté chez les personnes ayant fait des études secondaires ou postsecondaires. Par contre, il a grandement diminué chez celles n'ayant pas terminé leurs études secondaires, ce qui reflète la détérioration des conditions du marché du travail pour les personnes peu instruites. Chez les personnes titulaires d'un baccalauréat, le taux de travailleurs rémunérés a peu varié et chez celles titulaires d'une maîtrise ou d'un diplôme supérieur, il a diminué au cours de la période.

Les variations des taux de travailleurs rémunérés diffèrent selon le groupe d'âge. Le taux de travailleurs rémunérés a augmenté au cours du temps parmi la population jeune et celle dans la force de l'âge. Pour la population âgée, le taux d'emploi a diminué avant 2000, puis a augmenté par après.

Le tableau 3 donne la part de la population en âge de travailler ayant un travail autonome. La part de travailleurs autonomes a peu varié de 1970 à 2007, aussi bien chez les hommes que chez les femmes. Cependant, le taux de travailleurs autonomes était plus élevé chez les premiers que chez les secondes. Durant la période postérieure à 1990, les taux de travailleurs autonomes ont eu tendance à être plus élevés chez les personnes ayant un plus haut niveau d'études. Durant les années 1970 et les années 1980, le taux de travailleurs autonomes le plus élevé a été enregistré chez les personnes ayant le niveau d'études le plus faible et le plus élevé, respectivement.

L'estimation du revenu de la vie entière et du capital humain agrégé nécessite des données sur les inscriptions au programme de formation scolaire selon le sexe, l'âge et le niveau d'études. Le tableau 4 résume les taux d'inscription, définis comme étant la part de personnes qui fréquentaient un établissement d'enseignement. Nous avons inclus dans l'estimation les inscriptions à des études à temps plein ainsi qu'à temps partiel.

De 1970 à 2007, la part de personnes de 15 à 74 ans qui se sont inscrites dans un établissement d'enseignement a peu varié, ce qui reflète le résultat net de la hausse des taux d'inscription des femmes et de la baisse des taux d'inscription des hommes. Le taux d'inscription a augmenté dans tous les groupes d'âge. De 1970 à 2007, le taux d'inscription est passé de 30,5 % à 35,7 % chez la population jeune et de 1,7 % à 3,4 % chez la population dans la force de l'âge. Le nombre de personnes plus âgées (55 ans et plus) qui fréquentaient un établissement d'enseignement était très faible, mais il a augmenté au cours du temps.

4.2  Stock de capital humain

Le tableau 5 donne les taux de croissance annuels du stock de capital humain agrégé estimé en suivant la méthode de Jorgenson et Fraumeni. Le graphique 1 représente graphiquement les indices du stock de capital humain, des chiffres de population et du capital humain par personne.

De 1970 à 2007, le capital humain agrégé s'est accru au taux annuel de 1,7 % au Canada. La plupart de cette croissance est imputable à l'augmentation du nombre d'individus faisant partie de la population en âge de travailler. De cette croissance de 1,7 % du capital humain, 1,5 point de pourcentage était dû à la croissance de la population en âge de travailler et 0,2 point de pourcentage, à l'effet du changement de composition ou à la croissance du capital humain par personne.

La croissance la plus importante du capital humain agrégé a eu lieu durant les années 1970, période qui a coïncidé avec l'entrée des membres de la génération du baby-boom dans la population en âge de travailler et la hausse rapide du niveau d'études de la population canadienne. Après 1980, la croissance du capital humain agrégé a été plus faible, à cause de la croissance plus lente et des effets de composition dus au vieillissement de la population en âge de travailler. Ces effets ont eu un effet négatif sur la croissance du capital humain par personne en raison d'une évolution de la composition de la population vers une proportion plus forte de personnes âgées ayant un revenu de la vie entière plus faible parce qu'il leur restait un moins grand nombre d'années de travail.

L'augmentation du stock de capital humain par personne peut être décomposée en contributions des changements dans les caractéristiques de la population telles que l'âge, le sexe et le niveau d'études. L'effet relatif de l'âge, du sexe et du niveau d'études sur l'augmentation du capital humain par personne est présenté à la partie inférieure du tableau 5. La hausse des niveaux d'études au sein de la population canadienne a contribué positivement à la croissance du capital humain agrégé. De 1970 à 2007, elle a eu pour effet de majorer de 0,9 % la croissance annuelle du stock de capital humain; de 1970 à 1980, elle a eu pour effet de majorer la croissance du capital humain de 1,4 % par année et de 1980 à 2007, de 0,7 % par année.

Après le début des années 1980, les effets de composition dus au vieillissement de la population canadienne a contribué négativement à la croissance du stock de capital humain, la réduction de la croissance annuelle étant de 0,5 % durant la période de 1980 à 2000 et de 0,6 %, durant celle de 2000 à 2007 14  . Pendant la période de 1980 à 2007, le vieillissement de la population canadienne a réduit la croissance du capital humain de 0,6 % par année.

La part de la population en âge de travailler revenant aux femmes n'a varié que légèrement au cours du temps. Par conséquent, le sexe a eu peu d'effet sur la croissance du stock de capital humain, et ce, malgré une forte hausse des taux d'activité des femmes et une augmentation de leur revenu du travail de la vie entière actualisé.

4.3  Investissement et variation du stock de capital humain

La variation du stock agrégé de capital humain peut être décomposée en un investissement en capital humain, en une dépréciation et en une réévaluation de ce capital en utilisant l'équation (11). L'investissement en capital humain durant une période est égal à la somme des variations des revenus de la vie entière dues aux études, des revenus de la vie entière des individus qui atteignent l'âge de travailler et l'immigration au Canada. La dépréciation du capital humain est égale à la somme des variations des revenus du travail de la vie entière dues au vieillissement de tous les individus qui font encore partie de la population en âge de travailler et des revenus du travail de la vie entière de tous les individus qui meurent ou qui émigrent. La réévaluation du capital humain est égale à la somme des variations des revenus du travail de la vie entière d'une période à l'autre chez les individus présentant un ensemble donné de caractéristiques démographiques (sexe, niveau d'études et âge).

Le graphique 2 donne les estimations de l'investissement en capital humain, de la dépréciation, de la réévaluation et de la variation du stock de capital humain en dollars courants pour la période allant de 1971 à 2007. Le tableau 6 montre les estimations en dollars courants et le tableau 7 présente les estimations en dollars constants. La variation du stock de capital humain en dollars courants est égale à l'investissement brut en stock de capital humain, net de la dépréciation, plus la réévaluation. La variation du stock de capital humain en dollars constants est estimée comme étant une agrégation de Tornqvist de l'investissement brut, nette de la dépréciation, plus la réévaluation, en utilisant leurs parts (les valeurs moyennes de l'investissement brut, de la dépréciation et de la réévaluation) dans la variation du stock de capital humain en valeur nominale comme pondérations.

La composante de la réévaluation ainsi que la variation globale du capital humain ont fluctué fortement au cours du temps, à cause des fluctuations du taux de variation du revenu du travail moyen de la vie entière. La plus grande part de l'évolution à court terme de la valeur du capital humain reflète la réévaluation du stock de capital humain. La contribution de l'investissement net en capital humain (défini comme l'investissement brut en capital humain net de la dépréciation) à la variation du capital humain a été plus faible que celle de la réévaluation de ce capital. Le terme de réévaluation et la variation du stock de capital humain étaient relativement faibles au début des années 1990, à cause du fléchissement des taux de participation au marché du travail et de la croissance lente des gains des travailleurs au cours de la période 15 .

À long terme, d'une part, les changements causés par l'investissement brut et la dépréciation sont à la hausse, présentant peu de caractère cyclique. D'autre part, les changements dus à la réévaluation, qui correspondent aux fluctuations de l'économie et de la situation sur le marché du travail, sont très marqués et présentent un profil à long terme semblable à celui des variations des éléments fondamentaux du capital humain, c'est-à-dire la croissance de la population et le vieillissement. Néanmoins, de 1970 à 2007, la croissance des trois composantes était environ la même 16 .

Le tableau 8 présente la croissance des indices de prix et de quantité de l'investissement en capital humain, ainsi que de la dépréciation et de la réévaluation de ce capital. L'investissement brut en capital humain exprimé aux prix constants a progressé au taux de 0,4 % de 1971 à 2007. L'investissement net (l'investissement brut moins la dépréciation), quoique positif, a reculé au cours du temps, la croissance de la dépréciation du capital humain ayant surpassé celle de l'investissement brut en capital humain. De 1971 à 2007, l'investissement net en capital humain en prix de 2002 a diminué de 3,1 % par année, passant d'environ 200 milliards de dollars en 1971 à environ 60 milliards de dollars en 2007. La presque totalité de la croissance est attribuable à la composante de la réévaluation. Ce n'est pas surprenant, parce que la plus grande part de la croissance du stock de capital humain est causée par l'augmentation du nombre d'individus dans la population en âge de travailler. La hausse de l'indice du volume du terme de réévaluation mesure les augmentations du nombre d'individus dans la population en âge de travailler, lorsque leurs caractéristiques sont tenues pour constantes.

La croissance du volume d'investissement en capital humain a été plus lente que celle de l'investissement en capital non-humain. De 1971 à 2007, la croissance de l'investissement brut en capital produit a été de 3,9 % par année.

Le graphique 3 représente graphiquement le ratio de l'investissement en capital humain au produit intérieur brut (PIB) en valeur nominale au Canada. Pour comparer l'investissement en capital humain à l'investissement en capital non humain, nous avons également représenté sur le graphique le ratio de l'investissement au PIB pour le capital physique 17 . Nous constatons que le ratio de l'investissement en capital humain au PIB a diminué de 1971 jusqu'au milieu des années 1990, puis a peu varié après le milieu des années 1990. La baisse du ratio de l'investissement au PIB la plus rapide a eu lieu durant les années 1970, en raison de la croissance relativement rapide du PIB durant cette période. Le ratio de l'investissement en capital humain au PIB s'établissait à 1,26 en 1971, comparativement à 0,44 en 2007 18 .

Alors que le ratio de l'investissement en capital humain au PIB a diminué au cours du temps, celui de l'investissement en capital physique au PIB n'a pour ainsi dire pas changé. L'investissement en capital physique, exprimé en part du PIB, était de 20 % environ au cours de la période.

Les investissements en capital humain surpassent les investissements en capital physique. En 2007, au Canada, les investissements nominaux en capital humain était environ deux fois plus importants que les investissements nominaux en capital physique. L'écart entre l'investissement en capital humain et l'investissement en capital physique était encore plus grand en 1971. Cette année-là, l'investissement en capital humain valait environ 5,7 fois l'investissement en capital physique.

4.4  Stock de capital humain selon le sexe, le niveau d'études et le groupe d'âge

Le tableau 9 donne le revenu du travail moyen de la vie entière ou le capital humain par personne selon le type d'individus faisant partie de la population en âge de travailler. Nous utilisons le revenu du travail moyen de la vie entière par personne pour pondérer le nombre d'individus dans la population en vue de calculer une mesure du capital humain agrégé.

Premièrement, le revenu du travail moyen de la vie entière par personne ou capital humain par personne est passé de 100,4 milliers de dollars en 1970 à 661,0 milliers de dollars en 2007, ce qui représente un accroissement d'un facteur 6,6 au cours de la période. Le capital humain moyen actualisé des femmes était inférieur à celui des hommes de 1970 à 2007 en raison de différences de gains prévus de la vie entière. Cette différence a diminué au cours du temps, parce que la croissance du capital humain moyen par personne a été nettement plus rapide chez les femmes que chez les hommes. En 1970, le revenu du travail moyen de la vie entière moyen des femmes valait 30,6 % de celui des hommes. En 2007, la proportion était passée à 64,7 %.

Deuxièmement, le capital humain était plus important chez les personnes dont le niveau d'études était relativement plus élevé que chez celles dont ce niveau était faible à cause de différences de gains de la vie entière. La différence en pourcentage de capital humain entre les premières et les dernières (personnes ayant de 0 à 8 années d'études) a augmenté avant 1990, puis diminué après 1990. La différence de revenu de la vie entière par personne associée au niveau d'études élevé s'accorde avec l'augmentation estimée du revenu annuel de 8 % à 10 % obtenue pour une année additionnelle d'études (Emery, 2004). Par exemple, la différence de revenu de la vie entière entre les personnes ayant un baccalauréat et les personnes ayant des études postsecondaires partielles est de 23 % en 2007. Cette différence représente une augmentation de 11,5 % par année, parce qu'une personne est censée avoir un baccalauréat après deux années données d'études.

Troisièmement, le revenu du travail moyen de la vie entière des jeunes (de 15 à 34 ans) était plus élevé que celui des personnes plus âgées, parce qu'il restait aux premiers un plus grand nombre d'années de vie active. La différence de capital humain entre les personnes dans la force de l'âge (35 à 54 ans) et les jeunes a diminué au cours du temps, tandis que la différence de capital humain entre les personnes âgées (de 55 à 74 ans) et les jeunes est demeurée virtuellement la même au cours du temps.

Le tableau 10 comprend des estimations de la croissance annuelle moyenne du capital humain par type d'individus, c'est-à-dire selon le sexe, cinq niveaux d'études et trois groupes d'âge. De 1970 à 1980, la croissance du capital humain a été la même chez les femmes que chez les hommes. Après 1980, celle imputable aux femmes a été un peu plus importante que celle imputable aux hommes.

La croissance du capital humain a été plus rapide chez les personnes ayant un niveau d'études élevé que chez celles ayant un niveau d'études plus faible. Le capital humain des personnes n'ayant pas terminé leurs études secondaires a, en fait, diminué au taux de 4,2 % par année de 1970 à 2007.

Le tableau 11 donne la décomposition de la croissance du capital humain agrégé selon le sexe, le niveau d'études (cinq niveaux) et le groupe d'âge (trois groupes). Avant 1980, 0,8 point de pourcentage, soit environ le quart de la croissance du capital humain agrégé, était dû à la croissance du capital humain chez les femmes. Après 1980, l'importance du rôle joué par les femmes dans la croissance du capital humain agrégé s'est accrue. Au cours de la période récente allant de 2000 à 2007, environ la moitié de la croissance du capital humain agrégé peut être imputée à la croissance du capital humain chez les femmes.

De 1970 à 2007, au Canada, la croissance du capital humain agrégé a été attribuable principalement à la croissance du capital humain des individus ayant fait au moins des études postsecondaires. La contribution de ceux ayant fait des études secondaires était faible au cours des années 1970 et négative après 1980. Enfin, la contribution des personnes ayant fait des études primaires a été négative durant toute la période.

L'accroissement du capital humain s'est manifesté chez tous les groupes d'âge, mais l'importance relative de la contribution de chaque groupe à la croissance globale du capital humain a changé au cours du temps. Durant les années 1970, la plupart de la croissance du capital humain agrégé était due à celle du capital humain des jeunes, en raison de l'entrée des membres de la génération du baby-boom de l'après-guerre dans la population en âge de travailler. De 1980 à 2000, la plupart de la croissance du capital humain agrégé était due à celle du capital humain des personnes dans la force de l'âge, car les membres de la génération du baby-boom avaient atteint cet âge. Durant la période ultérieure à 2000, la croissance du capital humain chez les jeunes a de nouveau été le déterminant le plus important de la croissance du capital humain agrégé, parce que les enfants des membres de la génération du baby-boom, ou « génération Y », ont atteint l'âge de travailler.

4.5  Contribution du patrimoine humain aux comptes du patrimoine

À la présente section, nous présentons un ensemble plus détaillé de Comptes du patrimoine pour le Canada. La valeur du patrimoine est définie comme étant la somme du capital produit et du patrimoine naturel, tel qu'ils sont calculés par le programme des Comptes du bilan national (CANSIM, tableau 378-0005), et comprend nos estimations du patrimoine humain. La valeur du capital produit qui figure dans les Comptes du bilan national comprend les bâtiments et ouvrages résidentiels, les bâtiments et ouvrages non résidentiels, les machines et le matériel, les biens durables de consommation et les stocks. Le patrimoine naturel comprend les terres et les ressources naturelles (bois d'oeuvre, ressources énergétiques et minéraux).

Nous présentons les estimations du patrimoine humain, du capital produit et du capital naturel pour la période allant de 1970 à 2007 aux prix courants au tableau 12 et en dollars constants au tableau 13. Au graphique 4, nous avons représenté graphiquement la part du patrimoine humain, du capital produit et du patrimoine naturel. La composante la plus importante des comptes complets du patrimoine au Canada est le patrimoine humain; viennent ensuite celles du capital produit et du capital naturel. En 2007, la part du patrimoine humain représentait 70 % du patrimoine, tandis que les parts du capital produit et du capital naturel étaient respectivement de 17 % et de 13 %.

Tableau 12

Au cours des 40 dernières années, la part du capital humain dans le patrimoine s'est contractée légèrement et celle du capital produit et du capital naturel a augmenté. De 1975 à 2007, la part du capital humain est passée de 78 % à 70 %, celle du capital produit est passée de 15 % à 17 % et celle du capital naturel, de 8 % à 13 %.

La valeur du capital humain excédait celle du capital produit. Cependant, le ratio du capital humain au capital produit a diminué au cours du temps. En 2007, la valeur du capital humain était environ quatre fois plus grande que celle du capital produit. En revanche, en 1970, le ratio du capital humain au capital produit était de 5,7 à 1.

La croissance du capital humain aux prix constants a été plus lente que celle des actifs produits, comme l'illustre le tableau 13 19  . De 1970 à 2007, le capital humain aux prix constants a augmenté de 1,7 % par année, tandis que le capital produit aux prix constants s'est accru de 2,8 % par année.

Le taux de croissance de l'indice de prix du capital humain est semblable à celui de l'indice de prix du capital non humain. De 1970 à 2007, l'indice de prix du capital humain a progressé de 4,6 % par année, tandis que celui du capital produit a augmenté au taux de 4,9 % par année.

4.6  Analyse de sensibilité

Les estimations du revenu de la vie entière et du stock agrégé du capital humain dépendent de la croissance prévue du revenu réel futur et du taux utilisé pour actualiser la valeur du revenu futur. Dans les estimations présentées plus haut, nous avons supposé que la croissance prévue du revenu réel futur était égale à la croissance moyenne de la productivité du travail dans le secteur canadien des entreprises et que le taux d'actualisation était égal à la moyenne pondérée des taux de rendement des capitaux propres et de la dette.

À la présente section, nous examinons la sensibilité des estimations de l'investissement en capital humain et du stock de capital humain à diverses hypothèses au sujet de la croissance du revenu réel et du taux d'actualisation réel. Les résultats sont présentés aux tableaux 14 et 15.

Nous constatons que les variations du taux d'actualisation et de la croissance prévue du revenu futur ont un léger effet sur les estimations du taux de croissance des indices de quantité et de prix de l'investissement en capital humain et du stock de ce capital. Par contre, ces variations ont un effet significatif sur le niveau de l'investissement en capital humain et du stock de capital humain. Comme prévu, l'équation (2) utilisée pour calculer le revenu de la vie entière montre que l'effet d'un accroissement de la croissance du revenu réel sur le niveau de capital humain est semblable à l'effet d'une diminution du taux d'actualisation. Nos résultats indiquent qu'en 2007, un accroissement d'un point de pourcentage de la croissance du revenu réel ou la diminution d'un point de pourcentage du taux d'actualisation accroît la valeur du stock de capital humain d'environ 15 % et celle de l'investissement en capital humain d'environ 25 %. Les effets d'une diminution de croissance du revenu réel et d'une augmentation du taux d'actualisation sur l'estimation de l'investissement en capital humain et du stock de celui-ci sont légèrement différents des effets d'une augmentation de la croissance du revenu réel et d'une diminution du taux d'actualisation. Nos résultats révèlent qu'une diminution d'un point de pourcentage de la croissance du revenu réel ou une augmentation d'un point de pourcentage du taux d'actualisation a réduit le niveau du stock de capital humain de 12 % et celui de l'investissement en capital humain d'environ 20 % en 2007. Les effets pour les autres années sont semblables 20 .

Pour produire les estimations de l'investissement en capital humain et du stock de capital humain présentées jusqu'ici, nous avons inclus les études à temps plein et à temps partiel dans l'estimation des taux d'inscription scolaire. Quand nous avons exclu les études à temps partiel de l'estimation du taux d'inscription scolaire, nous avons constaté un léger effet sur les estimations du niveau et de la croissance de l'investissement en capital humain et du stock de ce capital.

5   Conclusion

Dans le présent document nous avons construit une mesure de l'investissement en capital humain et du stock de capital humain au Canada au cours de la période allant de 1970 à 2007. Nous comparons les estimations de l'investissement capital humain à celles de l'investissement en capital non humain et du stock de ce capital. Les résultats se résument comme suit.

Premièrement, de 1970 à 2007, le volume de capital humain agrégé du Canada s'est accru au taux annuel de 1,7 % et la plupart de la croissance était imputable à l'augmentation du nombre d'individus faisant partie de la population en âge de travailler de 15 à 74 ans. La hausse des niveaux d'études de la population canadienne a également été un déterminant important de la croissance du capital humain. De la croissance de 1,7 % du volume de ce dernier de 1970 à 2007, 1,5 point de pourcentage était dû à la croissance de la population en âge de travailler et 0,2 point de pourcentage, à l'effet du changement de composition du capital humain (p. ex., vieillissement et hausse des niveaux d'études de la population canadienne) ou à la croissance du capital humain par personne.

Deuxièmement, les effets de composition dus au vieillissement de la population canadienne ont eu un effet négatif sur la croissance du capital humain, et la hausse des niveaux d'études, un effet positif. Les effets de composition dus au vieillissement ont fait diminuer le stock de capital humain en raison du pourcentage élevé de travailleurs qui, même s'ils avaient acquis plus d'expérience, avait moins d'années à vivre. Les niveaux d'études ont fait augmenter les gains prévus et, en conséquence, les gains de la vie entière. Nos estimations montrent que les effets de composition associés au vieillissement de la population canadienne ont réduit la croissance du capital humain de 0,6 % par année de 1980 à 2007 et que la hausse des niveaux d'études a accéléré cette croissance de 0,7 % par année pendant cette période.

Troisièmement, le stock de capital humain par personne a augmenté de 0,9 % par année de 1970 à 1980, à cause de la hausse des niveaux d'études pendant cette période. Après 1980, le stock de capital humain par personne est demeuré virtuellement le même à cause de deux facteurs qui se sont contrebalancés : la hausse des niveaux d'études, qui a fait augmenter le stock de capital humain, et les effets de composition dus au vieillissement de la population, qui l'a fait diminuer.

Quatrièmement, la valeur de l'investissement en capital humain et du stock de capital humain était supérieure à celle de l'investissement en capital non humain et du stock de ce capital. Cependant, le ratio de l'investissement en capital humain et du stock de ce capital à l'investissement en capital non humain et au stock de ce capital a baissé au fil du temps. En 2007, la valeur du stock de capital humain était environ 4,1 fois plus importante que celle du stock de capital produit. En 1970, le ratio du stock de capital humain au stock de capital produit était de 5,7 à 1. L'investissement en capital humain était environ 1,9 fois plus grand que l'investissement en capital physique en 2007, et environ 5,7 fois plus important que l'investissement en capital non humain en 1971.

Cinquièmement, la croissance de l'investissement en capital humain et du stock de capital humain a été plus lente que celle de l'investissement en capital produit et du stock de ce capital. De 1970 à 2007, le stock de capital humain a augmenté au taux de 1,7 % par année, tandis que le stock de capital produit s'est accru de 2,8 % par année. De 1971 à 2007, l'investissement en capital humain a progressé de 0,4 % par année et l'investissement en capital produit, de 3,9 % par année.

Sixièmement, les estimations des niveaux d'investissement en capital humain et de stock de capital humain sont sensibles au choix du taux de croissance prévu des revenus futurs et du taux utilisé pour actualiser la valeur des revenus futurs, mais la croissance des indices de quantité et de prix de l'investissement en capital humain et du stock de capital humain le sont beaucoup moins.