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  1. Introduction
  2. Données et statistiques sommaires
  3. Croissance de la productivité et nouveaux marchés
  4. Orientations stratégiques des établissements entrant : l'importance de la capacité d'adaptation des établissements
  5. Conclusion
  6. Annexe

1   Introduction

La présente étude traite de la prospérité relative des fabricants qui parviennent à s'adapter au changement, de l'importance de trouver de nouveaux marchés pour y arriver, et de la nature particulière de la capacité d'adaptation requise pour atteindre les résultats.

Les défis qui se posent et les perspectives qui s'offrent au secteur canadien de la fabrication ont passablement évolué au cours des vingt dernières années. Durant les années 1990, les réductions des droits de douane aux termes de l'Accord de libre-échange Canada–États-Unis et de l'Accord de libre-échange nord-américain ont donné lieu à une très forte croissance des échanges commerciaux entre le Canada et les États-Unis ainsi qu'à une intensification des exportations des établissements manufacturiers. À l'opposé, l'essor des ressources naturelles à l'échelle mondiale après 2000 a eu pour effets une hausse des prix pour les produits de base des exportations canadiennes, une appréciation du dollar canadien par rapport au dollar américain et un fléchissement de la compétitivité du secteur manufacturier canadien sur les marchés américains, mais aussi l'apparition de nouvelles possibilités sur les marchés intérieurs dans le secteur canadien des ressources naturelles.

L'adaptation des entreprises manufacturières canadiennes à ces situations a pris différentes formes. Certaines des entreprises présentes sur les marchés d'exportation y sont demeurées tandis que d'autres en sont sorties. Parmi ces dernières, certaines ont tiré parti des nouvelles occasions sur les marchés intérieurs. D'autres sont tout simplement revenues à leurs marchés intérieurs d'origine. Parmi les entreprises qui écoulaient leurs produits exclusivement sur les marchés intérieurs au début de la période, certaines ont trouvé de nouveaux marchés d'exportation, en dépit de l'appréciation du dollar canadien par rapport au dollar américain, d'autres ont exploré de nouveaux marchés intérieurs pour entrer sur de nouveaux marchés intérieurs dans d'autres provinces ou territoires. D'autres encore s'en sont tenues à leurs marchés traditionnels.

La présente étude porte sur la relation entre l'adaptation et la prospérité. Elle traite notamment de la mesure dans laquelle la croissance de la productivité diffère entre les producteurs qui se sont adaptés en trouvant de nouveaux marchés et ceux qui n'y sont pas parvenus. On y examine aussi les profils stratégiques de ces différentes catégories d'entreprises afin de comprendre les caractéristiques sous-jacentes des activités et des stratégies des entreprises qui favorisent l'adaptation à une économie en évolution.

La présente étude permet d'enrichir nos connaissances dans deux secteurs, soit la littérature sur les échanges commerciaux internationaux qui traite de l'hypothèse de l'apprentissage par l'exportation et les travaux relatifs à l'organisation industrielle qui traitent de la dynamique du changement. Des travaux de recherche visant à déterminer si l'entrée sur les marchés d'exportation donne lieu à des gains de productivité sont menés depuis l'étude de Bernard et Jensen (1995). L'une des observations formulées est que l'entrée des entreprises « supérieures » sur les marchés d'exportation s'effectue par voie d'autosélection, tandis que l'activité d'exportation engendre un effet d'apprentissage qui contribue à la croissance de la productivité des exportateurs, à la fois au Canada et dans plusieurs autres pays 1 .

Il convient cependant de préciser que ces études ont porté presque uniquement sur l'effet de l'entrée sur les marchés internationaux — ce qui tient peut-être au fait qu'il y a davantage de données disponibles pour étudier ce phénomène. Le sujet de la présente étude est de plus vaste portée. Nous irons au-delà de l'examen traditionnel de la croissance de la productivité attribuable aux exportations puisque ce document examine les effets associés à l'entrée sur deux catégories de nouveaux marchés — les marchés intérieurs et les marchés étrangers — et pose la question de savoir si les entreprises nationales qui étendent leurs marchés au-delà de leur province profitent également d'une croissance plus marquée de leur productivité et obtiennent d'aussi bons résultats que celles qui optent pour les marchés étrangers.

L'étude traite aussi du sort des entreprises qui sortent des marchés d'exportation. Entrées et sorties se succèdent au cours du processus où les entreprises font l'essai de leur capacité à servir de nouveaux consommateurs et à utiliser des technologies nouvelles. Une sortie peut être le signe d'un échec, mais cela peut aussi être le signe précurseur des activités de reconstitution qui s'ensuivront. Nous examinons ici les entreprises qui se sont retirées des marchés d'exportation, et nous les subdivisons en deux groupes selon qu'elles reviennent à leur marché d'origine ou qu'elles entrent sur de nouveaux marchés situés dans d'autres provinces. Ce dernier comportement suggère une capacité d'adaptation qui est davantage associée à la croissance plutôt qu'à un déclin à long terme.

Le principal apport de la présente étude à la littérature existante tient à la constatation suivante : il existe une relation entre les gains de productivité et l'entrée sur de nouveaux marchés de façon générale — en d'autres termes, les gains en question ne sont pas fonction du fait que les nouveaux marchés sont intérieurs ou étrangers. L'entrée sur de nouveaux marchés intérieurs dans d'autres provinces canadiennes est tout aussi avantageuse que l'entrée sur de nouveaux marchés étrangers, et la sortie de marchés d'exportation n'aura pas forcément des répercussions négatives si elle est suivie d'une entrée sur de nouveaux marchés intérieurs.

Notre étude servira aussi à mieux comprendre les caractéristiques associées à la réussite des entreprises. Il y a eu des études microéconomiques portant sur la manière dont le processus concurrentiel donnant lieu au transfert de ressources des entités moins productives aux entités plus productives contribue à la croissance de la productivité agrégée (Foster et coll., 2001). Nous cherchons à savoir en quoi les entreprises qui sont plus productives et qui sont en croissance diffèrent de celles qui sont en déclin, de manière à mieux saisir les aspects qui sous-tendent ces différences.

Les écarts au chapitre de la réussite sont associés à la capacité des entreprises à trouver des moyens innovateurs de s'adapter au changement. L'une des capacités des entreprises prospères sur lesquelles on insiste le plus a trait à l'adoption de technologies et de procédés nouveaux et perfectionnés (Mowery et Rosenberg, 1989; Baldwin et Sabourin, 2002). Plus rares sont les données probantes mettant en lumière le lien entre la réussite d'une entreprise et l'importance qu'elle accorde aux activités de mise en marché. Pourtant, les enquêtes sur l'innovation nous apprennent que les innovateurs « accomplis » sont non seulement plus susceptibles de mettre de l'avant des technologies nouvelles, mais aussi d'accorder plus d'importance à l'écoulement de nouveaux produits — ou de produits existants — sur de nouveaux marchés (Baldwin et Gellatly, 2003). La présente étude a pour objet de combler cette lacune. Elle traite principalement de la mesure dans laquelle il existe une relation entre la croissance de la productivité et l'entrée sur de nouveaux marchés, de façon à montrer le lien existant entre la réussite et la capacité qu'ont les entreprises à s'adapter au changement en entrant sur de nouveaux marchés. Nous utilisons les données de l'Enquête sur le milieu de travail et les employés (EMTE) de Statistique Canada pour mesurer directement certaines caractéristiques rattachées à l'expansion sur les marchés. L'EMTE fournit des renseignements sur les stratégies et les pratiques des entreprises en matière d'innovation, sous l'angle des produits, des procédés, des marchés et de l'organisation du travail. Ces renseignements servent à étudier la manière dont les entreprises en croissance et plus productives qui passent d'un marché à un autre diffèrent des entreprises qui périclitent.

Ce document est organisé de la façon suivante. Les données sont présentées à la section 2, tandis que la section 3 porte sur le lien entre les nouveaux marchés et la croissance de la productivité. À la section 4, nous comparons les profils stratégiques des entreprises en croissance sur de nouveaux marchés et les autres entreprises. La section 5 est la conclusion.

2   Données et statistiques sommaires

2.1  Sources de données

Les données utilisées dans la présente étude proviennent de l'Enquête annuelle des manufactures (EAM) de Statistique Canada; aux fins de l'étude, cette information est convertie en base de données longitudinales faisant le suivi des établissements manufacturiers canadiens au fil du temps. L'échantillon utilisé ici comprend uniquement les établissements à l'égard desquels on dispose des renseignements sur les expéditions par lieu de destination. Ces renseignements sont disponibles pour les années 1979, 1984, 1990, 1993, 1996, 1997, 1998 et 1999 dans le cas des établissements de grande taille qui ont rempli les questionnaires détaillés, et ils sont disponibles pour chaque année à compter de 2000, et ce, pour tous les établissements. 2  La base de données de l'EAM contient des renseignements sur les expéditions, la valeur ajoutée, l'effectif, l'âge des établissements, les exportations et l'industrie à laquelle appartiennent les établissements selon le code à six chiffres du Système de classification des industries de l'Amérique du Nord (SCIAN). On définit la productivité du travail comme étant la production à valeur ajoutée réelle par employée; à cette fin, la valeur ajoutée réelle correspond aux moyennes de la production à valeur ajoutée nominale au niveau de l'établissement après l'application du déflateur correspondant à l'industrie. Elle contient aussi de l'information au sujet des exportations des établissements vers d'autres provinces ou territoires à l'extérieur de la province ou du territoire dans lequel ils se situent.

2.2  Statistiques sommaires

Aux fins d'examiner la réussite des producteurs qui trouvent de nouveaux marchés, nous commençons par subdiviser les producteurs en quatre groupes en fonction de leur transition vers des marchés d'exportation ou hors de ces marchés, soit, plus précisément : les non-exportateurs (établissements qui n'exportent pas leur production au début ni à la fin d'une période); les établissements entrant sur les marchés d'exportation (établissements qui n'exportent pas au début d'une période, mais qui le font à la fin de celle-ci); les établissements sortant des marchés d'exportation (établissements qui exportent au début d'une période, mais pas à la fin de celle-ci); et les exportateurs continus (établissements qui exportent à la fois au début et à la fin d'une période). La comparaison de la productivité est effectuée entre paires de groupes : les non-exportateurs et les établissements entrant sur les marchés d'exportation; puis les établissements sortant des marchés d'exportation et les exportateurs continus. Les établissements non-exportateurs participants (non-exportateurs et établissements sortant) sont ensuite subdivisés selon qu'ils tirent ou non parti de nouveaux marchés intérieurs en commençant à expédier leur production vers d'autres provinces ou territoires canadiens.

On compare la productivité des établissements qui font ces transitions d'entrées et de sorties lors de deux périodes distinctes : de 1990 à 1996, et de 2000 à 2006. Le contexte macroéconomique différait entre l'une et l'autre. Durant la première période, le secteur manufacturier canadien profitait de nouvelles perspectives d'exportation à destination des marchés américains à la suite de la dépréciation du dollar canadien par rapport au dollar américain ainsi que de la mise en application de l'Accord de libre-échange Canada–États-Unis, en 1988, et de l'Accord de libre-échange nord-américain entre le Canada, les États-Unis et le Mexique, en 1994, ce qui a entraîné une baisse très marquée des taux de droits de douane applicables aux échanges entre le Canada et les États-Unis. Vers la fin des années 1990, la plupart des réductions de droits de douane avaient été mises en oeuvre. Après 2000, l'essor des ressources naturelles à l'échelle mondiale a entraîné une forte expansion de l'économie des provinces productrices de ressources ainsi qu'une appréciation du dollar canadien par rapport au dollar américain, d'où une baisse de la rentabilité des exportations vers les marchés américains. Tant la hausse des prix des produits de base que l'appréciation du dollar canadien ont donné lieu à une amélioration des termes de l'échange (prix à l'importation plus bas et prix à l'exportation plus élevés) ce qui a stimulé encore plus l'essor économique intérieur stimulé par les ressources naturelles après 2000 (MacDonald, 2008).

Les exportations ont enregistré un taux de croissance annuelle de 0,5 % seulement de 2000 à 2006, contre 7,5 % de 1990 à 2000 (tableau 1). Par contre, le produit intérieur brut (PIB) réel a progressé de 2,6 % par année de 2000 à 2006, comparativement à 1,7 % seulement de 1990 à 1996. La période postérieure à 2000 a été marquée par de fortes augmentations dans le revenu intérieur brut (RIB) à cause des hausses dans les termes de l'échange, résultant en une hausse des dépenses intérieures, en particulier les dépenses personnelles en biens semi-durables et les investissements dans les bâtiments résidentiels et non résidentiels. Le RIB a augmenté de 3,1 % annuellement dans la période de 2000 à 2006, mais de 1,7 % annuellement dans la période de 1990 à 1996.

Le tableau 2 présente des statistiques sommaires sur la productivité des divers groupes d'établissements comparés dans la présente étude. Il convient de souligner trois observations. D'abord, les participants aux marchés d'exportation sont plus productifs que les non-participants au début d'une période donnée, et ils enregistrent une plus forte croissance de leur productivité durant la période (établissements entrant sur des marchés par rapport aux non-exportateurs, et exportateurs continus par rapport aux établissements sortant). Ensuite, parmi les non-exportateurs au début de la période, ceux qui entrent sur de nouveaux marchés intérieurs ont une productivité plus élevée avant leur entrée sur ces marchés et enregistrent une plus forte croissance de leur productivité après leur entrée que les établissements qui se cantonnent à leurs marchés intérieurs traditionnels. Enfin, au chapitre de la croissance de la productivité, l'écart entre les groupes (exportateurs et non-exportateurs ainsi que non-exportateurs entrant sur de nouveaux marchés intérieurs et non-exportateurs ne le faisant pas) s'est rétréci au cours de la période postérieure à 2000 par rapport à la période antérieure à 2000, où les réductions tarifaires et la dépréciation du dollar canadien ouvraient de vastes perspectives d'exportation vers les marchés américains.

On établit ensuite un lien entre la productivité et les capacités des entreprises qui vont de pair avec l'entrée sur de nouveaux marchés, considérant que l'ampleur des avantages que procure cette activité dépend de l'environnement macroéconomique. Les établissements qui entrent sur de nouveaux marchés obtiennent toujours de meilleurs résultats, mais c'est l'environnement macroéconomique qui déterminera jusqu'à quel point cette différence sera importante. Ce dernier point a été étudié par Baldwin et Yan (2012), qui ont constaté que la taille des avantages obtenus augmente ou diminue en fonction des changements reliés au régime d'échanges commerciaux, et également que l'appréciation du dollar canadien après 2000 a annulé presque entièrement les avantages rattachés à la croissance de la productivité pour les nouveaux participants aux marchés d'exportation.

Dans le but de déterminer s'il existe des écarts de croissance de la productivité entre industries, nous utilisons ici une taxonomie dans laquelle les industries au niveau à quatre chiffres sont subdivisées en cinq grands groupes 3  : les industries axées sur les ressources naturelles; les industries à forte intensité de main-d'oeuvre; les industries fondées sur des économies d'échelle; les industries à produits différenciés; et les industries à vocation scientifique. Chaque groupe est défini d'abord en fonction des facteurs qui influent sur le processus concurrentiel. Dans le cas des industries axées sur les ressources naturelles, le principal déterminant de la concurrence est l'accès à d'abondantes ressources naturelles; pour les l'industries à forte intensité de main-d'oeuvre, c'est le coût du travail; pour les industries fondées sur des économies d'échelle, on considère la durée du cycle de production; pour les industries à produits différenciées, le principal déterminant sera la capacité d'adapter la production à la demande sur les différents marchés; et pour les industries à vocation scientifique, il est l'application du savoir scientifique. Ces deux derniers groupes d'industries misent de façon importante sur les actifs incorporels des marques de commerce et des connaissances.

Bien que certaines différences existent entre les industries en ce qui a trait au rendement après 2000 par rapport à celui observé dans les années 1990, la situation dans ses grandes lignes est la même — les entreprises qui sont sorties des marchés d'exportation ont mieux réussi que celles qui y sont demeurées, et ces dernières ont eu de meilleurs résultats que les entreprises qui sont entrées sur les marchés d'exportation (tableau 3, colonne 3). Dans les industries axées sur les ressources naturelles et les industries fondées sur des économies d'échelle, la croissance de la productivité a généralement été plus forte après 2000 que dans les années 1990, mais les hausses ont été plus marquées chez les non-exportateurs que chez les établissements entrant sur les marchés d'exportations et les établissements sortant comparativement aux exportateurs continus. Dans les industries à forte intensité de main-d'oeuvre, il y a eu un recul chez les exportateurs et les entreprises entrant sur les marchés d'exportation, mais une progression chez les non-exportateurs et les entreprises sortant des marchés d'exportation. Enfin, dans les industries à produits différenciés et les industries à vocation scientifique, les non-exportateurs et les entreprises sortant des marchés d'exportation ont également fait mieux que les exportateurs continus et les entreprises entrant sur les marchés d'exportation. L'environnement macroéconomique a eu des effets sur la productivité des établissements, et ces effets vont dans le même sens pour un large éventail d'industries.

3   Croissance de la productivité et nouveaux marchés

3.1  Regroupement des établissements

Au départ, deux échantillons d'établissements en exploitation continue — l'un pour la période de 1990 à 1996, l'autre, pour celle de 2000 à 2006 — sont combinés; puis, ces deux périodes sont subdivisées chacune en deux sous-périodes de longueur équivalente, de manière à pouvoir comparer le rendement des établissements avant l'entrée et après la sortie; ces premières sous-périodes vont de 1990 à 1993 et de 2000 à 2003, et les secondes, de 1993 à 1996 et de 2003 à 2006.

Les établissements sont subdivisés tout d'abord en quatre groupes en fonction de leur transition par rapport aux marchés d'exportation au cours des deux sous-périodes, le but étant d'éviter de juxtaposer les effets de l'entrée sur les marchés d'exportation et de la sortie de ces marchés (tableau 4). Les établissements dont la situation au chapitre des exportations a changé à l'intérieur de la première sous-période sont exclus 4 . Les établissements qui n'exportaient pas durant la première sous-période mais qui ont commencé à le faire lors de la deuxième sous-période sont les établissements entrant sur les marchés d'exportation (G1), tandis que les non-exportateurs (G2) sont ceux qui n'ont pas exporté lors d'aucune des sous-périodes. De même, les exportateurs continus (G3) sont les établissements qui ont exporté lors de toutes les sous-périodes, tandis que les établissements sortant des marchés d'exportation (G4) sont ceux qui exportaient durant la première sous-période, mais qui ont cessé de le faire lors de la deuxième. Si la participation aux marchés d'exportation est associée à une croissance plus rapide de la productivité, les établissements entrant devraient afficher un meilleur rendement que les non-exportateurs, tandis que le rendement des exportateurs devrait être supérieur à celui des établissements qui sortent des marchés d'exportation.

Pour pouvoir établir que les gains de productivité ne se limitent pas qu'à l'entrée sur les marchés d'exportation, mais qu'ils sont plutôt associés à une expansion sur les marchés de façon générale, les établissements qui ne participent pas aux activités d'exportation (non-exportateurs et établissements sortant) sont à leur tour répartis entre deux sous-groupes selon qu'ils tirent ou non parti de nouveaux marchés provinciaux ou territoriaux au cours des sous-périodes subséquentes (de 1993 à 1996 et de 2003 à 2006). Plus précisément, les non-exportateurs (G2) sont subdivisés en deux groupes selon qu'ils continuent à écouler leur production sur les mêmes marchés intérieurs (G21) ou qu'ils commencent à l'écouler dans d'autres provinces ou territoires canadiens afin de tirer parti de nouveaux marchés (G22). De la même manière, les établissements qui sortent des marchés d'exportation (G4) sont subdivisés entre ceux qui n'entrent pas sur de nouveaux marchés provinciaux (G41) et ceux qui le font (G42). Le rendement des établissements qui ne participent pas aux marchés d'exportation (G2 et G4) et celui de leurs sous-catégories (G21 et G22, G41 et G42) seront comparés au rendement des participants aux marchés d'exportation (G1 et G3).

S'il existe de façon générale une association entre les gains de productivité et l'expansion sur les marchés, il ne devrait pas y avoir de différence significative, au chapitre de la croissance de la productivité, entre les établissements dont l'expansion s'effectue sur les marchés intérieurs et ceux dont l'expansion s'opère sur les marchés étrangers. De plus, les établissements qui trouvent des moyens d'offrir leur production sur de nouveaux marchés, que ceux-ci soient intérieurs ou étrangers, devraient afficher une plus forte croissance de la productivité que ceux dont les marchés demeurent à peu près inchangés. Dans le même ordre d'idées, parmi les établissements qui cessent d'exporter, ceux qui trouvent de nouveaux marchés provinciaux intérieurs devraient obtenir de meilleurs résultats que ceux qui se contentent des marchés provinciaux où ils étaient déjà présents.

3.2  Méthodologie et résultats

L'équation suivante sert à déterminer si la croissance de la productivité est plus élevée dans le cas des établissements qui trouvent de nouveaux marchés : 

(1)
Image

Ypt est la croissance de la productivité du travail de l'établissement p au cours de la période t; T est une variable indicatrice de période où T=0 est l'indice de la première sous-période et T=1, l'indice de la deuxième sous-période; G est une variable indicatrice de groupe où G=0 est l'indice des participants aux marchés d'exportation (G1 ou G3) et G=1, l'indice des non-participants (G2 ou G4, ou leurs sous-groupes — G21, G22, G41 ou G42); T*G est l'interaction entre la variable indicatrice de période et la variable indicatrice de groupe. La régression prend également en compte les effets fixes propres à la période Image les effets fixes propres à l'industrie au niveau à quatre chiffres du SCIAN Image et un vecteur des caractéristiques des établissements (Zp,t0), dont la productivité relative (par rapport à la productivité moyenne des établissements appartenant à la même industrie au niveau à quatre chiffres du SCIAN), l'effectif relatif (par rapport à la moyenne des établissements appartenant à la même industrie au niveau à quatre chiffres du SCIAN), l'âge, la nationalité des propriétaires et la proportion de travailleurs non affectés à la production au début de la période (1990 ou 2000).

On trouvera au figure 1 une interprétation des coefficients β. Le coefficient β1 rend compte des changements communs à tous les groupes; β2 indique les éventuels écarts permanents au niveau des groupes, et le coefficient d'intérêt β3 mesure l'écart véritable entre les paires de groupes faisant l'objet des comparaisons. Le coefficient β3 élimine les biais dans les comparaisons entre groupes lors de la deuxième sous-période, plus précisément les biais qui pourraient être attribuables à des écarts permanents entre groupes ainsi que les biais dans les comparaisons relatives à un groupe particulier au fil du temps qui pourraient être le résultat de tendances temporelles communes.

Figure 1 : Interprétation des estimations des coefficients à partir de l'équation

Le tableau 5 présente les coefficients β3 obtenus à la suite de huit comparaisons 5 . Deux constatations importantes sont à signaler. D'abord, les participants aux marchés d'exportation (G1 et G3) enregistrent une plus forte croissance de la productivité que les autres établissements (G2 et G4). Plus précisément, la croissance annuelle de la productivité du travail dans les établissements qui entrent sur les marchés d'exportation est d'environ 2,6 points de pourcentage plus élevée que dans les établissements non exportateurs (écart statistiquement significatif), et elle est de 1,6 point de pourcentage plus élevée dans les établissements exportateurs que dans ceux qui sortent des marchés d'exportation (quoique cet écart ne soit pas statistiquement significatif).

Ensuite, ce ne sont pas tous les non-participants qui affichent un retard par rapport aux participants aux marchés d'exportation. En effet, les non-exportateurs qui entrent sur de nouveaux marchés intérieurs obtiennent d'aussi bons résultats que les établissements qui entrent sur de nouveaux marchés étrangers, et il en est de même des établissements qui cessent d'exporter mais qui entrent sur de nouveaux marchés intérieurs comparativement à ceux qui continuent d'exporter. Le fait que l'écart entre les groupes faisant l'objet des comparaisons soit non statistiquement significatif (coefficient β3 du tableau 5) vient confirmer ces constatations. Les établissements dont le rendement est le plus bas sont ceux qui maintiennent le statu quo, c'est-à-dire qui n'entrent pas sur de nouveaux marchés, ni étrangers, ni intérieurs.

Les résultats obtenus mettent en lumière une tendance qui va au-delà de la conception conventionnelle voulant que la croissance de la productivité soit imputable aux exportations. De façon générale, l'augmentation de la productivité est associée à l'entrée sur de nouveaux marchés. Les établissements qui prennent les risques rattachés à l'expansion sur de nouveaux marchés, qu'il s'agisse de marchés d'exportation ou de marchés intérieurs, affichent une productivité supérieure. À titre d'exemple, comparativement à des établissements similaires n'entrant pas sur de nouveaux marchés, les établissements qui n'exportent pas à un moment donné et qui entrent subséquemment sur de nouveaux marchés, intérieurs ou étrangers, affichent un avantage au chapitre de la croissance de la productivité de l'ordre de 5,1 points de pourcentage et de 3,6 points de pourcentage, respectivement (tableau 5). L'entrée sur de nouveaux marchés, qu'ils soient intérieurs ou étrangers, est donc associée à une hausse subséquente de la productivité.

L'accélération de la croissance de la productivité associée à l'entrée sur de nouveaux marchés peut avoir différentes sources. D'une part, il peut découler de ce que l'on nomme « l'effet Verdoorn ». Verdoorn (1980) et Scott (1989) ont mis l'accent sur le lien entre la croissance d'une entreprise et l'accroissement de sa productivité, faisant valoir que la croissance tient à la fois au fait de tirer profit d'économies d'échelle et à l'apprentissage de nouveaux procédés à la marge, y compris leur application aux unités inframarginales. L'entrée sur des marchés suppose une expansion de la production pour bon nombre de ces établissements, d'où le genre de croissance qui peut se traduire par un capital supérieur — sur les plans tant quantitatif que qualitatif. Baldwin et Gu (2004) ont observé que les établissements qui entrent sur les marchés d'exportation commencent subséquemment à recourir à des technologies de fabrication plus perfectionnées. D'autre part, on pourrait soutenir que l'entrée sur de nouveaux marchés est susceptible d'accélérer la croissance de la productivité si cette entrée est assortie d'un contrat d'option dont la rentabilité est fonction de la croissance (Caves, 1998) : on peut considérer que les établissements entrant qui obtiennent de bons résultats ont acquis une option ayant trait à leur capacité d'assimiler la technologie requise pour entrer sur des marchés nouveaux et plus complexes; une fois qu'ils disposent d'information sur leurs capacités, ces établissements peuvent prendre de l'expansion et exploiter des technologies qui leur permettront de croître et de réaliser des gains de productivité.

4   Orientations stratégiques des établissementsentrant : l'importance de la capacité d'adaptationdes établissements

À la section précédente, nous avons vu comment les entreprises manufacturières entrant sur de nouveaux marchés obtiennent les meilleurs résultats. Cette situation peut être le résultat d'un processus aléatoire associé à l'établissement de nouveaux marchés qui sont rentables pour des entreprises ayant de façon fortuite opté pour les bons produits ou être le résultat de choix réfléchis effectués par des entreprises au sujet de stratégies qui leur confèrent les moyens de tirer profit des occasions qui se présentent.

Dans la présente section, nous examinons s'il existe des différences perceptibles entre les entreprises qui se sont adaptées et ont trouvé de nouveaux marchés et celles qui ne l'ont pas fait. L'accent est mis sur la stratégie adoptée par les entreprises — à la fois l'importance accordée à l'innovation et le genre de capacité d'adaptation qui permet de concevoir de nouveaux produits et de prospérer sur de nouveaux marchés. À cette fin, nous utilisons les données de l'Enquête sur le milieu de travail et les employés (EMTE) de Statistique Canada; il s'agit d'une enquête longitudinale qui permet de coupler les caractéristiques des travailleurs et des producteurs pour la période de 1999 à 2005 6 . Les données annuelles de l'EMTE (de 1999 à 2005) sont couplées avec les données annuelles de l'EAM (de 1999 à 2006). Les données de l'EMTE portent sur différentes caractéristiques des établissements dans l'optique de la capacité d'adaptation, tandis que les données de l'EAM sur des caractéristiques des établissements comme l'intensité des exportations et la taille permettent de subdiviser les établissements en différents groupes. L'ensemble de données annuelles couplées donne au total 6 542 observations pour les périodes d'échantillonnage (échantillons groupés).

4.1  Données et mesure de la capacité d'adaptation des établissements

Les questions de l'EMTE mettent l'accent sur les stratégies et les résultats en matière d'innovation, les types de technologies, les pratiques en milieu de travail et l'environnement concurrentiel, de façon à recueillir des données sur les différentes caractéristiques censées avoir une incidence sur la capacité d'adaptation des entreprises (De Toni et Tonchia, 1998). La liste des variables relatives aux caractéristiques associées à la capacité d'adaptation des établissements est présentée au tableau 6, de même que les coefficients alpha, les moyennes et les écarts types. Les coefficients alpha sont tous très près de la valeur seuil généralement acceptée (0,70) ou la dépassent, ce qui dénote une forte cohérence interne en ce qui touche les échelles associées aux variables relatives à la capacité d'adaptation.

4.1.1  Variables relatives à l'innovation

Plusieurs variables sont utilisées pour vérifier si les entreprises qui entrent sur de nouveaux marchés sont plus innovatrices. Le premier ensemble de variables (I1) est rattaché aux questions stratégiques amenant les entreprises à évaluer l'importance accordée à différentes stratégies en matière d'innovation selon une échelle de Likert à cinq points, où (1) correspond à Pas important et (5), à Essentiel. Ces stratégies d'innovation englobent quatre domaines : 1) l'exécution de travaux de R-D; 2) la conception et l'amélioration de produits et services (score moyen des éléments suivants : conception de nouveaux produits et services, gestion de la qualité totale, amélioration de la qualité des produits et services); 3) la mise au point et le perfectionnement de procédés (score moyen des éléments suivants : conception de nouvelles techniques de production ou d'exploitation, réorganisation des méthodes de travail); et 4) l'expansion sur de nouveaux marchés géographiques. Un score global est en outre calculé; il correspond à la moyenne des scores relatifs aux quatre domaines des stratégies d'innovation 7 .

Le deuxième ensemble de variables (I2) est rattaché aux questions sur les activités. Ces variables rendent compte du fait que l'entreprise a ou non, au cours de la période visée par l'enquête, mis de l'avant de nouveaux produits ou services, ou des produits ou services améliorés, ou adopté de nouveaux procédés ou des procédés améliorés. Chaque réponse est prise en compte de façon distincte au moyen d'une variable binaire, la valeur 1 étant attribuée à une réponse affirmative et la valeur 0, à une réponse négative. De plus, un score global est calculé; il correspond à la somme des variables binaires pour toutes les catégories.

4.1.2  Variables relatives aux technologies

L'un des principaux avantages associés aux technologies manufacturières de pointe tient à l'adaptabilité qu'elles confèrent aux entreprises. Cette adaptabilité permet d'utiliser de telles technologies pour un plus large éventail de produits que l'équipement plus conventionnel et plus spécialisé ne pouvait pas couvrir entièrement. Par exemple, grâce à l'avènement des technologies de l'information et des communications, les entreprises manufacturières peuvent répondre aux besoins des consommateurs qui leur sont communiqués en temps réel. L'automatisation technologique accroît l'adaptabilité en réduisant le temps de réponse au regard des consommateurs et en facilitant la transition d'un produit vers un autre. Plusieurs variables de l'enquête servent à déterminer si de nouvelles technologies sont mises en oeuvre dans les établissements.

La première de ces variables, (T1), est une variable binaire dont la valeur est égale à 1 lorsque de nouveaux logiciels importants ou du nouveau matériel ont été installés au cours de l'année de l'enquête.

La deuxième variable, (T2), est une variable binaire qui est égale à 1 si des technologies commandées ou assistées par ordinateur (lecteurs optiques de codes à barres, robots industriels, technologies dans les domaines de l'optique, du laser, de l'acoustique, de la photographie, de l'hydraulique, ou autres technologies mécaniques) ont été installées dans l'établissement au cours de l'année de l'enquête.

La troisième, (T3), est une variable binaire qui est égale à 1 si d'autres technologies ont été mises en oeuvre à grande échelle au cours de l'année de l'enquête.

4.1.3  Pratiques en milieu de travail

L'adaptabilité fait aussi en sorte qu'un établissement puisse se réorganiser au gré des circonstances. Notamment, elle exige la capacité de mettre au point de nouveaux produits et de nouveaux procédés ainsi que de déterminer le genre d'organisation qui contribuera à l'adaptabilité, ce qui inclut le choix de la structure organisationnelle adéquate afin que l'entreprise puisse coordonner différentes filiales dans un environnement se caractérisant par une production juste-à-temps et par des procédés de fabrication adaptables. Cela nécessite aussi l'adoption de pratiques de gestion des ressources humaines qui permettent de se doter d'un effectif capable de s'adapter aux changements touchant les produits et les procédés (Upton, 1995). Plusieurs variables servent à déterminer si l'adaptabilité aux fins d'entrer sur de nouveaux marchés est associée à des travailleurs bien formés et à des pratiques de travail réputées accroître la capacité des entreprises à tirer profit des nouvelles occasions qui s'offrent.

La première de ces variables (WP1) correspond au score moyen des réponses à une question où l'on demande à l'entreprise d'évaluer l'importance qu'elle accorde à différentes stratégies touchant les pratiques de travail qui sont réputées accroître la souplesse des organisations, comme une meilleure collaboration entre la direction et les employés, le perfectionnement des compétences des employés et le renforcement de la participation des employés. L'importance donnée par les entreprises à chacune de ces stratégies est établie selon une échelle de Likert à cinq points. Le score global correspond à la moyenne des scores des différentes catégories 8 . Il sert à mesurer l'importance moyenne attribuée aux stratégies axées sur la souplesse de l'effectif et de l'organisation du travail.

La deuxième variable (WP2) est le pourcentage d'employés ayant suivi une formation structurée.

La troisième variable (WP3) dénote le pourcentage d'employés ayant suivi une formation en cours d'emploi.

La quatrième variable (WP4) indique si l'établissement a offert une formation structurée ou une formation en cours d'emploi sur la prise de décisions, la résolution de problèmes en groupe et sur l'esprit d'équipe, le leadership et les communications.

Le score relatif à cette variable va de 0 (aucune de ces formations) à 4 (une formation sur ces deux types de formation a été offerte selon les deux approches de formation).

La cinquième variable (WP5) mesure les aspects de l'organisation du travail qui sont réputés accroître l'adaptabilité du milieu de travail — conception flexible des tâches, partage de renseignements avec les employés, équipes de résolution de problèmes, comités mixtes patronaux-syndicaux, groupes de travail autonomes. La valeur de la variable correspond au nombre de ces pratiques qui sont en vigueur pour le personnel opérationnel.

4.1.4  Environnement concurrentiel

Deux variables sont incluses pour rendre compte de l'intensité de l'environnement concurrentiel, considérant le fait que des forces externes de cet ordre peuvent influer sur la mesure dans laquelle les entreprises se dotent de la capacité d'adaptation requise pour composer avec l'incertitude qui prévaut sur les marchés des produits finals. L'environnement concurrentiel diffère d'une industrie à l'autre, mais il peut aussi varier à l'intérieur d'une même industrie lorsqu'il existe des regroupements infra-industriels d'établissements qui sont davantage en concurrence les uns avec les autres qu'avec les autres groupes, par exemple lorsque la concurrence est déterminée par le type de produits (produits homogènes, où la concurrence repose sur les prix, par opposition aux produits-créneaux, où la concurrence est plutôt fondée sur le service ou l'originalité). Par conséquent, les effets fixes propres à l'industrie sont pris en compte, et des tests sont effectués pour déterminer les différences touchant l'environnement concurrentiel à l'intérieur des industries.

C'est l'environnement propre à l'entreprise qui rend nécessaire la capacité d'adaptation. Cette capacité est requise dans un environnement qui est source d'incertitude, qu'il s'agisse du contexte macroéconomique, de l'évolution des préférences des consommateurs, de l'émergence de concurrents ou de l'évolution des technologies. C'est leur capacité d'adaptation qui permet aux entreprises de planifier en fonction de circonstances anticipées ou de s'adapter après coup aux circonstances difficiles à prévoir.

La première variable (C1) correspond à l'évaluation du degré de concurrence de la part des entreprises locales et canadiennes, des entreprises américaines et des autres entreprises étrangères. Pour chaque catégorie, l'importance de la concurrence a été évaluée sur une échelle allant de 1 (Pas important) à 5 (Essentiel). La valeur de C1 correspond à la somme des scores associés à chaque source de concurrence.

La seconde variable (C2) est le nombre d'entreprises dont les produits ou les services sont en concurrence directe avec ceux de l'établissement. Sa valeur va de 1 à 4 selon que le nombre de concurrents est égal à 0 (valeur de 1), va de 1 à 5 (valeur de 2), se situe de 6 à 20 (valeur de 3) ou est supérieur à 20 (valeur de 4).

4.1.5  Composantes principales

Aux fins de la présente analyse, les composantes principales des variables de l'adaptabilité sont définies (tableau 7). La première de ces composantes (PRN1) permet d'expliquer environ 37 % de la variance totale. Il s'agit d'un indice composite de l'adaptabilité stratégique et environnementale, étant donné que le premier vecteur propre présente un degré de corrélation similaire au regard des stratégies d'innovation (I11-I14), des stratégies en milieu de travail (WP1 et WP5) et de l'environnement concurrentiel (C1 et C2). La deuxième, la troisième et la quatrième des composantes principales sont des indices qui rendent compte des résultats au chapitre de l'innovation, de la formation en milieu de travail et de l'adoption de technologies, respectivement. Nous adoptons la règle de sélection de Kaiser (1958) et nous utilisons les quatre premières composantes principales dans la régression à titre de mesures composites de différents aspects de l'adaptabilité 9 .

4.2  Méthodologie et résultats

La régression suivante est estimée afin d'examiner de quelle manière les entreprises qui se sont adaptées et ont trouvé de nouveaux marchés diffèrent des entreprises qui ne l'on pas fait : 

(2)
Image

Xp est un ensemble de variables qui mesurent les caractéristiques entourant l'adaptabilité d'un établissement, et où les variables G et Zp sont définies de la même manière que dans l'équation (1).

Le tableau 8 présente les résultats de la régression, obtenus en utilisant d'abord les variables d'adaptabilité, puis les composantes principales. Il y a cinq observations différentes qui vont dans le sens d'un lien étroit entre plusieurs aspects de l'adaptabilité et les entreprises qui ont su s'adapter à de nouveaux marchés. En premier lieu, les établissements qui sont entrés sur de nouveaux marchés, qu'ils soient intérieurs ou étrangers, accordent une plus grande importance stratégique à leur expansion sur les marchés. En outre, ils apportent davantage d'innovations à leurs procédés.

En deuxième lieu, il n'y a pas de différence significative entre les établissements qui entrent sur de nouveaux marchés et les autres sur le plan de l'adoption de technologies. Plusieurs explications sont possibles à ce sujet. Il convient de mentionner que les questions relatives aux technologies dans l'EMTE sont plutôt limitées comparativement à celles que l'on peut retrouver dans des enquêtes consacrées spécifiquement à ce sujet, étant donné que l'EMTE porte d'abord sur les pratiques relatives aux ressources humaines. De plus, la mise en oeuvre de nouvelles technologies peut ne pas être associée directement à l'adaptabilité mais être plutôt axée sur la réduction des coûts. Il se peut aussi que les catégories technologiques ne permettent pas de faire une distinction appropriée entre les technologies donnant lieu à une réduction des coûts et celles servant à accroître la capacité d'adaptation. Enfin, le profil technologique d'une société ne pourra peut-être pas être établi de façon adéquate à partir des réponses données à des questions visant à déterminer si de nouvelles technologies ont été mises en oeuvre au cours d'une année donnée.

En troisième lieu, une structure organisationnelle souple et décentralisée constitue une caractéristique importante qui distingue les établissements entrant sur de nouveaux marchés de ceux qui ne le font pas. Plus précisément, les établissements qui trouvent de nouveaux marchés misent habituellement sur une conception flexible des tâches, le partage de renseignements avec les employés, des équipes de résolution de problème, des comités mixtes patronaux-syndicaux et des groupes de travail autonomes. Ces caractéristiques organisationnelles sont révélatrices du style de gestion adopté et de l'importance accordée à la capacité d'adaptation. Lorsque son environnement connaît une évolution rapide, l'entreprise qui dispose d'une infrastructure organisationnelle adaptable sera à même de produire des produits différents et de modifier ses volumes de production.

En quatrième lieu, les établissements qui entrent dans de nouveaux marchés perçoivent des pressions concurrentielles beaucoup plus fortes que ceux qui optent pour le statu quo. Ce degré de concurrence perçu n'est pas différent entre les établissements qui entrent sur des marchés étrangers et ceux qui entrent uniquement sur des marchés intérieurs. L'environnement réel ou perçu d'une entreprise influera sur la capacité d'adaptation de celle-ci. Un environnement marqué par une concurrence plus forte amènera les entreprises à mener leurs activités de façon plus souple. Cela vient corroborer d'autres observations voulant que les entreprises innovatrices perçoivent qu'elles évoluent dans un environnement où la concurrence est plus intense en comparaison avec celles n'innovant pas, et que les entreprises qui trouvent avec succès de nouveaux marchés et qui innovent indiquent habituellement qu'elles doivent composer avec un plus grand nombre de concurrents, une demande moins prévisible et une obsolescence plus rapide des produits et des technologies (Johnson et coll., 1997).

En cinquième et dernier lieu, les résultats obtenus sont similaires lorsque l'on utilise les composantes principales qui résument la mesure de l'adaptabilité. Les caractéristiques qui distinguent les établissements entrant sur de nouveaux marchés des autres établissements découlent davantage de l'environnement et des stratégies de l'entreprise (la première des composantes principales) que de ses activités proprement dites (autres composantes principales). L'essentiel est le degré de concurrence perçu pour l'entreprise, l'importance de l'innovation pour la direction et l'accent mis par cette dernière sur la mise en place d'une structure organisationnelle plus organique, plus souple et plus décentralisée.

Une autre façon de faire une distinction entre les établissements qui entrent sur de nouveaux marchés et les autres consiste à estimer un modèle probit associé aux corrélats de l'entrée d'un établissement sur de nouveaux marchés. La probabilité d'entrée est estimée sous forme de fonction d'un vecteur des caractéristiques de l'adaptabilité d'un établissement (Xp), d'un vecteur d'autres caractéristiques (Zp) et des effets fixes propres à la période Image et ceux de l'industrie Image L'équation d'estimation est la suivante : 

(3)
Image

Image est la distribution normale réduite cumulée. L'indicateur d'entrée, ENTRYp,t, est égal à 1 si un non-exportateur entre sur de nouveaux marchés — intérieurs ou étrangers — entre la période t-1 et la période t; sinon, il est égal à 0 (soit dans le cas d'un non-exportateur qui n'entre pas sur de nouveaux marchés intérieurs). Les résultats obtenus confirment l'observation selon laquelle l'innovation au niveau des procédés, une structure organisationnelle souple et de fortes pressions concurrentielles perçues constituent des caractéristiques importantes qui distinguent les établissements entrant sur de nouveaux marchés de ceux qui ne le font pas (tableau 9).

5   Conclusion

Dans la présente étude, nous examinons le lien existant entre le fait pour des entreprises manufacturières canadiennes d'entrer sur deux catégories de nouveaux marchés — soit des marchés internationaux et de nouveaux marchés provinciaux — et une plus forte croissance de la productivité. Dans les deux cas, la productivité des établissements manufacturiers canadiens ayant étendu leurs activités à de nouveaux marchés a été plus élevée que celle des établissements ayant maintenu le statu quo. En outre, les entreprises ont enregistré une croissance plus marquée de leur productivité après leur entrée sur de nouveaux marchés.

Auparavant, les articles sur le sujet portaient presque exclusivement sur l'entrée des entreprises sur de nouveaux marchés internationaux, la raison étant peut-être qu'il est plus facile de disposer de données pour étudier ce phénomène. La présente étude nous apprend que l'entrée sur de nouveaux marchés intérieurs a des effets similaires, ce qui vient confirmer le fait que les avantages découlant de l'entrée sur de nouveaux marchés ne se limitent pas aux entreprises qui entrent sur des marchés étrangers mais profitent aussi à celles qui optent pour d'autres formes d'expansion, et en particulier à celles qui étendent leurs activités à d'autres provinces.

L'étude aborde aussi les répercussions associées à la sortie des marchés d'exportation. Ce processus est souvent associé à un échec de la part de nouvelles entreprises. Or, il peut s'agir aussi d'une méthode d'adaptation. En règle générale, il est difficile de déterminer la raison pour laquelle une entreprise met fin à des activités, parce que ses activités subséquentes ne font pas expressément l'objet d'un suivi. Dans la présente étude, nous faisons un suivi des entreprises qui sortent des marchés d'exportation, de manière à déterminer si celles d'entre elles qui se contentent de revenir à leurs marchés d'origine dans une province canadienne ont un rendement différent de celles qui décident d'explorer de nouveaux marchés intérieurs dans d'autres provinces ou territoires. Nous constatons ainsi que ce sont ces dernières qui obtiennent les meilleurs résultats. Là encore, le fait d'entrer avec succès sur de nouveaux marchés engendre des avantages tangibles pour l'ensemble de l'économie.

Enfin, les entreprises qui parviennent à faire la transition vers de nouveaux marchés sont étudiées dans le but de circonscrire les différences au chapitre des stratégies et des activités qui distinguent ces entreprises de celles qui n'ont pas opéré une telle transition. Nous dressons le profil, d'une part, des différences associées aux activités et, d'autre part, de celles rattachées à la structure organisationnelle. Il ressort que les entreprises qui effectuent une telle transition avec succès se distinguent de par l'importance qu'elles accordent à l'innovation sur les marchés. Les entreprises qui, dès le départ, mettent davantage l'accent sur la pénétration de nouveaux marchés géographiques sont précisément celles qui parviennent à atteindre cet objectif. Une autre observation est que les entreprises qui perçoivent une forte concurrence sur les marchés tendent à devenir plus compétitives et à faire une entrée réussie sur de nouveaux marchés.

Le rôle de la structure organisationnelle interne constitue un aspect plus important encore. Une structure organisationnelle souple et décentralisée est une caractéristique importante qui distingue les établissements entrant sur de nouveaux marchés comparativement aux autres établissements. Les établissements qui y arrivent se démarquent généralement par une conception flexible des tâches, le partage de renseignements avec les employés et l'existence d'équipes de résolution de problèmes, de comités mixtes patronaux-syndicaux et de groupes de travail autonomes. Ces caractéristiques organisationnelles sont révélatrices du style de gestion adopté et de l'importance accordée à la souplesse. Lorsque l'environnement propre à une entreprise connaît une évolution rapide, celle-ci doit disposer d'une infrastructure organisationnelle adaptable pour être à même de produire de nouveaux produits et de servir de nouveaux consommateurs. À la base des entreprises qui demeurent en activité, il y a l'importance accordée par la direction à la mise en place d'une structure organisationnelle plus organique, plus souple et plus décentralisée.

6   Annexe

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