Inciter les participants aux enquêtes à mode mixte à répondre sur le Web : les promesses et les défis
Section 4. L’élaboration et la mise à l’essai de la collecte de données à modes mixtes axée sur le Web

Au cours de la première décennie du XXIe siècle, l’idée d’utiliser plusieurs modes d’enquête pour communiquer avec les particuliers et obtenir les réponses aux questionnaires semblait être une question qu’il était temps d’examiner en profondeur (par exemple Tourangeau 2017; de Leeuw, Villar, Suzer-Gurtekin et Hox 2017). En outre, les technologies de l’information qui avaient apporté Internet offraient la possibilité de gérer de manière efficace et efficiente l’usage simultané de plusieurs modes de collecte des données, ce qui éliminait le principal obstacle pratique à la réalisation d’enquêtes à modes mixtes.

La bonne élaboration de méthodes axées sur le Web signifiait qu’il fallait chercher à résoudre plusieurs questions en même temps afin de savoir si une telle approche serait efficace. Ces questions allaient de la réponse aux problèmes de couverture des ménages et de la compréhension de la façon dont la communication visuelle différait de la communication auditive, à l’élargissement de notre réflexion théorique au sujet des éléments qui influencent les gens à répondre aux demandes d’enquête.

Une grande question sans réponse était celle de savoir si l’autoadministration des questionnaires pouvait remplacer l’intervention de l’intervieweur, et si les résultats seraient meilleurs ou pires. Une difficulté confondante était que d’importantes différences existaient entre les modes d’enquête en ce qui concerne les taux de couverture et de réponse, ainsi que le biais lié à la façon dont les personnes réagissent à leur utilisation, chaque mode étant peut-être meilleur dans certaines situations et pire dans d’autres.

4.1 Les listes d’adresses résidentielles des services postaux américains fournissent aujourd’hui une excellente couverture des ménages

Puisque le service postal des États-Unis fournit, par l’entremise de vendeurs, des listes d’adresses résidentielles complètes, il est possible d’envoyer des demandes par la poste à presque toutes les résidences aux États-Unis (Harter, Battaglia, Buskirk, Dillman, English, Mansour, Frankel, Kennel, McMichael, McPhee, Montaquila, Yancey et Zukerberg 2016). Ces listes d’adresses résidentielles informatisées sont fournies sans les noms, de la même façon que les listes téléphoniques pour la CA ne contiennent pas de noms. L’absence de noms n’est pas un obstacle à l’obtention d’une réponse auprès des ménages, comme l’a montré une série d’études sur les taux de réponse en se servant des listes d’adresses du recensement décennal des États-Unis (Dillman 2000, chapitre 9). Qui plus est, l’envoi par la poste n’est pas adressé à une seule personne dans les ménages, dont les membres sont moins liés les uns aux autres qu’à l’époque où les taux de mariage étaient plus élevés. L’utilisation des listes peut aussi permettre une sélection plus exacte des répondants, puisqu’elle n’oblige pas à contourner les limites des envois par la poste associés à un seul membre du ménage.

L’une des premières études à grande échelle en vue d’évaluer l’utilisation d’un échantillon fondé sur les adresses (EFA) avec collecte des données par la poste était celle de Link, Battaglia, Frankel, Osborn et Mokdad (2008). Ces auteurs ont constaté, pour un questionnaire du Behavior Risk Factor Surveillance System (BRFSS) de 2005, qu’un questionnaire envoyé par la poste à un échantillon EFA produisait des taux de réponse significativement plus élevés que ceux obtenus pour l’échantillonnage par CA dans cinq des six états visés par l’enquête. Les auteurs ont conclu, avec une mise en garde appropriée, que le potentiel réel de l’échantillon EFA pourrait tenir à la facilitation des enquêtes à modes mixtes qui comprennent également un suivi par téléphone, et ont vivement recommandé de poursuivre l’étude.

D’autres travaux de recherche menés à ce moment-là ont montré que les échantillons EFA offraient un taux de couverture très élevé qui s’améliorait à mesure que les adresses de type urbain remplaçaient les adresses moins précises, telles que les routes rurales (O’Muircheartaigh, English et Eckman 2007; Battaglia, Link, Frankel, Osborn et Mokdad 2008). En outre, une série d’études ont montré qu’une enquête par la poste en deux étapes avec échantillon EFA (présélection des ménages concernant la présence d’enfants d’âge scolaire, suivie par un questionnaire détaillé sur un enfant particulier) produit de meilleurs résultats qu’une approche par CA en deux étapes, les taux de réponse étant nettement plus élevés (Brick, Williams et Montaquila 2011; Williams, Brick, Montaquila et Han 2014).

Ces études ont joué un rôle important dans l’établissement des attributs de grande couverture de l’échantillonnage fondé sur les adresses en tant qu’option de remplacement de l’échantillonnage par CA. Cependant, elles ne vérifiaient pas si les ménages contactés pouvaient être persuadés de répondre par Internet à des demandes envoyées par la poste.

4.2 La détection et la correction des différences de mesure entre les enquêtes à modes visuel et auditif

Une autre préoccupation, assez différente, limitant l’intérêt pour l’échantillonnage fondé sur les adresses avec utilisation d’un questionnaire imprimé et (ou) d’un questionnaire sur Internet était que les réponses aux questions seraient vraisemblablement différentes de celles fournies par téléphone. Cette préoccupation était double. Premièrement, sans intervieweur, les répondants ne pouvaient pas recevoir d’encouragement supplémentaire quand ils n’étaient pas capables de répondre à une question ou hésitaient à le faire, ni des éclaircissements s’ils comprenaient mal les questions. Deuxièmement, il existait de longue date des preuves que la désirabilité sociale et la tendance à être d’accord (acquiescement) étaient plus importantes pour les réponses aux questionnaires téléphoniques qu’aux questionnaires à remplir soi-même (envoyés par la poste) (de Leeuw 1992). En règle générale, l’avantage qu’offrait la présence d’un intervieweur était considéré comme excédant l’éventuel biais dû à ce dernier.

Un sondage commandité par la Gallup Organization en 1999 a fait voir ces différences sous un nouvel angle. L’essai a révélé que, dans une interview, la réponse à des stimuli reçus auditivement, par téléphone ou par réponse vocale interactive, produisait des réponses plus positives que celles données à des stimuli transmis visuellement, au moyen d’un questionnaire envoyé par la poste ou par Internet (Dillman 2002; Dillman, Phelps, Tortora, Swift, Kohrell, Berck et Messer 2009).

Des découvertes sur la façon dont l’information visuelle est traitée publiées par Palmer (1999), Hoffman (2004) et Ware (2004), ont fourni des notions théoriques sur les actions distinctes qui ont lieu lorsque les yeux captent l’information et que le cerveau la traite pour comprendre ce qui se trouve sur la page ou sur l’écran. L’application de ces concepts a permis de comprendre les raisons pour lesquelles les questionnaires à remplir soi-même produisaient souvent des réponses différentes des questionnaires avec intervieweur, comme l’avait révélé l’étude Gallup. Les répondants sont guidés à travers les questionnaires visuels par de multiples langages qui communiquent une signification. Ces langages comprennent des symboles, des nombres et la composition graphique (taille, espacement, couleur, symétrie, régularité, etc.) qui ont une incidence sur la façon dont l’information sur les pages imprimées ou les pages Internet est parcourue, groupée mentalement et interprétée (Dillman 2007, pages 462 à 497; Tourangeau, Couper et Conrad 2004). Des travaux de recherche supplémentaires ont montré que l’on pouvait augmenter considérablement l’observation des instructions d’enchaînement en modifiant les symboles, la taille de la police, la brillance de la police (Redline et Dillman 2002; Christian et Dillman 2004), ainsi que le placement de ces instructions d’enchaînement par rapport aux choix de réponses (Redline, Dillman, Dajani et Scaggs 2003; Dillman, Gertseva et Mahon-Haft 2005).

Une autre cause importante de différences de mesure entre les modes est devenue évidente : les questions étaient souvent libellées différemment pour chaque mode et présentées selon des structures différentes (Dillman et Christian 2005). Ainsi, dans les sondages d’opinion concernant une liste d’items, les chercheurs avaient depuis longtemps l’habitude de poser des questions à choix forcé individuelles dans les enquêtes téléphoniques, mais ils les convertissaient souvent en une présentation de type « cocher toutes les réponses pertinentes » pour les items regroupés sur les questionnaires envoyés par la poste (Smyth, Dillman, Christian et Stern 2006). Cette pratique avait été transposée aux enquêtes par Internet. De nouvelles études ont montré qu’une présentation à choix forcé pour les modes visuel ainsi qu’auditif rapprochait considérablement les réponses des répondants (Smyth, Dillman, Christian et McBride 2009). La recherche a également montré que les réponses aux questions ouvertes des enquêtes par la poste et par Internet étaient comparables si une construction visuelle similaire était utilisée pour les deux modes d’enquête (Smyth, Christian et Dillman 2008). En outre, on a appris que des variations dans la présentation des questions sur échelle (par exemple étiquetage complet vs étiquetage des points extrêmes) produisaient des différences de réponse très importantes entre les divers modes visuels (Christian, Parsons et Dillman 2009).

En vue d’éliminer les différences de mesure entre ces modes, on a proposé une construction selon un mode unifié, c’est-à-dire l’utilisation du même énoncé et de la même présentation visuelle des questions de l’enquête (Dillman 2000). Une construction unifiée pouvait être réalisée facilement pour de nombreux types de questions (par exemple présenter les catégories « ne sait pas » à tous les répondants plutôt qu’uniquement à ceux qui ne choisissent pas l’une des réponses offertes), comme cela se faisait généralement dans les interviews par téléphone. Cependant, dans d’autres situations, une construction variable selon le mode était pratique et réduisait également les erreurs, par exemple l’enchaînement automatique à la question appropriée suivante sur Internet et par téléphone. Cette forme de présentation ne peut être réalisée pour l’enchaînement des items sur les questionnaires papier où toutes les options doivent être imprimées, parce qu’il est impossible de savoir d’avance comment une personne répondra à ces items.

Le principal apport de la construction à mode unifié a été de réduire l’inquiétude que de multiples modes de réponse à une enquête favoriseraient des différences de mesure. Il existe toutefois des preuves convaincantes que la réponse par téléphone à des échelles d’opinion utilisant des quantificateurs vagues est systématiquement plus susceptible de produire des réponses à l’extrémité positive de l’échelle et le choix moins fréquent des catégories intermédiaires que dans le cas des questionnaires sur Internet ou envoyés par la poste (Christian, Dillman et Smyth 2008). Cette différence semble être due au fait que la présentation visuelle des catégories de réponse intermédiaires est plus visible et, par conséquent, plus accessible aux répondants que quand ces mêmes catégories sont lues au téléphone, processus qui rend les catégories finales plus dominantes dans l’esprit des répondants, Dillman et Edwards (2016).

La façon dont les personnes fournissent des réponses socialement désirables à certaines questions est une autre différence que ne résout pas la construction à mode unifié. Toutefois, les questionnaires à remplir soi-même (visuels) sont généralement considérés comme produisant des réponses plus honnêtes.

L’accumulation d’études sur les problèmes liés à la conception de questionnaires visuels vs auditifs a fourni aux concepteurs d’enquête des outils essentiels, qui permettent d’éliminer partiellement les différences de mesure susceptibles de réduire les avantages de couverture et de réponse des enquêtes à modes mixtes. La pratique d’une conception de questionnaire à mode unifié a été un élément fondamental de l’élaboration initiale et de la mise à l’essai de la méthodologie axée sur le Web décrite plus bas.

4.3 L’élaboration séquentielle d’une méthodologie axée sur le Web efficace

Une série de dix essais de procédures de collecte des données axées sur le Web a été réalisée par une équipe de chercheurs de l’Université de l’État de Washington entre 2007 et 2012 à l’occasion de cinq collectes de données distinctes. Le plan qui sous-tendait ces expériences était de s’appuyer sur les enseignements tirés des premiers essais pour concevoir et mettre en œuvre les essais ultérieurs. Toutes les comparaisons expérimentales ont été faites en se servant de l’équivalent d’un questionnaire papier de 12 pages, contenant de 50 à 70 questions numérotées, qui demandaient de 90 à 140 réponses possibles. Ces questionnaires étaient conçus afin d’équivaloir à un questionnaire d’interview de 20 à 30 minutes. Les études portaient sur divers sujets, à savoir la participation et la satisfaction communautaires, l’usage des technologies de l’information, les effets économiques et sociaux de la récession de 2008, les attitudes de consommation d’énergie, et la compréhension de la qualité et de la gestion de l’eau. Les chercheurs ont fait varier les sujets afin de réduire les préoccupations quant à l’effet du sujet sur les taux de réponse et la qualité des données.

Les populations étudiées variaient d’une région rurale dans les états de l’Idaho et de Washington, ainsi que d’enquêtes à l’échelle des états de Washington, de Pennsylvanie et d’Alabama réalisées par l’Université de l’État de Washington, à des enquêtes auprès des résidents du Nebraska et de l’état de Washington envoyées par l’Université du Nebraska et les mêmes enquêtes envoyées aux deux états par l’Université de l’État de Washington. Les procédures de mise en œuvre variaient, mais comprenaient de 4 à 5 prises de contact par la poste, avec l’option d’un questionnaire à réponse par la poste offerte à la 3e ou 4e prise de contact. Un petit incitatif monétaire symbolique a été envoyé avec la première demande de réponse, et dans certains cas, un petit incitatif a été envoyé avec le questionnaire papier quand celui-ci était retenu jusqu’à la 3e ou à la 4e prise de contact. Les procédures détaillées pour chacune des études sont décrites ailleurs (Smyth, Dillman, Christian et O’Neill 2010; Messer et Dillman 2011; Messer 2012; Edwards, Dillman et Smyth 2014; Dillman, Smyth et Christian 2014).

Lors du premier essai dans une région rurale de l’Idaho et de l’état de Washington, 55 % des ménages ont répondu au traitement axé sur le Web, avec 74 % de ces réponses fournies par Internet. Cet essai a également révélé que le taux de réponse était significativement plus élevé (63 %) si l’on incluait un questionnaire imprimé et que l’on offrait directement un choix de modes (Smyth et coll. 2010). Malheureusement, près de 80 % des réponses étaient alors fournies sur papier, proportion trop élevée pour justifier le coût de la mise en place d’une collecte de données par Internet. Étant donné cet effet et la promesse initiale d’obtenir plus de la moitié des réponses par Internet dans le cas du traitement axé sur le Web, un terme a été mis à l’expérience sur la méthodologie avec choix. Ce premier essai nous a également permis de constater que le traitement axé sur le questionnaire papier avec l’offre d’une option par Internet reportée au dernier contact ne produisait que 2 % de réponses sur Internet. Compte tenu de ce résultat, le suivi par Internet a été interrompu après que deux essais additionnels aient donné des résultats similaires. En outre, les résultats de cette première étude en région rurale nous encourage à retenir la méthodologie axée sur le Web avec suivi papier en vue d’un essai supplémentaire auprès de populations à l’échelle de l’état.

Sur l’ensemble des dix expériences couvrant cinq états, les enquêtes axées sur le Web ont produit un taux de réponse moyen de 43 %, variant de 31 % à 55 % (figure 4.1). Les comparaisons avec le traitement par envoi postal seulement ont produit un taux de réponse moyen de 53 %, avec une fourchette de 38 % à 71 %. En moyenne, 60 % des réponses aux traitements axés sur le Web ont été reçues par Internet. Dans l’une des études, les traitements expérimentaux ont montré que l’incitatif inclus dans la demande axée sur le Web accroissait considérablement la réponse par Internet, pour passer de 13 % à 31 %, soit environ 18 points de pourcentage (Messer et Dillman 2011). Bien qu’une comparaison avec la méthode de CA n’était incluse dans aucune des expériences, les résultats des procédures axées sur le Web étaient sans aucun doute beaucoup plus élevés que ceux que l’on aurait obtenus par téléphone pour ces longs questionnaires, si une comparaison avait été effectuée.

Une comparaison de la non-réponse partielle a été faite dans le cas de trois des expériences pour déterminer si les taux de non-réponse partielle étaient plus élevés pour les questionnaires de suivi envoyés par la poste que pour les réponses par Internet obtenues pour ces groupes de traitement. Dans le cas de l’étude régionale de 2007 et de deux études à l’échelle de l’état de 2009, les questionnaires papier de suivi produisaient des taux de non-réponse partielle plus de deux fois plus élevés, 8,2 % vs 3,6 %, que les questionnaires remplis sur Internet. Cependant, la comparaison de la non-réponse partielle globale pour les groupes de traitement axé sur le Web (réponses par Internet plus par la poste) et pour le groupe du traitement axé sur la réponse par la poste seulement n’a révélé pratiquement aucune différence entre les groupes, les taux étant de 5,3 % et 5,7 %, respectivement. Les auteurs ont supposé que les premières réponses par Internet étaient fournies par de « meilleurs » répondants, tandis que les réponses ultérieures par la poste provenaient de répondants ayant moins de capacités, plus âgés et ayant fait moins d’études (Messer, Edwards et Dillman 2012).

Les taux de réponse étaient significativement plus faibles pour les populations ne connaissant vraisemblablement pas l’Université de l’État de Washington MathType@MTEF@5@5@+= feaagKart1ev2aqatCvAUfeBSjuyZL2yd9gzLbvyNv2CaerbuLwBLn hiov2DGi1BTfMBaeXatLxBI9gBaerbd9wDYLwzYbItLDharqqtubsr 4rNCHbGeaGqk0Jf9crFfpeea0xh9v8qiW7rqqrFfFv0dg9Wqpe0dar pepeuf0xe9q8qiYRWFGCk9vi=dbvc9s8vr0db9Ff0dbbG8Fq0Jfr=x fr=xfbpdbaqaaeaaciGaaiaabeqaamaabaabaaGcbaacbaqcLbwaqa aaaaaaaaWdbiaa=nbiaaa@38D5@ le commanditaire de ces études MathType@MTEF@5@5@+= feaagKart1ev2aqatCvAUfeBSjuyZL2yd9gzLbvyNv2CaerbuLwBLn hiov2DGi1BTfMBaeXatLxBI9gBaerbd9wDYLwzYbItLDharqqtubsr 4rNCHbGeaGqk0Jf9crFfpeea0xh9v8qiW7rqqrFfFv0dg9Wqpe0dar pepeuf0xe9q8qiYRWFGCk9vi=dbvc9s8vr0db9Ff0dbbG8Fq0Jfr=x fr=xfbpdbaqaaeaaciGaaiaabeqaamaabaabaaGcbaacbaqcLbwaqa aaaaaaaaWdbiaa=nbiaaa@38D5@ , en particulier celles répondant par Internet. Par exemple, les taux de réponse n’étaient que de 12 % et de 11 % en Pennsylvanie et en Alabama, respectivement, comparativement à 28 % dans l’état de Washington (Messer 2012). Une étude sur la gestion de l’eau réalisée par l’Université du Nebraska et par l’Université de l’État de Washington a permis de mieux comprendre ce phénomène grâce à l’envoi de demandes de réponse à des ménages dans l’autre état. La réponse pour le traitement axé sur le Web était inférieure de 6,1 points de pourcentage chez les résidents de l’état de Washington et de 14,7 points de pourcentage chez les résidents du Nebraska lorsque l’enquête était réalisée par l’université située en dehors de l’état (Edwards et coll. 2014). Cette baisse touchait presque entièrement les réponses par Internet, qui sont passées de 32 % à 26 % dans l’état de Washington et de 38 % à 23 % au Nebraska, lorsque les demandes de réponse provenaient de l’université de l’état opposé. Nous avons supposé que la réponse par Internet est plus sensible que la réponse par la poste au manque de familiarité avec le commanditaire de l’enquête et de confiance en celui-ci.

Figure 4.1

Description de la figure 4.1

Diagramme à barres horizontales comparant les taux de réponse pour le traitement par la poste seulement vs les taux de réponse pour le traitement axé sur le Web pour dix essais de procédures de collecte des données. Les dix études sont sur l’axe des y (Nebraska – eau, Washington – eau, Pennsylvanie – électrique, Washington – électrique, Alabama – électricité, Pennsylvanie – électricité, Washington – électricité, Washington – économie, Washington – collectivité et Lewinston-Clarkston) et les taux de réponse sont sur l’axe des x, allant de 0 à 72 %. Il y a deux barres pour chacune des dix comparaisons : une représentant le taux de réponse par la poste seulement et l’autre le taux de réponse pour le traitement axé sur le Web, cette dernière étant divisée en deux parties proportionnellement aux taux de réponse reçus par la poste ou par Internet. Dans tous les cas, les taux de réponses par la poste seulement sont plus élevés que ceux obtenus pour le traitement axé sur le Web.

Pour Nebraska – eau, le taux de réponse par la poste seulement était environ 44 %, alors que celui pour le traitement axé sur le Web était d’environ 23 % provenant d’Internet 14 % de la poste.

Pour Washington – eau, le taux de réponse par la poste seulement était environ 53 %, alors que celui pour le traitement axé sur le Web était d’environ 33 % provenant d’Internet 9 % de la poste.

Pour Pennsylvanie – électrique, le taux de réponse par la poste seulement était environ 45 %, alors que celui pour le traitement axé sur le Web était d’environ 19 % provenant d’Internet 18 % de la poste.

Pour Washington – électrique, le taux de réponse par la poste seulement était environ 50 %, alors que celui pour le traitement axé sur le Web était d’environ 32 % provenant d’Internet 12 % de la poste.

Pour Alabama – électricité, le taux de réponse par la poste seulement était environ 37 %, alors que celui pour le traitement axé sur le Web était d’environ 11 % provenant d’Internet 19 % de la poste.

Pour Pennsylvanie – électricité, le taux de réponse par la poste seulement était environ 45 %, alors que celui pour le traitement axé sur le Web était d’environ 12 % provenant d’Internet 21 % de la poste.

Pour Washington – électricité, le taux de réponse par la poste seulement était environ 50 %, alors que celui pour le traitement axé sur le Web était d’environ 28 % provenant d’Internet 19 % de la poste.

Pour Washington – économie, le taux de réponse par la poste seulement était environ 67 %, alors que celui pour le traitement axé sur le Web était d’environ 34 % provenant d’Internet 18 % de la poste.

Pour Washington – collectivité, le taux de réponse par la poste seulement était environ 57 %, alors que celui pour le traitement axé sur le Web était d’environ 31 % provenant d’Internet 15 % de la poste.

Pour Lewinston-Clarkston, le taux de réponse par la poste seulement était environ 72 %, alors que celui pour le traitement axé sur le Web était d’environ 41 % provenant d’Internet 14 % de la poste.

Les dix comparaisons de ces études de la poussée vers le Web ont révélé que les personnes qui répondaient par Internet dans les groupes de traitement axé sur le Web différaient considérablement de celles qui répondaient plus tard au questionnaire envoyé par la poste. Par exemple, les personnes qui répondaient par Internet étaient plus jeunes, avaient fait plus d’études, avaient un revenu plus élevé et étaient moins susceptibles de vivre seules (Messer et Dillman 2011). Toutefois, regroupés, les répondants par Internet et par la poste issus des groupes de traitement axé sur le Web étaient démographiquement assez semblables aux répondants des groupes de traitement axé sur la réponse par la poste seulement. L’étude a abouti à la conclusion que les personnes enclines à répondre par Internet pourraient aussi être convaincues de répondre dans le cas du traitement par la poste seulement. Cette constatation a été renforcée par le fait qu’un suivi avec questionnaire papier à la demande de réponse par Internet seulement améliorait significativement les taux de réponse, tandis qu’un suivi par Internet à une approche de traitement par la poste seulement ne produisait pas de réponses par Internet qui augmentaient significativement la réponse globale.

Même si les réponses des groupes de traitement axé sur le Web et d’envoi par la poste seulement étaient assez semblables, les données non pondérées présentaient un biais de non-réponse pour certaines catégories démographiques. Les répondants étaient plus instruits et comptaient plus d’enfants au foyer que ceux qui répondaient à l’American Community Survey (discutée plus en détail plus bas) qui fait appel aujourd’hui à des interviews par la poste, par Internet, par téléphone et sur place pour obtenir un taux de réponse de près de 97 % et sur laquelle on s’appuie pour produire les statistiques officielles pour tous les états américains. Ce genre de comparaison dépassait le cadre et la portée des expériences susmentionnées, et des études plus poussées devront être réalisées pour comprendre la nature de ces différences. De surcroît, le coût par répondant ne s’est pas avéré plus faible pour les réponses par Internet, parce que les coûts de prise de contact étaient à peu près les mêmes pour les méthodes axées sur le Web et d’envoi par la poste seulement, tout en produisant moins de répondants (Messer et Dillman 2011). Cette situation évoluera vraisemblablement à mesure que l’utilisation d’Internet continuera de s’étendre à un plus grand nombre de personnes et de domaines de la vie.

Globalement, cet ensemble coordonné d’études a montré clairement que la méthodologie axée sur le Web en vue d’obtenir des réponses par Internet aux enquêtes auprès des ménages est très prometteuse. Il est également évident que les questionnaires de suivi papier amélioreraient la représentation des personnes incapables ou non désireuses de répondre par Internet.

4.4 Essais supplémentaires d’enquêtes axées sur le Web pour d’autres populations et situations

Ces dernières années, les stratégies de collecte de données axées sur le Web ont pris de l’ampleur et elles sont appliquées à grande échelle aux enquêtes menées par les administrations publiques, les universités et le secteur privé dans de nombreux pays. Leur usage s’est également étendu au-delà des populations générales et englobe aujourd’hui des situations d’enquête où les demandes de réponse par Internet ne sont pas limitées à la prise de contact par la poste. En outre, certaines enquêtes comportent jusqu’à trois modes de prise de contact et trois modes de réponse, l’intention étant d’obtenir des taux de réponse très élevés, en poussant autant de répondants que possible à opter pour Internet, en vue de réduire les coûts d’enquête.

En 2013, l’American Community Survey a été convertie d’une séquence de demande de réponse par la poste-par téléphone-sur place à un démarrage avec réponse par Internet, suivi par les trois procédures de prise de contact et de réponse restantes (United States Census Bureau 2014, chapitre 7). La loi exige que les citoyens américains répondent à l’American Community Survey (anciennement le questionnaire détaillé du recensement décennal). Par conséquent, le taux de réponse global pour les logements occupés était d’environ 97 %. Des essais de stratégies de poussée vers le Web ont débuté en 2011, quand une première expérience a confirmé que la stratégie axée sur le Web produisait des taux de réponse par Internet considérablement plus élevés (28 % vs 10 %) qu’une stratégie de « choix » offrant également la réponse par la poste à la première prise de contact (Tancreto 2012). En 2013, 28 % des réponses provenant des logements occupés ont été faites par Internet, 22 %, par la poste, 6 %, par téléphone, et 43 %, par interview sur place. Donc, environ 51 % des réponses auto-administrées ont été fournies par Internet, proportion qui est passée à 58 % en 2015. Des essais sont maintenant en cours en vue d’appuyer les plans de convertir le Recensement décennal de 2020 à des méthodes axées sur le Web avec un suivi similaire.

Le Recensement du Japon a été converti à une méthodologie axée sur le Web en 2015 (City of Sapporo 2015). La réponse en ligne était d’environ 37 %, dont un tiers provenant de téléphones intelligents, qui sont très répandus au Japon. Les autres réponses ont été obtenues au moyen de questionnaires envoyés par la poste et de visites d’agents recenseurs. Le Recensement de l’Australie de 2016 et le Recensement du Canada de 2016 ont également été réalisés en appliquant une méthodologie axée sur le Web. Bien que les résultats définitifs ne soient pas encore disponibles, on sait qu’au Canada, 68 % des ménages ont répondu par Internet, 20 % par la poste, et 10 % supplémentaires durant la visite d’un agent recenseur, ce qui donne un taux de réponse global de 98 % (Statistique Canada 2016). La proportion de réponses par Internet au Recensement du Canada est la plus élevée que je connaisse pour une enquête auprès des ménages axée sur le Web. Dans certaines régions du Canada, un questionnaire papier a été joint à la demande, afin d’offrir un choix de mode de réponse aux répondants. Le taux élevé de réponse par Internet (68 %) et de réponse par Internet plus par la poste (88 %) est prometteur pour l’usage d’une méthodologie axée sur Internet dans ce pays et peut-être d’autres où la pénétration d’Internet est forte.

La National Child Health Survey, récemment élaborée pour remplacer une enquête auprès des ménages par CA aux États-Unis, prévoit la présélection d’un échantillon d’enfants fondée sur des adresses, puis la sélection d’un enfant pour l’obtention de renseignements détaillés sur les questions de santé. Cependant, au lieu d’utiliser deux collectes de données par la poste distinctes, l’équipe du programme a testé en 2015 la possibilité de réduire le processus à une seule étape, dans laquelle l’ordinateur utilise des critères pour directement sélectionner un enfant et administrer un questionnaire thématique sur la santé. Cette procédure a pour objectif d’améliorer le processus de réponse par la poste en deux étapes élaboré pour la National Child Education Survey. Les résultats d’un pré-essai réalisé en 2015 étaient prometteurs et la procédure fait maintenant l’objet d’une deuxième phase d’essai.

La Residential Energy Consumption Survey des États-Unis, réalisée pendant de nombreuses années par l’Energy Information Administration par interview sur place auprès des ménages, est en train d’être convertie en une enquête axée sur le Web. Cette enquête est intéressante, parce qu’elle combine un incitatif monétaire avec la demande initiale de réponse par Internet, et offre aussi un incitatif consécutif à la réponse. L’incitatif consécutif à la réponse a été jugé particulièrement important en raison des économies qu’il permettait de réaliser en ne devant pas envoyer des intervieweurs sur place auprès des ménages non répondants (Biemer, Murphy, Zimmer, Berry, Deng et Lewis 2015).

Les enquêtes axées sur le Web ne font pas toutes appel à l’échantillonnage fondé sur les adresses. Le programme de la National Survey of College Graduates (NSCG) de 2010 a commencé à échantillonner les personnes qui avaient déclaré être diplômées d’un collège durant l’American Community Survey de l’année précédente et leur ont demandé de remplir le questionnaire de la NSCG, qui est réalisée tous les deux ans (Finamore et Dillman 2013). Les adresses postales, ainsi que les numéros de téléphone, étaient disponibles principalement pour les ménages dans lesquels les diplômés avaient vécu l’année précédente. Avant 2010, les ménages étaient sélectionnés d’après le questionnaire détaillé du recensement décennal (rempli pour la dernière fois en 2000) et l’enquête était réalisée par téléphone, par la poste et, dans certains cas, par interview sur place. En 2010, des comparaisons ont été réalisées entre trois méthodes, à savoir pousser les personnes à répondre par téléphone, les pousser à répondre par la poste et les pousser à répondre par Internet, suivi par l’utilisation des deux autres modes. Chacun de ces trois traitements a été suivi d’un dernier rappel téléphonique donnant la possibilité de répondre par ce mode ou par l’un des deux autres. Deux résultats se sont avérés particulièrement importants. Premièrement, les trois taux de réponse ne différaient l’un de l’autre que de quelques points de pourcentage, variant de 74 % à 77 %, pour cette enquête à participation volontaire. Cependant, la stratégie de poussée vers le Web, pour laquelle 53 % de personnes ont répondu par Internet, s’est révélée beaucoup moins coûteuse que les autres, 48 $ par répondant vs 66 $ pour la réponse par la poste d’abord et 75 $ pour la réponse par téléphone d’abord. La conclusion a été que les résultats de chaque procédure représentaient assez bien l’échantillon original.

Une enquête à participation volontaire récente menée auprès des conjointes et conjoints des militaires américains a servi à comparer une stratégie axée sur le Web avec une stratégie axée sur la réponse par la poste. La méthodologie axée sur le Web a produit un taux de réponse significativement plus élevé, 33 % vs 28 %, avec 87 % des réponses à la méthode axée sur le Web reçues par Internet (McMaster, LeardMann, Speigle et Dillman 2016). La stratégie axée sur le Web a également été nettement moins coûteuse, soit 61 $ par répondant vs 89 $.

Le succès des stratégies axées sur le Web pour les études des diplômés des collèges et des militaires peut avoir des explications différentes. Tous les participants à la NSCG possédaient au moins un diplôme d’études collégiales de quatre ans. Les participants à la Family Study of Military Members étaient aussi relativement jeunes. Selon les auteurs de la dernière étude, le fait que les militaires utilisent beaucoup Internet pour communiquer avec leur conjointe ou conjoint durant le déploiement pourrait expliquer la plus grande efficacité de la méthode axée sur le Web que des méthodes axées sur l’envoi par la poste.

De nombreux autres essais d’une méthodologie axée sur le Web ont eu lieu au cours de la dernière décennie. Une étude suisse a donné des taux de réponse d’environ 72 % des ménages sélectionnés à partir de listes suisses d’enregistrement, dont 44 % par Internet, 20 % par la poste et le reste par interview téléphonique ou sur place (Roberts et coll. 2016). Au Royaume-Uni, où les enquêtes statistiques nationales étaient réalisées beaucoup plus fréquemment par interview sur place que par interview téléphonique, il a été décidé récemment de convertir la Community Life Survey pour passer d’une stratégie d’interview sur place à une stratégie axée sur le Web suivie d’une réponse par la poste (United Kingdom Cabinet Office 2016). Cette décision a été prise afin de réduire les coûts, tout en augmentant la taille d’échantillon. Il reste à voir quels seront les résultats.

L’utilisation de méthodes axées sur le Web par le secteur privé pour étudier des populations particulières a également évolué. Nexant réalise maintenant des enquêtes auprès des clients des services publics de distribution de gaz et d’électricité par des méthodes axées sur le Web. Par le passé, les enquêtes téléphoniques étaient la méthode privilégiée. Les entreprises auprès des clients desquelles il faut mener les sondages peuvent fournir les adresses postales et les numéros de téléphone pour presque tous les clients et les adresses de courriel pour 20 % à 40 % des ménages (Sullivan, Leong, Churchwell et Dillman 2015). Selon une procédure élaborée par Millar et Dillman (2011), un courriel est envoyé à ces ménages de manière à ce qu’il arrive peu de temps après la lettre de demande de participation qui contient un incitatif de 2 $, et est suivi d’un autre courriel trois jours plus tard, et de l’envoi d’un questionnaire papier en cas de non-réponse. Plusieurs essais ont produit des taux de réponse allant de 40 % à 80 %, avec utilisation d’Internet par 80 % à 90 % des répondants ayant reçu ces courriels supplémentaires après la prise de contact par la poste, comparativement à environ 35 % à 70 % de ceux pour lesquels on n’avait pas d’adresse de courriel. Les taux de réponse peuvent être haussés de 8 à 10 points de pourcentage grâce à un appel téléphonique de suivi aux personnes sans adresse de courriel, comparativement à 1 % ou 2 % pour celles possédant une telle adresse.


Date de modification :