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Des études récentes de Statistique Canada portent sur l'importance de l'infrastructure publique dans l'économie canadienne. L'infrastructure publique a également attiré l'attention d'économistes dans d'autres pays qui se sont intéressés à la question de savoir comment elle soutient la croissance et la prospérité.

Malgré l'intérêt porté à l'infrastructure publique, la plupart des études dans ce domaine  n'indiquent pas explicitement, justification à l'appui, quels actifs il y a lieu d'appeler infrastructures ou pourquoi une partie de l'infrastructure doit être qualifiée de publique.

Les statisticiens recueillent des données qui visent à alimenter le débat. La classification est fondamentale à ce processus de collecte de données. Ce document vise à déterminer s'il existe une taxonomie bien définie et justifiable que les statisticiens peuvent utiliser pour organiser leurs efforts de collecte en vue de fournir des données sur le capital investi dans l'infrastructure publique au Canada.

En premier lieu, nous exposons les problèmes dans le débat actuel. Nous proposons ensuite une taxonomie pouvant être utilisée pour évaluer l'importance de différents types de dépenses en immobilisations que les chercheurs peuvent considérer comme infrastructures ou la partie des immobilisations totales qu'il y a lieu de considérer comme « publiques ».

Nous élaborons tout d'abord un système de classification aux fins de la collecte de données sur l'infrastructure. Même si la plupart des auteurs des ouvrages spécialisés sur les fonctions de l'infrastructure s'entendent pour dire qu'elle sert de fondement important nécessaire à l'investissement privé et à la croissance économique, à la qualité de vie et à la sécurité, il n'y a pas de définition acceptée universellement de ce que l'on entend par « infrastructure ».

À la deuxième partie du document, nous proposons des critères permettant de déterminer quels actifs sont des infrastructures et nous résumons les arguments qui ont été avancés pour expliquer pourquoi certaines infrastructures pourraient être classées comme infrastructures « publiques ».

Généralement, lorsque les analystes tâchent de créer une structure pour élaborer une définition de l'infrastructure ils se penchent plus particulièrement sur les fonctions des produits fabriqués par les industries dans lesquelles se trouvent les actifs d'infrastructure. Nous avons décidé de ne pas nous engager dans cette voie qui à notre avis présente deux problèmes. Premièrement, il est difficile de s'entendre sur les fonctions qui sont « fondamentales » au sens de l'infrastructure. Les listes qui se veulent consensuelles généralement n'établissent pas de critères clairs en ce qui concerne les actifs devant être exclus ou inclus. Les définitions qui font mention de « l'intérêt du public » obligent l'analyste à énumérer les domaines dans lesquels le secteur public affecte des ressources ou légifère dans l'intérêt du public. Ces domaines varient d'un pays à l'autre et d'un secteur de compétence à l'autre et, par conséquent, ne fournissent pas de normes universelles.

Nous définissons plutôt l'infrastructure comme un ensemble d'actifs possédant certaines caractéristiques qui donnent lieu à des problèmes économiques particuliers qui sont omniprésents dans différentes économies. Cette approche est fondée sur les fondements économiques de la théorie des contrats. Dans certaines situations, les problèmes contractuels entraînent des résultats imparfaits sur le marché comme la création de monopoles qui tient à des caractéristiques du processus de production, à leur tour liées à la nature des actifs immobilisés servant de fondement à la production dans ces industries. En outre, la théorie économique des contrats peut nous guider dans le choix des caractéristiques des actifs qui créent des problèmes pour le système économique, c'est-à-dire qui aboutissent à soit des résultats difficiles et peut-être imparfaits dans le régime de marché (monopoles naturels), soit entraînent une intervention de l'État.

Nous nous appuyons sur certaines caractéristiques physiques des actifs (autres que la propriété) pour déterminer lesquels devraient être classés comme des infrastructures. Même s'il existe à notre avis des critères clairs dans ce domaine pour définir les actifs d'infrastructure, nous en arrivons à la conclusion qu'il est difficile d'élaborer des critères convaincants pouvant servir à faire la distinction entre les infrastructures privées et les infrastructures publiques et qu'il s'agit probablement d'un domaine dans lequel il est peu approprié pour un organisme statistique de s'aventurer. En outre, même si la distinction était claire en théorie, les sources de données existantes ne fournissent pas suffisamment de détails pour permettre de l'établir dans la pratique. Par conséquent, nous construisons un système de classification fonctionnelle qui définit l'infrastructure mais permet aux utilisateurs de décider eux-mêmes où tracer la limite entre l'infrastructure privée et l'infrastructure publique.

Dans ce document, nous définissons l'infrastructure comme étant un ensemble d'ouvrages fixes possédant les caractéristiques suivantes : ils ont une longue durée de vie utile, leur création comporte une période de gestation importante, ils n'ont pas de substituts pertinents à court et à moyen terme, ils sous-tendent la production d'un flux de services et il est difficile d'en faire l'inventaire. Ces actifs jouent également un rôle fondamental spécial de soutien d'autres facteurs de production.

Fort heureusement, les systèmes existants de collecte de données de Statistique Canada utilisent déjà une taxonomie qui nous permet de cerner les actifs qui possèdent ces caractéristiques. Ils entrent dans la catégorie générale que nous appelons celle des ouvrages fixes, c'est-à-dire les travaux de génie et les bâtiments; toutefois, il est plus difficile de déterminer lesquels jouent un rôle fondamental. Il est encore plus difficile de déterminer lesquels de ces travaux de génie et bâtiment possèdent des caractéristiques qui en font des infrastructures publiques. Pour ce faire, il faut analyser pourquoi le secteur commercial ne peut résoudre les problèmes contractuels associés aux actifs d'infrastructure qui exigent une intervention de l'État pour garantir une offre suffisante. Étant donné que cette tâche n'appartient pas aux statisticiens et que son importance diffère d'un secteur de compétence à l'autre, nous ne l'entreprenons pas ici. Nous nous bornons à souligner les principales caractéristiques des actifs d'infrastructure en général et de classer les divers travaux de génie et bâtiments selon qu'il s'agit ou non d'infrastructures. Nous n'allons pas au-delà d'un examen de la justification avancée par d'autres qui soutiennent que ces actifs peuvent également être considérés comme étant de nature publique.

Étant donné que les caractéristiques associées aux actifs d'infrastructure sont également souvent associées à l'intervention des administrations publiques, le fait que la plupart des actifs structurels font l'objet d'une telle intervention laisse supposer que bon nombre d'entre eux pourraient être inclus dans une définition de l'infrastructure publique pour cette raison. Autrement dit, ces actifs possèdent effectivement les caractéristiques qui entraînent la non-exécution d'un contrat, comme le montre l'importance de l'intervention des administrations publiques dans ces domaines (voir Baldwin, 1989). L'infrastructure a généralement une longue durée de vie et sa construction prend donc beaucoup de temps. Son utilisation n'est pas souple et l'élasticité de la demande des services qu'elle produit est faible. Sa nature essentielle et son manque de souplesse entraînent souvent des problèmes contractuels qui rendent nécessaire la propriété publique ou la participation du secteur public.

Cependant, même si la participation du secteur public sous une forme quelconque est souvent une caractéristique de l'infrastructure publique, elle n'est pas une condition nécessaire ou suffisante pour permettre de désigner un actif comme faisant partie de « l'infrastructure publique » parce qu'il entraîne la non-exécution d'un contrat. Souvent, l'État est propriétaire ou réglemente pour des raisons autres que celles que nous avons indiquées. En outre, étant donné que la participation du secteur public est souvent le fait de difficultés dans la rédaction de contrats entre parties du secteur privé, elle dépend des institutions (particulièrement des systèmes juridiques), qui diffèrent d'un pays à l'autre et au fil du temps. Ainsi, dans certains pays, les gouvernements peuvent participer activement à certains secteurs au cours de certaines périodes tandis que dans d'autres, ils adoptent une approche non interventionniste du même secteur parce que le secteur commercial est capable de résoudre les problèmes contractuels dans le domaine de l'infrastructure. Les caractéristiques physiques qui définissent les actifs d'infrastructure sont seulement associées à des « problèmes » contractuels; elles ne sont pas toujours associées à la non-exécution d'un contrat.

À notre avis, une définition utile de l'infrastructure doit être uniforme d'un secteur de compétence à l'autre et au fil du temps. Par conséquent, nous ne nous appuyons pas sur la propriété du secteur public ou sur la participation des administrations publiques pour déterminer quels actifs font partie de l'infrastructure publique. Nous nous appuyons plutôt sur les caractéristiques des actifs eux-mêmes, qui déterminent si ces derniers font ou ne font pas partie de l'infrastructure.

Nous construisons un ensemble de données sur les actifs d'infrastructure pour le Canada de 1961 à 2002 et nous en arrivons à la conclusion que la très vaste majorité des actifs structurels corporels produits se trouvent dans le secteur public et dans une poignée d'autres secteurs économiques — services d'électricité, transport, communications et eau. Les produits de ces secteurs commerciaux sont ou ont été traditionnellement réglementés par l'État sur le plan de la quantité et du prix.

Comme le montrent nos données, que l'infrastructure soit définie et examinée à la lumière des actifs ou des secteurs dans lesquels ils se trouvent, le tableau qui se dégage est à peu près le même. La plupart des actifs qui peuvent être qualifiés d'infrastructures se trouvent dans un petit nombre d'industries aux niveaux à trois et à quatre chiffres du Système de classification des industries de l'Amérique du Nord (SCIAN). En fait, la seule décision qui a une incidence significative sur les données est celle de prendre en considération seulement les actifs du secteur public ou de prendre en considération les actifs dans le petit nombre de secteurs commerciaux dans lequel ces actifs sont concentrés. Nous optons pour la deuxième mesure, pour les raisons mentionnées ci-dessus de comparabilité entre pays et d'uniformité au fil du temps. Toutefois, nous fournissons suffisamment de détails dans notre ensemble de données pour permettre d'autres interprétations. Nous préférons utiliser les actifs parce qu'ils nous permettent de brosser un tableau de l'importance de l'infrastructure à l'échelle de l'économie et non seulement dans les industries où se trouvent la plupart des infrastructures.

Autre caractéristique utile de la méthode employée ici, elle permet de classer la plupart des travaux de génie et bon nombre des bâtiments selon leur fonction. Dans ce document, nous adoptons une mise en correspondance particulière qui nous permet de décrire les actifs consacrés aux secteurs suivants : transports; communications; électricité; déchets, eau et égouts; distribution de gaz naturel et de pétrole; sécurité publique; défense; éducation, loisirs et culture; santé et protection sociale. Ce système de classification fonctionnelle repose, avec quelques modifications mineures, sur une mise en correspondance proposée par nous des types d'actifs et de la Classification des fonctions des administrations publiques (CFAP), qui nous permet d'examiner les infrastructures non seulement selon la classification des industries, mais selon les fins auxquelles elles sont destinées dans l'économie. Les infrastructures de transport, électriques et hydrauliques constituent la plus grande partie de l'infrastructure de génie autre que celle du secteur minier.

La ventilation fonctionnelle sert à deux fins. Elle nous permet de déterminer si les profils affichés par l'infrastructure sont fonction des changements qui touchent l'économie ou des changements qui surviennent dans des secteurs particuliers. Elle nous permet également de spécifier différentes relations entre différents types d'infrastructures. Il est probable, par exemple, que le transport joue un rôle différent dans l'économie que le traitement des eaux usées. Ainsi, l'établissement d'une distinction entre le rôle des divers types d'infrastructures devrait être utile aux fins d'un examen empirique de la nature du rôle de l'infrastructure de soutien d'autres facteurs de production.

Ce document vise principalement à proposer une définition rigoureuse de l'infrastructure et à fournir des données factuelles sur l'infrastructure en place au Canada. Il ne porte pas sur le caractère adéquat de l'état actuel du stock d'infrastructure. Nous examinons toutefois l'évolution du capital infrastructurel du Canada depuis 1961. Ce faisant, nous nous penchons sur le rôle de l'infrastructure relativement à l'activité économique générale. Il importe de reconnaître que l'infrastructure constitue l'un de plusieurs types de capital et de comparer les changements qui touchent l'infrastructure aux changements qui ont touché d'autres facteurs de production (le capital et le travail). À cet égard, nous comparons les tendances dans le secteur commercial et dans le secteur des administrations publiques pour déterminer si l'utilisation de l'infrastructure diffère dans les secteurs public et privé.

Le stock de capital total du Canada a été assez stable relativement à la production jusqu'au milieu des années 1990, puis a légèrement diminué. La baisse a été attribuable principalement à une diminution relative des travaux de génie, qui ont cessé d'augmenter durant les années 1980. Le ratio de la production au capital de la construction de bâtiments est demeuré assez stable tandis que celui des machines et du matériel a augmenté. Combinées, la stabilité relative du capital total et les augmentations des parts des machines et du matériel ainsi que les diminutions du capital en travaux de génie sont conformes à la variation des prix relatifs au fil du temps qui a fait que les premiers ont été relativement moins coûteux que les deuxièmes et qui a permis des substitutions entre différents types d'actifs. Ces substitutions s'observent également aux États-Unis, ce qui indique que des forces semblables jouaient dans l'une et l'autre économie.

Nous comparons également la croissance à long terme de l'infrastructure du Canada et avec celle des États-Unis. La période de 1960 à 2000 se divise en deux périodes approximativement égales. Avant 1980, le produit intérieur brut (PIB) et le capital ont crû plus rapidement au Canada qu'aux États-Unis. La performance relative du Canada a ralenti par la suite. Toutefois, le ralentissement des dépenses au titre des ouvrages s'est inscrit dans le cadre d'un ralentissement global. Les dépenses en machines et matériel au Canada ont ralenti encore plus que les dépenses au titre des travaux de génie et des bâtiments.

Étant donné que les changements au niveau de l'économie peuvent masquer des différences à l'intérieur des secteurs, nous examinons également les changements qui se sont produits dans le secteur public et dans certaines autres industries infrastructurelles.

La diminution relative des travaux de génie dans l'ensemble de l'économie n'est pas, sauf dans le cas du secteur du transport, attribuable à la baisse relative de l'importance des biens et services produits par ces secteurs mais au fait que presque tous ces secteurs utilisent moins de travaux de génie pour produire leur production.

La diminution à l'intérieur des secteurs pourrait tenir à l'une de trois raisons. En premier lieu, il se peut que ces secteurs aient investi trop peu et augmentent leur production en soumettant leur infrastructure à trop rude épreuve, entraînant l'usure de cette dernière. En deuxième lieu, les entreprises ont peut-être remplacé le capital infrastructurel par d'autres types de capital (p. ex., machines et matériel) et par le travail. En troisième lieu, les entreprises dans ces secteurs pourraient utiliser leur capital infrastructurel à meilleur escient. Elles ont peut-être trouvé des façons de mieux utiliser leur capital existant. Ou bien, elles se sont peut-être dotées dans le passé d'une capacité excédentaire en prévision d'une demande future plus élevée.

Étant donné que les tendances à la baisse des ratios de l'infrastructure au PIB s'observent depuis longtemps (presque 20 ans) et sont uniformes d'un secteur d'infrastructure à l'autre, la première possibilité semble peu probable. En outre, les mêmes tendances générales s'observent aux États-Unis qu'au Canada. Il est plus probable que les entreprises dans ces secteurs utilisent leur capital plus efficacement, soit parce qu'elles avaient au départ une capacité excédentaire, soit parce qu'elles ont augmenté leur productivité.

Pour ce qui est de l'infrastructure du secteur public, son importance dans l'économie (capital infrastructurel relativement au PIB global) a diminué de façon constante depuis le début des années 1970, malgré l'augmentation de la part du secteur public de la production jusqu'en 1993. Cette tendance s'observe tant au Canada qu'aux États-Unis et s'explique par une augmentation des dépenses de main-d'œuvre dans le secteur public. En un sens, l'administration publique devient davantage un secteur de service et a besoin de relativement moins de capital infrastructurel et plus de services travaillistiques pour produire la production demandée.

Même si le capital infrastructurel a diminué relativement à d'autres formes de capital, il n'a pas diminué en termes relatifs comparativement à la population qui l'utilise. En fait, le capital infrastructurel du secteur public par habitant s'est maintenu à un niveau relativement constant au cours des 20 dernières années.

En conclusion, les actifs d'infrastructure non seulement ont des caractéristiques qui les différencient d'autres types de capital, mais ils se distinguent d'autres actifs par leurs profils d'utilisation. Ils sont fortement concentrés dans un petit nombre de secteurs qui sont soit des secteurs non commerciaux, soit des secteurs réglementés ou dans lesquels on trouve une forte composante de propriété publique. En outre, le profil de croissance de ces actifs a suivi une trajectoire assez différente de celle des autres actifs durant une bonne partie des 40 dernières années. Que ce soit dans le secteur commercial ou dans celui des administrations publiques, ces actifs ont augmenté à un rythme nettement plus lent que les autres actifs.

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