1 Introduction

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Selon la perception traditionnelle du secteur de la fabrication, celui-ci était un maillon faible de la chaîne de développement économique du Canada. La croissance du secteur de la fabrication a été favorisée par une politique de développement visant à promouvoir la colonisation de l'Ouest, l'expansion du réseau ferroviaire est-ouest et l'imposition de tarifs pour protéger le tout nouveau secteur canadien de la fabrication. Au lieu d'être considéré comme un moteur de croissance, le secteur de la fabrication était perçu comme une entrave à la croissance rapide de l'économie. Selon les écrits classiques, les tarifs ont protégé le nouveau secteur de la fabrication de sorte qu'il est resté enfant sans jamais devenir adulte et qu'il a continué de fonctionner à un faible niveau d'efficacité. L'étude de Dales (1966) sur les tarifs est venue appuyer ce point de vue, l'auteur soutenant que l'important secteur de la fabrication secondaire au Canada, qui s'est construit à l'abri de ce mur protecteur, était inefficace comparativement à son homologue aux États-Unis2.

Même si le secteur canadien de la fabrication était effectivement dans sa petite enfance au moment de la Confédération en 1869, ce n'était plus le cas en 1929. L'économie canadienne et le secteur canadien de la fabrication ont connu une forte croissance au cours des trois premières décennies du XXe siècle. Il est donc approprié de tâcher de déterminer dans quelle mesure l'industrie canadienne a mûri avant les événements dramatiques des années 1930 et 1940. Le concept comprend plusieurs dimensions, dont la capacité du secteur de la fabrication de soutenir la concurrence sur les marchés d'exportation, sa capacité d'exploiter les économies d'échelle des usines ou des entreprises et son efficacité relative. Dans le présent document, nous examinons le fondement de la perception traditionnelle en portant notre attention plus particulièrement sur l'efficacité des industries de la fabrication au Canada par rapport à celle aux États-Unis en 1929.

Les insuffisances de productivité ont été classées comme étant d'ordre technique ou allocatives (Farrel, 1957). L'efficacité technique mesure la relation entre la production et les facteurs. L'inefficacité allocative montre dans quelle mesure les facteurs ne sont pas combinés selon les proportions justifiées par les ratios des facteurs aux prix. Dans le présent document, nous examinons plus particulièrement l'efficacité technique et nous utilisons une mesure de la productivité totale du facteur travail3 plutôt qu'une mesure partielle conformément à la pratique générale4.

La productivité du travail (LP pour Labour Productivity) est une mesure partielle qui saisit l'efficacité avec laquelle le travail est transformé en production; les mesures de la productivité totale des facteurs (TFP pour Total Factor Productivity) sont des mesures plus complètes qui saisissent l'efficacité avec laquelle de multiples facteurs (p. ex., à la fois le travail et le capital) sont transformés en production. Les mesures de la productivité totale des facteurs saisissent l'efficacité allocative mieux que ne le font les mesures partielles de la productivité5.

Même si la productivité totale des facteurs relative est une mesure plus complète des différences d'efficacité de production entre les deux pays que ne l'est le niveau relatif de productivité du travail, les deux ne sont pas indépendantes de l'une de l'autre. Dans le cadre de comptabilité de la croissance, le niveau relatif de productivité du travail peut être décomposé en deux composantes, l'une tenant à la différence de productivité totale des facteurs, et l'autre, aux différences d'intensité capitalistique entre le Canada et les États-Unis (Baldwin, Gu et Yan, 2008):

TFP et LP représentent la productivité totale des facteurs et la productivité du travail, K et L représentent le capital et le travail, s représente la part moyenne du PIB attribuable au capital et C et U sont des indices supérieurs désignant le Canada et les États-Unis.

La productivité totale des facteurs relative du Canada et des États-Unis (une mesure de l'efficacité technique) peut être la même dans les deux pays et la productivité relative du travail peut être inférieure à un lorsque l'intensité de capital au Canada est inférieure à celle aux États-Unis. Ainsi, la productivité du travail peut être inférieure dans l'un des pays non à cause d'une efficacité technique inférieure (mesurée par la productivité totale des facteurs) mais parce que l'intensité de capital est plus faible. Cette plus faible intensité capitalistique peut être attribuable à des différences de ratios des facteurs aux prix entre les pays.

Dans le présent document, nous constatons que l'écart entre les niveaux d'efficacité du secteur de la fabrication au Canada et de celui des États-Unis, inféré d'après une comparaison des mesures partielles de la productivité du travail, disparaît pratiquement lorsque nous utilisons une mesure de la productivité totale des facteurs, que le coût du travail par rapport au coût du capital était considérablement inférieur au Canada par rapport aux États-Unis et que le Canada employait considérablement plus de travail par rapport au capital (ou moins de capital par travailleur) que les États-Unis. La plupart des différences en matière de productivité du travail tenaient non à des différences d'efficacité technique mais à une plus faible intensité capitalistique.

À la première section, nous examinons les résultats d'études antérieures sur l'importance de l'écart de productivité manufacturière entre le Canada et les États-Unis. À la deuxième section, nous examinons l'évolution du secteur canadien de la fabrication entre 1900 et 1929. À la troisième section, nous comparons certaines caractéristiques saillantes des économies canadienne et américaine. La quatrième section contient les estimations détaillées de la productivité totale des facteurs.

 

2. Les historiens de l'économie ne sont pas les seuls à souscrire au thème de l'inefficacité de l'industrie canadienne. Les auteurs des ouvrages traditionnels sur l'organisation industrielle (Eastman et Stykolt, 1967) soutiennent que non seulement la politique tarifaire canadienne a favorisé l'expansion de secteurs dans lesquels le Canada a un désavantage comparatif, mais que les industries bénéficiant d'une protection tarifaire n'ont pas été aussi efficaces qu'elles auraient pu l'être. Selon les auteurs de ces études, l'inefficacité était attribuable à la taille plus petite des usines et aux cycles de production plus courts tenant à la petite taille du marché canadien (Fullerton et Hampson, 1957; Daly et coll., 1986, Conseil économique du Canada, 1961).

3. Les organismes statistiques appellent ces mesures des mesures de la productivité multifactorielle plutôt que de la productivité totale des facteurs, puisque de nombreux facteurs qui contribuent au processus de production ne sont pas mesurés à l'heure actuelle et que les mesures existantes ne sont donc pas complètes puisqu'elles portent sur de multiples facteurs mais non sur tous les facteurs. Néanmoins, nous utilisons dans le présent document la phrase plus courante dans les milieux universitaires, pour faciliter la communication. Dans d'autres articles de La revue canadienne de productivité publiée par Statistique Canada, les auteurs utilisent la phrase « mesure de la productivité multifactorielle ». Les deux sont synonymes.

4. Keay (2000) et Inwood et Keay (2006) examinent également la productivité totale des facteurs.

5. Dans la pratique, les estimations de la productivité totale des facteurs peuvent également saisir l'ampleur des économies d'échelle et d'autres différences sur le plan organisationnel (Hulten, 2001), mais c'est aussi le cas de mesures simples de la productivité du travail.