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  1. Introduction
  2. Quelles sont les sources de la croissance de la productivité du travail au Canada?
  3. Un examen de la faible croissance de la productivité depuis 2000
  4. Comparaisons internationales de la productivité
  5. La productivité replacée dans son contexte

1   Introduction

Le programme de la productivité de Statistique Canada produit une gamme de statistiques sommaires sur la productivité, ainsi qu'une base de données par industrie sur les entrées et les sorties. Ce produit est accompagné d'une analyse qui permet au public de comprendre les questions auxquelles il répond.

Baldwin et Gu (2008) donnent un aperçu du programme de la productivité de Statistique Canada et une brève description de la productivité du Canada fondée sur les données produites par le programme de la productivité. Le présent document fait le point sur la productivité du Canada pour des années plus récentes et contient une analyse des sources de faible productivité au Canada depuis 2000 1 .

1.1  Qu'est-ce que la productivité?

La productivité mesure l'efficacité avec laquelle une économie transforme les facteurs de production (entrées) en produits (sorties). Statistique Canada produit des statistiques sommaires qui saisissent divers aspects de ce processus.

Les statistiques sommaires les moins complexes de la productivité sont les mesures partielles, qui tiennent compte d'un seul facteur de production, comme le travail ou le capital. La productivité du travail correspond au produit intérieur brut (PIB) par heure travaillée. La productivité du capital correspond au PIB par unité de capital.

Les mesures plus complexes tiennent compte simultanément de plus d'un facteur de production, par exemple, le travail et le capital. La productivité multifactorielle (PMF) correspond au PIB par unité d'une combinaison de travail et de capital.

Les mesures de la PMF ont été conçues pour offrir une analyse plus exhaustive des forces qui dictent la croissance que ne le font les simples mesures de productivité partielles. Ainsi, pour comprendre le processus de croissance, nous devons savoir quelles sont les sources de la croissance de la productivité du travail.

La croissance de la productivité du travail présente un intérêt intrinsèque, étant donné sa relation temporelle étroite avec les changements de rémunération réelle du travail. Nous nous intéressons aux sources de cette croissance. Cette dernière peut résulter d'un plus grand apport de capital (machines et matériel, bâtiments et ouvrages de génie) dans le procédé de production ou de progrès techniques. Or, dans la mesure où nous pouvons dissocier les contributions de ces deux sources à la croissance, nous pouvons isoler l'effet des politiques qui les influencent. C'est exactement à cela que servent les mesures de la PMF.

La productivité peut être mesurée en termes de niveau ou de croissance, tout comme le PIB. Néanmoins, comme pour ce dernier, c'est à la croissance de la productivité que l'on s'intéresse particulièrement, et beaucoup d'attention est accordée aux comparaisons de la croissance de la productivité entre pays.

1.2  Pourquoi la croissance de la productivité est-elle importante?  2 

La croissance de la productivité est étroitement liée à celle du niveau de vie. La croissance de la production résulte nécessairement soit de l'utilisation d'une plus grande quantité de facteurs de production ou de la croissance de la productivité. En fait, ce principe est celui qui sous-tend la méthode fondamentale d'estimation de la croissance de la productivité multifactorielle. Celle-ci est égale à la croissance de la production en sus de celle due à l'augmentation des facteurs de production, comme le travail.

Le graphique 1 donne la croissance annuelle moyenne du PIB réel dans le secteur des entreprises 3  pendant la période de 1961 à 2008 et de diverses sous-périodes, qui reflètent différents cycles économiques. Dans l'ensemble de la période, le PIB a augmenté de 3,7 % par année en moyenne. La croissance économique a été relativement élevée dans les années 1960 et au début des années 1970, la moyenne étant de 5,6 % par année. À partir de 1973, la croissance économique n'a cessé de ralentir, passant de 4,0 % dans les années 1970 à 3,3 % dans les années 1980, 3,0 % dans les années 1990 et 2,2 % après 2000.

La croissance de la production dépend de l'accroissement des ressources consacrées à la production ou de l'efficacité avec laquelle ces ressources sont employées. Prenons le cas du facteur travail. La production augmentera si le nombre total d'heures travaillées est plus élevé ou que les travailleurs produisent davantage par heure de travail (si la productivité du travail augmente) : 

(1)
PIB = (PIB / Heures) * (Heures)

Heures est le nombre total d'heures travaillées.

Le graphique 1 illustre les variations de chacune de ces composantes au cours du temps. Au cours de la période de 1961 à 2008, la productivité du travail a progressé au taux annuel moyen 2,0 %, ce qui représente un peu plus de la moitié de la hausse du taux de croissance du PIB. La part restante est attribuable au nombre d'heures travaillées, qui a augmenté de 1,7 % par année, en moyenne.

De 2000 à 2008, le PIB du secteur des entreprises a augmenté de 2,2 % par année, hausse légèrement inférieure à celle de 3,0 % enregistrée de 1988 à 2000. La productivité du travail a progressé de 0,7 % par année de 2000 à 2008, en baisse par rapport au taux de 1,7 % enregistré de 1988 à 2000. En revanche, la croissance du nombre d'heures travaillées est passée à 1,4 % de 1988 à 2000, taux légèrement supérieur à celui de 1,3 % de 1979 à 1988. La productivité du travail représentait 34 % de la croissance du PIB après 2000, comparativement à 56 % au cours de la décennie précédente.

Nombreux sont ceux qui soutiennent que la croissance de la productivité fait augmenter le niveau de vie. Comment cela se produit-il exactement? L'effet le plus direct des améliorations de la productivité sur le bien-être des particuliers est l'accroissement de leur revenu réel. Si la hausse de la productivité signifie une baisse des coûts et que ces économies sont transmises aux prix, les consommateurs pourront acheter des biens et des services à un coût moindre.

La théorie économique de la production affirme que, dans une économie concurrentielle, la rémunération nominale accordée à un travailleur est égale au revenu marginal (ou produit marginal en valeur) du travailleur, c'est-à-dire le produit marginal du travailleur multiplié par le prix du produit. La variation du produit marginal du travail est égale à la variation nominale de la rémunération du travail déflatée par le prix de la production. Dans le cas d'une technologie de production Cobb-Douglas, le produit marginal du travail est proportionnel au produit moyen par unité de travail ou productivité du travail. Dans ce cas particulier, la rémunération réelle du travail calculée en utilisant le prix de la production devrait croître au même taux que la productivité du travail. Pour des technologies de production plus générales, la rémunération réelle du travail peut s'écarter de la productivité du travail.

La théorie économique de la production postule que le produit marginal réel du travail devrait être comparé à la rémunération du travail déflatée par le prix de la production et non par l'indice des prix à la consommation (IPC) ou d'autres prix de la demande finale. Comme l'IPC comprend les prix des importations, il a tendance à augmenter plus lentement que le prix de la production intérieure quand le prix des importations augmente moins que celui de la production intérieure.

Pour illustrer la relation entre la croissance de la productivité et la hausse de la rémunération, nous comparons au graphique 2 la croissance de la productivité du travail et la rémunération horaire réelle du travail dans le secteur des entreprises au cours du temps. Pour établir la rémunération horaire réelle du travail, nous nous basons sur le concept du Système de comptabilité nationale qui consiste à diviser la rémunération du travail par l'indice implicite des prix du PIB pour le secteur des entreprises. Aux fins de comparaison, le graphique 2 donne aussi la croissance de la rémunération réelle du travail calculée en utilisant l'IPC. Alors que le prix de la production doit être utilisé pour déflater les salaires nominaux en vue d'examiner la relation entre la rémunération et la productivité, quelques-uns soutiennent qu'il faudrait plutôt utiliser l'IPC comme déflateur des salaires nominaux si l'objectif est d'examiner la relation entre les gains de productivité et les changements de niveau de vie.

Quel que soit le choix des déflateurs, la conclusion qui se dégage du graphique 2 est que la rémunération horaire réelle du travail et la productivité du travail sont étroitement liées à long terme. Au cours de la période de 1961 à 2008, la rémunération annuelle moyenne réelle du travail a augmenté de 1,8 %, tandis que la productivité du travail a progressé de 2,0 %. La plupart de l'accroissement de la productivité a servi à relever la rémunération horaire réelle du travail sur la période allant de 1961 à 2008 4 . Le ralentissement de la croissance de la productivité du travail au fil du temps s'est traduite par une croissance plus lente de la rémunération horaire réelle du travail.

Bien que la rémunération horaire réelle et la productivité du travail dans le secteur des entreprises aient augmenté à peu près au même taux à long terme, des écarts entre les deux s'observent à court terme. Nous constatons surtout la croissance plus lente de la rémunération réelle du travail calculée en utilisant le prix de la production comparativement à la croissance de la productivité du travail durant les profondes récessions du début des années 1990. Par contre, la croissance de la rémunération horaire annuelle moyenne du travail de 2000 à 2008 (0,9 %) suivait de très près celle de la productivité du travail (0,7 %).

Si nous nous servons de l'IPC pour déflater la rémunération du travail, nous constatons que la rémunération réelle du travail accusait un retard par rapport à la croissance de la productivité du travail dans les années 1980 et les années 1990, période où la chute du dollar canadien a fait grimper le prix des biens de consommation importés 5 .

2   Quelles sont les sources de la croissance de la productivité du travail au Canada?

Comme les accroissements de la productivité du travail sont associés à une croissance économique plus rapide, de plus hauts niveaux de vie et des revenus réels plus élevés, il importe de comprendre les sources des améliorations de la productivité du travail.

De nombreux facteurs déterminent le taux de croissance de la productivité du travail, dont l'augmentation de la quantité de machines ou de matériel mise à la disposition des travailleurs, l'accroissement de la proportion de travailleurs spécialisés, l'augmentation de la taille des usines, les changements de structure organisationnelle et les améliorations de la technologie.

En appliquant le cadre de comptabilité de la croissance adopté par l'Organisation de coopération et de développement économiques dans ses recommandations concernant la mesure de la productivité 6 , nous pouvons utiliser les Comptes canadiens de productivité pour ventiler la croissance de la productivité du travail en une part provenant de l'accroissement de l'intensité du capital, une part provenant de l'accroissement du niveau de compétence des travailleurs (appelé ici changement de composition de la main-d'oeuvre) 7  et une part venant de toutes les autres sources, laquelle est appelée croissance de la productivité multifactorielle (PMF) : 

(2)
ΔPIB / Heures = (ΔPMF) + Sk * Δ(Capital / Heures) + Sl * ΔLC,

où ΔPIB / Heures est la croissance de la productivité du travail, ΔPMF est la croissance de la productivité multifactorielle, Sk est la part du produit intérieur brut (PIB) revenant au capital, Δ(Capital / Heures) est la croissance de la quantité de capital (machines, bâtiments et ouvrages de génie) disponible par heure travaillée, Sl est la part du PIB revenant au travail et ΔLC est la croissance de la mesure des compétences de la main-d'oeuvre 8 .

La productivité du travail peut croître parce que l'intensité du capital par travailleur est plus élevée. Par exemple, un plus gros investissement dans la technologie de l'information peut accroître l'intensité du capital. À mesure que le coût de la technologie de l'information a diminué, les entreprises ont substitué cette technologie à la main-d'oeuvre et à d'autres formes de capital.

La productivité du travail peut également augmenter grâce à une proportion plus élevée de travailleurs spécialisés. Le perfectionnement des travailleurs grâce à des études ou à une plus grande expérience peut accroître la productivité du travail. Les entreprises canadiennes peuvent rehausser le niveau de compétence de leurs travailleurs en leur permettant de poursuivre des études, d'acquérir de l'expérience en cours d'emploi ou de se recycler.

La PMF reflète tous les autres effets. Il s'agit du facteur résiduel saisissant une gamme d'influences, notamment les progrès techniques.

Nous nous servons de ce cadre pour décomposer la croissance de la productivité du travail en parts provenant de l'accroissement de l'intensité du capital, du niveau de compétence de la main-d'oeuvre et de la PMF, respectivement (graphique 3). De 1961 à 2008, l'accroissement de l'intensité du capital a donné lieu à 1,3 % de la hausse de 2,0 % de la productivité du travail, tandis que la part de l'accroissement des compétences de la main-d'oeuvre a été de 0,4 point de pourcentage et celle de la PMF, de 0,3 point de pourcentage.

Le ralentissement de la croissance de la productivité du travail observé entre la période allant de 1961 à 1973 et la période allant de 1973 à 1979 a été causé principalement par celui de la croissance de la PMF (qui est passée de 1,2 % à 0,2 %) et dans une moindre mesure, à celui de l'amélioration de la composition de la main-d'oeuvre due à une croissance plus lente de la proportion de travailleurs spécialisés (qui est passée de 0,7 % à 0,2 %). La contribution de l'intensité du capital n'a pas varié (1,6 % au cours des deux périodes).

Dans les années 1970 et les années 1980, le fléchissement de la croissance de la productivité du travail, qui est passée de 2,0 % à 1,4 %, a été causé principalement par un ralentissement de la croissance de l'intensité du capital et, dans une moindre mesure, de celle de la PMF.

De 1988 à 2000, l'augmentation de l'intensité du capital a donné lieu à 1,0 point de pourcentage de la croissance annuelle de 1,7 % de la productivité du travail, l'accroissement des compétences de la main-d'oeuvre, à 0,4 point de pourcentage et l'augmentation de la PMF, à 0,3 point de pourcentage. Depuis 2000, la contribution de la croissance de l'intensité du capital a également été de 1,1 point de pourcentage et celle de la composition de la main-d'oeuvre, de 0,3 point de pourcentage, mais celle de la PMF est devenue négative.

Les accroissements de la productivité du travail enregistrés durant les années 1990 reflètent un renversement de la croissance de la PMF. Les contributions de l'intensité du capital et de la composition de la main-d'oeuvre n'ont pour ainsi dire pas changé depuis les années 1980. Le ralentissement de la productivité du travail après 2000 est expliqué presque entièrement par les facteurs qui déterminent la croissance de la PMF, à savoir les effets de la technologie, de l'innovation, de l'organisation de l'entreprise, de la taille de l'entreprise et de l'utilisation de la capacité 9 .

Le ralentissement de la croissance de la productivité du travail constaté après 2000 a été le sujet de plusieurs études récentes (Baldwin et Gu, 2007c; Rao, Shape et Smith, 2005; OCDE, 2006).

3   Un examen de la faible croissance de la productivité depuis 2000

La croissance globale de la productivité dans le secteur des entreprises peut être retracée jusqu'à ses origines au niveau détaillé des industries. À la présente section, nous quantifions la contribution des diverses industries au ralentissement de la croissance de la productivité du secteur des entreprises constaté entre la période de 1988 à 2000 et celle de 2000 à 2008.

Pour calculer la contribution des diverses industries, nous appliquons une variante de la méthode d'agrégation de Domar qui consiste à exprimer la croissance globale de la productivité multifactorielle (PMF) comme une somme pondérée de la croissance de la PMF par industrie en utilisant comme pondération la part de la valeur ajoutée de l'industrie en question dans la valeur ajoutée globale.

La méthode de décomposition de la croissance globale de la productivité du travail adoptée ici a été élaborée par Stiroh (2002), qui a démontré que la croissance globale de la productivité du travail peut être exprimée sous la forme d'une somme pondérée de la croissance de la productivité du travail par industrie plus un terme qui reflète l'effet de la réaffectation des heures travaillées sur la croissance de la productivité globale du travail. Les pondérations utilisées pour agréger la croissance de la productivité du travail par industrie sont données par la part moyenne sur deux périodes de la valeur ajoutée de l'industrie dans la valeur ajoutée globale.

Le graphique 4 donne la contribution par industrie à la variation de la croissance globale de la productivité du travail. Dans le secteur des entreprises, la croissance de la productivité du travail a ralenti de 0,9 point de pourcentage par année de la période de 1988 à 2000 à celle de 2000 à 2008. Après 2000, son ralentissement a eu principalement pour origine la croissance plus lente de la productivité de deux industries, à savoir l'industrie de l'extraction minière et l'extraction de pétrole et de gaz et celle de la fabrication. L'industrie de la finance, des assurances et des services immobiliers (FASI) a également contribué un peu au ralentissement de la croissance de la productivité enregistrée après 2000.

La croissance plus lente de la productivité dans le secteur de la fabrication a été à l'origine de 0,5 point de pourcentage de la diminution de la croissance de la productivité du travail dans le secteur agrégé des entreprises après 2000. L'industrie de l'extraction minière et de l'extraction de pétrole et de gaz a connu un important ralentissement de la croissance de sa productivité du travail au fil du temps, qui représente près de 0,6 point de pourcentage de la baisse postérieure à 2000 de la croissance globale de la productivité du travail. L'industrie FASI a été à l'origine de 0,2 point de pourcentage de la décélération de la croissance de la productivité.

Le graphique 5 présente la contribution par industrie à la variation de la croissance globale de la PMF de la période de 1988 à 2000 à celle de 2000 à 2008. Les résultats en ce qui concerne les industries à l'origine du ralentissement de la croissance de la PMF après 2000 rappellent ceux ayant trait aux sources du ralentissement de la croissance de la productivité du travail. La diminution de la croissance de la PMF dans le secteur des entreprises dans son ensemble après 2000 reflète le ralentissement de la croissance de la PMF dans l'industrie de l'extraction minière et de l'extraction de pétrole et de gaz et dans celle de la fabrication. La croissance plus faible de la PMF dans l'industrie FASI a également contribué pour une petite part au ralentissement de la croissance de la PMF dans le secteur des entreprises observé après 2000.

Depuis 2000, les entreprises canadiennes ont subi un certain nombre de chocs importants. Premièrement, la forte poussée de croissance des technologies à la fin des années 1990 s'est renversée après 2000. Deuxièmement, le cours du dollar canadien s'est apprécié sensiblement par rapport au dollar américain après 2003. Troisièmement, les prix des produits de base ont augmenté considérablement en raison de la vigoureuse demande mondiale d'énergie et d'autres produits primaires. Ces chocs ont eu des répercussions sur la croissance de la productivité dans les industries de la fabrication et de l'extraction minière, pétrolière et gazière au Canada.

Dans l'industrie de la fabrication, la croissance du PIB réel est passée de 3,4 % par année durant la période de 1988 à 2000 à 0,9 % durant celle de 2000 à 2008. Ce ralentissement reflète la baisse de la demande des produits du secteur de la fabrication consécutive à l'éclatement de la bulle Internet et à la forte appréciation du dollar canadien après 2002. Les exportations en valeur nominale de biens manufacturés ont baissé de 1,2 % par année de 2000 à 2005 (tableau CANSIM 383-0012). Le ratio des exportations au produit brut du secteur canadien de la fabrication est passé de 0,53 en 2000 à 0,47 en 2005. À la suite de l'éclatement de la bulle Internet, la demande de matériel informatique et de communication a régressé après 2000. L'industrie de la fabrication de produits électroniques est celle qui a affiché le renversement le plus important en ce qui concerne le PIB réel, passant d'une croissance annuelle de 11,2 % de 1988 à 2000 à une baisse annuelle de 5,5 % de 2000 à 2008.

Le ralentissement de la croissance de la production manufacturière survenu après 2000 est un des principaux déterminants du ralentissement de la croissance de la productivité du travail et de la PMF. Comme l'illustre le graphique 6, il existe une association importante et statistiquement significative entre les variations de la croissance de la production et celles de la croissance de la PMF au cours du temps dans les diverses industries manufacturières. Il existe également une association importante et significative entre les variations de la croissance de la production et celle de la croissance de la productivité du travail.

Plusieurs éléments sont à l'origine de cette association. Premièrement, elle reflète l'effet de rétroaction positif entre la croissance de la production et la croissance de la productivité du type de P. J. Verdoorn (1949) ou de Nicholas Kaldor (1967). L'accroissement de la production associé à un marché en expansion donne lieu à des économies d'échelle plus importantes, une plus grande spécialisation des produits et un plus gros investissement dans les technologies de pointe, ce qui entraîne une plus forte croissance de la productivité 10 .

Deuxièmement, elle reflète aussi l'effet de l'apprentissage par l'exportation des industries manufacturières canadiennes qui a été constaté par Baldwin et Gu (2003) et par Lileeva et Trefler (2007). Après 2000, un grand nombre d'exportateurs ont vu décroître l'intensité des exportations, en partie à cause de la forte appréciation du dollar canadien. Cette situation a été associée à une détérioration des résultats globaux en matière de productivité, car la baisse de l'intensité des exportations et la sortie des marchés des exportations ont toutes deux été liées à une plus faible productivité des usines (due à une réduction de la taille des usines et à un renversement dudit effet d'apprentissage par l'exportation).

Le ralentissement de la croissance de la productivité enregistré après 2000 a été généralisé dans les industries manufacturières. Des 45 industries manufacturières au niveau d'agrégation à trois chiffres du Système de classification des industries de l'Amérique du Nord, 35 ont vu ralentir la croissance de leur productivité du travail après 2000. L'industrie de la fabrication de produits électroniques est celle qui a contribué le plus à la décélération de la croissance de la productivité du travail dans le secteur de la fabrication entre la période de 1988 à 2000 et celle de 2000 à 2005, étant à l'origine de 0,2 point de pourcentage du ralentissement de 2,4 points de pourcentage de la croissance globale de la productivité du travail dans le secteur de la fabrication. L'industrie de la fabrication de véhicules automobiles et celle de la pâte à papier et du papier ont donné lieu chacune à 0,8 point de ce ralentissement.

Alors que la faible croissance de la productivité observée après 2000 dans le secteur de la fabrication était liée à la hausse du cours du dollar et à l'éclatement de la bulle Internet, celle enregistrée dans le secteur minier était liée à la hausse des prix de l'énergie et d'autres produits primaires (Cross, 2007; Sharpe, Arsenault et Harrison, 2008). La hausse des prix a entraîné l'exploitation de gisements à plus faible teneur en minerai et plus coûteux et de sources d'énergie plus coûteuses.

Quelques-uns ont émis l'hypothèse que les bénéfices importants réalisés par les sociétés au Canada après 2000 pourraient avoir contribué à la faible croissance de la productivité. Au Canada, la part des bénéfices des sociétés dans le PIB nominal a augmenté, pour passer d'une moyenne de 8,6 % entre 1988 et 2000 à 12,7 % entre 2000 et 2008 11 .

D'importants bénéfices peuvent se traduire par une plus forte croissance de la productivité grâce à de plus gros investissements dans le capital physique et incorporel. Par ailleurs, il est parfois soutenu que d'importants bénéfices peuvent réduire la motivation à accroître l'efficacité de la production parce que les entreprises deviennent satisfaites d'elles-mêmes.

Nous ne dégageons aucune preuve à l'appui de l'hypothèse selon laquelle d'importants bénéfices ont eu un effet négatif sur la croissance de la productivité du travail dans les industries canadiennes au cours des années 2000. La variation de la croissance de la productivité du travail observée de la période de 1988 à 2000 à celle de 2000 à 2005 n'est pas reliée aux variations des parts moyennes du revenu du capital dans le PIB nominal au cours de ces deux périodes dans les diverses industries du secteur canadien des entreprises.

4   Comparaisons internationales de la productivité

Des données appropriées à un objectif particulier, c'est-à-dire qui répondent aux normes de qualité acceptables dans un domaine, ne le sont pas nécessairement à d'autres. En outre, des statistiques élaborées dans un but précis peuvent commencer à être employées par les utilisateurs à d'autres fins que celles auxquelles elles étaient destinées et pour lesquelles elles ne pourraient pas donner entière satisfaction.

C'est le cas de l'évolution du programme canadien de la productivité. Au départ, les comptes de productivité de Statistique Canada ont été créés en vue de produire des renseignements sur les taux de croissance de la productivité au Canada — premièrement en ce qui concerne la productivité du travail puis en ce qui concerne la productivité multifactorielle (PMF) (que les théoriciens appellent souvent productivité totale des facteurs). Étant donné la mondialisation croissante, les utilisateurs des données demandent de plus en plus fréquemment des comparaisons internationales. Fournir des estimations qui répondent aux normes de qualité acceptables pour les comparaisons internationales pose des défis particuliers.

À Statistique Canada, le programme de la productivité a commencé par fournir des produits d'information comparant les taux de croissance de la productivité au Canada et aux États-Unis, en choisissant les estimations américaines produites de la manière la plus semblable aux estimations canadiennes. Il existe des différences entre les sources utilisées pour les deux pays, mais elles sont suffisamment stables au cours du temps pour, en général, ne pas créer de problèmes importants dans les comparaisons des taux de croissance du Canada et des États-Unis.

Par contre, les statistiques sommaires produites par les programmes officiels de productivité des deux pays sont loin d'être idéales pour analyser les différences de niveau de productivité. Récemment, Statistique Canada a entrepris un ensemble d'études en vue d'examiner diverses options pour estimer le niveau de productivité relative en ce qui concerne tant la productivité du travail que la PMF. Ces études ont révélé que, malgré la similarité relative des systèmes statistiques des deux pays, une plus grande harmonisation des sources de données et des méthodes est nécessaire afin de produire de meilleures estimations du niveau relatif de productivité Canada–États-Unis.

4.1  Croissance de la productivité relative Canada–États-Unis 12 

La croissance cumulative du produit intérieur brut (PIB), du facteur travail (mesuré par le nombre d'heures travaillées) et de la productivité du travail dans le secteur des entreprises au cours de la période postérieure à 1961 est illustrée aux graphiques 7, 8 et 9, en prenant un indice base 100 en 1961.

La croissance de la production au Canada a été plus rapide que celle aux États-Unis durant les années 1970, a suivi le même rythme que celle aux États-Unis dans les années 1980, a ralenti plus fortement au début des années 1990, puis a largement suivi celle observée aux États-Unis durant les années 1990 et 2000 (graphique 7). En revanche, le facteur travail a augmenté plus rapidement au Canada qu'aux États-Unis pendant la plupart des décennies, les écarts les plus importants ayant eu lieu après 2000 (graphique 8).

La productivité du travail a augmenté plus rapidement au Canada qu'aux États-Unis durant la première période, a atteint un sommet autour de 1985, est revenue au même niveau relatif autour de 1990, est restée la même dans les années 1990 et a accusé un retard depuis (voir le graphique 9). Sur l'ensemble de la période, le taux de croissance de la productivité du travail au Canada n'a pas différé de manière significative de celui observé aux États-Unis, quoique le ralentissement le plus récent soit appréciable.

Le graphique 10 donne le rapport de la croissance de la productivité du travail au Canada à la croissance de la productivité du travail aux États-Unis au cours du temps. Afin de dégager la tendance sous-jacente, nous avons lissé les différences entre le Canada et les États-Unis au moyen d'un filtre HP. Avant le milieu des années 1980, la croissance de la productivité du travail a été plus rapide au Canada qu'aux États-Unis. Par contre, après les années 1980, elle a été plus lente. La différence de croissance de la productivité du travail entre les deux pays s'est accentuée au cours du temps. L'écart le plus important a eu lieu dans les années 2000, quand la croissance de la productivité du travail au Canada était égale à moins du tiers de celle enregistrée aux États-Unis (1,1 % par année pour le Canada contre 2,6 % par année pour les États-Unis de 2000 à 2008).

Les différences de productivité du travail peuvent être décomposées en utilisant le cadre de comptabilité de la croissance en différence de croissance de la PMF, en différence de croissance de l'intensité du capital et en différence d'accroissement des compétences (appelé, dans le cadre de comptabilité de la croissance, changement de composition de la main-d'oeuvre) 13 . Le graphique 11 et le tableau 1 permettent de suivre l'écart relatif pour chacune de ces composantes.

Les conclusions qui se dégagent sont les suivantes. La faible différence de croissance de la productivité du travail persistante entre le Canada et les États-Unis pendant la période de 1961 à 2008 tient en grande partie à des différences de croissance de la PMF. De 1961 à 2008, la croissance annuelle de la productivité du travail dans le secteur des entreprises a été un peu plus faible au Canada (0,3 point de pourcentage) qu'aux États-Unis. La croissance annuelle de la PMF au Canada a été inférieure de 0,9 point de pourcentage à celle observée aux États-Unis.

Par contre, nous ne constatons aucun écart continu entre la croissance de l'intensité du capital au Canada et aux États-Unis sur la période de 1961 à 1996. En effet, au début de la période, la croissance de la contribution de l'approfondissement du capital à la croissance de la productivité du secteur des entreprises a été plus forte au Canada qu'aux États-Unis. Par contre, à la fin des années 1970 et au début des années 1980, la différence de croissance de l'intensité du capital entre les deux pays a diminué. À la fin des années 1980, la trajectoire était en grande partie la même au Canada et aux États-Unis. Après 1996, un écart important de croissance de l'intensité du capital s'est creusé entre le Canada et les États-Unis en faveur de ces derniers, mais s'est réduit récemment.

Pendant la plupart de la période de 1961 à 2008, la contribution de la composition de la main-d'oeuvre à la croissance de la productivité du travail du secteur des entreprises a été plus importante au Canada qu'aux États-Unis, mais l'avantage du Canada s'est amenuisé à la fin de la période. De 1961 à 2008, le mouvement vers une main-d'oeuvre plus instruite et ayant plus d'expérience a été plus rapide au Canada qu'aux États-Unis, ce qui a accéléré la croissance de la productivité du travail de 0,2 point de pourcentage par année dans le secteur canadien des entreprises comparativement à son homologue américain.

De 2000 à 2008, la croissance de la productivité du travail dans le secteur des entreprises a été nettement plus faible au Canada qu'aux États-Unis. La différence Canada–États-Unis de croissance de la productivité du travail a été de 1,9 point de pourcentage par année durant cette période.

Le déterminant le plus important de la différence Canada–États-Unis de croissance de la productivité du travail observée de 2000 à 2008 a été la croissance plus lente de la PMF au Canada. Les effets des variations de l'intensité du capital et de la composition de la main-d'oeuvre ont été les mêmes dans les deux pays. Au Canada, la croissance relative plus faible de la PMF a été la cause de la totalité du ralentissement de la croissance de la productivité.

Un certain nombre de raisons ont été avancées pour expliquer la faible croissance de la productivité du travail au Canada après 2000 (Rao, Sharpe et Smith, 2005; OCDE, 2006). Toutes visent à expliquer la baisse du résidu multifactoriel. L'une des explications proposées est que, depuis 2000, les bénéfices des sociétés ont atteint des sommets records au Canada tandis qu'ils se sont situés à des creux presque records aux États-Unis. Selon certains, étant donné leurs bénéfices records, les entreprises canadiennes ont fait preuve de complaisance en ce qui concerne les investissements, la réorganisation du milieu de travail et l'adoption de nouvelles technologies. Par contre, la faiblesse presque record des bénéfices des entreprises américaines pourrait avoir incité les employeurs à réduire leurs effectifs afin de faire baisser les coûts. Toutefois, ces deux explications s'appuient sur un modèle supposant que l'effort est inversement proportionnel au relâchement organisationnel; or ce genre de modèle n'est pas généralement reconnu. En outre, une étude des industries canadiennes ne donne aucune preuve que des bénéfices importants sont associés à une croissance relativement plus faible de la productivité.

Deuxièmement, il est parfois soutenu que la montée des prix des produits de base qui s'est poursuivie pendant plusieurs années pourrait être un déterminant du faible rendement en matière de productivité au Canada. Les prix élevés des produits de base ont suscité l'exploration et la mise en valeur de gisements plus coûteux. En effet, si les prix grimpent, les sociétés commencent à exploiter des gisements à plus faible teneur en minerai et le changement de composition de la production a des effets nuisibles sur la productivité. Bien que cela soit certainement vrai en partie, il est difficile d'attribuer la baisse importante de la PMF à ce seul facteur. La troisième explication a trait à l'appréciation du taux de change et à la perte de marchés d'exportation par les fabricants. La perte d'économies d'échelle peut avoir obligé les usines à subir des augmentations de coûts et à voir leur productivité diminuer.

Le graphique 12 donne la croissance de la productivité du travail par industrie pour le Canada et les États-Unis 14 . De 2000 à 2007, la croissance de la productivité du travail a été beaucoup plus lente au Canada qu'aux États-Unis dans trois industries : celle de la fabrication, celle de l'information et l'industrie culturelle, et celle de la finance, des assurances et des services immobiliers. Ces trois industries représentaient près de la totalité du ralentissement relatif de la croissance de la productivité du travail au Canada au cours de la période (tableau 2).

Curieusement, l'industrie canadienne de l'extraction minière, dont la croissance de la productivité est faible, n'a pas été à l'origine du ralentissement de la croissance de la productivité au Canada comparativement aux États-Unis.

4.2  Niveaux relatifs de productivité au Canada et aux États-Unis

Dans le cadre d'un certain nombre d'études récentes, Statistique Canada a commencé à examiner la façon dont des données comparables peuvent être produites pour étudier les niveaux relatifs de productivité du travail et de PMF au Canada et aux États-Unis 15 .

Le niveau relatif de productivité du travail mesure l'efficacité relative avec laquelle les deux économies transforment le facteur travail en produits. Toutefois, il ne reflète qu'une seule dimension de l'efficacité relative du système de production. L'efficacité globale de ce système dépend aussi de l'efficacité avec laquelle le capital est utilisé dans les deux pays. Le niveau relatif de PMF permet de comparer les différences relatives de production entre les deux pays dues non seulement à des différences de facteur travail, mais aussi à des différences de facteur capital, et représente donc une mesure plus complète de l'efficacité globale. Le niveau relatif de PMF reflète la différence d'efficacité globale d'une économie qui résulte de la supériorité des procédés de production, des technologies, du mode d'organisation et de la taille des entreprises et de la qualité de la main-d'oeuvre qui sont utilisés.

À cet égard, nos études mettent en relief plusieurs problèmes liés à de nombreux travaux antérieurs en vue de comparer les niveaux de productivité du travail au Canada et aux États-Unis 16 . En premier lieu, ces études s'appuyaient parfois sur des mesures du PIB qui n'étaient pas comparables. Le PIB peut être mesuré aux prix du marché, aux prix de base ou aux coûts des facteurs. En outre, le niveau de PIB calculé d'après ces estimations peut présenter des variations allant jusqu'à 16 %. En deuxième lieu, les comparaisons des niveaux de PIB entre pays doivent tenir compte des différences de niveau des prix si les valeurs relatives de la production nominale doivent être transformées en niveaux relatifs de la production réelle. Pour cela, il faut connaître les parités de pouvoir d'achat (PPA) et les données existantes sur ces PPA ne sont pas assez précises pour produire des estimations des niveaux relatifs de production dont les intervalles de confiance sont suffisamment grands. Enfin, et fait le plus important, l'obtention d'estimations exactes des niveaux relatifs du facteur travail pose des défis particuliers. Des différences de calcul du facteur travail existent entre les programmes « officiels » de mesure de la productivité des deux pays, différences qui donnent lieu à un important biais vers le bas dans le niveau canadien relatif de productivité du travail quand il est établi d'après les sources officielles de données sur la productivité du travail de chaque pays. L'estimation du nombre total d'heures travaillées provient du nombre d'emplois multiplié par le nombre d'heures travaillées par emploi. L'estimation du nombre d'heures travaillées par emploi basée sur une enquête auprès de la population active (ménage) est généralement plus élevée que celle établie d'après une enquête auprès des employeurs. Le programme canadien de la productivité s'appuie sur le premier type d'estimation tandis que le programme américain s'appuie sur le deuxième type. Lorsque les sources de données et les méthodes utilisées au Canada et aux États-Unis sont harmonisées, l'intensité relative de la main-d'oeuvre au Canada diminue d'une valeur variant de 5 % à 10 % comparativement à l'estimation calculée d'après les estimations officielles de chaque pays utilisées dans les programmes d'évaluation de la croissance de la productivité.

Afin de mesurer les différences de niveau relatif de la PMF et de comprendre quels sont les facteurs qui sont à l'origine des différences de productivité du travail entre le Canada et les États-Unis, des efforts supplémentaires sont nécessaires pour produire des estimations d'autres facteurs de production que le travail. L'élément le plus important pour transformer la productivité relative du travail en PMF relative est une estimation de l'intensité relative du capital. De nouveau, les sources de données et les méthodes utilisées au Canada et aux États-Unis doivent être harmonisées. Le choix le plus important ici est peut-être celui des estimations de l'amortissement, puisque le capital est évalué comme étant la somme des investissements antérieurs, nets de l'amortissement constaté 17 .

Le Canada et les États-Unis n'utilisent pas exactement les mêmes estimations de l'amortissement, quoiqu'ils utilisent tous les deux les prix des actifs usagés pour estimer le taux auquel les investissements en actifs neufs baissent de valeur (c.-à-d. se déprécient) au cours du temps. Le Canada dispose d'un ensemble complet de données sur les prix qui est associé à son enquête sur l'investissement. Les États-Unis recourent à une foule de sources (surtout des publications commerciales) pour estimer ces taux d'amortissement. Les estimations résultantes pour le Canada et les États-Unis diffèrent légèrement en ce qui concerne les machines et le matériel, et davantage pour les bâtiments et ouvrages de génie 18 .

Des différences existent entre le Canada et les États-Unis quant à l'importance des diverses catégories de capital physique. Malgré l'attention qui leur est accordée, les machines et le matériel ne représentaient pas plus de 25 % du capital total au Canada en 1999. Par contre, la part des bâtiments était de 55 %.

Au Canada, d'importantes quantités de capital sont également consacrées aux ouvrages de génie. En fait, à 20 %, la part de ces derniers est presque aussi importante que celle des machines et du matériel. Ces actifs sous-tendent les services publics, les pipelines, les chemins de fer, les aéroports, les communications et le secteur du pétrole et du gaz.

Dans les deux pays, les stocks de capital sont calculés par cumul des investissements au cours du temps en utilisant la méthode de l'inventaire perpétuel, qui requiert des estimations des durées de vie utile et des taux d'amortissement. Or, les valeurs des durées de vie utile et des taux d'amortissement utilisées par les deux pays ne sont pas exactement les mêmes. Les taux d'amortissement appliqués aux États-Unis par le Bureau of Economic Analysis (BEA) sont parfois plus faibles que ceux choisis par le programme canadien de la productivité, particulièrement en ce qui concerne les ouvrages de génie et les bâtiments. Par conséquent, l'utilisation des estimations du stock de capital produites par les deux programmes officiels de la PMF pourrait introduire un biais dans l'estimation du niveau relatif de PMF. Les comparaisons antérieures de l'intensité du capital entre le Canada et les États-Unis fondées sur des taux d'amortissement non corrigés pourraient être inexactes, parce qu'elles reflètent diverses méthodes et sources de données.

Le graphique 13 illustre les effets de l'utilisation de taux d'amortissement différents sur les ratios stock de capital au PIB. Elle donne le ratio du capital au PIB calculé en utilisant le taux d'amortissement de Statistique Canada, celui du BEA et les taux d'amortissement respectifs de chaque pays. La ligne étiquetée « taux propres » correspond à la courbe du ratio du capital total au PIB obtenue en employant les estimations de la productivité du programme canadien de la productivité et du programme de la productivité du BEA. Le graphique 13 contient aussi les ratios capital-production calculés en utilisant des taux d'amortissement communs (taux canadiens ou américains) pour produire les stocks de capital des deux pays. L'utilisation de taux communs accroît l'intensité relative du capital du Canada. Nous commençons par appliquer les taux d'amortissement du BEA au stock canadien de capital et comparons les intensités du capital des deux pays. Sur la base de l'application commune des taux d'amortissement du BEA, l'intensité relative du capital du Canada devient supérieure à celle calculée en se servant de ses taux d'amortissement « propres ». Afin d'effectuer une analyse de sensibilité, nous appliquons aussi les taux d'amortissement utilisés par Statistique Canada dans son programme de la productivité au stock de capital du BEA. Étonnamment, l'intensité relative du capital du Canada augmente encore davantage quand nous utilisons les taux d'amortissement du Canada 19 . Donc, la grandeur de l'écart entre l'intensité du capital au Canada et aux États-Unis est également sensible au choix des taux d'amortissement (ceux du BEA ou ceux de Statistique Canada). Toutefois, au moins à la fin des années 1990, l'écart entre les deux courbes est faible et la différence n'est pas statistiquement significative.

Cependant, un examen des ratios du capital au PIB selon la catégorie d'actif révèle des différences importantes. En ce qui concerne les ouvrages de génie, le ratio du capital au PIB est plus élevé au Canada qu'aux États-Unis et la différence relative s'est accentuée au cours du temps 20 . Dans le cas des bâtiments, l'intensité du capital était un peu plus élevée au début des années 1990, mais a accusé un retard récemment. Dans le cas des machines et du matériel, elle était à peu près la même dans les deux pays au début des années 1990, mais a également accusé un léger retard au Canada depuis peu.

Les données sur l'intensité relative du capital peuvent être utilisées pour produire une mesure de la valeur relative des services du capital, puis en combinant celle-ci au niveau de productivité relative du travail, pour produire une mesure de la PMF relative au Canada comparativement aux États-Unis. Le tableau 3 donne les niveaux relatifs Canada–États-Unis de productivité du travail, de la PMF et de l'intensité du capital pour l'année de référence 1999. Cette année-là, le niveau global de productivité du travail au Canada correspondait à 84,2 % du niveau aux États-Unis. Ce niveau plus faible de productivité au Canada était dû au niveau plus faible de PMF. L'intensité du capital (mesurée en services du capital par heure) était plus élevée au Canada qu'aux États-Unis, tandis que le niveau de la PMF dans le secteur canadien des entreprises valait 80,3 % du niveau observé aux États-Unis. En 1999, la plus forte intensité du capital observée au Canada tenait à une intensité plus élevée du capital relatif aux ouvrages de génie. Par contre, dans le cas des machines et du matériel, l'intensité du capital était plus faible au Canada qu'aux États-Unis.

Les résultats de la décomposition des niveaux relatifs de productivité du travail en contribution des niveaux relatifs de PMF et d'intensité du capital sont fondés sur l'hypothèse que le taux de rendement des investissements est le même pour les bâtiments et ouvrages de génie que pour les machines et le matériel. Si ce taux est plus élevé pour les machines et le matériel (tel que le matériel informatique et de communication) que pour les bâtiments et ouvrages de génie, le niveau relativement faible de productivité du travail peut être expliqué par l'investissement plus faible en machines et en matériel au Canada (Baldwin, Gu et Yan, 2008).

Nous pouvons combiner les niveaux relatifs Canada–États-Unis de productivité et d'intensité du capital en 1999 avec les taux de croissance relatifs Canada–États-Unis pour produire une comparaison à long terme des niveaux de productivité et d'intensité du capital au Canada et aux États-Unis 21 . Le graphique 15 donne les niveaux relatifs Canada–États-Unis de productivité du travail dans le secteur des entreprises de 1961 à 2008.

Le niveau de productivité du travail du secteur des entreprises a été plus faible au Canada qu'aux États-Unis depuis 1961. La différence était relativement faible au milieu des années 1980, quand la productivité du travail au Canada était 10 % plus basse que le niveau observé aux États-Unis. Après le milieu des années 1980, la productivité du travail a diminué au Canada. En 2008, elle ne valait plus que les trois quarts de celle enregistrée aux États-Unis. La plupart des différences de niveau de productivité du travail observées depuis 1961 reflètent un niveau plus faible de PMF au Canada. L'intensité du capital était plus élevée au Canada qu'aux États-Unis.

4.3  Contribution de la différence Canada–États-Unis de niveau de productivité à la différence Canada–États-Unis de produit intérieur brut par habitant

Le débat concernant l'écart de productivité défavorable au Canada tourne souvent autour de sa contribution à un écart de PIB par habitant. Les différences de PIB par habitant entre le Canada et les États-Unis peuvent être examinées en se servant de l'identité suivante : 

(3)
PIB / HAB = (PIB / HEURES) * (HEURES / EMP) * (EMP / CAP).

Cette identité décompose le PIB relatif par habitant (PIBHAB) en productivité relative du travail (PIB / HEURES), en effort relatif (heures travaillées par emploi [ou par employé]) et en taux relatif d'emploi par habitant (ratio du nombre d'employés [ou d'emplois] au chiffre total de population). L'équation peut être réécrite sous la forme : 

(4)
PIBHAB = PROD * EFFORT * TAUXEMP.

Le montant disponible pour la consommation par habitant dans un pays (PIBHAB) sera plus élevé si la productivité (PROD) est plus élevée, si les employés travaillent un plus grand nombre d'heures (ce que nous appelons ici EFFORT) et si une plus forte proportion de la population est employée (TAUXEMP). Les variables EFFORT et TAUXEMP peuvent aussi être regroupées en une variable qui reflète le nombre d'heures travaillées par habitant (parfois appelée utilisation de la main-d'oeuvre).

Nous procédons à la décomposition au niveau de l'ensemble de l'économie. Les estimations de la productivité du travail se rapportent à l'ensemble de l'économie. Habituellement, Statistique Canada ne produit des estimations de la croissance de la productivité que pour le secteur des entreprises, parce que, dans la plupart des grands pays, la méthode d'estimation appliquée par le Système de comptabilité nationale pour le secteur non commercial (le secteur non marchand) repose essentiellement sur l'hypothèse que la croissance de la productivité dans ce secteur est nulle. Le niveau relatif de productivité du travail dans l'ensemble de l'économie est la moyenne pondérée des niveaux relatifs de productivité du travail du secteur des entreprises et du secteur non commercial. Nous supposons que le niveau relatif de productivité du travail au Canada comparativement aux États-Unis dans le secteur non commercial est essentiellement égal à 1, en raison de la méthode utilisée pour estimer les prix relatifs de la production du secteur non commercial 22  . Afin de comparer les niveaux de productivité relative obtenus pour l'ensemble de l'économie à ceux obtenus pour le secteur des entreprises, nous devons aussi tenir compte du fait que le PIB utilisé pour mesurer la productivité du travail dans l'ensemble de l'économie au graphique 16 est évalué aux prix du marché, tandis que le PIB utilisé pour mesurer la productivité du travail dans le secteur des entreprises est évalué aux prix de base.

En 2008, le niveau du PIB par habitant du Canada correspondait à 84 % du PIB par habitant des États-Unis (graphique 16). Autrement dit, l'écart de production Canada–États-Unis en faveur des États-Unis était de 16 % si l'on s'en tient au PIB par habitant. Le niveau relativement plus faible de productivité du travail au Canada expliquait 14 points de pourcentage de cet écart de production. Le nombre d'heures travaillées par habitant plus faible au Canada qu'aux États-Unis rendait compte des 2 points de pourcentage supplémentaires de l'écart de production.

Après 2000, la croissance du PIB par habitant a été presque la même au Canada qu'aux États-Unis, parce qu'au Canada, l'accroissement de l'utilisation de la main-d'oeuvre (nombre d'heures travaillées par habitant) a été compensé par la diminution de la productivité relative du travail.

5   La productivité replacée dans son contexte

Les évaluations de la productivité 23  d'une économie sont faites en utilisant une mesure du produit intérieur brut (PIB) réel, l'indice en volume ou en dollars constants étant calculé d'après les prix des biens et services produits à l'intérieur de cette économie.

Cette mesure ne tient pas compte de qui reçoit le revenu (résidents nationaux ou étrangers) ni de l'effet des variations relatives des prix des exportations par rapport aux importations (termes de l'échange) sur le volume de biens et de services qui peuvent être achetés avec ce revenu.

Des modifications peuvent être apportées aux estimations classiques du PIB afin de tenir compte de ces facteurs et le rendement de l'économie canadienne peut être examiné en utilisant une mesure de rechange résultante, c'est-à-dire le revenu national brut (RNB).

Le RNB réel est une mesure du pouvoir d'achat du revenu des Canadiens. Deux raisons expliquent pourquoi le PIB diffère du RNB. Tout d'abord, en terme nominal, il y a une différence entre le niveau de revenu gagné au Canada (PIB nominal) et les revenus qui reviennent aux Canadiens (RNB nominal) parce que les Canadiens investissent et travaillent à l'étranger et les étrangers investissent et travaillent au Canada. Une partie du revenu gagné au Canada ne revient pas en totalité aux Canadiens et une partie du revenu gagné dans les autres pays revient aux Canadiens. Les variations des niveaux d'investissement, des taux de profit et des habitudes de travail font que la différence entre le niveau des deux mesures n'est pas constante au cours du temps.

Deuxièmement, le RNB réel reflète des variations du pouvoir d'achat que le PIB ne reflète pas. Le PIB réel est obtenu en dégonflant le PIB nominal par un indice de prix de la production intérieure. Le RNB réel utilise le prix des dépenses intérieures. Quand on soustrait les mouvements des prix du PIB nominal, les variations des termes de l'échange sont traitées comme un effet de prix qui n'influence pas le volume. Il s'agit d'une mesure judicieuse pour saisir les changements provenant de la capacité de production d'une économie. Le RNB réel traite les variations des termes de l'échange comme un phénomène de volume, ce qui veut dire que les changements des termes de l'échange touchent des éléments comme la consommation et l'investissement. Il s'agit de la façon juste d'examiner l'adaptation intérieure.

Aux fins de comparaison, nous présentons au graphique 17 les mesures du PIB réel par habitant, du RNB réel par habitant et de la productivité au Canada comparativement aux États-Unis. En terme réel, l'économie canadienne devançait l'économie américaine entre 1961 et 1980. Cette période d'augmentation relative au Canada a correspondu aux chocs pétroliers des années 1970, lesquels ont favorisé le Canada. Après le deuxième choc pétrolier, entre 1981 et la fin des années 1990, les États-Unis ont à leur tour devancé le Canada en terme réel, le laissant dans une position semblable à celle du début des années 1960. Les résultats sont les mêmes, quelque soit la mesure utilisée.

Au cours de la période antérieure à 2002, toutes les mesures indiquaient les mêmes directions. Tout cela a changé après 2000, lorsque les mesures de performance relative ont divergé de façon marquée. Après la fin des années 1990, la productivité du travail au Canada n'a pas pu maintenir le même rythme que celle des États-Unis. Le PIB réel relatif était essentiellement inchangé, même si des gains relatifs pour le Canada ont été enregistrés aux alentours de la récession de 2002 aux États-Unis. La différence entre la croissance du PIB réel et de la productivité après 2000 s'explique par le fait que le marché du travail était plus vigoureux au Canada qu'aux États-Unis, quoique les PIB se sont accrus au même rythme. Après 2000, cependant, à la suite de l'envolée du prix des marchandises, le prix des exportations a dramatiquement augmenté par rapport au prix des importations. Cette amélioration a contribué à la croissance du RNB d'une manière semblable à la période du premier choc pétrolier des années 1970, la hausse de prix des marchandises ayant relevé les termes d'échange canadien et baissé ceux de l'Amérique.

Par conséquent, les comparaisons du rendement relatif par habitant des deux pays dépendent fondamentalement du fait que l'on tient compte ou non des termes de l'échange et des flux internationaux de revenu dans l'analyse. La croissance du PIB réel par habitant a augmenté de 10 % aux États-Unis et de 8 % au Canada de 2002 à 2008. Lorsqu'il est tenu compte des corrections apportées pour les flux internationaux de revenu et le pouvoir d'achat, le RIB réel s'accroît de 7 % aux États-Unis entre 2002 et 2008. Au Canada, le RNB par habitant s'accroît de 19 % au cours de la même période, presque le double des États-Unis.