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  1. Introduction
  2. Les comptes canadiens de productivité (CCP)
  3. Vérification des hypothèses émises pour estimer les services du capital
  4. Capital infrastructurel
  5. Capital incorporel
  6. Capital humain
  7. Conclusion

1   Introduction

Les mesures de la productivité sont calculées en établissant une comparaison entre les sorties et les entrées. Le Système de comptabilité nationale (SCN) du Canada offre un cadre utile pour organiser les renseignements nécessaires aux comparaisons de ce type. Les systèmes intégrés des comptes économiques présentent des estimations de rechange cohérentes et uniformes des différents concepts pouvant être utilisés pour mesurer la productivité.

Au Canada, les mesures de la productivité multifactorielle (PMF) sont calculées à partir d'un ensemble de comptes d'industries. Ces comptes d'industries sont intégrés et correspondent au côté de la dépense des Comptes nationaux du Canada (voir Wilson [2006]). Cela permet d'avoir diverses séries sur la productivité au niveau de l'industrie basées sur des mesures de rechange des sorties avec leurs entrées correspondantes. Cette approche permet l'élaboration de mesures de la PMF pour le secteur agrégé des entreprises figurant à titre de moyenne pondérée des taux de croissance de la productivité des industries, où les pondérations sont définies comme étant le ratio de la « production » des industries en dollars courants au PIB ascendant en dollars courants. De plus, ces estimations s'accordent parfaitement aux estimations calculées à partir des comptes des dépenses finales.

L'approche ascendante de l'industrie repose sur un ensemble détaillé de comptes de production. Au Canada, les comptes de dépenses et les comptes de production sont intégrés dans un cadre unifié défini par les tableaux d'entrées-sorties (TES). Ces TES sont utilisés pour calculer les estimations de la production et des entrées par industrie et par secteur important, en prix courants et constants; ils permettent également l'élaboration du PIB de la demande finale et fournissent le coût des entrées primaires pour le secteur agrégé des entreprises.

Dans le SCN, ces différents éléments sont rassemblés en un ensemble cohérent qui facilite l'estimation de la productivité. Ces systèmes intégrés viennent également appuyer des études qui font avancer notre compréhension du rôle du capital, à la fois corporel et incorporel, dans le processus de production. Ce document décrit la façon dont les comptes de productivité intégrés et le programme d'analyse sous-jacent ont fait des progrès dans plusieurs domaines différents.

2   Les comptes canadiens de productivité (CCP)

La production des comptes canadiens de productivité (CCP) 1  a pour point de départ les comptes de la production et des dépenses du SCN disponibles pour le secteur des entreprises, auxquels sont ajoutées des mesures cohérentes des services du travail et des services du capital.

2.1  Production et produit intérieur brut

Les données sur la production et les facteurs de production aux prix courants et aux prix constants sont tirées des comptes de la production et des dépenses existants disponibles dans les TES. Les TES canadiens sont constitués de cinq matrices qui décrivent l'affectation ou la production de biens et de services ainsi que des entrées primaires, d'une part, et leur utilisation, d'autre part (voir Lal [1986] et Statistique Canada [1989]). La matrice de la production donne des renseignements détaillés sur les industries et sur les biens et services qu'elles produisent. Les matrices de l'utilisation et de la demande finale fournissent des renseignements sur les biens et services achetés pour les besoins de la consommation intermédiaire et de la demande finale, respectivement. Les deux autres matrices fournissent des données détaillées sur les entrées primaires utilisées, selon l'industrie, et achetées, selon la catégorie de demande finale.

Ces tableaux fournissent, pour environ 300 industries, des données sur la production brute, la valeur ajoutée, les entrées de matières premières, l'énergie et les services, en dollars courants ainsi qu'en dollars constants. Ces données, fondées principalement sur des enquêtes auprès des établissements, sont produites au niveau de l'établissement. Les tableaux contiennent aussi des données sur la rémunération qui comprennent a) le revenu du travail, b) le revenu mixte des entreprises non constituées en société, c) les autres excédents d'exploitation, d) les impôts sur les produits, e) les autres impôts sur la production, f) les subventions sur les produits et g) les autres subventions sur la production. Ces données sont tirées principalement des fichiers de données fiscales des entreprises, puis réparties entre les industries afin qu'elles soient compatibles avec les données sur la production au niveau de l'établissement. Les données sur les industries sont accompagnées de tableaux sur la production et l'utilisation des biens et des services qui couvrent environ 700 biens et services. Les tableaux de la demande finale comprennent environ 170 catégories de demande finale 2 .

Pour les besoins des CCP, des séries chronologiques sont créées afin d'obtenir une série chronologique de long terme cohérente pour un plus petit ensemble d'industries. Pour la période allant de 1961 à 1997, les estimations de la productivité du travail sont produites à divers niveaux de détail disponibles dans les TES pour les industries du secteur des entreprises ou secteur commercial. Les estimations de la PMF du secteur des entreprises sont produites aux niveaux d'agrégation P (123 industries), M (47 industries) et S (16 industries) 3 . Après l'entrée en vigueur du Système de classification des industries de l'Amérique du Nord (SCIAN), le regroupement des industries par niveau d'agrégation a un peu changé, de sorte que pour la période de 1961 à 2007, les niveaux d'agrégation pour lesquels sont produites les estimations de la PMF sont le niveau P (88 industries mesurées au niveau à 4 chiffres du SCIAN), le niveau M (52 industries mesurées au niveau à 3 chiffres du SCIAN) et le niveau S (17 industries mesurées au niveau à 2 chiffres du SCIAN).

Les catégories de la demande finale de biens et de services comprennent les dépenses personnelles, la formation brute de capital fixe, les accroissements (valeurs de la variation matérielle) des stocks, les dépenses des administrations publiques en biens et services et les exportations. Les données sur les importations sont également disponibles.

Les comptes de production sont établis de manière à ce qu'ils respectent plusieurs identités fondamentales, qui sont les suivantes : 

  1. Les comptes des industries : le produit brut de toute industrie est égal à la somme du total des entrées intermédiaires et du total des entrées primaires de cette industrie.
  2. Les comptes des biens et services : la production totale de tout bien ou service est égale à la somme du total des utilisations de ce bien ou service comme entrée intermédiaire et du total de ses utilisations comme élément d'une catégorie de demande finale.
  3. Les entrées primaires et la demande finale : la production et la consommation brute de biens et de services étant égales, et les achats d'entrées intermédiaires et les ventes de biens et services entre industries étant identiques, il s'ensuit que la demande finale est égale au coût des entrées primaires. La première est calculée en soustrayant les entrées intermédiaires de la consommation totale de biens et services et le second, par soustraction des entrées intermédiaires de la production totale de biens et services. Donc, le produit intérieur brut total aux prix du marché (en termes de revenus) est égal au produit intérieur brut total aux prix du marché (en termes de dépenses).

Toutes les identités susmentionnées sont vérifiées dans les tableaux aux prix courants ainsi qu'aux prix constants.

La valeur ajoutée par industrie est égale à la différence entre la production brute des industries, d'une part, et le total des entrées intermédiaires et des impôts moins les subventions sur la production (impôts nets sur la production), d'autre part. Ces composantes du revenu englobent la totalité des revenus des particuliers et de l'impôt sur le revenu des sociétés. La somme de ces estimations de la valeur ajoutée sur l'ensemble des industries est égale au PIB calculé d'après les dépenses finales aux prix du marché moins les impôts sur les produits et moins les subventions sur la production.

L'ensemble de comptes des industries représentés par les TES est utile pour plusieurs raisons. En premier lieu, ces comptes servent à l'étalonnage du reste des Comptes nationaux, y compris le PIB calculé en fonction de la demande finale. Par conséquent, les estimations de la productivité par industrie du programme des CCP sont en harmonie avec celles produites à un niveau plus agrégé. En deuxième lieu, beaucoup d'efforts sont consacrés à la vérification de la concordance des mesures des entrées et des sorties au niveau de l'industrie et à l'évaluation uniforme des entrées et des sorties. Comme les TES sont au coeur même du système statistique, ils fournissent un outil de vérification permettant à ce système de contrôler les diverses sources utilisées aux différentes étapes du processus de production des données sur les dépenses, le revenu des facteurs ainsi que la production et l'utilisation des biens et services. En troisième lieu, comme nous le soulignons ici, combinées à des données sur le travail, le capital et d'autres séries, ces données servent de fondement aux études analytiques ayant pour objectif d'offrir de nouveaux produits statistiques, qui peuvent prendre la forme de produits de données ou d'une meilleure compréhension des problèmes qui permet de dégager de nouvelles orientations pour le système statistique.

2.2  Travail

Le programme des CCP doit également créer, à partir de diverses sources, des estimations du travail conformes aux recommandations du SCN de 1993 et en harmonie avec les données provenant des comptes de production. Des estimations du nombre d'emplois et d'heures travaillées sont produites au niveau détaillé de l'industrie et par catégorie de travailleurs (voir Baldwin et coll. [2005]). Toutefois, la simple somme des heures travaillées par tous les travailleurs ne permet pas de saisir les variations du niveau de compétence de la population active. Pour obtenir une mesure de la productivité dont est exclu l'effet de la variation des niveaux de compétence, le nombre d'heures travaillées est corrigé des variations de la qualité ou de la composition de la main-d'oeuvre. Nous utilisons pour cela les salaires relatifs comme poids d'agrégation afin de tenir compte des différences de productivité relative entre les divers groupes de travailleurs. L'estimation du facteur travail du programme des CCP tient donc compte des variations de la composition, ou de la « qualité », de la main-d'oeuvre.

Des précisions sur la construction des données sur le travail figurent dans Gu et coll. (2003). Brièvement, le Recensement de la population mené par Statistique Canada tous les cinq ans fournit des données repères détaillées sur l'emploi, les heures et la rémunération du travail pour divers groupes démographiques durant les années de recensement. L'Enquête sur la population active (EPA) annuelle, réalisée par Statistique Canada, et d'autres données sont utilisées pour effectuer des interpolations pour les années intermédiaires.

Les groupes démographiques correspondent à 56 catégories distinctes de travailleurs résultant de la classification croisée de la classe de travailleurs (employés, travailleurs autonomes ou travailleurs non rémunérés), de l'âge (15 à 17 ans, 18 à 24 ans, 25 à 34 ans, 35 à 44 ans, 45 à 54 ans, 55 à 64 ans, et 65 ans et plus), du niveau d'études (de 0 à 8 années d'études primaires, études secondaires partielles ou complètes, études postsecondaires de niveau inférieur au baccalauréat, et baccalauréat ou plus). Les corrections apportées aux données comprennent la répartition des personnes qui occupent plusieurs emplois et une procédure d'estimation destinée à maintenir constantes les définitions des groupes démographiques au fil du temps. Ces données détaillées nous permettent d'estimer la qualité du facteur travail pour le secteur des entreprises privées, ainsi que pour les industries prises individuellement jusqu'au niveau de classification à trois chiffres (L) des TES.

2.3  Services du capital

Le programme des CCP est également chargé d'élaborer des estimations cohérentes, convergentes à l'interne, des services du capital. Les données sur l'investissement sont modifiées afin qu'elles concordent avec les limites des Comptes nationaux. Ces données sur l'investissement sont d'abord tirées des comptes des revenus et dépenses pour le PIB calculé en fonction de la demande finale, puis des comptes des entrées-sorties établis d'après des données d'enquête au niveau de l'industrie fournies par la Division de l'investissement et du stock de capital de Statistique Canada. Les données sur les dépenses en immobilisations sont obtenues auprès de cette dernière division qui les recueille au moyen d'une enquête auprès des établissements fournissant des renseignements plus détaillés que ceux disponibles dans les comptes des industries. Cette enquête auprès des établissements est utilisée pour produire des données par industrie détaillées qui sont rapprochées des données agrégées.

Le programme des CCP recueille d'abord les données sur l'investissement, estime ensuite les stocks de capital par la méthode de l'inventaire permanent, puis agrège les stocks de capital en utilisant les prix de location comme coefficients de pondération. Cette approche, établie par Jorgenson et Griliches (1967), est fondée sur l'assimilation des prix de location aux rendements marginaux de différentes catégories de capital. Les estimations de ces prix tiennent compte des différences entre les prix, les durées de vie utile et les taux de dépréciation des actifs, ainsi que du traitement fiscal du revenu du capital. Les durées de vie utile sont dérivées des réponses à des questions spéciales incluses dans l'Enquête sur l'investissement. Les taux de dépréciation sont établis en se fondant sur les prix des actifs usagés (Division de l'analyse microéconomique, 2007). Nous utilisons une définition générale du capital, qui englobe des actifs corporels tels que les machines et équipements, les bâtiments et ouvrages de génie, ainsi que les terrains et les stocks. Enfin nous estimons un flux de services issu du stock de capital installé 4 .

L'approche suivie par le programme des CCP pour estimer les services du capital produit une série chronologique complète de données sur l'investissement englobant plus de 150 types d'immobilisations reclassées en 28 catégories d'actifs privés (18 catégories d'équipements et de logiciels, 6 catégories de bâtiments non résidentiels et 4 catégories de bâtiments résidentiels). Pour estimer les stocks de capital, le programme des CCP applique la méthode de l'inventaire perpétuel et un taux de dépréciation géométrique fondé sur les courbes âge-prix établies dans le document intitulé Taux de dépréciation pour les comptes de la productivité, publié en 2007 dans la Revue canadienne de productivité.

Ensuite, les services du capital par industrie sont estimés sous forme de somme pondérée des stocks de capital en utilisant comme poids les prix de location. Pour obtenir les services du capital du secteur agrégé des entreprises, les services du capital par industrie sont agrégés en se basant sur la part du coût total d'usage du capital imputable à chaque industrie.

3   Vérification des hypothèses émises pourestimer les services du capital

L'établissement d'un ensemble intégré de comptes de productivité tels que les CCP ne sert pas seulement à l'estimation de statistiques sur la productivité; il permet aussi à un organisme statistique de contrôler la cohérence interne des données utilisées pour les estimations. À la présente section, nous montrons que l'ensemble intégré de comptes de productivité peut être utilisé à la fois pour évaluer la sensibilité des estimations à diverses hypothèses et pour vérifier la cohérence interne des estimations. Pour cela, nous évaluons le degré de sensibilité des estimations de la PMF à diverses méthodes d'estimation du coût d'usage du capital.

Les mesures de la croissance de la PMF ont été élaborées afin de disposer de statistiques sommaires pour évaluer le progrès. Elles reposent sur la comparaison du taux de croissance réel du PIB à l'accroissement de ce dernier que l'on s'attendrait à observer si l'on augmentait les facteurs de production en continuant d'utiliser les techniques de production préexistantes ou courantes.

Le modèle de production de base sur lequel s'appuient les estimations de la productivité s'écrit : 

(1)
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En calculant la dérivée totale par rapport au temps et en supposant que les marchés sont concurrentiels, nous pouvons exprimer la variation du PIB en fonction du temps de la façon suivante : 

(2)
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où les élasticités de la croissance du capital et de la croissance du travail correspondent aux parts de revenu respectives de ces deux facteurs.

La croissance de la PMF, Image, est mesurée par différence : 

(3)
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La réécriture de cette expression en fonction des parts de revenu donne

(4)
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si est la part du facteur i dans la valeur du PIB (PQ).

Les estimations de la croissance de la PMF données par l'équation (4) requièrent la mesure de la variation du PIB (Q), du capital (K) et du travail (L), ainsi que des parts de ces facteurs dans le PIB. Dans un monde où tous les actifs ont le même produit marginal, on peut estimer les variations du capital en additionnant simplement la valeur de tous les actifs et en calculant la variation de cette somme au cours du temps. Cependant, les facteurs de production (qu'il s'agisse des travailleurs ou des catégories d'immobilisations) peuvent avoir des produits marginaux différents, de sorte qu'il est incorrect de les additionner simplement. S'il existe m catégories du facteur i, ayant chacune un produit marginal distinct, la formule appropriée pour estimer l'effet de la variation d'un facteur est

(5)
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sik peut être considéré comme étant approximativement égal à la part de chaque catégorie du facteur i dans le PIB total et

(6)
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Nous pouvons transformer cette expression en

(7)
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et puis effectuer la substitution dans l'équation (5).

Par conséquent, les poids appropriés pour agréger les variations d'une catégorie d'un facteur sont les parts relatives de chaque catégorie du facteur dans la rémunération totale de celui-ci. Pour estimer ces parts, nous devons calculer le prix unitaire de chaque catégorie du facteur. Dans le cas du prix du facteur travail, la tâche est assez simple. Des transactions pouvant être utilisées à cette fin sont observées continuellement sur le marché du travail. Dans le cas du capital, nous avons besoin de prix comparables. Nous connaissons les prix des biens d'équipement, mais celui des services qu'ils fournissent quand ils sont utilisés pendant une période plus courte que leur durée de vie prévue n'est habituellement pas observé et doit être inféré.

Le coût d'usage du capital peut être considéré comme étant le prix qu'un marché parfaitement concurrentiel produirait pour un actif loué par son propriétaire à un utilisateur. Ce prix comprendrait un terme reflétant le coût d'opportunité du capital (rt) (soit le coût d'option de l'utilisation du capital ou les coûts de financement), un autre rendant compte de la dépréciation de l'actif ( Image) et un troisième représentant les gains ou pertes en capital résultant de la détention de l'actif (qui traduisent les variations du prix du marché de l'actif, Image). Jorgenson et Griliches (1967) démontrent que la formule du prix de location d'une unité de capital dont le coût est q est

(8)
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L'application de cette formule requiert l'estimation de la dépréciation, des gains de capital dus à la détention de l'actif et du taux de rendement attendu. Les taux de dépréciation peuvent être estimés d'après les courbes des prix des actifs usagés et les gains de capital, à partir des indices des prix des divers actifs établis par Statistique Canada. En revanche, un domaine où les praticiens n'ont pu décider unanimement d'une méthode est celui de la mesure du taux de rendement.

Le débat tourne autour de la question de savoir si le taux de rendement doit être calculé de manière endogène ou tiré de sources exogènes 5 .

L'approche endogène consiste à se servir de données sur le revenu du capital tirées des Comptes nationaux et d'estimations du stock de capital pour trouver le taux de rendement.

Alternativement, le taux de rendement peut être obtenu d'autres sources, comme un taux de rendement observé sur les marchés financiers. Ici, plusieurs choix sont possibles, par exemple un taux de rendement sans risque, tel un taux d'obligation d'État, un taux de titre de créance émis par une société tenant compte du risque inhérent au secteur des entreprises, ou une moyenne pondérée de taux de rendement de titres de créance et d'actions de société reflétant le fait que le secteur des entreprises est financé par un mélange d'emprunts et de capitaux propres.

L'avantage de la méthode axée sur les taux endogènes tient au fait qu'elle produit un ensemble de comptes entièrement intégrés. La valeur de l'excédent est extraite directement des Comptes nationaux qui fournissent les données sous-jacentes pour la production des CCP. Le capital est estimé directement d'après les flux d'investissements qui font également partie du SCN. Au Canada, ces flux d'investissements sont intégrés dans les TES et concordent donc avec le PIB par industrie. Ces flux peuvent servir à estimer le stock de capital par la méthode de l'inventaire perpétuel et, conjugués à l'excédent, donnent le taux de rendement obtenu dans chaque industrie.

Fait tout aussi important, les hypothèses nécessaires pour pouvoir utiliser l'excédent dans l'estimation des services du capital sont entièrement compatibles avec celles qui sous-tendent les estimations non paramétriques de la productivité, à savoir un marché parfaitement concurrentiel et un processus de production où les rendements d'échelle sont constants.

Opter pour un taux de rendement exogène permet de relaxer l'hypothèse des rendements d'échelle constants. Cette approche n'exige pas que les actifs utilisés épuisent entièrement le revenu du capital; on reconnaît donc que certains actifs pourraient être exclus des estimations existantes. Il permet aussi à l'analyste de supposer que le système économique n'est pas parfaitement concurrentiel et que l'excédent des sociétés représente davantage que le simple coût des services du capital (par exemple qu'il pourrait aussi englober les bénéfices de monopole).

Puisque l'utilisation d'un taux de rendement exogène n'assure pas que l'excédent des sociétés soit entièrement épuisé, elle permet d'estimer un résidu (la différence entre l'excédent des sociétés et les services du capital), qui pourrait avoir pour origine les bénéfices de monopole. Le résidu pourrait aussi être dû au fait que la liste de facteurs inclus dans les estimations de la PMF est incomplète (p. ex., des actifs comme les terrains, les stocks, les ressources naturelles ou les biens incorporels sont exclus). Enfin, il pourrait être observé parce qu'il existe des économies d'échelle et que, par conséquent, la rémunération des facteurs par le revenu de leur produit marginal, c'est-à-dire leur revenu marginal, n'épuise pas entièrement le produit total.

L'utilisation du taux exogène permet, certes, de surmonter plusieurs problèmes éventuels, mais elle en soulève d'autres. La difficulté que pose l'approche exogène tient au fait que le choix du taux qu'il convient d'utiliser n'est pas évident et qu'un taux mal choisi donnera lieu à une erreur dans les estimations de la PMF.

Dans le cas d'un taux exogène, une grande gamme de taux a été proposée, allant des taux à court terme aux taux à long terme, et des taux d'intérêt débiteurs aux taux d'intérêt créditeurs (Diewert, 1980). Dans la formule du coût d'usage du capital, le taux d'intérêt devrait refléter les taux de rendement corrigés du risque (puisque ce sont ces derniers qui régissent les décisions concernant l'investissement). Par conséquent, le rendement par industrie ou par actif doit varier afin de rendre compte du degré variable de risque 6 . À son tour, ce problème oblige l'analyste à utiliser des renseignements qui l'aideront à trancher en ce qui concerne les différences de risque. Ceci étant fait, il se pourrait qu'en dernière analyse, les taux obtenus selon les approches endogène et exogène diffèrent peu.

Dans le présent document, comme dans les CCP, nous utilisons le revenu du capital tiré des Comptes nationaux pour dériver le taux interne de rendement. Nous définissons ici le revenu du capital comme étant le produit intérieur brut en dollars courants, à l'exclusion de la rémunération du travail (traitements, salaires, rémunération supplémentaire et une partie des revenus des propriétaires d'entreprises imputables au travail). Nous avons tiré les estimations du stock de capital de la base de données des CCP créée par Statistique Canada en appliquant la méthode de l'inventaire perpétuel aux flux d'investissement.

Dans le cas du taux exogène de rendement, nous avons utilisé une moyenne pondérée du coût des emprunts et du taux de rendement des capitaux propres, où les poids sont égaux aux proportions d'emprunts et de capitaux propres utilisés pour financer le capital des entreprises 7 . Comme taux de rendement des emprunts, nous avons utilisé le taux du papier commercial à 90 jours 8 . Pour calculer le taux de rendement des capitaux propres, nous sommes partis de l'accroissement de l'indice de la bourse de Toronto auquel nous avons ajouté le taux de rendement en dividendes des actions 9 . Les taux de rendement exogènes résultants incluent le taux global d'inflation et représentent donc les taux nominaux de rendement. Nous déflatons ensuite ces taux nominaux au moyen de l'indice des prix à la consommation. Puis, nous calculons la moyenne de la série résultante de taux exogènes réels sur la période de 1961 à 2001 pour produire un taux de rendement constant de 4,7 %. Dans la spécification (8) du coût d'usage du capital fondé sur le taux de rendement exogène, nous fixerons le taux réel de rendement à Imageune valeur constante de 4,7 %.

3.1  Autres spécifications du taux de rendement

Afin d'étudier l'effet de diverses approches de l'estimation des services du capital et de la PMF, nous comparons deux ensembles d'estimations. Le premier (M1) consiste à appliquer la variation instantanée des prix des actifs à une estimation des gains de capital. Le second (M3) ne tient pas compte des gains de capital, puisqu'il n'est pas certain qu'il existe des moyens de récolter les gains de détention émanant des différences de taux d'inflation, surtout pour les immobilisations. Les deux variantes tiennent compte de l'effet des impôts (voir Baldwin et Gu [2007a]).

En vue d'évaluer l'effet de divers scénarios, nous comparons les taux moyens de rendement produits par chacun, ainsi que la croissance de la PMF. Les scénarios se distinguent par le choix du taux de rendement et celui des gains en capital prévus. Les statistiques sommaires pour chacun de ces éléments sont présentées au tableau 1 pour la période de 1961 à 1981 et celle de 1981 à 2001.

Les taux de rendement nominaux produits par la méthode endogène sont généralement plus élevés que ceux obtenus par la méthode exogène 10 . Pour la période de 1961 à 1981, le taux de rendement endogène ne tenant pas compte de la variation du prix des actifs en tant que mesure des gains en capital (M3) est de 13 %, tandis que la valeur moyenne du taux exogène comparable n'est que de 11 %. Pour 1981 à 2001, le taux endogène estimé d'après M3 est de 11 %, tandis que le taux exogène comparable est, en moyenne, de 9 %. La différence n'est pas importante : de l'ordre de deux points de pourcentage pour chaque période si nous considérons M3, c'est-à-dire la méthode ne tenant pas compte de la variation des prix des actifs en tant que mesure des gains en capital.

En ce qui concerne la différence de taux de croissance de la PMF entre les deux scénarios, la croissance de la PMF paraît plus rapide si nous utilisons le taux de rendement exogène plutôt que le taux endogène, quoique, comme l'illustre le graphique 1, il est difficile de distinguer une méthode de l'autre dans les données annuelles.

La raison de cette différence est double. Premièrement, le taux de rendement endogène est plus élevé que le taux de rendement exogène. Le niveau du taux de rendement nominal influence la croissance de la PMF de deux façons — par son incidence sur ce que nous appelons la composition du capital (l'écart entre la croissance de la somme simple et celle de la somme pondérée des actifs individuels) et son incidence sur la mesure de la part des coûts imputables au capital. L'utilisation d'un taux de rendement plus faible dans l'estimation du coût d'usage du capital se traduit par une croissance plus forte de l'effet de la composition du capital et une diminution de la part des coûts imputable aux services du capital dans le cadre de comptabilité de la croissance de la PMF. Le premier résultat entraîne une décélération de la croissance de la PMF, tandis que le second donne lieu à une accélération de cette croissance. L'effet global de ces deux éléments compensatoires est une augmentation du taux de croissance de la PMF, car l'effet de la variation de la part du capital dans les coûts a tendance à être plus important que celui de la variation de la composition du capital.

Deuxièmement, l'utilisation d'un taux exogène de rendement impose l'égalité des taux de rendement entre les industries, contrainte qui n'existe pas dans la méthode du taux endogène. Dans des conditions où les taux de rendement varient selon l'industrie, la croissance du PIB peut provenir partiellement de la réaffectation des ressources des industries où le produit marginal du capital est faible à des industries où il est plus élevé. Baldwin et Gu (2007a) montrent que la différence entre les méthodes du taux endogène et du taux exogène est due en grande partie à ce phénomène. Autrement dit, si le taux endogène moyen était appliqué à toutes les industries, l'estimation résultante de la PMF augmenterait pour atteindre à peu près le même niveau que l'estimation calculée par la méthode du taux exogène.

En conclusion, l'utilisation des CCP de cette façon permet de valider la cohérence interne de la base de données. Cette méthode montre que le taux de rendement qui se dégage de l'exercice est très proche du taux de rendement réel dans le secteur des entreprises. Par dessus tout, elle démontre pourquoi l'autre méthode parfois utilisée pour estimer la PMF quand des comptes intégrés des industries ne sont pas disponibles (quand on choisit les taux de rendement exogènes) introduit vraisemblablement un biais par excès dans les estimations de la PMF, parce que ces estimations omettent de tenir compte d'une partie des causes de la croissance, à savoir la réaffectation des ressources entre les industries, des utilisations peu productives vers des utilisations plus productives.

4   Capital infrastructurel

L'un des avantages de l'existence d'un ensemble intégré de comptes de productivité est la capacité de produire des mesures de la productivité englobant diverses sources ou catégories de capital. Axé sur le secteur des entreprises, le programme des CCP examine l'efficacité avec laquelle ce secteur transforme en produit la main-d'oeuvre qu'il embauche et le capital corporel (machines et équipement; bâtiments) qu'il achète. Récemment, les CCP ont été étendus afin d'examiner ce qu'il se passe lorsque le capital public est intégré dans l'analyse.

Le capital public comprend des actifs tels que les routes, les ponts et les usines de traitement des eaux usées et des égouts (Baldwin et Dixon, 2008). Au Canada, les routes représentent la composante la plus importante du stock de capital public. À l'heure actuelle, ces actifs ne sont pas traités comme un facteur de production du secteur des entreprises et ne contribuent pas explicitement à la productivité, parce que les investissements dans les réseaux routiers ne sont pas effectués par le secteur des entreprises.

4.1  Intégration de l'effet de l'infrastructure sur la productivité multifactorielle

L'approche classique du nombre indice pour mesurer la PMF débute par une fonction de production qui s'appuie sur les services du capital, , et les services de la main-d'oeuvre, , pour transformer les entrées en sorties. Le terme de la PMF est intégré dans la fonction en tant que paramètre de déplacement, , qui représente les changements de niveau de la fonction de production à mesure qu'évolue la technologie (voir par exemple Baldwin, Gu et Yan [2007]).

Comme nous l'avons mentionné à la section précédente, l'estimation classique de la PMF s'écrit : 

(9)
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où les élasticités de la croissance du capital et du travail sont les parts de revenu respectives de ces facteurs.

Afin d'étendre ce cadre pour pouvoir tenir compte de l'investissement dans l'infrastructure, nous pouvons supposer que le capital public entre dans le processus de production en tant que facteur exogène qui accroît les rendements d'échelle de tous les facteurs de production, mais qui laisse constants les rendements d'échelle des agents économiques du secteur privé. Nous obtenons alors l'expression : 

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Le modèle qui inclut le capital public est relié à l'estimation classique de la PMF produite par les CCP au moyen de l'identité : 

Les estimations de la PMF issues des équations (9) et (10) fournissent donc une méthode pour évaluer l'importance du biais dans les estimations courantes de la PMF parce qu'elles tiennent compte non seulement du progrès technique, mais aussi de la contribution de l'investissement du secteur public.

4.2  Estimation de l'élasticité de la production par rapport à l'infrastructure publique

Afin de tenir compte de l'effet de l'infrastructure publique sur le PIB du secteur des entreprises, nous devons estimer l'élasticité du capital public. Alors que nous pouvons utiliser les parts pour estimer les entrées du secteur privé, nous ne pouvons le faire pour le capital public. Les systèmes statistiques ont de la difficulté à mesurer la valeur du PIB du secteur public parce qu'il n'existe que des marchés limités, voire aucun, pour les services des administrations publiques.

En l'absence de marchés pour la vente des produits, il est difficile d'obtenir des estimations fiables de l'élasticité pour le capital public pouvant être appliquées à l'accroissement du capital public ou utilisées pour déterminer la valeur approximative de l'accroissement du PIB du secteur des entreprises qui devrait être attendu en raison des ajouts au capital public. Jusqu'à présent, aucun consensus n'a été réalisé quant à une valeur raisonnable de l'élasticité de la production par rapport à l'infrastructure publique ou à la méthode d'estimation qui convient le mieux (voir, par exemple, Aschauer [1989]; Munnell [1990]; Munnell et Cook [1990]; Shah [1992]; Berndt et Hansson [1992]; Lynde et Richmond [1992]; Nadiri et Mamuneas [1994]; Conrad et Seitz [1994]; Morrison et Schwartz [1996]; Harchaoui [1997]; Fernald [1999]; Pereira [2000]; Ramirez [2004]; Brox et Fader [2005]; et Macdonald [2008]).

Afin de poursuivre l'étude de cette question, nous en examinons deux aspects en utilisant les CCP intégrés. D'abord, nous calculons des estimations de l'élasticité de la production du secteur public par rapport au capital public; puis, nous introduisons le capital public sous forme d'argument explicite dans la fonction de production du secteur canadien des entreprises et produisons une estimation expérimentale de la PMF dont est exclu l'effet des entrées de capital public.

Le système d'entrées-sorties qui sous-tend la mesure du PIB, ainsi que les estimations du produit brut et des entrées intermédiaires qui constituent le fondement des CCP nous permettent d'effectuer cet exercice de deux façons. La première méthode consiste à utiliser des estimations de la fonction de coût pour calculer un rendement des accroissements du capital public. Harchaoui et Tarkhani (2003) se sont servis de données au niveau de l'industrie et d'une fonction de coût translogarithmique. Cette approche s'appuie sur les équations des parts et les fonctions de demande pour estimer un système d'équations. L'article de ces auteurs s'appuie sur des données tirées des CCP ayant trait aux valeurs du produit brut, du coût de la main-d'oeuvre, des services du capital et des entrées intermédiaires pour 37 industries de la Classification type des industries (CTI) du secteur canadien des entreprises pour la période allant de 1961 à 1997. Les auteurs combinent les données provenant des CCP à des données sur le capital public tirées de la même source de données sur l'investissement que celles utilisées pour estimer le stock de capital du secteur des entreprises.

C'est Macdonald (2008) qui emploie la deuxième méthode, c'est-à-dire une fonction de coût pour examiner l'effet de l'investissement public sur les coûts privés. Cet auteur s'appuie sur une fonction du PIB pour explorer la sensibilité des méthodes d'estimation aux observations aberrantes, telles que les valeurs extrêmes, et à diverses spécifications des séries chronologiques. À l'instar de Fernald (1999), Macdonald suppose que les dépenses en capital public sont proportionnelles aux coûts du transport. Cette hypothèse lui permet de calculer une variable instrumentale pour le coût du capital public des entreprises par industrie. Macdonald tire parti des données sur les biens et services figurant dans les comptes d'entrées-sorties d'après lesquels sont construits les CCP.

En plus de calculer des estimations à partir d'une fonction de coût, Macdonald (2008), estime la fonction de production double. Les estimations de la fonction de production sont produites en se servant d'un panel de données provinciales dans lequel les variables de PIB, de capital et de travail (main-d'oeuvre) concordent avec celles utilisées pour produire les CCP et avec une variable de capital public dérivée des mêmes données sur l'investissement que celles utilisées par Harchaoui et Tarkhani (2003).

Les deux méthodes sont utilisées pour obtenir, par « triangulation » sur une fourchette probable de valeurs, l'élasticité par rapport à l'infrastructure publique. Macdonald (2008) compare les estimations de la fonction de coût à celles de la fonction de production et des taux moyens de rendement respectifs qui en sont dérivés, ainsi qu'à d'autres estimations relevées dans la littérature. Il obtient ainsi une élasticité du PIB du secteur des entreprises par rapport aux accroissements du capital public variant de 0,05 à 0,15, en étant centrée sur 0,1. Ces valeurs correspondent à une fourchette pour le taux de rendement du capital public qui varie de 5 % à 29 % et est centré sur 17 %. La gamme des estimations comprend le taux moyen de rendement de la dette publique et le taux moyen de rendement combiné de la dette et des capitaux propres privés.

Grâce à l'ensemble intégré de comptes de productivité, les estimations de l'élasticité et des taux de rendement peuvent être intégrées dans les mesures de la productivité pour créer des mesures de la productivité pour l'ensemble de l'économie ou pour réestimer les mesures de productivité, telles que la PMF, après avoir inclus le capital public sous forme d'argument explicite dans la fonction de production du secteur des entreprises. Nous discutons ici d'une mesure expérimentale de la PMF pour le secteur des entreprises, parce qu'elle représente une correction de la mesure de la PMF produite à l'heure actuelle et utilisée à grande échelle au Canada (voir Gu et Macdonald [2009] pour plus de précisions). Le passage à une mesure de la PMF pour l'ensemble de l'économie donne un résultat semblable si nous incluons un taux de rendement positif du capital public.

Afin d'examiner comment l'infrastructure publique affecte la croissance de la productivité, nous décomposons les estimations de la croissance de la productivité du travail en leurs composantes d'origine. Dans le cadre de comptabilité de la croissance, l'équation (9) peut être écrite en temps discret, toutes les variables étant mesurées en logarithmes de la façon suivante : 

où : 

Image = Productivité du travail

Image = Contribution des variations de la composition du travail

Image = Contribution de l'accroissement d'intensité du capital (approfondissement du capital)

PMF t = Contribution du progrès technique et des facteurs de production difficiles à mesurer ou à inclure

Quand nous examinons le rôle que joue la croissance du capital public dans la croissance de la productivité du secteur des entreprises privées, nous présentons les résultats en fonction des composantes de l'équation (12). Cependant, nous décomposons la croissance de la PMF de la façon suivante : 

Au départ, nous utilisons 0,1 comme valeur de l'estimation de l'élasticité Image. Par après, nous présentons une analyse de sensibilité en utilisant des valeurs d'élasticité variant de 0,05 à 0,15 tirées de Macdonald (2008). Tout au long de la présente section, nous maintenons l'hypothèse d'une économie concurrentielle. L'hypothèse de concurrence coïncide avec les hypothèses émises pour produire les estimations classiques de la PMF d'après les CCP en utilisant un taux de rendement interne pour calculer les services du capital. Cette hypothèse est, par conséquent, un point de départ naturel.

4.3  Résultats

L'effet le plus important de l'élimination de l'influence du capital public sur la PMF est celui observé pendant la première moitié de la période de référence de l'étude, c'est-à-dire de 1961 au début des années 1980 (graphique 2). À partir du milieu des années 1980, et particulièrement après la récession de 1991, la différence entre les estimations classique et expérimentale PMF et PMF* est faible.

La différence entre les estimations de la PMF et de la PMF* s'observe principalement durant la période de construction du réseau routier interprovincial du Canada. Une fois pris en compte l'effet du capital public, l'estimation de la PMF* augmente plus lentement au cours du temps que l'estimation classique de la PMF qui tient compte de l'effet du capital public.

La différence entre les taux de croissance de la PMF s'observe de façon sommaire lorsque la variation de la productivité du travail est décomposée en variation de l'intensité du capital (contribution du capital), variation de la composition du travail, variation de la fourniture de capital public et PMF*. Cette décomposition est présentée au tableau 2 où les trois premières lignes montrent la croissance de la productivité du travail, la contribution du capital et la contribution de la composition du travail. Ces résultats sont les mêmes que ceux produits dans le cadre d'études antérieures portant sur les CCP et sont présentés par souci de complétude. Les trois dernières lignes donnent la décomposition de la PMF. Elles montrent les effets décomposés du capital public et de la PMF. L'estimation classique de la croissance de la productivité multifactorielle, PMF, est égale à la somme de la contribution du capital public et de l'estimation révisée de la croissance de la productivité multifactorielle, PMF*.

Au cours de la période allant de 1962 à 2006, le fait d'inclure l'effet du capital public réduit de moitié la contribution de la croissance de la PMF à la croissance de la productivité du travail. La PMF augmente en moyenne de 0,36 % par an, tandis que la PMF* augmente de 0,17 % par an. La contribution du capital public est importante, ajoutant 0,19 % par an à la croissance de la productivité du travail de 1962 à 2006.

La contribution du capital public à la croissance de la productivité du travail varie en fonction du temps. Le capital public affichait les contributions les plus importantes au cours des années 1960 et des années 1970. Ces décennies sont marquées par une expansion considérable du réseau routier provincial et interprovincial, ainsi que par la construction de la Transcanadienne. Elles constituent une période d'expansion rapide du réseau de capital public.

Au cours des années subséquentes, la croissance du stock de capital public ralentit à mesure que s'achève l'expansion du réseau routier et que les administrations publiques éliminent leurs déficits de fonctionnement. La contribution de l'investissement public à la croissance de la productivité du travail ralentit parallèlement. Les estimations de la croissance de la productivité multifactorielle, PMF et PMF*, révèlent toutes deux un ralentissement à la fin des années 1970 et sont, en moyenne, négatives.

Au cours des années 1990 et des années 2000, la PMF* augmente approximativement à la même vitesse que la PMF. Les estimations de la PMF* et de la PMF montrent toutes deux la reprise de la croissance de la productivité qui a eu lieu à la fin des années 1990 et traduisent un même ralentissement après 2000.

4.4  Vérifications de la robustesse

L'estimation de l'élasticité utilisée pour examiner la contribution du capital public à la productivité du travail est entachée d'une incertitude. Les estimations de l'élasticité par rapport au capital public comprennent une incertitude statistique normale, une incertitude due aux erreurs dans les variables associées à l'estimation du taux de dépréciation et du taux de rendement du capital public, ainsi qu'une incertitude résultant de la méthode d'estimation. Cette incertitude peut avoir une incidence significative sur les estimations connexes de l'élasticité.

Pour évaluer la grandeur de l'incertitude, nous apportons une correction de plus ou moins 0,05 à l'estimation de l'élasticité de 0,1 tirée de Macdonald (2008). Selon cet auteur, il s'agit d'une fourchette raisonnable pour l'élasticité du capital public, en harmonie avec la plupart des estimations tirées d'études fondées sur la fonction de coût.

Le taux de rendement à long terme des obligations d'État peut être utilisé comme autre méthode de calcul du produit marginal du capital public. Si l'on suppose que le rendement du capital public est égal au taux moyen des obligations d'État à long terme, l'estimation de l'élasticité correspondante est d'environ 0,06. Cette valeur concorde avec la borne inférieure de l'intervalle de confiance susmentionné.

L'estimation de l'élasticité utilisée influe sur les estimations de la contribution du capital public et de la PMF* (graphique 3 et tableau 3). L'effet le plus marqué s'observe durant la période allant d'environ 1961 à 1980. Il s'agit de la période durant laquelle les estimations classiques de la PMF étaient les plus élevées. Après 1980, seules des différences légères ont eu lieu.

Pour chaque accroissement de 0,05 de l'estimation de l'élasticité, la contribution du capital public à la croissance de la productivité du travail est d'environ 0,1 point de pourcentage pour la période de 1962 à 2006. L'accroissement de l'estimation de l'élasticité a un effet plus marqué durant la première moitié de la période que durant la deuxième, ce qui concorde avec les taux de croissance du stock de capital public.

Pour chacune des trois estimations de l'élasticité, la contribution de la PMF à la croissance de la productivité du travail est plus faible durant les années 1960 et les années 1970. Quelle que soit l'estimation utilisée, la croissance de la PMF ralentit au cours de la période postérieure à 1980. En fait, lorsque l'effet du capital public est dissocié de la croissance de la PMF, cette dernière est plus faible et présente une tendance moins prononcée, mais continue de manifester une cyclicité d'une période à l'autre.

5   Capital incorporel

L'ensemble intégré de comptes de productivité, c'est-à-dire les CCP, produits par Statistique Canada a également servi de fondement à l'élaboration d'estimations expérimentales des investissements des agents économiques canadiens dans les actifs incorporels. Ces actifs sont définis de manière générale comme étant les actifs fondés sur le savoir, les actifs organisationnels et les actifs associés à la réputation.

Les études des facteurs qui sous-tendent la croissance ont généralement été axées sur les actifs corporels, tels que les machines et équipements, les bâtiments et les ouvrages de génie (barrages, chemins de fer, systèmes de communication). Toutefois, la plupart des entreprises engagent, dans de nombreux autres domaines, des dépenses qui représentent pour l'entreprise une valeur pendant plus d'une année et devraient par conséquent être classées comme des investissements. Bon nombre de ces investissements sont considérés comme des actifs fondés sur le savoir qui soutiennent le processus d'innovation.

5.1  Catégories d'actifs incorporels étudiées

L'un des actifs incorporels auxquels beaucoup d'attention a été accordée est la recherche et développement (R-D), qui comprend principalement les dépenses de rémunération des scientifiques faisant de la R-D et qui produit le capital de savoir indispensable à l'innovation. Toutefois, l'activité d'innovation n'est pas limitée à ce domaine. Alors que les scientifiques qui se consacrent à la R-D créent de nouvelles connaissances qui sont intégrées dans de tous nouveaux produits, d'autres catégories de scientifiques — les ingénieurs — adaptent les nouveaux produits et matières aux procédés de production. Le génie de la production entraîne des dépenses qui ne rentrent généralement pas dans la catégorie de la R-D, mais ont de nombreuses propriétés semblables en ce sens qu'elles créent des actifs à long terme et qu'elles requièrent un effort scientifique important.

Les entreprises peuvent investir dans de nouvelles connaissances scientifiques en embauchant des spécialistes de la R-D et des ingénieurs spécialisés en production, et en produisant ces connaissances elles-mêmes, ou elles peuvent choisir d'acheter ces connaissances scientifiques. Les investissements dans le savoir sont faits par achat de R-D, de brevets, de licences et de savoir-faire technologique auprès d'autres entreprises.

Dans le secteur des ressources naturelles, la prospection fournit de nouveaux renseignements qui deviennent utiles pour la production de nombreuses années après qu'ils aient été obtenus. Les dépenses de prospection initiales sont utilisées pour acquérir des connaissances quant à l'emplacement des ressources et aux propriétés économiques des réserves de minerais ou de pétrole. La R-D peut être considérée comme une dépense d'investissement initiale en innovation destinée à réduire l'incertitude. Les dépenses de prospection jouent le même rôle pour le secteur des ressources naturelles d'une économie.

De même, les dépenses de publicité confèrent à l'entreprise une réputation qui, si elle s'étend au-delà du présent et a une incidence sur la valeur de l'entreprise, devrait être considérée comme un investissement en actifs incorporels. Les dépenses de publicité créent une image de marque qui est reconnue depuis longtemps comme un actif incorporel de grande valeur.

L'ensemble d'actifs incorporels examinés dans le cadre de notre étude pour le Canada englobe plusieurs catégories, à savoir la publicité, la prospection minière et pétrolière, les logiciels, la recherche et développement pour compte propre, la recherche et développement achetée et les dépenses en sciences et en génie pour compte propre. La présente étude porte sur des données provenant de bases de données de Statistique Canada dont la cohérence interne et la complétude sont établies. Dans le cas des logiciels et de la prospection minière et pétrolière, les CCP comprennent déjà les actifs incorporels sous forme de mesures du facteur capital. Pour d'autres actifs, les données proviennent des TES utilisés comme fondement pour la production des CCP, du Recensement de la population et d'enquêtes sur le marché du travail. Ces deux dernières sources s'appuient sur des catégories d'industries et des définitions qui permettent d'intégrer les données dans les comptes des industries qui sous-tendent les CCP.

D'autres chercheurs ont étudié un plus grand ensemble de catégories (en particulier, en l'étendant à la gestion et à la formation) 11 , mais la qualité des données dans ces domaines rend problématique l'évaluation des conclusions tirées de ces études. Dans certains cas, les auteurs d'autres études ont dû se servir de sources tierces de données sur la R-D ou sur la publicité qui ne sont pas intégrées dans les estimations par industrie du SCN.

Les estimations des dépenses en actifs incorporels pour le Canada sont directement liées aux industries prises en considération dans les CCP, ce qui facilite l'analyse au niveau du secteur des entreprises et au niveau de l'industrie 12 . Le système intégré de mesure de la productivité fournit des données de référence bien établies auxquelles les dépenses en actifs incorporels peuvent être comparées et permet de réaffecter simplement les dépenses en prospection minière et pétrolière et en logiciels de la série de données sur les investissements utilisée à l'heure actuelle au compte des dépenses en actifs incorporels.

5.2  Estimations des investissements dans les actifs incorporels

Les parts des investissements incorporels sont présentées au tableau 4 pour trois grandes catégories d'actifs, à savoir la publicité, la prospection minière et pétrolière et le total des dépenses scientifiques (nous avons subdivisé cette dernière catégorie en « services scientifiques et de génie achetés » et « compte propre », cette dernière sous-catégorie englobant la R-D, les logiciels et les autres dépenses scientifiques pour compte propre). Les dépenses incorporelles en sciences et en innovation sont les plus importantes, représentant, en moyenne, 77,4 % du total des investissements incorporels effectués de 1981 à 2001. La part des dépenses à caractère scientifique consacrée à l'innovation a augmenté au cours du temps, pour passer de 76,5 % en 1981 à 78,4 % en 2001. La publicité, dont la part est en moyenne de 18,3 %, occupe le second rang, et son importance varie de manière procyclique. La prospection minière et pétrolière, qui représente en moyenne 4,3 % des dépenses incorporelles, occupe le troisième rang. Du début au milieu des années 1980, sa part a diminué, mais elle a augmenté régulièrement depuis (graphique 4). Les investissements dans les logiciels représentent la plus petite composante des actifs incorporels durant la période de référence, leur part étant de 2,5 % en 1981 et de 6,7 % à la fin de la période. En raison de la révolution informatique qui a eu lieu à ce moment-là, la part de cette composante a plus que doublé au cours de la période.

Bien que la R-D ait été le principal pôle d'intérêt dans les études sur l'innovation, elle ne représente que de 17,6 à 27,3 points de pourcentage du total des investissements incorporels. Sa part s'est toutefois accrue à la fin des années 1990. Les autres investissements en services scientifiques pour compte propre sont beaucoup plus importants que les investissements en R-D. Même la composante des services scientifiques et de génie achetés est au moins aussi importante que la R-D, en partie à cause des importations de logiciels 13 .

Au Canada, les investissements incorporels se sont accrus de 8,2 % en moyenne par année de 1981 à 2001, quadruplant pour passer d'environ 30 milliards de dollars en 1981 à 144 milliards de dollars en 2001 (graphique 5). L'investissement en logiciels est celui qui a augmenté le plus rapidement, le taux de croissance annuel moyen étant de 13,9 %. Venait au deuxième rang le taux de croissance annuel moyen de l'investissement dans la R-D (10,8 %), suivie de la prospection minière et pétrolière (10,4 %), de la publicité (7,7 %), les services scientifiques et de génie achetés (7,5 %) et les services scientifiques et de génie pour compte propre (6,6 %).

Après avoir augmenté au début des années 1980, les autres dépenses scientifiques pour compte propre ont diminué légèrement par la suite, passant de 33,0 % en 1981 à 24,4 % à la fin de la période. L'investissement en machines et équipements dans d'autres domaines que les technologies de l'information et des communications (TIC) a suivi de près la trajectoire des dépenses en autres services scientifiques au cours de la période. Les achats de services de génie ont également diminué légèrement au cours de la période, pour passer de 23,4 % du total en 1981 à 20,1 % en 2001. Bien que les trois catégories (R-D, logiciels et autres services scientifiques pour compte propre) aient conservé une part moyenne relativement stable du total au cours de la période, un léger décalage s'est produit. La part des dépenses scientifiques pour compte propre et des achats de services scientifiques a diminué au cours des années 1990, alors que celle des dépenses en R-D et en logiciels a augmenté légèrement.

Le recul des autres dépenses scientifiques pour compte propre est dû principalement à un mouvement de la proportion du total des scientifiques vers la catégorie des logiciels, ce qui concorde avec d'autres constatations selon lesquelles, au cours de la période, l'investissement en machines et équipements a évolué des biens d'équipement plus traditionnels vers les TIC (Baldwin et Gu, 2007b).

Souvent, les analyses des déterminants de la croissance économique portent exclusivement sur les investissements corporels. Selon des études récentes de l'économie du savoir, les dépenses ayant trait au nombre de travailleurs du savoir ont augmenté plus rapidement que l'emploi total (Beckstead et Vinodrai, 2003; Baldwin et Beckstead, 2003). Puisque nombre de ces travailleurs du savoir produisent des actifs incorporels, la croissance de la valeur de ces derniers imputable aux dépenses salariales devrait également être assez élevée. La question est de savoir si la croissance de ces actifs est plus importante que celle des investissements corporels (comme les machines et équipements, les bâtiments et les ouvrages de génie). Dans l'affirmative, l'omission des actifs incorporels dans le calcul de l'investissement total sous-estimera le taux de croissance de l'investissement global.

Les investissements corporels, dans les machines et équipements et les bâtiments et ouvrages de génie, ont été dépassés par les investissements incorporels. L'investissement en machines et équipements a augmenté au taux moyen de 5,2 %, tandis que celui dans les bâtiments et les ouvrages de génie ne s'est accru qu'au taux annuel moyen de 2,9 % au cours de la période (graphique 6). Par conséquent, alors que les dépenses consacrées aux trois types de capital étaient à peu près égales au début des années 1980, à la fin des années 1990 et au début des années 2000, les investissements incorporels considérés ici étaient environ deux fois plus élevés que les investissements dans les machines et équipements, et quatre fois plus élevés que les investissements dans les bâtiments et ouvrages de génie. De surcroît, les investissements incorporels sont moins cycliques que les investissements corporels. Durant la récession du début des années 1990, le retrait des investissements corporels a été, relativement parlant, plus important que celui des investissements incorporels. À la fin de la décennie, l'écart entre les niveaux absolus d'investissements incorporels et corporels s'était accru considérablement comparativement aux années 1980.

Dans leur étude du système canadien d'innovation, Baldwin et Hanel (2003) ont souligné que les entrées du processus d'innovation variaient selon l'industrie, certaines entrées s'appuyant davantage sur les scientifiques affectés à la R-D et d'autres, davantage sur d'autres types de professionnels, tels que les ingénieurs. Parallèlement aux différences de profils d'innovation, le type de connaissances incorporelles essentielles à l'innovation varie également selon l'industrie.

Si l'on considère l'ensemble du secteur des entreprises, la part de la R-D est plus faible que celles des autres services scientifiques pour compte propre et des services scientifiques achetés. Cela reste vrai au niveau de l'industrie, même dans les industries qui exécutent la plupart de la R-D. Les autres services scientifiques pour compte propre sont les plus importants dans les secteurs de l'agriculture et de la foresterie, des services publics, de la fabrication, du commerce de gros, de l'information et de la culture, du transport, des finances, et du soutien administratif.

Le secteur des services professionnels, scientifiques et techniques est celui dans lequel la R-D est la catégorie la plus importante, quoique même ici les autres services scientifiques pour compte propre occupent le second rang. La R-D est également relativement importante dans les secteurs de la fabrication et du commerce de gros.

Bien que toutes les industries fassent des investissements incorporels, l'examen de la part de chacune d'elles dans les dépenses incorporelles de l'ensemble du secteur des entreprises montre que ces investissements incorporels ont tendance à être concentrés dans un petit nombre d'industries. La plus grande part des dépenses totales de R-D revient au secteur de la fabrication (39,2 %), suivi par le secteur des services professionnels, scientifiques et techniques (26,7 %), puis par celui de la finance, des assurances, des services immobiliers et des services de location et de location à bail (FAIL) (8,9 %). Combinées, ces trois industries représentent 74,8 % du total des dépenses en R-D. Des concentrations comparables sont observées pour les autres catégories d'investissements incorporels. Les trois premières industries représentent 60,1 % de l'investissement en publicité, 84,5 % de l'investissement dans les achats de services scientifiques et de génie, 53,7 % de l'investissement en logiciels et 68,1 % de l'investissement dans les autres services scientifiques pour compte propre.

Malgré la concentration des dépenses incorporelles dans des secteurs particuliers, les activités d'innovation sous-tendues par ces dépenses sont réparties dans tout le secteur des entreprises. Les actifs incorporels occupent une place importante dans les secteurs des biens ainsi que des services. Une part plus grande des investissements en publicité et en logiciels est imputable aux industries du secteur des services, tandis qu'une part plus importante des dépenses en achats de services scientifiques et de génie et en prospection minière et pétrolière a lieu dans le secteur des biens. Les secteurs des biens et des services sont à l'origine d'à peu près la même part des investissements en R-D et en autres services scientifiques pour compte propre.

Le domaine où la croissance des dépenses incorporelles est la plus rapide est celui des logiciels. En ce qui concerne l'ensemble du secteur des entreprises, la part des logiciels est celle qui a augmenté le plus rapidement, ce qui a accru leur part du total des dépenses en services scientifiques. Il en est également ainsi dans la plupart des industries. Le taux de croissance des dépenses en logiciels est aussi élevé, voire plus élevé, que celui de la plupart des autres catégories (services publics; construction; fabrication; transport et entreposage; services professionnels, scientifiques et techniques; arts et spectacles; hébergement et services de restauration; et autres services). Puisque les dépenses en logiciels ont appuyé l'adoption des TIC, le fait que leur croissance ait été rapide témoigne de l'effet généralisé de la révolution des TIC.

Au niveau agrégé, les dépenses en actifs corporels, tels que les machines et équipements, sont plus cycliques que les dépenses en actifs incorporels. Les investissements incorporels ont augmenté de manière plus ou moins monotone tout au long de la période, tandis que les investissements corporels ont reculé durant la récession du début des années 1990. Les entrées dont les coûts d'ajustement sont plus élevés sont moins cycliques. Les entreprises ont tendance à accumuler la main-d'oeuvre spécialisée durant les périodes de repli, parce que le recrutement et la formation de ce type de travailleurs sont coûteux, en raison des connaissances non codifiables qui sont intégrées dans une entreprise et doivent être communiquées aux travailleurs spécialisés afin que l'entreprise puissent exploiter pleinement ses capacités. Les investissements incorporels présentent également certaines de ces propriétés, peut-être parce qu'ils sont complémentaires des travailleurs spécialisés.

6   Capital humain

Le capital physique a son pendant du côté de la main-d'oeuvre, car d'importants investissements sont faits dans la formation et le perfectionnement de cette dernière. En outre, le programme des CCP reconnaît l'importance du perfectionnement des compétences en corrigeant ses estimations du facteur travail des différences de productivité du travail selon la catégorie de travailleurs (voir Baldwin et Harchaoui [2006]; Gu et coll. [2003]). Le programme des CPP construit une mesure du facteur travail et de la composition de la main-d'oeuvre axée sur les différences de niveaux d'études et d'expérience de la main-d'oeuvre canadienne. Le facteur travail est désagrégé selon l'âge, le niveau d'études et la catégorie de travailleurs (travailleurs rémunérés et travailleurs autonomes). Ces mesures reflètent l'accroissement des flux de services du travail qui résultent des investissements en capital humain. Au cours des 45 dernières années, l'accroissement de la « qualité » de la main-d'oeuvre, mesurée par les changements de composition de cette dernière, a été à l'origine du quart de la croissance de la productivité du travail au Canada (Baldwin et Gu, 2007b).

Étant donné l'importance du capital humain dans la croissance de la productivité et du développement durable, les pays membres de l'OCDE ont manifesté un intérêt renouvelé pour la mesure du stock de capital humain (Wei [2004] pour l'Australie; Le, Gibson et Oxley [2002] pour la Nouvelle-Zélande; O'Mahony et Stevens [2004] pour le Royaume-Uni; Kokkinen [2008] pour la Finlande).

L'intérêt pour la quantité de capital investi dans les travailleurs découle aussi de faits mentionnés récemment dans la littérature sur le développement durable, où certains auteurs suggèrent d'adopter une approche axée sur le capital pour fournir des mesures statistiques de la durabilité. Certains voient dans cette approche un moyen de fournir des mesures objectives du degré dans lequel une économie maintient et préserve ses diverses formes d'actifs au bénéfice de futures générations. Ces actifs comprennent le capital physique, les ressources naturelles, le capital humain et le capital social.

Le fait de disposer d'un ensemble intégré de comptes de productivité nous permet de construire une estimation du stock de capital humain pour le Canada. Dans les CCP, les données sur le facteur travail englobent les données sur les heures travaillées, l'emploi et la rémunération du travail pour des groupes de travailleurs résultant de la classification croisée selon l'âge, le niveau d'études et la catégorie de travailleurs (travailleurs rémunérés et travailleurs autonomes). Les données sur la main-d'oeuvre, qui constituent les données de base pour cet exercice, sont combinées aux données sur les effectifs des écoles et aux chiffres de population selon divers groupes de la population canadienne pour construire les mesures du stock de capital humain.

6.1  Méthodologie

Pour cet exercice, nous suivons la méthode élaborée par Jorgenson et Fraumeni (1989, 1992a et 1992b), qui estiment la valeur du stock de capital humain comme étant le revenu futur attendu au cours de la vie de tous les individus. Suivant cette approche, une personne représente un capital et un « prix » est attribué au revenu du travail de cette personne au cours de la vie 14  .

La méthode appliquée pour mesurer le capital humain est assez différente de celle utilisée pour mesurer le capital physique, mais toutes deux ont pour fondement des principes économiques simples. Dans le cas du capital physique, la valeur de l'actif est observée directement en se basant sur des opérations marchandes ayant trait aux immobilisations, et le coût des services du capital issus de l'actif est calculé en se servant de l'équation du coût d'usage du capital. Si les marchés fonctionnent bien, la valeur actualisée nette du futur flux de revenus doit être égale au coût de la production des immobilisations, et l'utilisation de ce dernier fournit une estimation des revenus futurs actualisés. En revanche, pour le capital humain, il n'existe pas de prix observable des actifs. Néanmoins, il est possible d'observer le flux de services (le coût des services de la main-d'oeuvre ou les salaires), et la valeur de l'actif peut être estimée comme la valeur actualisée nette de la courbe de rémunération au cours de la vie (ou revenu du travail au cours de la vie).

Afin d'obtenir une estimation du stock de capital humain au Canada, nous estimons le revenu marchand du travail au cours de la vie pour l'ensemble des individus de 15 à 74 ans en nous servant de données transversales. Nous supposons que les revenus des individus attendus au cours de futures périodes sont égaux aux revenus des individus de même sexe et niveau d'études, les revenus futurs étant corrigés pour tenir compte des augmentations du revenu réel. Les revenus au cours de la vie peuvent être calculés par une récursion arrière, en partant de l'âge de 74 ans, que l'on suppose être l'âge le plus avancé avant la retraite. Le revenu attendu d'une personne d'un âge donné est égal à la somme de son revenu du travail courant et de son revenu attendu au cours de la vie pour la période suivante, multiplié par une probabilité de survie. Par exemple, la valeur actualisée du revenu au cours de la vie des personnes de 74 ans est égale à leur revenu du travail courant. Le revenu au cours de la vie d'une personne de 73 ans est égal à son revenu du travail courant plus la valeur actualisée du revenu au cours de la vie d'une personne de 74 ans, corrigé pour tenir compte des augmentations supposées du revenu réel.

La valeur nominale du stock de capital humain est égale à la somme des revenus du travail au cours de la vie de tous les individus faisant partie de la population en âge de travailler. L'indice en volume du stock de capital humain est établi au moyen de données sur le nombre d'individus faisant partie de la population ainsi que sur le revenu moyen au cours de la vie par personne de ces individus, ventilé selon le sexe, l'âge et le niveau d'études.

Cette approche permet d'examiner l'effet des variations démographiques, du vieillissement et de la hausse des niveaux d'études sur le capital humain par personne. Des variations du stock de capital humain par habitant ont lieu quand la composition de la population évolue, à cause de changements de l'âge ou du niveau d'études moyen de la population qui entraînent des variations des revenus au cours de la vie.

Formellement, nous calculons le stock de capital humain par personne (CK) comme étant le capital humain agrégé par personne : 

CK = K / L

L est le nombre d'individus dans la population et K est le capital humain.

Afin d'examiner séparément la contribution des caractéristiques de la population, telles que le sexe, l'âge et le niveau d'études, à la variation du stock de capital humain par personne, nous construisons les indices partiels de stock agrégé de capital humain correspondant à ces caractéristiques. Par exemple, nous définissons un indice partiel du volume agrégé de capital humain correspondant au sexe, de la façon suivante : 

K désigne les indices en volume du stock de capital humain agrégé, Ls,e,a est le nombre d'individus de sexe s, d'âge a et de niveau d'études e, et Image représente une différence première, ou variation, entre deux périodes consécutives, et où Image est la part moyenne sur deux périodes de capital humain des hommes ou des femmes dans la valeur nominale du stock de capital humain : 

Image

L'indice de volume partiel correspondant au sexe reflète le changement de répartition de la population entre les deux sexes seulement. De même, les indices de volume partiels pour le niveau d'études et l'âge mesurent le changement entre les groupes d'âge ou entre les niveaux d'études, respectivement.

La différence entre la croissance de l'indice partiel du capital humain agrégé pour une caractéristique (sexe, âge ou niveau d'études) et la croissance du nombre d'individus dans la population mesure la contribution de la caractéristique au changement de composition du capital humain. La somme des contributions de chaque caractéristique au changement de composition du capital humain différera du changement de composition, car la somme des contributions individuelles des caractéristiques représente l'approximation de premier ordre de l'indice du changement de composition.

Comme celle du stock de capital physique, la variation du stock de capital humain peut être ventilée en trois composantes, à savoir l'investissement en capital humain, la dépréciation de ce capital et sa réévaluation (Jorgenson et Fraumeni, 1989). La première composante, c'est-à-dire les investissements en capital humain, comprend l'éducation des enfants, la scolarité officielle, la formation professionnelle et sur le tas, la santé et la migration. Pour l'estimer, nous totalisons les variations des revenus au cours de la vie dues aux études, les revenus au cours de la vie de tous les individus qui ont atteint l'âge de travailler et l'effet de l'immigration sur le capital humain.

La deuxième composante de la variation du capital humain est la dépréciation de ce dernier, c'est-à-dire la variation du stock de capital humain due au vieillissement, aux décès et à l'émigration. Nous la calculons en additionnant les variations du revenu du travail au cours de la vie en fonction de l'âge pour tous les individus qui font encore partie de la population en âge de travailler et du revenu du travail au cours de la vie de tous les individus qui meurent ou qui émigrent.

La troisième composante de la variation du stock de capital humain est la réévaluation du capital humain, qui représente la variation du capital humain au cours du temps pour les individus possédant un ensemble donné de caractéristiques démographiques, c'est-à-dire le sexe, le niveau d'études et l'âge. Pour la calculer, nous faisons la somme des variations du revenu du travail au cours de la vie d'une période à l'autre pour les individus possédant un ensemble donné de caractéristiques démographiques. Un exemple de ce genre de variation est donné par Picot et Heisz (2000) qui décrivent une baisse des taux d'activité et une croissance lente des gains des travailleurs au Canada au début des années 1990, particulièrement parmi la cohorte de jeunes hommes. Cela donne lieu à une réévaluation faible ou négative du capital humain durant cette période, particulièrement pour cette cohorte.

6.2  Résultats

Les taux de croissance annuels du stock agrégé de capital humain pour le Canada sont présentés dans le tableau 5.

Au cours de la période de 1970 à 2007, le capital humain agrégé a augmenté à un taux annuel de 1,7 % au Canada. La plus grande part de la croissance affichée par le capital humain a été attribuable à l'augmentation du nombre d'individus dans la population active âgés de 15 à 74 ans. De la croissance de 1,7 % enregistrée par le capital humain, 1,5 point de pourcentage est attribuable à la croissance de la population en âge de travailler, tandis que le 0,2 point de pourcentage restant est attribuable à l'effet du changement de la composition ou à la croissance du capital humain par habitant.

La croissance du capital humain agrégé était plus élevée dans les années 1970, période qui a coïncidé avec l'entrée des baby-boomers dans la population en âge de travailler et avec des niveaux de scolarité plus élevés chez les Canadiens. L'augmentation du capital humain agrégé a été plus faible après 1980, à cause du ralentissement de la croissance de la population en âge de travailler et en raison du fait que cette population est vieillissante. Le vieillissement de la population en âge de travailler a un effet négatif sur la croissance du capital humain par habitant parce qu'il produit un glissement vers les personnes âgées qui ont des revenus à vie entière moins élevés étant donné qu'ils ont moins d'années de travail devant eux.

La contribution relative de l'âge, du sexe et de l'éducation à l'évolution du stock de capital par habitant est présentée dans la moitié inférieure du tableau 5. Le fait d'augmenter le niveau de scolarité de la population canadienne apporte une contribution positive à la croissance du capital humain agrégé. Cela a ajouté 0,9 % à la croissance annuelle en stock de capital humain au cours de la période de 1970 à 2007.

Le vieillissement de la population canadienne après le début des années 1980 a apporté une contribution négative à la croissance du stock de capital humain : il a fait diminuer la croissance annuelle du capital humain de 0,5 % au cours de la période de 1980 à 2000 et de 0,6 % au cours de la période de 2000 à 2007 15  .

Il y a eu peu de changements dans le capital humain par habitant au Canada après 1980. Il s'agit là du résultat net de la hausse des niveaux de scolarité, qui a fait augmenter le capital humain par habitant, et du vieillissement de la population, qui a réduit le capital humain par habitant.

La part des femmes dans la population en âge de travailler a été pratiquement constante au fil du temps. En conséquence, le sexe a peu d'effet sur la croissance de la composition du stock de capital humain, en dépit de fortes augmentations du taux d'activité des femmes et des augmentations du revenu du travail à vie actualisé des femmes.

Comme il a été déjà décrit, le changement du stock de capital humain agrégé se décompose en investissement en capital humain, en dépréciation et en réévaluation. L'investissement en capital humain au cours d'une période est la somme et le résultat des variations des revenus à vie résultant de la scolarité, des revenus à vie pour les individus qui ont atteint l'âge de travailler, et de l'effet de l'immigration sur le capital humain. La dépréciation du capital humain est la somme des changements dans le revenu à vie du travail qui sont le résultat du vieillissement de toutes les personnes qui demeurent dans la population en âge de travailler et des revenus à vie du travail de tous les individus qui meurent ou émigrent. La réévaluation du capital humain est la somme des changements du revenu à vie du travail d'une période à une autre pour des personnes présentant un ensemble donné de statistiques démographiques — sexe, scolarité et âge.

Le tableau 6 présente un compte d'accumulation de capital humain en dollars courants. Le changement dans le capital humain est égal à la somme de l'investissement brut, nette de la dépréciation, plus la réévaluation. Tant la réévaluation que la variation du stock de capital humain montrent des grandes fluctuations dans le temps, qui est due aux variations du taux de changement dans le revenu moyen à vie. Le changement de la valeur du capital humain reflète principalement la réévaluation du stock de capital humain. L'investissement brut en capital humain a apporté une contribution plus faible au changement dans le capital humain que la réévaluation du capital humain. Le terme de la réévaluation et la variation du stock de capital humain étaient relativement faibles au début des années 1990, en raison de la baisse des taux de participation et de la faible croissance des gains des travailleurs durant la période.

La valeur nominale des variations du stock de capital humain, l'investissement en capital humain, la dépréciation et la réévaluation peuvent être répartis dans les composantes de prix et de volume. Le tableau 7 présente l'investissement brut, la dépréciation et la réévaluation en dollars constants de 2002. L'investissement brut en capital humain en prix constants a augmenté de 0,4 % par an au cours de la période allant de 1971 à 2007. Pendant cette période, les investissements nets dans le capital humain ont baissé au taux de 3,1 % par an alors que la croissance de la dépréciation du capital humain a dépassé la croissance de l'investissement brut en capital humain au cours de la période.

L'investissement en capital humain a augmenté plus lentement que l'investissement en capital non humain. Au cours de la période de 1971 à 2007, la croissance de l'investissement en capital physique produit a été de 3,9 % par an.

Le graphique 7 présente le ratio de l'investissement en capital humain au produit intérieur brut (PIB) en valeur nominale au Canada. Pour comparer les investissements en capital humain avec des investissements en capital non humain, le ratio de l'investissement au PIB pour le capital physique est également indiqué 16  . Le ratio de l'investissement en capital humain au PIB a diminué de 1971 jusqu'au milieu des années 1990, et a changé peu après le milieu des années 1990. La baisse du ratio de l'investissement au PIB a été plus rapide pendant les années 1970, la cause de cette baisse ayant été la croissance rapide du PIB au cours de la période. Le ratio de l'investissement en capital humain au PIB était de 1,26 en 1971, et il était de 0,44 en 2007 17 .

Tandis que le ratio de l'investissement en capital humain au PIB a diminué au fil du temps, le ratio de l'investissement en capital physique au PIB est resté pratiquement inchangé. L'investissement en capital physique en tant que part du PIB était d'environ 20 % au cours de la période.

En termes absolus, les investissements en capital humain dépassent les investissements en capital physique (ou non humain). En 2007, l'investissement en capital humain était environ le double de l'investissement en capital physique dans l'économie canadienne. L'ampleur de l'investissement en capital humain par rapport à l'investissement en capital non humain était encore plus importante en 1971. Cette année-là, l'investissement en capital humain était d'environ 5,7 fois l'investissement en capital non humain.

Les parts du patrimoine humain, du capital produit et du patrimoine naturel sont présentées dans le graphique 8. La plus importante composante du patrimoine total du Canada est le patrimoine humain, qui est suivi du capital produit et du capital naturel. Le patrimoine humain a représenté 70 % du patrimoine total en 2007, tandis que le capital produit et le capital naturel ont représenté 17 % et 13 % du patrimoine total, respectivement, en cette même année.

Au cours des 40 dernières années, la part du capital humain dans le patrimoine total a légèrement baissé tandis que les parts du capital produit et du capital naturel ont augmenté. La part du capital humain est passée de 78 % en 1975 à 70 % en 2007, tandis que la part du capital produit a augmenté pour passer de 15 % à 17 % et la part du capital naturel a augmenté pour passer de 8 % à 13 %.

La valeur du capital humain est supérieure à la valeur du capital produit, mais le ratio de capital humain par rapport au capital produit a diminué au cours du temps. En 2007, la valeur du capital humain était environ quatre fois supérieure à celle du capital produit. En 1970, le ratio du capital humain au capital produit était de 5,7.

Pour la période allant de 1970 à 2007, la croissance du capital humain en prix constants a été plus lente que la croissance des actifs produits; le capital humain en prix constants a augmenté de 1,7 % par an, alors que le capital produit en prix constants a augmenté au taux de 2,8 % par an.

7   Conclusion

Les CCP comprennent un ensemble de données intégrées qui permettent d'élaborer de nouveaux produits statistiques. Les débats en cours quant à la nature du processus de croissance et des facteurs qui sous-tendent la croissance de la productivité ne cessent de susciter des demandes de nouveaux renseignements sur le genre de facteurs de production qui contribuent à la croissance de long terme de la productivité.

À Statistique Canada, le programme d'analyse a contribué à la mise au point de produits dans ce domaine. Les CCP s'appuient sur un ensemble de données intégrées ayant pour origine les TES, auxquelles sont ajoutées des estimations cohérentes des entrées primaires, c'est-à-dire le travail et le capital, tirées d'autres sources de données de Statistique Canada, dont le Recensement de la population, l'Enquête sur la population active et des enquêtes spéciales.

Le présent document décrit comment les CCP peuvent être utilisés pour construire diverses estimations de la productivité d'une façon permettant de vérifier la cohérence des comptes utilisés pour produire ces estimations, ainsi que la robustesse des estimations reliées à diverses hypothèses utilisées pour élaborer les estimations analytiques de la croissance de la productivité. Par exemple, nous discutons de la mesure dans laquelle l'utilisation de taux de rendement exogènes, par opposition à endogènes, produit des estimations différentes de la productivité et examinons parallèlement la question de savoir si les différences entre les résultats nous aident à comprendre la nature du système économique. Les résultats montrent qu'au Canada, les taux de rendement endogènes que produisent les comptes intégrés sont assez semblables aux taux exogènes, mais que les taux de croissance de la productivité calculés selon les deux approches diffèrent, parce que les premiers tiennent compte d'un déterminant important de la croissance que les seconds ignorent. L'approche exogène ne tient pas compte du processus de réaffectation des ressources des utilisations peu productives à des utilisations plus productives au cours du temps.

Nous démontrons non seulement comment ces comptes peuvent être élargis afin de résoudre des questions courantes concernant la mesure de la productivité, mais aussi comment ils peuvent être utilisés pour étendre les produits analytiques à de nouveaux domaines.

Dans le premier cas, les estimations classiques de la productivité du secteur des entreprises ne tenant compte que de la contribution du travail et du capital au PIB de ce secteur sont étendues afin de prendre également en considération la contribution de l'infrastructure publique, qui comprend principalement les réseaux routiers. L'analyse indique que près de la moitié de la croissance de la PMF observée de 1961 à 2005 était imputable à cette dernière source.

Le deuxième exemple démontre comment un ensemble intégré de comptes peut être utilisé pour étendre les limites du programme de la productivité dans un domaine différent. La mesure la plus courante du capital du secteur des entreprises n'englobe que les machines et les équipements, les bâtiments et les ouvrages de génie, c'est-à-dire ce que l'on nomme habituellement le capital corporel. D'autres dépenses engagées par les entreprises produisent aussi des actifs qui profitent à l'entreprise pendant plus d'une année et qui, par conséquent, devraient être classés comme une forme d'investissement. Toutefois, ces autres formes d'investissements se sont avérées difficiles à mesurer. Le présent document de recherche s'appuie sur des données tirées des TES qui sont à l'origine même des CCP et des données sur les traitements et salaires qui sont intégrées dans les CCP afin de produire des estimations de plusieurs éléments de base des investissements incorporels. Il s'agit des dépenses en activités scientifiques liées aux innovations, en prospection des ressources naturelles et en publicité. Au cours des 30 dernières années, les dépenses engagées dans ces domaines ont surpassé les investissements corporels au Canada.

Enfin, l'article décrit un projet ayant pour objectif d'étendre les CCP à la mesure de l'investissement fait par la société dans les compétences et les personnes. Nous démontrons comment les données sur le facteur travail regroupées dans les CCP et des données connexes peuvent être utilisées pour mesurer le montant de l'investissement que fait une société dans ce qui est appelé le capital humain. De nouveau, nos travaux de recherche confirment qu'une base statistique peut être utilisée pour examiner ce concept sous divers angles, en fonction des entrées ainsi que des sorties (revenus de la vie entière), et que ces investissements produisent un stock de capital important comparativement au capital physique ou corporel.