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en-tête principal pour « L'emploi et le revenu en perspective »
sous-titre « L'édition en ligne »

Juillet 2001     Vol. 2, no. 7

Les diplômés en sciences humaines et sociales et le marché du travail

Philip Giles et Torben Drewes

La perception voulant que la technologie soit la locomotive du changement économique et les grandes annonces de pénuries de main-d'ouvre qualifiée dans le secteur des technologies de l'information ont attiré l'attention sur la capacité du secteur postsecondaire de former des diplômés dans les disciplines des technologies de pointe. Cela a soulevé un débat quant à la valeur sur le marché du travail des programmes traditionnels de sciences humaines et sociales, l'un des piliers des universités.

D'aucuns estiment que l'incapacité des universités canadiennes de fournir suffisamment de diplômés techniquement qualifiés compromet la croissance économique de demain. Ce n'est pas, soutient-on en général, que les effectifs universitaires sont trop petits, mais que les programmes sont mal équilibrés. En 1998, environ 39 % des diplômes universitaires décernés l'ont été dans les sciences sociales, alors qu'à peine 7 % l'ont été dans le génie et les sciences appliquées. Il s'est décerné deux fois plus de diplômes en sciences humaines (12 %) qu'en mathématiques et en sciences physiques (6 %).

D'autres pensent qu'on ne devrait pas juger l'enseignement postsecondaire sur sa seule capacité à préparer des étudiants au marché du travail — mais même s'il en est ainsi, les diplômés en sciences humaines et sociales possèdent l'aptitude à résoudre des problèmes, l'entregent, l'aptitude à communiquer et la faculté d'apprendre, des compétences que les employeurs jugent nécessaires dans l'économie en émergence.

Puisque les universités sont une source première de main-d'ouvre hautement qualifiée, décernant près de 150 000 diplômes par année, il est important que le profil des effectifs corresponde aux besoins du marché du travail — non seulement pour l'économie, mais également pour les diplômés. On a dépensé 12,1 milliards de dollars dans le réseau universitaire en 1997-1998, si bien que toute discordance entre les besoins du marché du travail et le profil des effectifs risquerait de se traduire par une perte significative d'efficacité. De même, une perte semblable pourrait se produire si les universités réagissaient à l'utilisation croissante par les provinces d'incitatifs de financement par programme en modifiant un agencement de programmes qui répond déjà bien aux besoins du marché du travail.

Curieusement, il existe peu de données empiriques concernant la performance relative sur le marché du travail des diplômés universitaires de différents programmes. Une étude, dans laquelle on comparait les taux de chômage et le revenu annuel des diplômés universitaires en sciences humaines et sociales à ceux de leurs homologues des disciplines plus appliquées, a permis de conclure que cette performance était à peu près semblable dans le cas de ces diplômés (Allen, 1998). Ce que corrobore une autre étude, qui révélait qu'en 1992, deux ans après l'obtention du diplôme, le taux de chômage des bacheliers en sciences humaines et sociales était le même que celui des diplômés en génie et de quatre points de pourcentage inférieur à celui des diplômés en sciences appliquées (Lavoie et Finnie, 1999). Leurs gains annuels moyens dépassaient ceux des diplômés en sciences pures et appliquées. L'examen des taux de rendement selon le domaine d'études a révélé qu'il y avait une variation considérable au sein de chacune des disciplines de même qu'entre les six disciplines observées (Appleby et autres). Il est difficile de généraliser à cause de ces variations, mais les taux médians de rendement semblent aller d'un creux chez les diplômés en arts et en sciences humaines à un sommet chez les diplômés des domaines de la santé. Les taux se rapportant aux diplômés en administration et en sciences sociales semblent être très proches de ceux relatifs aux diplômés en chimie, en sciences physiques et en sciences naturelles, mais inférieurs à ceux des diplômés en architecture et en génie.

Dans le présent article, on a utilisé l'Enquête sur la dynamique du travail et du revenu (EDTR) afin d'examiner l'expérience du marché du travail des titulaires d'un baccalauréat. Depuis le début de 1993, l'EDTR offre une mine de renseignements sur l'expérience du marché du travail qu'ont les personnes, et sa conception longitudinale est idéale pour déceler les changements au fil du temps (voir Source des données et définitions). Certains programmes de premier cycle sont à vocation professionnelle puisqu'on y enseigne des compétences correspondant étroitement aux ensembles de compétences requises dans les professions identifiables et qu'on prépare les étudiants à exercer ces professions dès l'obtention de leur diplôme. Les programmes de sciences humaines et sociales, en revanche, s'attardent davantage au développement de compétences génériques telles que l'aptitude à communiquer et le raisonnement analytique qu'à la préparation professionnelle. De telles compétences peuvent cependant favoriser une plus grande mobilité entre les secteurs du marché du travail. On pourrait donc s'attendre à ce qu'il y ait des différences de mobilité professionnelle, de croissance salariale et d'acquisition de capital humain entre les deux groupes de diplômés, en particulier chez les plus récents entrants sur le marché du travail.

On a examiné plusieurs dimensions de l'expérience du marché du travail. Les bacheliers des domaines d'études à vocation plus professionnelle bénéficiaient d'une prime sur le salaire horaire par rapport à leurs homologues en sciences humaines et sociales. Il est toutefois possible que chez les femmes du premier groupe, cette prime soit contrebalancée par des périodes de chômage plus longues et plus fréquentes. Il semble aussi que les compétences acquises par les diplômés en sciences humaines et sociales leur permettaient de passer plus facilement d'une branche d'activité ou d'une profession à l'autre.

Caractéristiques des diplômés et de leurs emplois

Près du quart des emplois occupés par les diplômés en sciences humaines et sociales l'étaient dans les services d'enseignement, ce qui représentait une concentration supérieure au double de celle observée dans le commerce, la deuxième branche d'activité en importance à ce chapitre (tableau 1). La seule grande concentration d'emplois occupés par les diplômés des programmes d'études appliquées se trouvait dans les services professionnels, scientifiques et techniques, mais elle était nettement moindre (17 % comparativement à 23 %). Dans le cas de ce groupe, trois autres branches d'activité se démarquaient : les administrations publiques, les soins de santé et l'assistance sociale, ainsi que la finance, les assurances, l'immobilier et la location note 1 .

Selon la profession, 30 % des emplois occupés par le groupe des sciences humaines et sociales faisaient partie des emplois dans les sciences sociales, l'enseignement, les administrations publiques et la religion. En fait, 19 % des diplômés en sciences humaines et sociales étaient des enseignants. L'ajout des professions liées aux affaires, à la finance et à l'administration fait en sorte que plus de 50 % des diplômés en sciences humaines et sociales ouvraient dans ces domaines. Le groupe des programmes d'études appliquées était lui aussi largement et semblablement représenté dans les professions relatives à la gestion et aux affaires, à la finance et à l'administration. La différence dans la répartition des professions entre les diplômés en sciences humaines et sociales et ceux des programmes d'études appliquées est surtout attribuable aux professions rattachées aux services d'enseignement, aux administrations publiques, aux sciences naturelles et appliquées et à la santé.

Comment les taux salariaux se comparent-ils?

Les deux groupes touchaient des salaires horaires moyens substantiels, mais les taux salariaux des diplômés des programmes d'études appliquées étaient supérieurs d'environ 6 %, à la fois chez les hommes et chez les femmes (graphique A) note 2 . Puisque l'échantillon se limitait aux personnes dont le plus haut niveau de scolarité était le baccalauréat, on ne peut attribuer l'écart salarial aux professionnels de la médecine dans le groupe des programmes d'études appliquées. Cependant, une simple comparaison des moyennes peut être trompeuse. Les salaires variaient de manière significative d'une personne à l'autre, si bien que de nombreux diplômés en sciences humaines et sociales touchaient un taux salarial supérieur à la moyenne de ceux du groupe des programmes d'études appliquées.

L'avantage salarial dont bénéficiaient les diplômés des programmes d'études appliquées diminuait avec l'âge, s'inversant même à partir de 45 ans, un régime qu'a également observé Allen (1998) dans son analyse des gains annuels. Cela cadre avec l'hypothèse selon laquelle les compétences acquises dans les programmes de sciences humaines et sociales permettent d'accumuler relativement plus de capital humain au sortir des études formelles. Il est aussi permis de croire qu'en raison du lien plus ténu entre les programmes de sciences humaines et sociales et les compétences professionnelles requises, les diplômés de ces programmes mettaient plus de temps à trouver leur chemin professionnel.

Pour donner une idée générale des écarts salariaux, on a régressé le logarithme naturel des observations de salaire horaire dont on disposait à l'aide d'un ensemble de variables nominales à 1 pour les diplômés en sciences humaines et sociales et à 0 pour les autres. On a neutralisé le sexe, le nombre d'années d'expérience à temps plein toute l'année, l'ancienneté d'emploi, l'état matrimonial et la province de résidence (tableau 2). Les coefficients résultants peuvent être interprétés comme l'effet proportionnel d'un changement d'unité dans la variable explicative. Ainsi, chaque année d'expérience faisait accroître le salaire horaire d'en moyenne 0,87 % (équation 1). Les taux salariaux du groupe des sciences humaines et sociales étaient inférieurs d'en moyenne 9,5 % à ceux du groupe des programmes d'études appliquées une fois qu'on neutralisait le sexe, l'expérience, l'ancienneté d'emploi, l'état matrimonial et la province. Pour obtenir une estimation de l'écart salarial hommes/femmes dans chaque groupe, des régressions distinctes sur les salaires ont été effectuées pour chaque groupe de diplômés au moyen d'une variable fictive (0 = hommes, 1 = femmes). L'écart salarial hommes/femmes était plus grand dans le groupe des programmes d'études appliquées, où les femmes touchaient en moyenne un taux horaire de salaire de presque 16 % inférieur à celui des hommes (équation 3), comparativement à 7,5 % dans le groupe des sciences humaines et sociales (équation 2).

Comment les expériences de chômage se comparent-elles?

Même si les taux salariaux des diplômés plus anciens en sciences humaines et sociales correspondaient ou étaient supérieurs à ceux de leurs homologues des programmes d'études appliquées, le rendement de leurs études était plus susceptible d'être moindre. Comment, alors, concilier la popularité continue des programmes de sciences humaines et sociales avec les modèles de prise de décisions économiques rationnelles? Peut-être est-il possible de répondre à cette question en invoquant le paradigme du choix de portefeuille de l'investissement financier, qui implique qu'on acceptera volontiers d'obtenir un rendement prévu moindre de son capital investi contre une réduction du risque. Si les compétences génériques acquises dans les programmes de sciences humaines et sociales sont plus polyvalentes sur le marché du travail, elles peuvent permettre une plus grande mobilité entre employeurs et entre professions ou branches d'activité, réduisant le risque de chômage. Selon sa tolérance au risque, une personne pourrait très volontiers opter pour un rendement moindre afin d'éviter le risque d'investir dans des compétences professionnelles particulières qui pourraient être dépassées à la suite de futures perturbations commerciales ou technologiques.

Pour étudier la question, les expériences de chômage des deux groupes ont été comparées. Cela permet également d'aborder plus directement le débat de l'« employabilité » concernant la pertinence d'étudier en sciences humaines et sociales.

L'EDTR permet d'examiner le chômage sous différents angles, y compris celui du nombre total de semaines de chômage durant la période de l'enquête. Au cours des 260 semaines allant de janvier 1993 à décembre 1997, les diplômés en sciences humaines et sociales ont chômé en moyenne un peu plus d'une semaine de plus que les diplômés des programmes d'études appliquées (graphique B). Cette différence était presque entièrement attribuable au chômage plus élevé chez les hommes diplômés en sciences humaines et sociales.

La différence ayant trait au chômage était particulièrement frappante chez les jeunes travailleurs (graphique C). Les diplômés en sciences humaines et sociales semblaient vivre une transition plus difficile au marché du travail que leurs homologues des programmes d'études appliquées. Puisqu'il n'y a généralement aucun rapport direct entre les programmes de sciences humaines et sociales et une profession bien précise, les diplômés passent peut-être plus de temps à essayer divers emplois — subissant dans l'intervalle les épisodes de chômage qui en découlent. Mais lorsqu'ils étaient établis sur le marché du travail, leurs expériences de chômage se comparaient favorablement. En fait, après 45 ans, les diplômés en sciences humaines et sociales chômaient en moyenne durant moins de semaines que ceux des programmes d'études appliquées, un régime qui donne davantage de poids à l'idée que les programmes de sciences humaines et sociales procurent des avantages à long terme sur le marché du travail.

Les semaines de chômage étaient-elles le produit de brefs épisodes répétitifs de chômage ou de longs épisodes peu fréquents note 3 ? On a enregistré le même nombre d'épisodes de chômage par personne chez les femmes, mais un nombre beaucoup plus grand chez les hommes en sciences humaines et sociales que chez ceux des programmes d'études appliquées (tableau 3). La différence entre les pourcentages d'hommes touchés par le chômage n'était pas aussi spectaculaire, indiquant une fréquence plus élevée d'épisodes multiples de chômage chez les hommes en sciences humaines et sociales. Un épisode de chômage durait en moyenne presque une semaine de plus chez les hommes du groupe des sciences humaines et sociales. En tenant compte d'une fréquence plus élevée de ces épisodes, cela concordait avec leur plus grand nombre de semaines de chômage (7,2 semaines par rapport à 5,5 semaines).

Mais la situation était bien différente chez les femmes. En effet, les épisodes de chômage des diplômées des programmes d'études appliquées étaient nettement plus longs que ceux des diplômées en sciences humaines et sociales ou que ceux des hommes des programmes d'études appliquées. Les épisodes de chômage des diplômées en sciences humaines et sociales duraient, en revanche, moins longtemps que ceux des hommes du même groupe. Les taux de chômage supérieurs chez les femmes en sciences humaines et sociales comparativement à ceux de leurs homologues masculins s'expliquaient par une fréquence plus élevée du chômage, tandis que le même phénomène chez les femmes et les hommes des programmes d'études appliquées était à la fois attribuable à une fréquence et à une durée supérieures.

La capacité relative des diplômés en sciences humaines et sociales d'éviter le chômage ou de trouver du travail après avoir connu une période de chômage lance un message relativement partagé. Les femmes des deux groupes tombaient en chômage au même rythme, mais les diplômées en sciences humaines et sociales en sortaient nettement plus vite. Les hommes diplômés en sciences humaines et sociales chômaient plus souvent et mettaient plus de temps à se trouver un emploi que ceux du groupe des programmes d'études appliquées, quoiqu'il y eût moins d'une semaine de différence entre la durée moyenne des périodes de recherche (16,3 par rapport à 15,4).

La mobilité professionnelle diffère

Si les diplômés en sciences humaines et sociales acquièrent un capital humain plus général, cela devrait leur permettre de se déplacer plus facilement d'un secteur d'emploi à l'autre. Cela devrait également, compte tenu de la plus grande transférabilité de leurs compétences, les disposer davantage à changer de secteurs puisque leurs pertes salariales (le cas échéant) seraient moindres. On peut attribuer aux taux élevés de mobilité une valeur négative (instabilité d'emploi) ou positive (possibilité de bouger). Les mouvements professionnels volontaires comportant un changement de profession témoignent de transitions plus susceptibles de mettre à l'épreuve la transférabilité des compétences, car un changement de branche d'activité ne modifie pas nécessairement le type de travail. (Les transitions désignent tout passage d'un emploi principal à un autre, avec ou sans épisode de chômage dans l'intervalle. On n'enregistre qu'une seule transition si une personne réintègre un emploi à la suite d'une période de travail liée à un autre emploi.)

Le nombre moyen de transitions d'un emploi à un autre durant la période quinquennale était comparable, les diplômés en sciences humaines et sociales affichant toutefois des taux de transition globaux légèrement supérieurs pour les deux sexes (tableau 4). Le taux plus élevé observé chez les jeunes hommes du groupe des sciences humaines et sociales montre que ceux-ci ont eu plus de difficulté à faire la transition au marché du travail, peut-être faute d'un lien clair et direct entre leur programme d'études et leur vocation éventuelle. La probabilité de transition des diplômés en sciences humaines et sociales d'âge moyen (25 à 34 ans) était énormément plus basse et inférieure à celle des diplômés des programmes d'études appliquées. Toutefois, on observait l'inverse chez les groupes les plus âgés.

La proportion plus élevée de cessations d'emploi chez les femmes des deux groupes — et ce, en raison des soins aux enfants et d'autres obligations familiales — correspond aux attentes. Chez les femmes, en outre, les cessations d'emploi étaient moins susceptibles d'être des départs liés à l'emploi, une catégorie qui comprend les départs à l'initiative de l'employé (bien qu'ils puissent ne pas toujours être entièrement volontaires, impliquant de ce fait des facteurs tels que le harcèlement sexuel, les mauvaises conditions de travail ou les horaires de travail indésirables). Les transitions d'un emploi à un autre chez les hommes en sciences humaines et sociales étaient moins susceptibles d'être liées à l'emploi et plus susceptibles d'être involontaires que chez les hommes du groupe des programmes d'études appliquées. Les femmes en sciences humaines et sociales étaient également plus susceptibles de quitter involontairement, mais, au contraire de leurs homologues masculins, la proportion se rapportant aux changements d'emploi pour des motifs liés à l'emploi était aussi plus élevée. On peut difficilement tirer des conclusions certaines quant à la capacité relative des personnes des deux groupes de choisir de passer d'un emploi à un autre en raison de la proportion élevée de transitions sans motif déclaré.

On mesure avec plus de précision la proportion des changements d'emploi ayant lieu d'un secteur d'activité ou d'un secteur professionnel à l'autre. On a ainsi observé que les diplômés en sciences humaines et sociales des deux sexes changeaient nettement plus souvent de secteurs. Cela témoigne peut-être de leur plus grande capacité de transporter leur capital humain d'un secteur à l'autre. Les taux de changement semblent extraordinairement élevés, mais ces pourcentages ne s'appliquent qu'aux transitions d'un emploi à un autre et non pas à tout l'échantillon des personnes. En fait, la majorité des diplômés des deux groupes est demeurée au sein de la même branche d'activité et de la même profession au cours de la période quinquennale à l'étude.

Conclusion

Les diplômés des programmes universitaires de sciences humaines et sociales acquièrent des compétences différentes de celles obtenues au sein de programmes à vocation plus professionnelle — en font foi les différentes branches d'activité et professions dans lesquelles ils trouvent un emploi. En outre, les taux salariaux des diplômés en sciences humaines et sociales sont collectivement moindres. De plus, les hommes diplômés de ces programmes chôment davantage.

Ces comparaisons globales dissimulent cependant d'importantes dimensions à long terme de l'expérience du marché du travail qui sont peut-être attribuables à la nature des ensembles de compétences qu'ont obtenus ces diplômés. Le désavantage salarial, par exemple, provenait d'écarts salariaux très significatifs chez les jeunes travailleurs des deux sexes. A 45 ans, les taux salariaux des diplômés en sciences humaines et sociales dépassaient ceux de leurs homologues des programmes d'études appliquées. Dans le même ordre d'idées, le chômage relatif plus élevé résultait de différences radicales chez les jeunes diplômés, les travailleurs plus âgés en sciences humaines et sociales chômant moins de semaines.

Il appert que les diplômés des programmes de sciences humaines et sociales avaient beaucoup plus de difficulté à faire le passage de l'école au travail, comme on pouvait s'y attendre en raison du manque de lien clair entre leur programme d'études et leur profession. Mais une fois cette transition achevée, le caractère générique des compétences qu'ils ont acquises semblait leur être très utile — parce que ces compétences leur durent plus longtemps et qu'elles sont complémentaires à l'apprentissage continu et à vie face aux changements du marché du travail. Les plus courts épisodes de chômage des femmes en sciences humaines et sociales et la plus grande mobilité professionnelle et industrielle des diplômés des deux sexes faisant partie de ce groupe renforcent l'hypothèse selon laquelle leurs compétences s'exportaient mieux, leur offrant ainsi de plus grandes possibilités de réemploi.

Quel est le juste équilibre entre l'acquisition de compétences générales et l'acquisition de compétences techniques ou professionnelles? Si les niveaux de revenu ou les taux de chômage calculés à partir des données transversales peuvent éclairer quelque peu, on aura besoin, pour mieux comprendre le rendement sur le marché du travail de ces différents ensembles de compétences, d'observations sur la dynamique des carrières individuelles comme celles fournies par l'EDTR. Bien que les données soient extrêmement complexes et que la présente analyse ne mène qu'à des conclusions provisoires, les premiers résultats permettent de fonder beaucoup d'espoir dans d'éventuelles approches mieux structurées.

 

Source des données et définitions

L'Enquête sur la dynamique du travail et du revenu est une enquête-ménage longitudinale qui a commencé en janvier 1993. Tous les trois ans, environ 15 000 nouveaux ménages font partie de cette enquête. Au cours d'une période s'échelonnant sur six ans, chaque ménage remplit annuellement deux questionnaires détaillés, c'est-à-dire un sur l'activité sur le marché du travail et l'autre sur le revenu. Les données du présent article visent la période quinquennale de 1993 à 1997.

On a limité l'étude aux bacheliers qui avaient reçu leur diplôme au 1er janvier 1993. Parmi les 1 446 personnes, 59 % avaient étudié en sciences humaines et sociales, alors que les autres étaient diplômées de programmes plus axés sur les études appliquées. Les deux groupes se ressemblent sur certaines variables importantes du marché du travail, y compris l'âge et le nombre d'années d'expérience de travail (mesuré en équivalents à temps plein toute l'année). Mais leurs proportions d'hommes et de femmes, dont il faut tenir compte pour comparer l'un et l'autre groupe sur le marché du travail, diffèrent grandement.

Des renseignements ont été recueillis sur tous les emplois occupés durant ces années, jusqu'à concurrence de trois emplois en 1993 et de six emplois pendant chaque année subséquente. En cas d'emplois chevauchants, on déterminait l'emploi principal à partir du nombre d'heures travaillées. Pour se concentrer sur les transitions d'un emploi à un autre, l'analyse a été restreinte aux emplois principaux pour chacun des 60 mois. Cela a donné 1 174 emplois pour le groupe des sciences humaines et sociales et 856 emplois pour celui des programmes d'études appliquées.

Le domaine d'études pour un diplôme de premier cycle se fonde sur la classification type de Statistique Canada. Les sciences humaines et sociales comprennent les études dans les domaines suivants : enseignement, loisirs et services de counselling; beaux-arts et arts appliqués; lettres, sciences humaines et disciplines connexes; et sciences sociales et disciplines connexes. Le groupe des programmes d'études appliquées désigne les domaines suivants : commerce, gestion et administration des affaires; sciences et techniques agricoles et biologiques; génie et sciences appliquées; techniques et métiers du génie et des sciences appliquées; professions, sciences et technologies de la santé; et mathématiques et sciences physiques.

Motifs de cessation d'emploi

Personnels : maladie ou incapacité du répondant (liée ou non au travail), prendre soin de ses enfants ou de parents plus âgés, autres obligations personnelles ou familiales, école, retraite.

Liés à l'emploi : a trouvé un nouvel emploi, faible rémunération, pas assez ou trop d'heures, mauvaises conditions matérielles, harcèlement sexuel, conflit personnel, travail trop stressant, se concentrer sur un autre emploi.

Involontaires : entreprise a déménagé ou fermé ses portes, emploi saisonnier, mise à pied ou ralentissement non saisonnier des affaires, conflit de travail, congédiement par l'employeur, fin d'un emploi temporaire ou d'un contrat.

Autres : autre, ne sait pas.

Notes

  1. Ces concentrations relatives sont sensibles à la classification utilisée pour distinguer le groupe des sciences humaines et sociales. Par exemple, leur sous-représentation relative dans les secteurs des administrations publiques et de la finance découle en partie du fait que le commerce, la gestion et l'administration des affaires étaient inclus dans le groupe des programmes d'études appliquées.
  2. L'enquête est conçue de telle sorte qu'il est compliqué de comparer les taux salariaux puisqu'il peut y avoir des taux pour différents emplois pour une personne ou à différents moments pour le même emploi. L'EDTR permet d'enregistrer les taux horaires de salaire (déclarés directement par les répondants ou imputés à partir des renseignements sur le revenu et les heures de travail) au début de chaque année civile pour les emplois alors occupés. On s'enquiert aussi des taux de fin d'année pour les emplois occupés à la fin de l'année. Enfin, on y recueille des données sur le dernier taux salarial obtenu pour tout emploi se terminant durant l'année civile. Puisqu'un emploi ayant débuté durant l'année ne déclenche pas d'observation salariale, on n'enregistrera pas explicitement le salaire à l'embauchage. Toutefois, l'EDTR permettant d'indiquer si les salaires changent ou non pendant l'année, les salaires à l'embauchage seront donc disponibles implicitement pour les emplois dont les salaires ne changent pas avant le 31 décembre.
  3. La situation hebdomadaire au regard de l'activité jointe à chaque enregistrement personnel de l'EDTR peut servir à déterminer la fréquence et la durée des épisodes de chômage. Les épisodes commençant avant janvier 1993 ou se poursuivant au-delà de décembre 1997 sont tronqués, ce qui entraînera une sous-estimation de leur durée moyenne. Étant donné la période s'échelonnant sur cinq ans, cette sous-estimation sera susceptible d'être petite, et les biais dans les comparaisons d'un groupe de diplômés à l'autre le seront encore davantage. Des 657 épisodes, 71 chevauchaient le début ou la fin de la période de l'enquête. Les éliminer faute d'en connaître la véritable longueur introduirait de nouveaux biais puisqu'on risquerait davantage de laisser tomber de plus longs épisodes (plus susceptibles d'être observés au début et à la fin de la période).

Documents consultés