Tendances de l'emploi manufacturier

Par André Bernard

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Les difficultés éprouvées par les entreprises manufacturières canadiennes au cours des dernières années sont d'un grand intérêt pour le public (Industrie Canada, 2007). Ces difficultés ont des effets bien réels sur l'économie. De 2004 à 2008, plus d'un emploi manufacturier sur sept, soit près de 322 000 ont disparu. Dans certaines régions du pays où l'économie est peu diversifiée, les pertes d'emplois manufacturiers peuvent avoir des effets particulièrement négatifs. Dans ces régions, même la fermeture d'une seule usine, dont plusieurs entreprises dépendent à titre de fournisseur, peut affaiblir l'économie.

En même temps, la croissance de l'emploi dans les autres secteurs a été relativement vigoureuse. Il s'est en effet créé plus de 1,5 million d'emplois dans le reste de l'économie de 2004 à 2008, une croissance de 11 %. Le taux de chômage national s'est de plus régulièrement situé, au cours des années 2007 et 2008, parmi les niveaux les plus bas des 30 dernières années. Le secteur manufacturier se porte beaucoup moins bien que le reste de l'économie.

Cette étude brosse un portrait détaillé des tendances de l'emploi manufacturier au Canada de 1998 à 2008. La plupart des données proviennent de l'Enquête sur la population active (EPA) (voir Source de données et définitions).

Le contexte mondial

Le Canada est loin d'être le seul pays devant composer avec le recul de sa base manufacturière. Les États-Unis, qui continuent d'être le plus important partenaire commercial du Canada, ont vu près du quart de leurs emplois manufacturiers (4,1 millions) disparaître de 1998 à 20081.

La grande majorité des autres pays membres de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ont également enregistré des pertes d'emplois importantes dans ce secteur ces dernières années (Pilat et autres, 2006). De 1990 à 2003, l'emploi manufacturier a reculé de 29 % au Royaume-Uni, de 24 % au Japon, de 20 % en Belgique et en Suède et de 14 % en France. L'Irlande a été le seul pays à avoir connu une croissance impressionnante (25 %). Cette croissance s'inscrivait cependant dans un contexte particulier où l'afflux d'investissements étrangers et le secteur des services ont crû encore plus rapidement que le secteur manufacturier. Le Mexique, l'Espagne et dans une moindre mesure le Canada et la Nouvelle-Zélande étaient les seuls autres pays à avoir connu une augmentation de l'emploi manufacturier de 1990 à 2003. L'année 2003 étant la dernière année disponible aux fins de comparaisons internationales, le résultat pour le Canada ne tient pas compte des importantes pertes d'emplois à partir de 2004. La part du secteur manufacturier dans l'emploi total a régressé de façon persistante dans presque tous les pays membres de l'OCDE. Cette tendance n'est pas récente. Par exemple, au début des années 1970, plus d'un emploi sur cinq aux États-Unis était un emploi manufacturier. En 2003, cette proportion était à peine supérieure à 11 %. Au Royaume-Uni, plus de 30 % des emplois au début des années 1970 étaient des emplois manufacturiers. En 2003, cette proportion est passée à 12 %2.

À long terme, la proportion des emplois du secteur des services a augmenté alors que la part des emplois manufacturiers a diminué dans presque tous les pays de l'OCDE. Ce phénomène, s'il peut expliquer les tendances à long terme de la part relative de l'emploi manufacturier dans l'emploi total, n'explique pas le déclin du nombre absolu d'emplois manufacturiers. D'autres facteurs sont susceptibles de contribuer à différentes échelles à cette tendance générale parmi les pays les plus industrialisés : les facteurs structuraux comme le phénomène des déplacements de production vers des pays comme la Chine (Pilat et autres, 2005; Banister, 2005), les facteurs démographiques (Pilat et autres, 2006), la croissance de la productivité (Wölfl, 2005; Forbes, 2004) et les réductions tarifaires (Beaulieu, 2000; Larochelle-Côté, 2007). Il y a aussi des facteurs plus conjoncturels, par exemple les mouvements brusques du taux de change comme ceux que le Canada a connus depuis une dizaine d'années.

Alors que l'importance relative des activités manufacturières a diminué dans les pays de l'OCDE, la Chine est devenue le centre mondial de l'emploi manufacturier. En effet, le nombre de travailleurs dans le secteur manufacturier en Chine était estimé à 109 millions en 2002, ce qui représente plus de deux fois plus de travailleurs que le total combiné (53 millions) de tous les pays membres du G-7 (Pilat et autres, 2005; Banister, 2005).

Les facteurs démographiques, en particulier le vieillissement de la population observé dans presque tous les pays développés, contribuent à l'augmentation de la demande pour les services au détriment de la demande pour les produits manufacturés. On observe en effet une diminution progressive de la demande de produits manufacturés dans la demande finale totale de nombreux pays membres de l'OCDE (Pilat et autres, 2006).

Lorsque la croissance de la productivité du secteur manufacturier est plus élevée que celle du secteur des services, on peut s'attendre à ce qu'il y ait une réallocation des emplois du secteur manufacturier vers le secteur des services (Wölfl, 2005). Aux États-Unis, par exemple, la croissance de la productivité du travail dans le secteur manufacturier a été largement supérieure à celle de l'ensemble de l'économie non agricole depuis les années 1970, contribuant à la baisse de l'importance du secteur manufacturier dans l'emploi. Bien sûr, une croissance rapide de la productivité comporte de nombreux avantages pour l'économie. Une productivité élevée contribue à l'augmentation du niveau de vie et à l'amélioration de la compétitivité. Cependant, une productivité élevée signifie aussi qu'une entreprise peut produire la même quantité de biens avec moins de travailleurs, ce qui peut conduire à des pertes d'emplois (Forbes, 2004).

Les variations du taux de change ont certainement un impact important sur le secteur manufacturier de tout pays fortement engagé dans le commerce extérieur. Le Canada a connu de grandes fluctuations de son taux de change depuis dix ans, sans tendance générale à l'appréciation ou à la dépréciation. L'effet des variations du taux de change sur les entreprises manufacturières n'est pas clair, car l'effet de revenu sur les exportations peut être compensé en bonne partie par l'effet des prix des entrées importées (Ghanem et Cross, 2008). Une forte appréciation du taux de change aura pour effet de diminuer les revenus d'une entreprise exportatrice, mais rendra aussi les importations d'intrants et de pièces et équipements plus abordables.

Tendances au Canada

Le marché de l'emploi manufacturier a été marqué au cours des dix dernières années par une période de grand dynamisme, un ralentissement et une décroissance importante. La reprise du marché de l'emploi au Canada à partir du milieu des années 1990 a d'abord coïncidé avec l'essor de l'emploi manufacturier, très durement touché par la récession de 1991 à 1993. De 1998 à 2000, la croissance de l'emploi manufacturier a été vigoureuse, atteignant un sommet de 4,7 % en 1999 et a été, pour chacune de ces trois années, supérieure à celle du reste de l'économie (graphique A). De 2001 à 2004, l'emploi est demeuré relativement stagnant, exception faite d'une croissance relativement bonne en 2002 qui faisait suite aux difficultés générales de l'économie en 2001. Après avoir enregistré une croissance très faible de 0,7 % en 2004, l'emploi manufacturier a entrepris une tendance baissière très nette, enregistrant des pertes annuelles successives d'au moins 3 % de 2005 à 2008. Au cours de ces quatre années, c'est plus d'un emploi manufacturier sur sept qui a été perdu.

Ces pertes ont eu pour conséquence l'érosion rapide de la part de l'emploi manufacturier dans l'économie. De 14,9 % en 1998, cette part est d'abord passée à 14,4 % en 2004 avant de chuter rapidement à 11,5 % en 2008 (graphique B).

Les pertes d'emplois dans le secteur manufacturier ont été compensées par des gains importants dans le secteur des services et dans l'industrie de la construction (tableau 1). Ainsi, de 1998 à 2008, alors que la part de l'emploi manufacturier chutait de 3,4 points de pourcentage, celles de la construction et des services augmentaient de 2,0 points et de 2,5 points respectivement, pendant que 9 des 15 industries de services ont vu leur part augmenter.

Les industries manufacturières en recul généralisé depuis 2004

Presque toutes les industries manufacturières sont en net recul depuis 2004. Sur les 23 industries examinées, seulement 6 ont connu des hausses d'emploi de 2004 à 2008. Mentionnons tout particulièrement les industries de matériels de transport (autre que les véhicules et les pièces automobiles) (9,2 %), de produits du pétrole et du charbon (8,5 %) et de produits informatiques et électroniques (7,4 %). À l'opposé, 17 industries ont perdu des emplois, souvent dans des proportions considérables (tableau 2).

L'industrie du textile et du vêtement, qui fut longtemps un des plus importants employeurs manufacturiers du pays, a été l'industrie manufacturière la plus durement touchée . De 2004 à 2008, les industries de la fabrication de vêtements et les usines de textiles et de produits textiles ont vu près de la moitié de leurs emplois disparaître.

L'industrie automobile canadienne a aussi été durement touchée. Le secteur de la fabrication de pièces automobiles a perdu plus du quart de ses emplois de 2004 à 2008, pendant que celui de la fabrication de véhicules automobiles en perdait le cinquième. Le secteur de la fabrication de pièces a vu le nombre de ses emplois passer de 139 300 à 98 700, ce qui a annulé entièrement la croissance vigoureuse de 1998 à 2004. Le secteur de la fabrication de véhicules automobiles a de son côté perdu 15 900 emplois de 2004 à 2008, ce qui faisait suite à une croissance de l'emploi plutôt modeste de 5,0 % de 1998 à 2004. L'industrie canadienne de l'automobile, surtout concentrée en Ontario, est en mutation depuis plusieurs années. La production de véhicules des trois grands constructeurs américains est en forte baisse depuis 1998, alors qu'elle a augmenté dans les usines appartenant aux Japonais (Roy et Kimanyi, 2007).

Toutes les industries reliées au bois et au papier sont en difficultés. L'industrie de la fabrication de produits en bois a perdu 57 300 emplois de 2004 à 2008, ce qui a plus qu'annulé toute la croissance qu'avait connue cette industrie de 1998 à 2004 (37 900 emplois). Toute l'industrie du bois d'œuvre a connu d'importantes difficultés ces dernières années, devant notamment composer avec l'imposition de droits antidumping et de droits compensateurs par les États-Unis de 2002 à 2006, la hausse du prix de l'énergie et de la matière première, la chute de la demande et du prix du bois d'œuvre et la hausse du taux de change du dollar canadien (Dufour, 2007). L'industrie de la fabrication du papier est pour sa part en recul constant depuis 10 ans, l'emploi ayant reculé successivement de 14,7 % de 1998 à 2004 et de 12,7 % de 2004 à 2008. Reflétant la morosité du secteur du papier, l'industrie de l'impression a perdu 10,5 % de ses emplois de 2004 à 2008.

Baisse du taux de syndicalisation dans le secteur manufacturier

L'examen de l'évolution des caractéristiques des emplois manufacturiers permet de vérifier si certains types d'emplois ont été davantage touchés et dans quelle mesure le visage de l'emploi manufacturier au Canada est en train de changer. Seule une très petite minorité (4,1 % en 2008) des emplois manufacturiers sont à temps partiel et cette proportion est demeurée pratiquement inchangée depuis 1998, ce qui indique que proportionnellement autant d'emplois à temps plein que d'emplois à temps partiel ont été perdus (tableau 3). La très faible proportion d'emploi à temps partiel est une caractéristique propre au secteur manufacturier alors que plus de 20 % des emplois dans le reste de l'économie sont à temps partiel.

La syndicalisation est généralement vue comme un indicateur, parmi d'autres, de la qualité des emplois. Les emplois syndiqués bénéficient habituellement d'un avantage salarial, même lorsque l'on prend en compte les caractéristiques des employés et des milieux de travail (Fang et Verma, 2002). De 1998 à 2008, les emplois syndiqués ont disparu à un taux deux fois plus élevé que celui des emplois non syndiqués. Conséquemment, le taux de syndicalisation a reculé de 32,2 % à 26,4 %. Pour le reste de l'économie, la syndicalisation a moins reculé, passant de 30,1 % à 29,5 %.

La répartition des emplois manufacturiers selon la taille de la firme n'a pas non plus changé de façon notable ces dix dernières années, ce qui signifie que les pertes d'emplois n'ont pas touché plus durement les petites entreprises que les grandes. On aurait pu s'attendre à ce que les grandes entreprises aient plus de facilité à traverser une conjoncture défavorable en raison de leur capacité financière accrue et de leur capacité à diversifier plus facilement leurs activités. Cela ne veut pas dire que les emplois dans les petites entreprises sont davantage protégés, car il est possible que les baisses moins prononcées d'emplois dans les petites entreprises cachent un roulement fort important au niveau de la main-d'œuvre et des entreprises elles-mêmes. En fait, les taux de mise à pied dans les petites entreprises sont beaucoup plus grands que ceux dans les grandes entreprises (Galarneau et Stratychuk, 2001).

Le Centre du pays plus durement touché

Le Québec et l'Ontario représentent le cœur industriel du Canada. En s'éloignant de ces deux provinces, on retrouve généralement proportionnellement moins d'emplois manufacturiers. En 2008, la part de l'emploi manufacturier au Québec et en Ontario était de 14,0 % et de 13,5 % respectivement, alors que la moyenne nationale était de 11,5 % (tableau 4). Ces deux provinces comptent ensemble plus de 1,4 million (73,3 %) des emplois manufacturiers du Canada. Le Manitoba compte également une importante présence manufacturière, avec 11,3 % de ses emplois qui en dépendent. Toutes les autres provinces affichent des proportions sous la moyenne nationale. La Saskatchewan, plus fortement axée sur les ressources naturelles, est la province dont le secteur manufacturier est le moins important (6,0 %).

Dans six provinces, il s'est perdu au moins un emploi manufacturier sur 10 de 2004 à 20083. L'Ontario a subi le recul le plus important, ayant perdu 198 600 emplois soit près d'un emploi sur cinq (18,1 %) en quatre ans seulement. Terre-Neuve-et-Labrador (-18,0 %), le Nouveau-Brunswick (-16,0 %), le Québec (-13,8 %), la Colombie-Britannique (-11,3 %) et la Nouvelle-Écosse (-10,3 %) ont également connu des pertes fort importantes.

Les petites régions urbaines éprouvent-elles plus de difficultés à composer avec les pertes d'emplois?

Alors que plusieurs usines manufacturières sont situées dans des grandes régions métropolitaines telles que Toronto, Montréal et Vancouver, plusieurs se trouvent dans de plus petites villes ne comptant qu'une industrie. Dans ces régions moins diversifiées, la perte d'emplois manufacturiers peut être plus difficile à remplacer. Pour ce faire, on a comparé les tendances de l'emploi à l'aide d'un gradient urbain à rural : les très grandes RMR (Toronto, Montréal et Vancouver); les grandes RMR (Québec, Ottawa-Gatineau, Hamilton, Winnipeg, Calgary et Edmonton); les petites RMR (population de 100 000 à 500 000); et les petites villes et les régions rurales (les agglomérations de recensement comptant moins de 100 000 habitants et les régions rurales).

De 2004 à 2008, ce sont les très grandes RMR qui ont perdu, proportionnellement, le plus d'emplois manufacturiers. Plus de 150 000 emplois ont été perdus dans l'une ou l'autre de ces trois très grandes RMR, une baisse collective de 17,2 % (tableau 5). Dans les plus petites régions, les baisses ont été moins grandes, mais quand même significatives. Ainsi, dans les petites RMR et dans les petites villes et régions rurales, l'emploi manufacturier a baissé de 14,8 % et de 11,8 % respectivement. Si les petites villes et les régions rurales ont perdu proportionnellement moins d'emplois, le reste de leur économie a également progressé plus lentement. En effet, la croissance totale de l'emploi de 2004 à 2008 a été de 7,6 % dans les très grandes RMR, comparativement à 6,6 % dans les petites villes et les régions rurales.

Au cours de cette période, les économies des petites villes semblent aussi résilientes aux baisses d'emploi dans le secteur manufacturier que les très grandes villes. Une façon de mesurer cette résilience est de vérifier la capacité des régions à remplacer les emplois manufacturiers perdus par des emplois dans d'autres secteurs. Ainsi, pour chaque emploi manufacturier perdu dans les très grandes villes de 2004 à 2008, il s'est créé en moyenne 3,8 emplois dans les autres secteurs. Dans les petites villes et les régions rurales, pour chaque emploi manufacturier perdu, il s'est créé 4,7 emplois ailleurs. La différence entre ces deux ratios n'est pas significative sur le plan statistique4.

Par contre, le bassin des emplois non manufacturiers est généralement moins payant dans les petites villes et les régions rurales que dans les très grandes RMR. Ainsi, dans les petites villes et les régions rurales, les salaires et traitements manufacturiers sont en moyenne 25,3 % plus élevés que ceux des secteurs non manufacturiers, comparativement à une différence de 11,2 % dans les très grandes RMR (tableau 6)5.

Production manufacturière et productivité

L'examen de l'évolution de la production industrielle, mesuré par le produit intérieur brut (PIB), donne une perspective différente que les données sur l'emploi. La production industrielle a été anémique de 2004 à 2007, en plus d'enregistrer une baisse de 3,7 % au cours des deux premiers trimestres de 2008 (graphique C). La croissance de la production industrielle a été chaque année inférieure à la croissance de la production pour l'ensemble de l'économie. Cependant, les baisses de production ont été généralement moins importantes que les baisses d'emploi, ce qui signifie qu'une partie des baisses d'emplois s'explique par les gains de productivité des industries manufacturières. La croissance de la productivité du travail des industries manufacturières a été plus rapide que celle pour l'ensemble de l'économie 3 années sur 4 de 2004 à 2007 et 7 années sur 10 de 1998 à 2007 (Kowaluk et Gibbons, 2008). En d'autres termes, en même temps que la production baissait, les entreprises devenaient plus efficientes et pouvaient produire davantage avec une même main-d'œuvre. Cette tendance à la productivité du travail à croître plus rapidement dans les industries manufacturières n'est ni nouvelle ni propre au Canada. En effet, le secteur manufacturier contribue généralement fortement à la croissance générale de la productivité dans la plupart des pays de l'OCDE (Pilat et autres, 2005).

Conclusion

De 2004 à 2008, plus d'un emploi manufacturier sur sept, soit 322 000 emplois, a disparu au Canada. La majorité de ces pertes ont eu lieu en Ontario, mais on a également observé des reculs ailleurs au pays. En effet, dans six provinces, au moins un emploi manufacturier sur 10 a disparu de 2004 à 2008. Ces reculs se sont inscrits dans une période de turbulences économiques au pays, alors que le taux de change a beaucoup fluctué.

Ces tendances ne sont pas uniques au Canada. On observe un déclin du secteur manufacturier dans la plupart des pays de l'OCDE. La situation canadienne s'est toutefois distinguée par un certain retard, l'emploi manufacturier au Canada n'ayant commencé à décroître qu'à partir de 2004, alors que plusieurs autres pays, notamment les États-Unis, composaient déjà avec d'importantes pertes d'emplois depuis plusieurs années.

Les très grandes régions métropolitaines du Canada ont été touchées plus durement que les autres régions du pays. En comparaison, les petites villes et les régions rurales du pays s'en sont tirées un peu mieux. De plus, contrairement à ce à quoi on aurait pu s'attendre, les petites villes et les régions rurales ont été au moins tout autant en mesure que les très grandes régions métropolitaines de remplacer les emplois manufacturiers perdus par des emplois dans d'autres secteurs. Cependant, dans les petites villes et les régions rurales, les emplois des autres secteurs de l'économie sont moins payants que ceux du secteur manufacturier. Ceci est également vrai pour les très grandes régions métropolitaines, mais dans une moindre mesure.

Le recul de l'emploi manufacturier est généralisé à presque tout le secteur manufacturier. Cependant, les industries du textile et du vêtement, les industries de la fabrication de véhicules automobiles et de pièces pour véhicules automobiles et les industries reliées au bois et au papier ont été les plus touchées. Les emplois perdus avaient davantage tendance à être des emplois syndiqués.

Les tendances décrites montrent que le virage vers le secteur des services de l'économie canadienne se poursuit, et ce, dans les grandes villes tout comme dans les plus petites régions. On ne sait cependant pas si ce phénomène va s'accélérer, comme semblent l'indiquer les données des dernières années, ou si l'essentiel des ajustements est derrière nous, auquel cas nous assisterions à une stabilisation de l'emploi manufacturier au cours des prochaines années.

Source de données et définitions

Les données canadiennes proviennent de l'Enquête sur la population active (EPA). L'EPA est une enquête mensuelle d'environ 54 000 ménages. L'échantillon de l'EPA est représentatif de la population civile non institutionnalisée de 15 ans et plus. L'EPA exclut ceux qui vivent dans les réserves, les membres à temps plein des Forces armées canadiennes et les pensionnaires d'établissement. Les territoires sont également exclus pour cette étude. Les industries sont définies selon le Système de classification des industries de l'Amérique du Nord (SCIAN). Le secteur manufacturier correspond aux codes 31 à 33.

Contrairement aux enquêtes menées auprès des entreprises, l'EPA mesure le nombre de travailleurs et non le nombre d'emplois. Le nombre de travailleurs peut être différent du nombre d'emplois, car un travailleur peut occuper plus d'un emploi. Lorsqu'un travailleur occupe plus d'un emploi, les caractéristiques présentées sont celles de l'emploi principal (défini en fonction des heures travaillées lors de la semaine de référence). Pour des raisons de simplicité, travailleurs et emplois sont utilisés de façon interchangeable.

L'EPA étant une enquête transversale, il n'est pas possible de tirer de conclusions sur la dynamique du remplacement des emplois et sur les entrées et les sorties des épisod


Notes

  1. Les dernières données pour les États-Unis, contrairement aux autres données de cette section, proviennent du Current Employment Statistics Program du Bureau of Labor Statistics américain.
  2. Ces données internationales proviennent de la base de données des indicateurs STAN pour l'analyse structurelle, édition de décembre 2005, de l'OCDE. Les données historiques à partir de 1970 sont présentées dans Pilat et autres, 2005.
  3. Terre-Neuve-et-Labrador, la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick, le Québec, l'Ontario et la Colombie-Britannique.
  4. En se servant d'un « test t », on ne peut rejeter l'hypothèse que les deux ratios soient égaux à un seuil de 5 %. L'exercice a de plus été répété en limitant l'échantillon aux deux plus importantes provinces manufacturières, le Québec et l'Ontario, et a donné des résultats similaires.
  5. En l'absence d'une analyse longitudinale, on ne peut déterminer si les personnes mises à pied dans le secteur manufacturier peuvent effectivement avoir accès à certains des emplois les plus payants du secteur des services. Une étude de ce type est présentement en cours.

Documents consultés

Auteur

André Bernard est au service de la Division de l'analyse des enquêtes auprès des ménages et sur le travail. On peut le joindre au 613-951-4660 ou à perspective@statcan.gc.ca.

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