Regards sur la société canadienne
La maternité hâtive chez les femmes des Premières Nations vivant hors réserve, les Métisses et les Inuites

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par Virginie Boulet et Nadine Badets

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Aperçu de l’étude

Dans la présente étude, on examine la prévalence de la maternité hâtive (c.-à-d. le fait de devenir mère avant l’âge de 20 ans) chez les femmes des Premières Nations vivant hors réserve, les Métisses et les Inuites âgées de 20 à 44 ans, en s’appuyant sur les données de l’Enquête auprès des peuples autochtones (EAPA) de 2012. Les données de l’Enquête sociale générale (ESG) de 2011 sont utilisées pour les femmes non autochtones. De plus, l'étude examine si le fait d’avoir vécu une maternité hâtive est associé à des résultats différents sur le plan de la scolarité et de l’emploi.

  • Parmi les femmes autochtones de 20 à 44 ans, 45 % des Inuites, 28 % des femmes des Premières Nations vivant hors réserve et 20 % des Métisses sont devenues mères avant l’âge de 20 ans. Ce même pourcentage était de 6 % parmi les femmes non autochtones du même groupe d’âge.
  • Parmi les femmes des Premières Nations vivant hors réserve, les femmes de 20 à 24 ans étaient moins susceptibles d’avoir vécu une maternité hâtive (18 %) que les femmes de 40 à 44 ans (30 %). Dans le cas des Métisses et des Inuites, l’écart n’était pas statistiquement significatif.
  • Les femmes autochtones ayant vécu une maternité hâtive sont moins susceptibles d’avoir un diplôme d’études secondaires. Chez les Inuites, par exemple, 40 % de celles devenues mères à l’adolescence avaient un diplôme d’études secondaires, comparativement à 59 % de celles qui le sont devenues plus tard dans la vie.
  • Parmi celles ayant au moins un diplôme d’études secondaires, les femmes autochtones devenues mères à l’adolescence ont les mêmes chances d’occuper un emploi que celles qui sont devenues mères plus tard. Cette constatation est vraie pour tous les groupes autochtones.
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Introduction

Au Canada, la fécondité des femmes autochtones a considérablement diminué au cours des 50 dernières années. Entre la fin des années 1960 et la fin des années 1990, l’indice synthétique de fécondité, qui mesure le nombre moyen d’enfants qu’une femme peut s’attendre à avoir au cours de sa vie, est passé de 5,5 enfants par femme à 2,6 enfants par femme, et s’est considérablement rapproché du taux des femmes non autochtonesNote 1. Cette tendance à la baisse du taux de fécondité s’est poursuivie au cours des années 2000. En 2011, le taux de fécondité des femmes autochtones était de 2,2 enfants par femme, comparativement à 1,5 enfant par femme parmi les femmes non autochtones. Ce taux variait cependant selon l’identité autochtone, puisqu’il s’élevait à 2,7 chez les Inuites, à 2,4 chez les femmes des Premières Nations et à 1,8 chez les MétissesNote 2.

Les taux de fécondité ont diminué moins rapidement parmi les adolescentes autochtones, pour lesquelles les taux de fécondité sont encore nettement supérieurs à ceux des adolescentes non autochtonesNote 3. Selon une étude effectuée au milieu des années 2000, le taux de fécondité des adolescentes autochtones de 15 à 19 ans était presque cinq fois plus élevé que celui des adolescentes non autochtones au cours des années 1996 à 2001Note 4. En conséquence, il est probable que les mères autochtones comptent pour une part relativement importante de l’ensemble des mères hâtives au CanadaNote 5.

Parmi les cultures autochtones, les enfants occupent une place prépondérante en tant que dons du Créateur et doivent être bien traités. Les enfants représentent l’avenir des populations autochtones et sont particulièrement appréciés au sein des familles autochtones Note 6. Toutefois, la prise en charge d’un enfant à l’adolescence peut représenter un défi en raison des responsabilités associées à la maternité, lesquelles peuvent freiner la progression d’une jeune femme vers l’obtention d’un diplôme d’études secondairesNote 7 et la poursuite éventuelle d’études postsecondairesNote 8. Selon les données de l’Enquête auprès des peuples autochtones (EAPA) de 2012, chez les femmes de 18 à 44 ans, 25 % des femmes des Premières Nations vivant hors réserve et des Métisses et 38 % des Inuites ont abandonné les études secondaires en raison d’une grossesse ou pour s’occuper d’un enfantNote 9. Étant donné leur niveau de scolarité plus faible, ces jeunes femmes peuvent donc être plus à risque d’être sans emploiNote 10 ou de dépendre de l’aide socialeNote 11.

La présente recherche a pour objectif d’explorer la relation entre la maternité hâtive, la scolarité et la participation au marché du travail chez les femmes autochtones au Canada (excluant les femmes des Premières Nations vivant dans les réserves). Au pays, d’autres recherches ont permis de se pencher sur la question des répercussions possibles de la maternité hâtive pour l’ensemble de la population. La plus récente recherche a révélé que le fait de donner naissance à un premier enfant avant l’âge de 20 ans était associé à une probabilité moindre de terminer des études secondaires ou postsecondaires, mais que conditionnellement à l’obtention d’un diplôme, les mères hâtives n’étaient pas moins susceptibles de travailler que les autres mèresNote 12. Ces recherches n’ont cependant pas été étendues aux populations autochtones, soit aux femmes des Premières Nations, aux Métisses et aux Inuites, qui sont plus susceptibles d’être des mères hâtives que les femmes non autochtonesNote 13.

Les données de la présente étude proviennent de l’EAPA de 2012. Parallèlement, les données de l’Enquête sociale générale (ESG) de 2011 ont été utilisées afin d’effectuer des comparaisons avec la population non autochtone résidant dans les provinces canadiennes en ménages privésNote 14. Cependant, l’ESG ne comprend pas de questions sur certains éléments clés se rattachant au contexte scolaire des répondantes lorsqu’elles étaient à l’école secondaire. Par conséquent, les comparaisons avec les femmes non autochtones sont limitées aux résultats descriptifs dans l’étude.

La population d’intérêt est composée de l’ensemble des femmes de 20 à 44 ans. Les « mères hâtives » sont définies comme étant les femmes de 20 à 44 ans ayant donné naissance à un premier enfant durant l'adolescence (c.-à-d. avant l'âge de 20 ans), et les comparaisons sont effectuées avec les autres femmes du même groupe d’âge, soit celles qui sont devenues mères après l’âge de 20 ans et celles n’ayant pas d’enfants. Dans le cas des femmes autochtones, seules celles ayant déclaré une identité unique (Première Nation vivant hors réserve, Métis ou Inuk/Inuit) ont été retenuesNote 15. Quant aux femmes non autochtones, celles ayant déclaré être nées à l’extérieur du Canada ont été exclues de l’échantillonNote 16. Il est également à noter que les groupes autochtones sont analysés séparément tout au long de la présente étude.

Le lien entre la maternité hâtive et certains résultats tels que le fait de compléter un diplôme d’études secondaires ou d’être en emploi n’implique pas nécessairement un lien de causalité. Par exemple, d’autres antécédents peuvent aussi jouer un rôle dans les résultats futurs des femmes autochtones. Pour cette raison, il faut interpréter les résultats de la présente étude comme des associations, et non comme des relations de cause à effet.

Près de la moitié des Inuites sont devenues mères à l’adolescence

La prévalence de la maternité hâtive peut être étudiée en examinant le pourcentage de l’ensemble des femmes de 20 à 44 ans qui sont devenues mères avant l’âge de 20 ans (graphique 1). Parmi les groupes autochtones, ce pourcentage était le plus élevé chez les Inuites, alors que 45 % d’entre elles sont devenues mères à l’adolescence. Chez les femmes des Premières Nations vivant hors réserve, plus du quart (28 %) sont devenues mères à l’adolescence, alors que c’était le cas d’environ une Métisse sur cinq (20 %), et de moins de une femme sur dix chez les non-Autochtones nées au Canada (6 %).

Graphique 1 Proportion de femmes de 20 à 44 ans qui sont devenues mères à l'adolescence, selon l’identité autochtone, 2011 et 2012

Tableau de données du graphique 1
Tableau de données du graphique 1
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Tableau de données du graphique 1 Identité autochtone, Premières Nations vivant hors réserve, Métisses, Inuites et Non-Autochtones, nées au Canada, calculées selon pourcentage unités de mesure (figurant comme en-tête de colonne).
Identité autochtone
Premières Nations vivant hors réserve Métisses Inuites Non-Autochtones, nées au Canada
pourcentage
Mères hâtives (réf.) 28 20 45 6
Autres mères 42 46 32 49
Femmes sans enfant 31 34 23 45

En combinant celles devenues mères hâtives avec celles devenues mères plus tard, la proportion de celles de 20 à 44 ans qui étaient des mères s’élevait à près de huit femmes sur dix chez les Inuites, et à plus des deux tiers chez les Métisses et les femmes des Premières Nations vivant hors réserve. En comparaison, un peu plus de la moitié des femmes non autochtones du même groupe d’âge sont devenues des mères.

Les femmes plus jeunes sont moins susceptibles que les plus âgées d’avoir fait l’expérience de la maternité à l’adolescence. Toutefois, la différence observée entre les femmes de 40 à 44 ans et celles de 20 à 24 ans n’était significative que chez les femmes des Premières Nations vivant hors réserve (30 % et 18 %, respectivement) et chez les femmes non autochtones (7 % et 3 %, respectivement). Chez les Métisses et les Inuites, les proportions observées pour les femmes plus jeunes n’étaient pas significativement différentes de celles observées pour les plus âgées (graphique 2).

Graphique 2 Proportion de femmes qui sont devenues mères à l'adolescence, selon l’identité autochtone et le groupe d’âge, 2011 et 2012

Tableau de données du graphique 2
Tableau de données du graphique 2
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Tableau de données du graphique 2. Les données sont présentées selon Groupe d’âge (titres de rangée) et Identité autochtone, Premières Nations vivant hors réserve, Métisses, Inuites et Non-Autochtones, nées au Canada, calculées selon pourcentage unités de mesure (figurant comme en-tête de colonne).
Groupe d’âge Identité autochtone
Premières Nations vivant hors réserve Métisses Inuites Non-Autochtones, nées au Canada
pourcentage
20 à 24 ans 17,7Note * 16,7Note E: à utiliser avec prudence 40,8 2,9Note E: à utiliser avec prudenceNote *
25 à 29 ans 24,3 16,2Note E: à utiliser avec prudence 43,3 5,4Note E: à utiliser avec prudence
30 à 34 ans 32,5 24,6 56,3 7,9Note E: à utiliser avec prudence
35 à 39 ans 34,1 23,8Note E: à utiliser avec prudence 38,9 8,6Note E: à utiliser avec prudence
40 à 44 ans (réf.) 29,5 17,8Note E: à utiliser avec prudence 47,4 7,0Note E: à utiliser avec prudence

Les femmes ayant eu un enfant à l’adolescence sont moins susceptibles d’avoir terminé leurs études secondaires

Tant chez les Autochtones que chez les non-Autochtones, la proportion de femmes ayant au moins un diplôme d’études secondairesNote 17 était significativement moins élevée parmi celles qui ont eu un premier enfant durant l’adolescence (graphique 3). Parmi les Métisses de 20 à 44 ans, par exemple, 58 % de celles devenues mères à l’adolescence avaient un diplôme d’études secondaires, comparativement à 84 % des autres mères du même groupe d’âge, et à 92 % de celles qui n’ont pas eu d’enfant.

Graphique 3 Proportion de femmes de 20 à 44 ans ayant un diplôme d’études secondaires, selon l’identité autochtone et l’expérience de maternité, 2011 et 2012

Tableau de données du graphique 3
Tableau de données du graphique 3
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Tableau de données du graphique 3 Identité autochtone, Premières Nations vivant hors réserve, Métisses, Inuites et Non-Autochtones, nées au Canada, calculées selon pourcentage unités de mesure (figurant comme en-tête de colonne).
Identité autochtone
Premières Nations vivant hors réserve Métisses Inuites Non-Autochtones, nées au Canada
pourcentage
Mères hâtives (réf.) 62,3 57,5 40,2 66,3
Autres mères 80,5Note * 84,3Note * 58,7Note * 92,3Note *
Femmes sans enfant 86,9Note * 91,7Note * 61,9Note * 95,1Note *

Bien que moins élevé, l’écart entre les mères hâtives et les autres groupes était également significatif chez les femmes des Premières Nations vivant hors réserve, les Inuites et les femmes non autochtones. Chez les Inuites de 20 à 44 ans, 40 % des mères hâtives ont complété un diplôme d’études secondaires, comparativement à près de 60 % des autres groupes de femmes inuites.

Des différences importantes selon l’expérience de maternité ont aussi été observées dans les taux d’obtention d’un certificat ou diplôme d’études postsecondaires (graphique 4)Note 18. Chez les Inuites de 20 à 44 ans, par exemple, 22 % des mères hâtives avaient un certificat ou un diplôme d’études postsecondaires, comparativement à 42 % des femmes inuites du même groupe d’âge devenues mères plus tard. L’écart entre les mères hâtives et les autres groupes de femmes était cependant plus élevé pour les femmes non autochtones. Parmi celles-ci, il y avait un écart de 30 points de pourcentage entre le taux d’obtention d’un certificat ou d’un diplôme d’études postsecondaires des mères hâtives et celui des femmes qui sont devenues mères plus tard.

Graphique 4 Proportion de femmes de 20 à 44 ans ayant un certificat ou un diplôme d’études postsecondaires, selon l’identité autochtone et l’expérience de maternité, 2011 et 2012

Tableau de données du graphique 4
Tableau de données du graphique 4
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Tableau de données du graphique 4 Identité autochtone, Premières Nations vivant hors réserve, Métisses, Inuites et Non-Autochtones, nées au Canada, calculées selon pourcentage unités de mesure (figurant comme en-tête de colonne).
Identité autochtone
Premières Nations vivant hors réserve Métisses Inuites Non-Autochtones, nées au Canada
pourcentage
Mères hâtives (réf.) 42,1 40,0 22,2 41,0
Autres mères 63,7Note * 59,7Note * 41,9Note * 71,3Note *
Femmes sans enfant 56,8Note * 57,9Note * 31,7 63,8Note *

Il est important de tenir compte des autres facteurs qui peuvent influer sur le fait d’avoir un diplôme, afin de vérifier si la maternité hâtive est réellement associée à une plus grande probabilité de ne pas terminer ses études. Dans le tableau 1, un modèle est élaboré, ayant pour variable dépendante le fait d’avoir complété un diplôme d’études secondaires (ou une équivalence) et diverses variables explicatives comme variables indépendantes. Une probabilité prédite de 0,50, par exemple, indique que la probabilité d’avoir complété des études secondaires est de 50 % pour ceux appartenant à une catégorie donnée (toutes choses égales). Des modèles séparés ont été estimés pour chacun des groupes autochtones.

Après la prise en compte de divers facteurs, y compris la scolarité des parents et les résultats scolaires, les femmes des Premières Nations vivant hors réserve (66 %), les Métisses (64 %) et les Inuites (44 %) qui étaient des mères hâtives demeuraient moins susceptibles d’avoir complété un diplôme d’études secondaires que les autres mères (78 %, 83 % et 53 %, respectivement) et que les femmes sans enfant (85 %, 90 % et 59 %, respectivement) (tableau 1). Ce résultat n’est peut-être pas surprenant, dans la mesure où plusieurs des femmes ayant donné naissance à leur premier enfant avant l’âge de 20 ans sont devenues mères avant d’avoir terminé leurs études secondairesNote 19.

Tableau 1
Probabilités prédites d’avoir obtenu un diplôme d'études secondaires parmi les femmes autochtones de 20 à 44 ans, selon l’identité autochtone et certaines caractéristiques, 2012
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Probabilités prédites d’avoir obtenu un diplôme d'études secondaires parmi les femmes autochtones de 20 à 44 ans Identité autochtone, Premières Nations vivant hors réserve, Métisses et Inuites, calculées selon probabilité prédite unités de mesure (figurant comme en-tête de colonne).
Identité autochtone
Premières Nations vivant hors réserve Métisses Inuites
probabilité prédite
Expérience de maternité
Mères hâtives (réf.) 0,66 0,64 0,44
Autres mères 0,78Note * 0,83Note * 0,53Note *
Femmes sans enfant 0,85Note * 0,90Note * 0,59Note *
Groupe d’âge
20 à 24 ans 0,65Note * 0,76Note * 0,44
25 à 29 ans 0,71Note * 0,76Note * 0,53
30 à 34 ans 0,79 0,83 0,56
35 à 39 ans 0,84 0,85 0,53
40 à 44 ans (réf.) 0,80 0,86 0,47
Inuit Nunangat
Oui Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer 0,46Note *
Non (réf.) Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer 0,60
Scolarité des parents
Au moins un parent ayant un diplôme 0,82Note * 0,83 0,59
Deux parents sans diplôme (réf.) 0,70 0,80 0,52
InconnueTableau 1 Note 1 0,64 0,70 0,37Note *
A redoublé une année
Oui 0,68Note * 0,73Note * 0,45
Non (réf.) 0,81 0,84 0,53
Résultats scolaires
Au-dessus de la moyenne 0,85Note * 0,89Note * 0,61Note *
Correspondant à la moyenne (réf.) 0,75 0,79 0,49
Au-dessous de la moyenne 0,61Note * 0,59Note * 0,19Note *
Amis proches ayant décroché
La plupart ou tous 0,73 0,74 0,43Note *
Aucun ou quelques-uns (réf.) 0,78 0,82 0,52
Se sentait en sécurité à l’école
Non 0,66Note * 0,61Note * 0,29Note *
Oui (réf.) 0,78 0,83 0,51
L’école soutenait les cultures autochtones
Non 0,78 0,81 0,48
Oui (réf.) 0,76 0,81 0,51

Les autres résultats démontrent que chez les femmes des Premières Nations et les Métisses, celles âgées de moins de 30 ans étaient moins susceptibles d’avoir complété leur diplôme que celles âgées de 40 à 44 ansNote 20. De plus, chez les femmes inuites, le fait de résider dans l’Inuit Nunangat était associé à une probabilité plus faible d’avoir un diplôme d’études secondaires lorsque les autres facteurs étaient pris en compte. Il convient de souligner que les résultats de l’Enquête nationale auprès des ménages de 2011 montrent aussi de faibles taux de diplomation secondaire, ou l’équivalent, à la fois pour la population inuite et la population non autochtone vivant dans l’Inuit NunangatNote 21. Ces résultats pourraient être le fait d’un manque d’accès aux services d’éducation et d’une plus grande difficulté d’accès aux études secondaires.

Les femmes des Premières Nations vivant hors réserve qui avaient au moins un parent diplômé du secondaire étaient plus susceptibles d’avoir un diplôme (82 %) que celles qui n’avaient pas de parents diplômés (70 %)Note 22. Chez les Inuits, celles qui ne connaissaient pas le niveau de scolarité de leurs parents étaient moins susceptibles d’avoir un diplôme d’études secondaires que celles qui connaissaient le niveau de scolarité de leurs parents.

Le fait d’avoir obtenu des résultats scolaires inférieurs à la moyenne était associé à une probabilité moindre d’avoir terminé ses études secondaires, de même que le fait d’avoir été dans un climat d’insécurité à l’école ou d’avoir redoublé une année.

Les mères hâtives sont aussi susceptibles d’occuper un emploi que les autres mères lorsqu’elles ont au moins un diplôme d’études secondaires

Parmi les femmes des Premières Nations vivant hors réserve et les Métisses, les femmes devenues mères avant l’âge de 20 ans étaient proportionnellement moins nombreuses à occuper un emploi que les autres mères et les femmes sans enfant (graphique 5). Parmi les Inuites, un peu plus de la moitié des mères hâtives occupaient un emploi. Ce pourcentage était significativement moins élevé que le taux d’emploi des autres mères (64 %), mais n’était pas significativement différent de celui des femmes sans enfant. Chez les femmes non autochtones, ce sont les femmes sans enfant qui étaient les plus susceptibles d’occuper un emploi (83 %), comparativement à 69 % chez les mères hâtives.

Graphique 5 Proportion de femmes de 20 à 44 ans qui occupaient un emploi, selon l’identité autochtone et l’expérience de maternité, 2011 et 2012

Tableau de données du graphique 5
Tableau de données du graphique 5
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Tableau de données du graphique 5 Identité autochtone, Premières Nations vivant hors réserve, Métisses, Inuites et Non-Autochtones, nées au Canada, calculées selon pourcentage unités de mesure (figurant comme en-tête de colonne).
Identité autochtone
Premières Nations vivant hors réserve Métisses Inuites Non-Autochtones, nées au Canada
pourcentage
Mères hâtives (réf.) 49,4 60,6 50,9 68,6
Autres mères 62,1Note * 73,7Note * 64,1Note * 76,5
Femmes sans enfant 78,2Note * 82,5Note * 57,5 82,9Note *

Afin d’examiner le lien entre la maternité hâtive, le fait de compléter un diplôme d’études secondaires et l’emploi, une variable divisant les femmes âgées de 20 à 44 ans en six groupes a été utiliséeNote 23:

En plus de la variable ci-dessus, d’autres facteurs qui peuvent avoir une incidence sur la probabilité d’être en emploi, comme l’âge, la situation dans le ménage, ou l’état de santé, ont également été ajoutés.

Les résultats indiquent que pour tous les groupes, les mères hâtives et les autres mères sans diplôme d’études secondaires étaient moins susceptibles d’occuper un emploi que les mères hâtives qui avaient au moins un diplôme d’études secondaires (tableau 2).

Tableau 2
Probabilités prédites d’occuper un emploi parmi les femmes autochtones de 20 à 44 ans, selon l’identité autochtone et certaines caractéristiques, 2012
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Probabilités prédites d’occuper un emploi parmi les femmes autochtones de 20 à 44 ans Identité autochtone, Premières Nations vivant hors réserve, Métisses et Inuites, calculées selon probabilité prédite unités de mesure (figurant comme en-tête de colonne).
Identité autochtone
Premières Nations vivant hors réserve Métisses Inuites
probabilité prédite
Expérience de maternité et obtention d'un diplôme d'études secondaires
Mères hâtives, sans diplôme 0,40Note * 0,46Note * 0,38Note *
Autres mères, sans diplôme 0,41Note * 0,53Note * 0,53Note *
Femmes sans enfant, sans diplôme 0,51 0,61 0,44Note *
Mères hâtives, ayant un diplôme (réf.) 0,59 0,74 0,67
Autres mères, ayant un diplôme 0,65 0,77 0,64
Femmes sans enfant, ayant un diplôme 0,80Note * 0,83 0,76
Groupe d’âge
20 à 24 ans 0,50Note * 0,69 0,45Note *
25 à 29 ans 0,55Note * 0,72 0,56
30 à 34 ans 0,64Note * 0,73 0,56
35 à 39 ans 0,66 0,76 0,67
40 à 44 ans (réf.) 0,72 0,76 0,58
Inuit Nunangat
Oui Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer 0,56
Non (réf.) Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer 0,55
Étudiante
Oui 0,55Note * 0,71 0,43
Non (réf.) 0,64 0,74 0,57
Situation dans le ménage
Couple sans enfant (réf.) 0,70 0,77 0,51
Couple ayant des enfants 0,63 0,73 0,60
Parent seul 0,57Note * 0,72 0,49
Ménage composé d’une seule personne 0,67 0,71 0,39
Autre 0,74 0,76 0,48
État de santé global autoévalué
Mauvais 0,44Note * 0,57Note * 0,40Note *
Bon (réf.) 0,70 0,78 0,59

À titre d’exemple, chez les mères des Premières Nations vivant hors réserve, qui n'ont aucun diplôme d'études secondaires, la probabilité d’occuper un emploi était d’environ 40 % (à la fois pour celles devenues mères hâtives et les autres mères), comparativement à 59 % pour les mères hâtives qui avaient un diplôme.

Le groupe des femmes sans enfants diplômées avait une probabilité plus élevée de travailler que celui des mères hâtives diplômées, mais la relation n’était significative que pour les femmes des Premières Nations vivant hors réserve.

Les résultats ci-dessus indiquent que la diplomation est un important facteur associé à la participation au marché du travail, mais pas nécessairement le fait d'être une mère hâtive. En fait, les diplômées de l’école secondaire devenues mères à l’adolescence sont aussi susceptibles d’occuper un emploi que leurs homologues devenues mères plus tard. Ce résultat est d’ailleurs conforme à ceux obtenus dans d’autres études pour la population en généralNote 24.

Parmi les femmes inuites, celles qui sont devenues mères à l’adolescence et qui avaient au moins un diplôme d’études secondaires (un groupe comptant pour 18 % de l’ensemble des femmes inuites âgées de 20 à 44 ans) avaient une probabilité d'occuper un emploi de 67 %. Cette probabilité était significativement plus élevée que celle des mères hâtives qui n’avaient aucun diplôme (38 %). Les Inuites sans diplôme et sans enfant étaient, elles aussi, moins susceptibles de travailler que les Inuites diplômées de l’école secondaire qui étaient des mères hâtives.

D’autres renseignements sont également fournis par le modèle. D’abord, le fait d’être aux études réduisait la probabilité d’occuper un emploi pour les femmes des Premières Nations vivant hors réserve, mais le modèle n’a pas révélé de relation significative chez les Métisses et les Inuites. Quant à la situation dans le ménage, le fait d’être un parent seul (plutôt que de vivre en couple sans enfant) réduisait significativement la probabilité d’occuper un emploi chez les femmes des Premières Nations vivant hors réserve. Enfin, pour toutes les femmes autochtones, celles qui évaluaient leur état de santé physique et/ou mental comme étant « mauvais » étaient moins susceptibles d’occuper un emploi que celles qui évaluaient leur état de santé comme étant « bon ».

Conclusion

Les recherches indiquent que les mères qui donnent naissance à un premier enfant lors de l’adolescence font parfois face à des défis socioéconomiques supplémentaires. La présente étude élargit cette littérature en examinant les conséquences possibles de la maternité hâtive chez les femmes autochtones de 20 à 44 ans, soit les femmes des Premières Nations vivant hors réserve, les Métisses et les Inuites.

Les résultats révèlent que la prévalence de la maternité hâtive est plus élevée chez les femmes autochtones, et en particulier chez les Inuites. Cependant, il semble que cette prévalence soit à la baisse au sein des jeunes générations des femmes des Premières Nations vivant hors réserve – une tendance qui n’a pas été observée chez les Métisses et chez les Inuites.

Les femmes autochtones qui vivent une maternité hâtive sont moins susceptibles d’obtenir un diplôme d’études secondaires ou une équivalence, et ce, même en tenant compte des autres facteurs pouvant avoir une influence sur la probabilité d’obtenir un diplôme comme l’âge, les résultats scolaires ou la scolarité des parents.

En ce qui concerne la probabilité d’occuper un emploi, les résultats démontrent que lorsque les mères hâtives réussissent à obtenir un diplôme d’études secondaires, celles-ci deviennent aussi susceptibles d’occuper un emploi que les diplômées de l’école secondaire devenues mères plus tard. En somme, bien que la maternité hâtive est associée avec une probabilité moindre de compléter des études secondaires, celle-ci ne représente pas nécessairement un frein à la participation au marché du travail une fois le diplôme obtenu.

Au moment de la réalisation de cette étude, Virginie Boulet et Nadine Badets étaient analystes à la Division de la statistique sociale et autochtone de Statistique Canada.

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Sources de données, méthodes et définitions

Sources de données

Les données utilisées pour la population autochtone proviennent de l’Enquête auprès des peuples autochtones (EAPA) de 2012, une enquête menée tous les cinq ans et dont la population cible est composée des Premières Nations vivant hors réserve, des Métis et des Inuits de 6 ans et plus. Le cycle utilisé dans la présente étude portait sur la scolarisation, l’emploi et la santé. Les données utilisées pour la population non autochtone proviennent de l’Enquête sociale générale (ESG) de 2011 dont la population cible est formée des personnes de 15 ans et plus résidant dans les 10 provinces canadiennes.

Méthodes

Dans le présent document, les probabilités prédites sont calculées au moyen de modèles de régression logistique, et ont été dérivées à partir des effets marginaux à la moyenne. Les répondantes qui avaient une valeur manquante pour l’une ou l’autre des variables utilisées dans cette analyse ont été retirées de l’échantillon. Les variances sont calculées à l’aide des poids « bootstrap ».

Définitions

Inuit Nunangat : Patrie des Inuits composée de quatre régions, y compris Nunatsiavut (côte nord du Labrador), Nunavik (nord du Québec), le territoire du Nunavut et la région inuvialuite dans les Territoires du Nord-Ouest.

Résultats scolaires : Dans l’EAPA, on a demandé aux répondantes d’évaluer leur moyenne générale au cours de leur dernière année d’études primaires ou secondaires, d’abord en pourcentage. À celles qui déclaraient n’avoir eu aucune note attribuée, ne pas savoir ou qui refusaient de répondre, on demandait si leur moyenne était au-dessus de la moyenne, correspondait à la moyenne ou était au-dessous de celle-ci. Les répondantes ayant répondu avoir eu une moyenne générale de 80 % ou plus étaient considérées comme étant au-dessus de la moyenne, celles ayant répondu de 60 % à 79 % étaient considérées comme ayant un résultat correspondant à la moyenne et celles ayant déclaré avoir eu une moyenne inférieure à 60 % étaient considérées comme étant au-dessous de la moyenne.

Amis proches ayant décroché : Dans l’EAPA, on a demandé aux répondantes d’estimer combien de leurs amis proches à la dernière année d’études avaient abandonné les études secondaires avant d’obtenir un diplôme.

Se sentait en sécurité à l’école : Toujours dans le cadre de l’EAPA, les répondantes devaient indiquer si elles étaient d’accord avec une série d’énoncés, dont un qui demandait si, au cours de leur dernière année à l’école primaire ou secondaire, elles se sentaient en sécurité à l’école. Celles qui ont déclaré être « tout à fait d’accord » ou « d’accord » ont été regroupées dans la catégorie « oui » et celles qui ont dit être « tout à fait en désaccord » ou « en désaccord » ont été regroupées dans la catégorie « non ».

L’école soutenait les cultures autochtones : Dans le cadre de l’EAPA, on a aussi demandé aux répondantes si l’école fréquentée au cours de la dernière année de l’école primaire ou secondaire soutenait la culture des Premières Nations, des Métis ou des Inuits au moyen de l’enseignement ou des activités. Celles qui ont déclaré être « tout à fait d’accord » ou « d’accord » ont été regroupées dans la catégorie « oui » et celles qui ont dit être « tout à fait en désaccord » ou « en désaccord » ont été regroupées dans la catégorie « non ».

État de santé global autoévalué : Cette variable a été créée à partir de deux questions dans lesquelles on demandait aux répondantes d’évaluer leur état de santé physique et leur état de santé mental. Les femmes ayant déclaré que leur état de santé physique ou mental était mauvais ou passable ont été classées comme ayant un « mauvais » état de santé global autoévalué.

Limites

Étant donné que l’EAPA est une enquête transversale, on ne peut pas faire d’inférence quant à la causalité. Les résultats doivent donc être interprétés comme étant des associations entre variables. De plus, certaines études longitudinales ont démontré que les répercussions de la maternité hâtive sur la scolarité sont en partie atténuées lorsque l’on tient compte du contexte socioéconomique dans lequel vivaient les femmes à l’adolescence, la maternité précoce étant plus fréquemment observée chez les femmes provenant de milieux socioéconomiques précairesNote 25. Puisque les données de l’EAPA de 2012 ne contiennent pas de variables permettant de contrôler rétroactivement pour tenir compte de ces facteurs, il est possible que les associations entre la maternité hâtive et la scolarité identifiées dans la présente étude soient surestimées.

Renseignements additionnels

Supplément d’information

Articles connexes

Sources de données

Références bibliographiques

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