Chapitre 2
Tendances liées au faible revenu au Canada

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L'évolution de l'incidence du faible revenu : de 1976 à 2009
Comment le taux de faible revenu a-t-il changé pendant la dernière récession?
Écart relatif et gravité du faible revenu
Sommaire

Début du texte

Le présent chapitre vise à répondre à la question suivante : Quelles sont les principales tendances en matière de faible revenu au Canada au cours des dernières décennies? À Statistique Canada, une série de données sur le revenu cohérentes sur le plan chronologique nous permet d'examiner le faible revenu sur une période de 34 ans, de 1976 à 2009. La période a vu d'importants changements structurels de l'économie canadienne, principalement en raison de l'introduction de nouvelles technologies de l'information et des communications, de l'établissement et de l'expansion des zones de libre-échange, de la mondialisation et de l'intensification de la concurrence internationale. Les décennies recoupaient deux cycles économiques complets, où le PIB et l'emploi se sont repliés en termes absolus. Un nouveau recul a commencé vers la fin de 2008. C'est également pendant ces décennies que les politiques de redistribution, comme les programmes d'assurance-emploi et d'assistance sociale, ont évolué de façon spectaculaire. Tous ces changements ont des conséquences sur le faible revenu, et cette étude est la première à documenter le faible revenu sur une aussi longue période au moyen de mesures et d'indicateurs multiples.

L'évolution de l'incidence du faible revenu : de 1976 à 2009

Le taux de faible revenu, aussi appelé incidence du faible revenu, nous révèle la proportion d'une population qui a un revenu inférieur à un seuil donné.1 La figure 2.1 présente le taux de faible revenu (axe de gauche) pour tous les Canadiens de 1976 à 2009. Elle indique également comment le taux de chômage (axe de droite, pour les Canadiens de 15 à 64 ans) a évolué pendant cette période. La figure suggère que bien que le taux de faible revenu au Canada ait largement fluctué au fil du temps, il suivait en général les hauts et les bas de l'ensemble de l'économie et parfois, le faible revenu mesuré par des lignes différentes brosse des tableaux quelque peu différents.

La figure 2.1 démontre clairement que le taux de faible revenu mesuré par des normes historiques établies, comme les seuils de faible revenu (SFR) et la mesure du panier de consommation (MPC), variait plus au fil du temps que la mesure de faible revenu (MFR), qui est basée sur les normes des répartitions actuelles des revenus. Selon le SFR, le taux de faible revenu a atteint un sommet historique de près de 16 % en 1996, pour retomber à un creux record d'un peu plus de 9 % environ une décennie plus tard. Une autre paire de sommets et de creux du taux de faible revenu a été observée selon le SFR : le sommet de 1983 de 14 % et le creux subséquent de 10 % en 1989. Les deux comparaisons sont statistiquement significatives.2 La ligne de la MPC a un historique relativement court, mais le creux historique selon la MPC coïncidait avec celui du SFR. Toutefois, selon la MFR, l'incidence du creux historique coïncidait avec le creux de 1989 du SFR et le taux de faible revenu selon la MFR cette année-là était significativement plus faible qu'il n'aurait été ou qu'il serait toute autre année pendant au moins les trois dernières décennies.

Figure 2.1 Taux de faible revenu et taux de chômage, Canada, de 1976 à 2009Figure 2.1 Taux de faible revenu et taux de chômage, Canada, de 1976 à 2009
Les variations à court terme du taux de faible revenu semblaient suivre de près les cycles économiques. Avant l'an 2000, les incidences du faible revenu mesurées par le SFR et la MFR semblaient suivre le même parcours. Ce parcours coïncidait avec les variations du taux de chômage. Par exemple, la récession du début des années 1980 a été immédiatement suivie d'un sommet du faible revenu selon le SFR et la MFR, variant de 13 à 14 % pendant la période de 1983-1984. Le taux a ensuite rapidement baissé pour atteindre un creux de 10 % en 1989 selon les deux lignes.

Toutefois, les variations du faible revenu ne suivaient pas toujours les fluctuations du chômage. Par exemple, de 1976 à 1981, les taux de faible revenu ont diminué, tandis que le taux de chômage a oscillé autour de 8 %. De même, de 1993 à 1996, alors que le taux de chômage a diminué de près de deux points de pourcentage, les taux de faible revenu selon le SFR et la MFR ont augmenté, et la hausse du taux de faible revenu selon le SFR se chiffrait à plus d'un point de pourcentage. Ces observations portent à croire que le marché du travail est un facteur important qui explique l'évolution de l'incidence du faible revenu, mais il n'est pas le seul. L'évolution du revenu, en particulier l'évolution du revenu à l'échelon inférieur de la répartition, est un autre facteur important.

La figure 2.2 montre comment le revenu des particuliers après impôt (en dollars courants) a évolué de 1976 à 2009. La figure indique que la variation du revenu est un important facteur qui explique la tendance du faible revenu. Nous pouvons diviser la totalité de la période en trois sous-périodes. De 1976 à 1988, le revenu médian après impôt a fortement augmenté. Le taux d'augmentation annualisé se chiffrait à 8,3 %. Néanmoins, de 1989 à 1995, le revenu médian après impôt a augmenté seulement à un taux annualisé de 1,1 %. Par ailleurs, de 1996 à 2009, la médiane a augmenté à un taux annualisé de 4,0 %. Cette évolution du revenu des particuliers après impôt coïncidait avec le repli du taux de faible revenu de 1976 à la fin des années 1980, la hausse étant survenue de la fin des années 1980 au milieu des années 1990, et le repli (du moins selon le SFR et la MPC), pendant la dernière décennie.

Figure 2.2 Revenu médian après impôt 1976 à 2009Figure 2.2 Revenu médian après impôt 1976 à 2009
La figure 2.3 offre plus de détails sur l'évolution du revenu des particuliers après impôt par quartile de revenu. Les taux de croissance du revenu pour ceux qui étaient dans la fourchette inférieure de la répartition étaient étroitement liés à l'évolution des taux de faible revenu. Pendant la première sous-période (1976 à 1988), le revenu médian après impôt des personnes qui faisaient partie du quartile inférieur a augmenté beaucoup plus vite que celui des personnes des quartiles supérieurs. Les taux de croissance annualisés des deux groupes étaient de 16,8 % et 6,6 % respectivement. Pour les personnes du deuxième et du troisième quartiles, les taux de croissance annualisés étaient de 10,1 % et 7,3 %. De 1989 à 1995, le revenu médian pour les personnes qui se situaient dans le quartile inférieur a en fait légèrement diminué, tandis que pour le quartile supérieur, il a continué d'augmenter à un taux annuel de 6,1 % et donc, le taux de faible revenu pendant cette période a augmenté. Enfin, de 1996 à 2009, le revenu du quartile inférieur a encore une fois augmenté plus vite que le revenu du quartile supérieur, à 4,4 % et 3,7 % respectivement. Toutefois, pendant cette période, les taux de faible revenu selon le SFR (et plus tard la MPC) se sont considérablement repliés, une baisse qui n'a pas été enregistrée selon la MFR, ce qui porte à croire qu'il pourrait y avoir d'autres facteurs en cause.

Figure 2.3 Parcours de  croissance du revenu selon le quartile de revenuFigure 2.3 Parcours de croissance du revenu selon le quartile de revenu
Un de ces facteurs a trait à la façon dont le faible revenu est déterminé. Les valeurs réelles des seuils de faible revenu selon le SFR et la MPC sont immuables au fil du temps. Les variations de ces seuils au fil du temps traduisent uniquement l'évolution de l'inflation. Par exemple, les seuils actuels du SFR ont été établis selon les habitudes de consommation de 1992. Pour la même personne vivant au même endroit en 1992 et en 2009, les seuils du SFR étaient les mêmes en ce qui concerne les valeurs réelles. Ils différaient uniquement en fonction de la valeur nominale. Par ailleurs, les seuils de la MFR sont mis à jour chaque année en fonction de la répartition contemporaine du revenu. Par conséquent, lorsque le revenu augmente, le seuil est automatiquement relevé. Puisque, selon la MFR, le revenu courant est comparé à une norme courante, la catégorie de faible revenu d'une personne ne dépend pas de l'inflation.3
La figure 2.4 illustre comment le revenu moyen après impôt et les seuils du SFR et de la MFR ont augmenté au fil du temps4. De 1976 jusqu'aux années 1990, tous les seuils ont augmenté à des taux semblables, et les incidences du SFR et de la MFR ont suivi une tendance semblable (voir la figure 2.1). La figure montre également comment l'Indice des prix à la consommation (IPC) a évolué au fil du temps. Pendant les années 1990, l'IPC a augmenté plus vite que les revenus moyens et, par conséquent, les seuils du SFR ont augmenté plus vite que les seuils de la MFR, ce qui a donné lieu à une hausse plus marquée du taux de faible revenu selon le SFR que selon la MFR. Cependant, dès la fin des années 1990, les revenus médians ont commencé à croître plus rapidement que l'IPC, ce qui fait que les seuils de la MFR ont augmenté plus vite que les seuils du SFR. Par conséquent, une baisse significative du taux de faible revenu selon le SFR est survenue, tandis que le taux de faible revenu selon la MFR est demeuré relativement stable, affichant une légère tendance à la hausse.

Figure 2.4 Parcours de croissance de la moyenne du revenu et des seuils du SFR et de la MFR (2001=1)Figure 2.4 Parcours de croissance de la moyenne du revenu et des seuils du SFR et de la MFR (2001=1)
Bien sûr, le tableau global de l'incidence du faible revenu ne révèle pas tout. D'une part, il y a d'autres indices du faible revenu qui pourraient nous fournir des renseignements supplémentaires. On en reparlera plus loin dans le chapitre. D'autre part, la composition de la population à faible revenu peut également changer au fil du temps, et parmi les personnes à faible revenu, certaines peuvent s'en tirer à meilleur compte que d'autres. L'évolution du faible revenu pour différents groupes, notamment ceux de différentes régions, sera examinée dans les chapitres à venir.

Néanmoins, l'évolution du taux de faible revenu de 1976 à 2009 suggère que différents mécanismes de mesure peuvent parfois raconter une histoire différente. En particulier, de 1996 à 2009, alors que le taux de faible revenu selon le SFR (et plus tard la MPC) a considérablement diminué, le taux de faible revenu selon le MFR n'a pas beaucoup changé. Il faut donc se demander à quelle fréquence il y a lieu de changer l'année de base du seuil de faible revenu. Si nous utilisons une norme fixe, comme le SFR, nous comparons le revenu des personnes qui se trouvent dans l'échelon inférieur de la répartition du revenu aujourd'hui à celui des personnes qui se trouvaient dans la fourchette inférieure de la répartition en 1992. Ainsi, nous pouvons mesurer les progrès en comparaison des situations précédentes. Toutefois, si nous employons une norme variable comme la MFR, chaque année nous comparons le revenu des personnes de l'échelon inférieur de la répartition aujourd'hui et celui des personnes de l'échelon intermédiaire aujourd'hui. Autrement dit, le SFR et la MPC ont tendance à suivre l'évolution par rapport aux normes passées, tandis que la MFR suit la population à faible revenu par rapport à la répartition actuelle.

Le rapport s'efforcera maintenant de déterminer comment le faible revenu a changé après la dernière récession.

Comment le taux de faible revenu a-t-il changé pendant la dernière récession?

Avant la crise financière mondiale en 2008, le Canada profitait d'une période de croissance économique et d'emploi en hausse depuis plus de 10 ans. Toutefois, la réduction soudaine de la demande mondiale à l'été 2008 s'est vite propagée à la production de biens et au marché du travail au Canada. La production de biens a enregistré le premier repli depuis la récession de 2000; l'emploi a diminué de 216 000 dans les secteurs de l'agriculture, de la construction et de la fabrication au dernier trimestre de 2008. La situation a continué de se détériorer en 2009. Par exemple, le taux de chômage des Canadiens de 15 à 64 ans a atteint 8,4 %, le plus haut niveau de la décennie. Par conséquent, il est important de voir ce qui est survenu à l'égard du faible revenu pendant la récession.

Selon les seuils de faible revenu (SFR), 9,4 % et 9,6 % des Canadiens avaient un faible revenu en 2008 et en 2009 respectivement (tableau 2.1). Comparativement aux années de 2000 à 2006, le taux de faible revenu en 2009 était significativement plus faible; toutefois, comparativement à 2007, le taux de faible revenu selon le SFR a augmenté de deux dixièmes et quatre dixièmes de point de pourcentage en 2008 et en 2009, mais ces changements ne sont pas statistiquement significatifs, comme l'indique la figure 2.5 (groupe A).5
Cependant, comme susmentionné, le SFR n'est qu'un des seuils de faible revenu disponibles au Canada. Que nous révèle le tableau lorsque nous prenons un instantané d'un angle différent? Examinons d'abord le faible revenu au moyen de la mesure du panier de consommation. Le tableau 2.1 indique que selon la MPC, les taux de faible revenu en 2008 et en 2009 se situaient à 9,5 % et à 10,6 %. Ces proportions sont encore significativement plus faibles en 2000, mais comparativement à 2007, le taux de faible revenu en 2009 était significativement plus élevé, tandis que le taux de faible revenu en 2008 n'était pas statistiquement différent en 2007 (figure 2.5, groupe C).

Tableau 2.1. Taux de faible revenu selon différentes lignesTableau 2.1. Taux de faible revenu selon différentes lignes
Selon la MFR, comme on peut le voir dans le tableau 2.1, le taux de faible revenu se chiffrait à 13,3 % en 2008 et en 2009. Autrement dit, 13,3 % des Canadiens avaient un revenu inférieur à la moitié de la médiane de la répartition du revenu nationale ajustée.6 Le seuil de la MFR nous révèle comment le revenu d'un particulier de l'échelon inférieur de la répartition se compare à celui d'une personne au milieu de la répartition. Il indique que le taux de faible revenu a augmenté d'un huitième de point de pourcentage entre 2007 et 2008-2009. Cependant, dans ce cas-ci, l'écart n'était pas significatif. En effet, selon la MFR, le taux de faible revenu annualisé est demeuré pratiquement inchangé pendant la période de 2000 à 2009 (figure 2.5, groupe B).

Figure 2.5 Les estimations de l'intervalle de confiance de 95 % du taux de faible revenu selon différentes lignes Figure 2.5 Les estimations de l'intervalle de confiance de 95 % du taux de faible revenu selon différentes lignes
Apparemment, des lignes différentes nous donnent des réponses divergentes à la question de savoir si le faible revenu a augmenté, diminué ou est demeuré inchangé en 2008-2009. Si nous nous étions appuyés uniquement sur la ligne habituelle du SFR, nous aurions déduit que l'augmentation observée de quatre dixièmes de point de pourcentage de 2007 à 2009 peut s'expliquer par les erreurs d'échantillonnage et est négligeable. Toutefois, selon la MPC, nous avons relevé des signes que le taux de faible revenu avait augmenté en 2008-2009 et qu'une tendance haussière était en train de se profiler.

Quelle est la robustesse de cette conclusion? Après tout, les estimations de l'intervalle de confiance des taux de faible revenu selon le SFR et la MFR sur les deux années se recoupaient encore, et puisque chaque ligne de faible revenu est assujettie à ses propres suppositions et décisions, il se pourrait fort bien que les variations estimatives du taux de faible revenu selon les différentes lignes soient biaisées. Pour composer avec cette ambiguïté, nous avons besoin d'un outil plus général. Au lieu d'utiliser un ou plusieurs seuils, nous envisageons un éventail de choix possibles de seuils de faible revenu et posons la question suivante : quelle serait l'évolution du taux de faible revenu si le seuil était établi à 1 000 $, 2 000 $, 3 000 $, ..., 30 000 $ par personne par année? Si, pour divers seuils raisonnables, nous observons également que le taux de faible revenu en 2009 était plus élevé qu'en 2007, nous pourrions tirer une conclusion plus robuste.

Nous avons calculé les taux de faible revenu pour 2007, 2008 et 2009 pour des seuils de faible revenu variant de 100 $ à 30 000 $ par personne par année.7 La figure 2.6 illustre les taux de faible revenu estimatifs pour les lignes de faible revenu de 10 000 $ à 18 000 $. Notre calcul démontre que, pour une fourchette de lignes de faible revenu de 11 000 $ à 17 000 $, le taux de faible revenu en 2008 était plus élevé qu'en 2007. Autrement dit, si nous pouvons nous entendre sur le fait que la ligne de faible revenu devrait être établie autour de 11 000 $ et 17 000 $, nous pourrions conclure que le taux de faible revenu a augmenté de 2007 à 2008.8 La figure indique également que le taux de faible revenu en 2009 était plus élevé qu'en 2007 si la ligne de faible revenu est établi entre 12 500 et 14 500 et entre 15 000 et 17 000. Une certaine ambiguïté subsiste toutefois lorsque la ligne est établie entre 14 500 et 15 000.

Nous avons réalisé d'autres tests au moyen d'une série de différentes lignes de faible revenu au moyen de la méthodologie de la MFR. Nous avons constaté que lorsque les lignes de faible revenu étaient établis entre 35 % et 75 % des médianes des répartitions du revenu de 2007 et de 2009, le taux de faible revenu en 2009 était plus élevé qu'en 2007, et les écarts étaient statistiquement significatifs. D'autres tests donnent des résultats semblables.9 Par conséquent, certains indices portent à croire que le faible revenu en 2008-2009 a subi une légère augmentation par rapport à 2007.

Figure 2.6 Taux de faible revenu en 2007, 2008 et 2009 selon un éventail de seuils de faible revenuFigure 2.6 Taux de faible revenu en 2007, 2008 et 2009 selon un éventail de seuils de faible revenu
Jusqu'ici, nos observations sont basées sur de nombreuses lignes de faible revenu. Par souci de cohérence par rapport aux pratiques exemplaires, nous devons également examiner l'évolution du faible revenu au moyen d'indices multiples. Les résultats sont présentés à la prochaine section.

Écart relatif et gravité du faible revenu

Le taux de faible revenu est un indice très simple, et bien qu'il soit facile à comprendre, il a certaines limites. Par exemple, l'inégalité parmi les personnes à faible revenu préoccupe également les décideurs, mais le taux de faible revenu ne contient pas d'information sur cette inégalité. En effet, depuis les travaux de Sen (1976), la prise en compte de l'inégalité chez les pauvres, et pas seulement l'incidence ou l'intensité moyenne de la pauvreté, est devenue une pratique scientifique courante.10 Cet énoncé s'applique aux études sur le faible revenu. Par souci de cohérence par rapport aux pratiques exemplaires, cette section examine comment l'écart relatif et la gravité du faible revenu ont évolué au Canada.11
L'évolution de l'écart relatif du faible revenu au Canada de 1976 à 2009 est présentée à la figure 2.7. La figure semble faire ressortir la même tendance qu'à la figure 2.1 : l'écart relatif du faible revenu a changé dans la même direction que le taux de faible revenu pendant toute la période, et les variations de l'écart relatif selon le SFR étaient beaucoup plus marquées que selon la MFR.

Figure 2.7 Écart relatif du faible revenu selon d'autres lignesFigure 2.7 Écart relatif du faible revenu selon d'autres lignes
Toutefois, on peut également découvrir de nouvelles perspectives en examinant les statistiques sur l'écart relatif. Par exemple, bien que le taux de faible revenu ait peu changé de 2001 à 200612, peu importe la ligne employée (figure 2.5), lorsqu'on examine les statistiques sur l'écart relatif, les estimations portent à croire que l'écart relatif en 2006 était significativement plus faible qu'en 2004 selon la MFR. L'écart relatif était également significativement plus faible en 2006 qu'en 2001 selon la MPC, et fait encore plus remarquable, l'écart relatif en 2006 était plus faible que ceux des cinq autres années selon le SFR. Par conséquent, le taux de faible revenu stable pendant cette période a semblé s'accompagner de réductions de l'étendue du faible revenu, ce qui est renforcé par l'observation que l'écart relatif du faible revenu s'est replié selon les trois lignes de 2000 à 2007.

Nos résultats démontrent aussi que les écarts relatifs de faible revenu pour 2009 (et dans une certaine mesure pour 2008) selon la MFR et la MPC étaient significativement plus élevés que ceux de 2007. Ces résultats confirment nos conclusions antérieures que le taux de faible revenu en 2009 a augmenté par rapport à 2007.

L'indice de gravité du faible revenu mesure l'inégalité des personnes à faible revenu entre elles. La racine carrée de l'écart relatif est une façon de mesurer cette inégalité. Selon cet indice, les personnes à faible revenu ayant un revenu largement insuffisant représentent une plus forte proportion que les personnes à faible revenu dont le manque à gagner est moins important. En plus des axiomes monotones, l'indice satisfait à l'axiome de transfert : toutes choses étant égales par ailleurs, un transfert de revenus d'une personne à faible revenu à une personne ayant un revenu plus élevé doit accroître la gravité du faible revenu.13

Figure 2.8 Indices de gravité du faible revenu selon différentes lignes, CanadaFigure 2.8 Indices de gravité du faible revenu selon différentes lignes, Canada
Pour comprendre la mesure de la gravité, prenons le cas extrême où nous éliminons un montant d'une personne ayant le plus faible revenu pour le transférer à une personne juste au-dessous de la ligne de faible revenu, mais le montant transféré n'est pas suffisant pour sortir le bénéficiaire de la catégorie à faible revenu. Un tel transfert ne changerait pas le taux ou l'écart relatif de faible revenu, mais l'indice de gravité du faible revenu augmenterait. Par conséquent, c'est l'indice de gravité qui pourra mesurer l'augmentation de l'inégalité chez les personnes à faible revenu.

L'évolution des indices de gravité du faible revenu de 1976 à 2009 est présentée dans la figure 2.8. La tendance générale des indices de gravité du faible revenu selon différentes lignes est semblable. Ces indices ont en général diminué de 1976 à 1989, avant d'augmenter jusqu'au milieu et vers la fin des années 1990, puis ils ont recommencé à diminuer. La dernière tendance à la baisse a commencé à s'inverser en 2008, confirmant les nouvelles tendances haussières du taux de faible revenu et des statistiques de l'écart relatif dont il a été question plus tôt. Comme dans le cas de l'écart relatif du faible revenu, nous avons également constaté que les indices de gravité étaient significativement plus élevés en 2009 qu'en 2007 selon la MFR et la MPC, mais pas selon le SFR.

Fait intéressant, nous avons constaté que, selon la MFR, les indices de gravité du faible revenu en 2006 et en 2007 étaient tous significativement plus faibles qu'en 2000, en 2004 et en 2005. Ces constats contrastaient fortement avec la conclusion selon laquelle les taux de faible revenu selon la MFR sont demeurés inchangés de 2000 à 2009. Ces résultats démontrent l'importance d'examiner différents indices du faible revenu pour obtenir un tableau plus complet du bien-être des personnes.

Sommaire

De 1976 à 2009, le taux de faible revenu, l'écart relatifs et les indices de gravité selon les trois lignes de faible revenu ont fluctué significativement, mais ils ont généralement évolué en suivant la même tendance cyclique. Cependant, les tendances des taux de faible revenu selon des lignes différentes divergeaient parfois. En particulier, pendant la période de 2000 à 2009, nous avons constaté que le taux de faible revenu s'est replié selon le SFR et la MPC, les normes fixes, tandis que selon la MFR, la norme relative, on n'a observé aucune variation statistiquement significative. Ces résultats portent à croire que des progrès ont été réalisés à l'égard d'une norme historique, mais que par rapport aux populations actuelles, l'incidence du faible revenu est demeurée stable. Par ailleurs, l'évolution de l'écart relatif et des indices de gravité du faible revenu laisse supposer que le bien-être des Canadiens au bas de la répartition s'était amélioré selon les normes fixes et la norme relative avant le début de la dernière récession.

Le faible revenu a-t-il augmenté en 2008-2009 par rapport à 2007? Nos résultats indiquent que si une seule ligne comme le SFR est employé, la réponse serait non. Cela dit, en examinant plusieurs lignes et plusieurs indices, un tableau plus complet est ressorti. Notre analyse indique qu'une légère hausse du faible revenu est survenue en 2008-2009, et des résultats basés sur des tests statistiques plus généraux ont confirmé que le taux de faible revenu a légèrement augmenté de 2007 à 2008-2009 selon un éventail de seuils de faible revenu possibles.


Nota

1. Dans le présent rapport, nous employons le concept du revenu après impôt selon le SFR et la MFR, et le concept du revenu disponible selon la MPC. Le revenu après impôt correspond au revenu total du ménage/de la famille économique, moins les impôts sur le revenu. Le revenu disponible se définit comme le revenu disponible pour acheter les biens et services contenus dans le panier de la MPC. En particulier, le revenu disponible de la MPC =  revenu total – impôts sur le revenu – cotisation au RPC ou à la RRQ – cotisation à l'AE – cotisation à un RPA – cotisations syndicales – paiement de pension alimentaire pour enfants ou pour le conjoint – dépenses liées aux garderies en milieu de travail – dépenses de santé remboursables – primes du régime public d'assurance-maladie.

2. Les tests statistiques pour la période antérieure à 2000 sont fondés sur des erreurs types estimées à l'aide des formules analytiques pour les indices FGT. Pour la période subséquente, les poids bootstrap de l'EDTR ont été employés. Une comparaison des résultats selon les deux approches suggère que les estimations basées sur les poids bootstrap sont plus prudentes. Par exemple, le taux de faible revenu selon la MFR en 2008 était significativement plus élevé qu'en 2007 selon la première approche. Cependant, selon la deuxième approche, l'écart était léger.

3. L'hypothèse est que tout le monde doit composer avec les mêmes prix.

4. On obtient la moyenne des seuils et des chiffres de revenus en faisant la moyenne du seuil familial ou du revenu au niveau des particuliers. Les taux de croissance ont été normalisés en 2001. Nous avons effectué des vérifications de la robustesse pour confirmer que l'année de la normalisation n'a pas biaisé les résultats indiqués ici.

5. Nous déterminons la signification statistique au moyen de l'estimation de l'intervalle de confiance de 95 % du taux de faible revenu. Lorsque les estimations d'intervalle pour deux années différentes ne se chevauchent pas, nous disons que les taux de faible revenu ces deux années-là sont statistiquement différents, ou que l'évolution des taux de faible revenu entre ces années est statistiquement significative. Si les intervalles se recoupent complètement, nous disons que l'écart n'est pas significatif, et lorsqu'il y a un léger chevauchement, nous disons que l'écart n'est que légèrement significatif. Prenez note  que les observations de l'EDTR d'un même panel et que certaines de celles des deux panels adjacents ne sont pas indépendantes et que les indices de faible revenu sont corrélés. Dans ce rapport, nous avons tenu compte de ces situations  afin de nous assuré de la validité de nos inférences.

6. Veuillez vous reporter à l'annexe sur la méthodologie de la MFR pour plus de détails.

7. Le revenu est mesuré en dollars constants de 2009. Le ménage est utilisé comme unité pour déterminer la catégorie de faible revenu d'une personne, et la racine carrée de la taille du ménage est utilisée comme échelle d'équivalence. Nous avons également fait un test en utilisant la famille économique comme unité pour déterminer le faible revenu. Le résultat est le même.

8. Pour donner à nos lecteurs une idée des différents seuils, nous remarquons qu'en 2008, le seuil de la MFR pour une personne seule se situait à 18 582 $; le SFR pour une personne seule vivant en région urbaine d'au moins 500 000 habitants s'établissait à 18 373 $, tandis que le seuil de la MPC pour une personne vivant à Toronto se situait à 15 565 $. Au moyen de l'IPC pour rajuster le seuil du professeur Sarlo (8 900 $ en 2000), on obtiendrait 10 644 $ pour 2008.

9. Au moyen des tests de dominance stochastique (au moyen de DAD 4.5 par Duclos, Araar et Fortin 2008), nous avons constaté que la répartition de 2007 domine celle de 2009 pour le premier ordre des seuils au-dessous de 25 575 $. La répartition de 2007 domine également celle de 2008 pour le premier ordre des seuils au-dessous de 19 995 $ (toujours en dollars constants de 2009).

10. Duclos et Grégoire (2003).

11. Des discussions supplémentaires sur les indices de l'écart relatif et de gravité du faible revenu se trouvent à l'annexe sur la méthodologie.

12. Les estimations de l'intervalle de confiance se recoupaient en grande partie pendant ces années.

13. L'approche axiomatique a été utilisée pour la première fois par Sen (1976) et examinée par bon nombre d'auteurs dans la documentation sur la pauvreté.

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