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Pourquoi les femmes sont-elles devenues majoritaires à l'université?

Différences entre les sexes durant la petite enfance
Différences entre les sexes à 15 ans
Explication de l'écart entre les sexes des taux d'inscription à l'université
Conclusion

Au cours des quelque 30 dernières années, un renversement spectaculaire s'est amorcé sur les campus au Canada. Selon le Recensement de 1971, 68 % des diplômés universitaires de 25 à 29 ans étaient des hommes. Dix ans plus tard, ces derniers avaient plus ou moins été rattrapés par les femmes, la proportion de diplômés de sexe masculin n'étant plus que de 54 %. En 1991, les femmes détenaient une légère majorité, représentant 51 % des diplômés. Au Recensement de 2001, les universités étaient manifestement devenues le domaine des femmes; celles ci représentaient en effet 58 % de l'ensemble des diplômés. Enfin, selon le Recensement de 2006, les femmes représentaient 60 % des diplômés universitaires de 25 à 29 ans.

Dans une étude récente, des chercheurs de Statistique Canada, Marc Frenette et Klarka Zeman, ont tenté d'expliquer l'écart important entre les hommes et les femmes en ce qui concerne l'inscription à l'université1. Ils établissent d'abord le profil des filles et des garçons de la naissance jusqu'à 15 ans. Ils soulignent qu'en général, dès le début, les garçons accusent un certain retard par rapport aux filles dans plusieurs aspects physiques, cognitifs et affectifs. À mesure que les jeunes progressent dans le système scolaire, les écarts entre les sexes ont tendance à s'accentuer. À 15 ans, moment où bien des jeunes commencent à envisager les avenues possibles après le secondaire, les filles ont un bien meilleur rendement scolaire que les garçons.

Les auteurs examinent dans quelle mesure les avantages dont bénéficient les filles à 15 ans expliquent l'important écart entre les sexes quant à l'inscription à l'université à 19 ans. Selon les résultats de leur analyse, plus des trois quarts (76,8 %) de cet écart peut être expliqué par des différences entre les garçons et les filles pour certaines caractéristiques observables. Par ordre d'importance, les principaux facteurs sont les différences dans : les notes scolaires obtenues à 15 ans, les notes aux tests normalisés de lecture obtenues à 15 ans, le temps consacré aux devoirs, les attentes des parents et les gains supérieurs associés à un diplôme universitaire comparativement à un diplôme d'études secondaires.

Les données de l'étude proviennent du cycle 3 de l'Enquête auprès des jeunes en transition (EJET), effectué en 2003. Les participants de l'EJET avaient alors 19 ans.

Différences entre les sexes durant la petite enfance

Frenette et Zeman citent diverses sources pour établir un portrait des garçons et des filles pendant les années de la petite enfance. Dès la naissance, il semble que les garçons rencontrent plus de difficultés que les filles. Par exemple, pour chaque tranche de 1 000 naissances vivantes, 5,8 garçons meurent la première année de leur vie, comparativement à 4,7 filles. De 1 an à 4 ans, les garçons sont beaucoup plus susceptibles d'être hospitalisés que les filles (7 793 garçons sur 100 000, comparativement à 5 726 filles sur 100 000). Selon le cycle 4 (2000 2001) de l'Enquête longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes (ELNEJ), les garçons sont également plus susceptibles d'être considérés comme ayant des limitations d'activités (15 %) que les filles (11 %).

En outre, les filles se développent plus rapidement que les garçons durant la petite enfance. Par exemple, seulement 12 % des garçons de la naissance à 3 ans sont considérés comme ayant un développement moteur et social avancé comparativement à 21 % des filles. En moyenne, les garçons de 5 ans obtiennent une note de 97,2 à un test de copie de figures et d'utilisation de symboles comparativement à 104,3 pour les filles. Environ 78 % des garçons de 5 ans font souvent preuve d'autonomie pour s'habiller comparativement à 87 % des filles.

Enfin, les garçons manifestent plus de problèmes de comportement que les filles durant la petite enfance. Par exemple, les garçons de 5 ans sont moins attentifs (note de 8,5) que les filles (note de 9,3). Environ 16 % des garçons de 4 à 11 ans ont un comportement agressif, comparativement à seulement 9 % des filles, et 14 % des garçons du même groupe d'âge sont hyperactifs comparativement à seulement 6 % des filles.

Différences entre les sexes à 15 ans

À 15 ans, les garçons et les filles ont des caractéristiques très différentes. En ce qui touche les études, les garçons accusent un retard par rapport aux filles à plusieurs égards. Par exemple, leurs résultats aux tests normalisés de lecture sont plus faibles. En effet, 20,4 % des garçons se situent dans les 25 % supérieurs de la distribution des notes contre 30,1 % des filles. En revanche, 30,3 % des garçons, mais seulement 19,5 % des filles, se classent dans les 25 % inférieurs de la distribution.

L'écart entre les garçons et les filles est tout aussi important dans les notes scolaires globales. Alors que seulement 31,9 % des garçons obtiennent des notes d'au moins 80 %, près de la moitié des filles font partie de cette catégorie (46,3 %) (graphique 1). À l'extrémité opposée de l'échelle, 8,4 % des garçons ont obtenu des notes inférieures à 60 %, comparativement à seulement 2,5 % des filles.

Graphique 1
Répartition des notes moyennes globales des jeunes de 15 ans, selon le sexe, 1999

Graphique 1. Répartition des notes moyennes globales des jeunes de 15 ans, selon le sexe, 1999

Source : Statistique Canada. Enquête auprès des jeunes en transition, cohorte A

Les garçons et les filles sont également très différents quant au temps consacré aux devoirs. En effet, 8,5 % des garçons ont indiqué qu'ils n'y consacraient pas de temps, comparativement à 2,5 % des filles. De plus, seulement 30,3 % des garçons passent au moins quatre heures par semaine à faire leurs devoirs, comparativement à 41,2 % des filles (graphique 2). Enfin, près de 1 garçon sur 10 (9,9 %) redouble une année scolaire, comparativement à 6,5 % des filles.

Graphique 2
Répartition des heures consacrées aux devoirs par semaine, jeunes de 15 ans, selon le sexe, 1999

Graphique 2. Répartition des heures consacrées aux devoirs par semaine, jeunes de 15 ans, selon le sexe, 1999

Source : Statistique Canada. Enquête auprès des jeunes en transition, cohorte A

Explication de l'écart entre les sexes des taux d'inscription à l'université

Les résultats aux tests normalisés de lecture, les notes moyennes globales et le temps consacré aux devoirs sont tous des facteurs associés de façon positive à l'inscription à l'université. Cette association est, en grande partie, sans égard au sexe.

On constate que les élèves qui redoublent une année sont moins susceptibles d'aller à l'université quatre ans plus tard; cependant, la différence est statistiquement faible après que l'effet de facteurs tels que les notes moyennes globales et les résultats aux tests normalisés de lecture a été neutralisé. Les garçons et les filles qui grandissent dans un ménage où leurs deux parents sont présents sont plus susceptibles de s'inscrire à l'université que ceux qui grandissent dans un foyer monoparental.

Le sexe du parent qui connaît le mieux le jeune n'est associé positivement à la poursuite d'études universitaires que chez les filles. Chez les garçons, cette association est faible. En fait, le parent qui connaît le mieux les filles est beaucoup plus fréquemment le parent de même sexe (79,8 %) que dans le cas des garçons (23,5 %).

Comme l'ont montré d'innombrables études, le niveau d'études des parents est positivement corrélé à la poursuite d'études universitaires, et ce, dans la même mesure pour les filles que pour les garçons. Par contre, le revenu des parents est très faiblement associé à l'inscription à l'université lorsque l'on tient compte de l'effet des autres caractéristiques socioéconomiques, même si cette association est un peu plus prononcée pour les filles que pour les garçons. Les garçons appartenant aux familles des deuxième, troisième et quatrième quartiles de revenu des parents ne sont pas plus susceptibles d'aller à l'université que ceux du premier quartile. En revanche, les filles des familles du quatrième quartile de revenu des parents bénéficient d'un avantage de 8,2 points par rapport à celles du quartile inférieur de revenu, après prise en compte des différences relatives à d'autres caractéristiques socioéconomiques. Même les filles des familles du troisième quartile de revenu bénéficient d'un avantage de 3,3 points par rapport à celles du quartile inférieur.

De par leurs attentes envers leurs enfants, les parents exercent également une certaine influence sur eux. L'accroissement des attentes parentales est associé à un accroissement du taux d'inscription à l'université, et la relation est plus forte chez les filles. Par contre, l'effet de l'influence des amis est beaucoup plus faible. En fait, il n'y a pas de relation statistique importante entre les plans d'avenir des amis et la probabilité de s'inscrire à l'université.

Enfin, les gains supérieurs des diplômés universitaires par rapport à ceux des diplômés du secondaire sont associés à une plus grande probabilité de poursuivre des études universitaires chez les garçons, mais non chez les filles. Autrement dit, les avantages économiques relatifs d'un diplôme universitaire sont plus importants pour les filles, mais en général ils influencent peu les choix de celles-ci, ce qui suggère que le taux d'inscription plus élevé des filles est attribuable à d'autres facteurs.

En 2003, 38,8 % des femmes de 19 ans ont fréquenté l'université, comparativement à 25,7 % des hommes, soit un écart de 13,1 points. Le principal facteur, qui représente près du tiers de cet écart, était relié aux différences entre les notes moyennes globales. Les différences de rendement aux tests de lecture normalisés représentaient 14,6 % de l'écart. Le troisième facteur important, qui représentait 11,1 % de l'écart, était la différence entre les sexes en ce qui a trait au temps consacré aux devoirs. Collectivement, ces trois facteurs scolaires représentaient donc près de 60 % de l'écart entre les sexes dans l'inscription à l'université en 2003. Enfin, les différences quant aux attentes des parents en ce qui a trait aux études pour les garçons et les filles représentaient 8,5 % de l'écart.

Conclusion

Frenette et Zeman avancent plusieurs faits intéressants dans l'interprétation de leurs résultats. Premièrement, ils soulignent que le rendement aux tests normalisés peut être considéré comme un indicateur des aptitudes cognitives. Les notes moyennes globales et le temps passé à étudier, quant à eux, ont été considérés comme des indicateurs des aptitudes non cognitives, une fois les aptitudes cognitives prises en compte. Autrement dit, les notes moyennes globales peuvent refléter la capacité d'une personne de tirer profit de ses aptitudes cognitives. Elles pourraient aussi refléter le niveau de motivation ou de maturité d'une personne, tout comme le temps consacré aux devoirs.

Frenette et Zeman mentionnent également que, selon certains experts, les aptitudes cognitives ne sont malléables que durant la petite enfance, tandis que les aptitudes non cognitives le demeurent pendant une bonne partie de l'adolescence. Si c'est le cas, les résultats de la présente analyse suggèrent qu'une très grande proportion de l'écart entre les sexes en ce qui concerne l'inscription à l'université a trait aux aptitudes non cognitives démontrées à l'école, dont un élément important consiste en la motivation à travailler dur à l'école et les efforts pour obtenir de bonnes notes moyennes globales.

Finalement, une autre différence importante entre les garçons et les filles concerne leur réponse aux indices du marché du travail en ce qui a trait aux avantages économiques des diplômés de l'université par rapport aux diplômés du secondaire. Frenette et Zeman révèlent que les gains supérieurs associés à un diplôme universitaire sont positivement corrélés à l'inscription à l'université chez les garçons, mais il n'y a pas de corrélation statistique chez les filles. En outre, les filles et les garçons accordent la même importance au rôle de l'éducation dans leur futur succès professionnel.

Il importe de faire la distinction entre l'avantage économique absolu et l'avantage économique relatif du diplôme universitaire dans le marché du travail. En ce qui concerne l'avantage relatif, les femmes ont plus à gagner que les hommes à décrocher un diplôme universitaire plutôt qu'à s'en tenir au diplôme du secondaire. Cependant, en valeur absolue, le gain de salaire associé à un diplôme universitaire comparativement à un diplôme d'études secondaires est plus important pour les hommes que pour les femmes. L'écart absolu est de 22 766 $ pour les hommes, mais seulement de 18 490 $ pour les femmes. Le fait que les jeunes répondent à l'avantage absolu plutôt que relatif expliquerait pourquoi la prime salariale relative n'est pas associée à une grande part de l'écart entre les hommes et les femmes dans l'inscription à l'université. L'analyse a permis de constater que c'est la prime absolue qui est importante et que, en fait, la différence entre les primes salariales absolues des garçons et des filles réduit l'écart en ce qui a trait à l'inscription à l'université.

Frenette et Zeman soulignent que ces résultats remettent en doute l'idée voulant que les femmes soient plus susceptibles de fréquenter l'université à cause des avantages économiques qui en découlent, mais d'autres travaux de recherche seront nécessaires afin d'obtenir des résultats probants à ce sujet. Par contre, cette constatation soulève une autre question : si elles ne sont pas motivées par des récompenses extrinsèques, comme les jeunes hommes, qu'est-ce qui incite les jeunes femmes à bien réussir à l'école et à poursuivre leurs études à l'université en plus grand nombre que ces derniers?

Référence

  1. Frenette, Marc, et Klarka Zeman. 2007. Pourquoi la plupart des étudiants universitaires sont-ils des femmes? Analyse fondée sur le rendement scolaire, les méthodes de travail et l'influence des parents, Direction des études analytiques : documents de recherche, produit numéro 11F0019MIF au catalogue de Statistique Canada, numéro 303.