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Culture, tourisme et Centre de la statistique de l'éducation : documents de recherche

Les compétences en mathématiques et en sciences à 15 ans et le choix du programme universitaire : différences selon le sexe

Revue de littérature

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L’objectif du présent document est d’examiner le lien entre le sexe, les scores aux tests de mathématiques et de sciences à l’âge de 15 ans et le premier choix de programme universitaire. Ainsi, cette revue de littérature met l’accent sur les études relativement peu nombreuses au Canada et ailleurs qui s’attardent à cette relation. Le manque de données disponibles sur la question peut expliquer la rareté des recherches dans ce domaine au Canada. Avant le couplage en 2000 de l’Enquête auprès des jeunes en transition (EJET) et du Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA), il n’existait aucune source de données comprenant à la fois des mesures de l’aptitude aux mathématiques et aux sciences (autres que les notes) à l’adolescence et le choix du programme universitaire effectué par un étudiant.

De nombreuses études (p. ex. OCDE, 2010) ont utilisé les notes en mathématiques ou en sciences comme mesures de l’aptitude. Même si elles sont étroitement liées à l’aptitude mesurée au moyen des scores aux tests de rendement, ces études ne constituent peut-être pas de véritables indicateurs objectifs de l’aptitude aux mathématiques ou aux sciences, en raison des questions liées au comportement et au rendement des étudiants ainsi qu’à d’autres facteurs propres à l’école, comme la relation enseignant–étudiant, et le programme d’études (Cornwell, Mustard et Van Parys, 2011). En outre, des différences de rendement importantes se dégagent entre les sexes, tel que mesuré au moyen de notes ou de tests de rendement : en général, les filles réussissent mieux que les garçons pour ce qui est des notes, mais non pour ce qui est des tests de rendement (Duckworth et Seligman, 2006).

Bien que l’on ne puisse s’attarder ici aux raisons pour lesquelles le rendement des garçons et des filles est différent lorsque l’on s’intéresse aux notes en mathématiques ou en sciences et aux tests de rendement, il est important de souligner quelques-uns des premiers travaux publiés dans ce domaine. Par exemple, une explication possible de l’écart entre les sexes quant aux notes tient peut-être au fait que les filles sont habituellement plus disciplinées que les garçons en ce qui a trait au travail scolaire et, par conséquent, qu’elles travaillent peut-être plus fort à l’école (et se comportent mieux en classe), d’où les meilleures notes (Downey et Vogt Yuan, 2005). À l’inverse, les filles obtiennent généralement de moins bons scores que les garçons aux tests de mathématiques. Ces travaux montrent que les raisons de cet écart varient, allant du type d’activités auxquelles s’adonnent les garçons et les filles à l’extérieur de la classe –  les garçons privilégiant les activités qui favorisent l’acquisition de compétences quantitatives et les filles, celles qui développent les compétences verbales ou la compréhension de l’écrit (Downey et Vogt Yuan, 2005) –  à des explications de nature biologique. Celles-ci supposent que les garçons surpassent les filles pour ce qui est de la plupart des mesures des capacités visuo-spatiales (qui sont plus étroitement liées à l’aptitude aux mathématiques et aux sciences) (voir à ce sujet Halpern, Benbow, Geary, Gur, Shibley Hyde et Gernsbacher, 2007). Puisque ces questions sont complexes et vont au-delà de la portée du présent document, nous insistons plutôt sur les écrits qui examinent de quelle façon le sexe et l’aptitude aux mathématiques et aux sciences peuvent interagir dans le choix du programme universitaire.

La National Educational Longitudinal Study (NELS) réalisée aux États-Unis (de 1988 à 1994) a été utilisée comme source de données pour examiner le lien entre l’aptitude aux études à l’école secondaire et le choix d’un programme à l’université. Par exemple, Goyette et Mullen (2006) se sont servis d’une mesure combinée du rendement scolaire intégrant les tests de rendement en mathématiques et en lecture administrés à des élèves de 12e année. Le principal domaine d’études a été divisé en deux catégories : les arts et les sciences (comprend les sciences humaines, les sciences, les mathématiques et les sciences sociales) et la formation professionnelle (comprend le commerce, l’éducation, le génie, les études préprofessionnelles telles que le droit, la médecine, l’architecture, et d’autres domaines d’études orientés vers l’exercice d’une profession, comme l’agriculture, les communications, le design, les services de protection)1. Goyette et Mullen ont découvert que leur mesure du rendement scolaire était liée positivement à l’inscription à un programme en arts et en sciences plutôt qu’à un programme de formation professionnelle. Ils n’ont pas analysé la relation entre le rendement scolaire et le choix de programme universitaire pour chaque sexe séparément.

En s’appuyant sur les vagues de 1988 à 1994 de la NELS, Correll (2001) a constaté que les scores obtenus aux épreuves de mathématiques en 8e année menaient à une plus grande probabilité qu’un élève choisisse un domaine d’études universitaires nécessitant des compétences et des connaissances « quantitatives » (comme le génie). Cet effet était toujours présent après avoir tenu compte des scores obtenus aux tests verbaux, des notes en mathématiques et en anglais, ainsi que de l’autoévaluation des capacités verbales et mathématiques et de l’inscription à des cours de calcul à l’école secondaire. Même si Correll n’a pas évalué les effets d’interaction entre le sexe et les scores obtenus aux épreuves de mathématiques, son étude est significative parce qu’elle illustre l’importance de l’autoévaluation. Par exemple, elle montre que même si les hommes et les femmes ont les mêmes notes en mathématiques et les mêmes scores, les hommes sont plus susceptibles que les femmes de se juger compétents en mathématiques. Par conséquent, ses :

« résultats donnent à penser que ceux qui persistent dans la voie professionnelle en mathématiques ne sont peut-être même pas les plus qualifiés pour les carrières qui nécessitent l’excellence en mathématiques. En d’autres termes, les garçons ne s’inscrivent pas plus en mathématiques  que les filles parce qu’ils sont meilleurs, mais, en partie, parce qu’ils pensent être meilleurs. » (p. 1724, traduction libre).

Trusty (2002) abonde aussi dans le même sens. Il a trouvé que l’autoévaluation des mathématiques diminuait la capacité prédictive de l’aptitude aux sciences et aux mathématiques, les personnes qui se perçoivent comme étant bonnes en mathématiques étant plus susceptibles de choisir un programme en mathématiques/sciences.

D’autres données tirées de la NELS (Trusty, Robinson, Plata et Ng, 2000) ont montré que les hommes choisissent le plus souvent des programmes d’études tels que le génie, la médecine et les sciences, et les femmes, l’éducation, les sciences infirmières et les études ethniques. Selon ces données, toutefois, les aptitudes en 8e année ont une incidence différente sur les garçons et les filles. Par exemple, l’interaction entre le sexe et les scores obtenus aux épreuves de mathématiques et de lecture a révélé que, pour tous les domaines d’études postsecondaires, l’aptitude aux mathématiques en 8e année avait la plus forte incidence sur le choix de programme chez les hommes, tandis que l’aptitude à la lecture avait la plus forte incidence chez les femmes.

Dans des travaux ultérieurs fondés sur la NELS, Trusty (2002) a examiné les déterminants du choix des sciences/mathématiques comme domaine d’études par opposition à tous les autres domaines. Il a observé que, dans les modèles sur les hommes qui comprenaient les scores obtenus aux épreuves de sciences et de mathématiques, le score en sciences était positivement et étroitement lié au choix des sciences/mathématiques comme domaine d’études. L’incidence des compétences en mathématiques n’était pas significative dans ces modèles, mais elle l’était dans les modèles qui n’incluaient pas les sciences, ce qui donne à penser qu’il existe un chevauchement relativement important des mesures des compétences en mathématiques et en sciences. Le comportement relatif au choix de cours semblait, lui aussi, être un déterminant. Par exemple, chez les femmes, les scores obtenus en mathématiques paraissaient être plus importants que les scores obtenus en sciences, mais l’inclusion de variables relatives au comportement entourant le choix de cours (plus particulièrement si le répondant avait suivi un cours de mathématiques, comme la géométrie, la trigonométrie et le calcul au secondaire) éliminait complètement l’effet positif des scores obtenus aux épreuves de mathématiques sur le choix de programme d’études postsecondaires. Chez les hommes, l’effet des scores obtenus aux épreuves de sciences sur le choix des mathématiques ou des sciences comme domaine d’études persistait après avoir tenu compte du comportement lié au choix de cours.

À l’aide d’un échantillon américain plus ciblé des scores obtenus aux tests d’admission des membres des cohortes admises en 1951, 1976 et 1989 à 12 collèges et universités reconnus sur le plan académique, Turner et Bowen (1999) ont montré que les hommes ayant obtenu des scores élevés en mathématiques au Scholastic Aptitude Test (SAT) étaient plus susceptibles de s’inscrire en mathématiques/physique et en génie que leurs homologues de sexe féminin qui, elles, étaient plutôt portées à s’inscrire à des programmes en sciences humaines, en sciences sociales, et en sciences de la vie. Or, Turner et Bowen ont constaté que les résultats aux tests d’aptitude ne constituaient qu’un facteur relativement peu important pour prévoir les différences de choix de programme universitaire entre les sexes. En fait, des facteurs liés aux différences sur le plan des préférences et des attentes sur le marché du travail avaient plus d’importance pour expliquer l’écart entre les sexes en matière de choix de programme2. De même, Ware et Lee (1988) ont découvert qu’à l’école secondaire, différents facteurs influent sur les décisions quant au choix d’un programme. Par exemple, les femmes ayant opté pour des études non scientifiques étaient celles qui considéraient davantage l’impact de leur décision sur leur future vie familiale et personnelle3.

Les recherches qui portent sur l’effet de l’aptitude aux mathématiques et aux sciences, telle que mesurée au moyen de scores plutôt qu’à partir de notes, sur le choix de programme postsecondaire sont rares à l’échelle internationale et le sont encore davantage au Canada. De fait, au Canada, aucune étude ne semble utiliser les scores aux tests de mathématiques ou de sciences afin de prédire le choix du premier programme universitaire. Les deux études à peu près équivalentes à l’échelle nationale s’appuient en outre sur le fichier de l’EJET-PISA (voir Finnie et Childs, 2010; et OCDE, 2010). Or, ni l’une ni l’autre n’a recours aux scores des tests de mathématiques ou de sciences du PISA; elles utilisent plutôt les scores aux tests de lecture du PISA en combinaison avec les notes en lecture, en mathématiques et en sciences.

Finnie et Childs (2010) ont remarqué qu’un score élevé en lecture au PISA augmente la probabilité de s’inscrire à un programme d’études universitaires dans le domaine des STGM (sciences, technologie, génie et mathématiques), mais un peu plus chez les hommes que chez les femmes. À l’inverse, le score en lecture au PISA semble être davantage lié au fait d’étudier dans d’autres domaines que les STGM chez les femmes que chez les hommes. Par ailleurs, pour les deux sexes, les notes en mathématiques et en sciences au secondaire étaient liées à une plus grande propension à s’inscrire à un programme en STGM à l’université. Les résultats de l’OCDE (2010) vont généralement en ce sens, bien que l’étude classe les domaines non pas en faisant une simple dichotomie entre les STGM et les autres domaines, mais en utilisant une classification plus détaillée. Par exemple, des compétences élevées en lecture mesurées au moyen des scores en lecture au PISA à 15 ans indiquent une plus grande probabilité de choisir un programme en sciences pures ou en sciences de la vie plutôt qu’en sciences humaines, en arts ou en communications. Les notes en mathématiques ou en sciences produisent le même effet, tandis que les notes en lecture démontrent plutôt le contraire, c'est­à-dire que les jeunes ayant les meilleures notes en lecture sont plus susceptibles d’opter pour les sciences humaines, les arts ou les communications que les sciences pures ou les sciences de la vie. Le lien entre des notes élevées au secondaire et le fait de choisir un programme d’études en sciences à l’université est illustré plus à fond dans une étude récente de Burrow, Dooley, Wright et DeClou (2012). À l’aide des données administratives de l’Ontario, ces chercheurs ont trouvé que les diplômés du secondaire ayant les notes les plus élevées (les premiers 5 %) sont plus portés que les autres à s’inscrire à des cours en sciences. Ainsi, en 2008, environ la moitié de ces élèves performants ont opté pour des études universitaires en sciences, tandis que moins de 20 % ont choisi les arts.

Dans cette revue, un survol des recherches récentes a été effectué à propos de la relation entre, d’une part, des mesures relativement objectives de l’aptitude aux mathématiques et aux sciences, et d’autre part, le choix possible d’un programme à l’université. À l’échelle internationale, il est possible d’identifier plusieurs exemples utilisant différentes épreuves de mathématiques et de sciences, ainsi que différentes catégories de matières universitaires. Même si le type de mesure de l’aptitude aux mathématiques et aux sciences et la catégorisation des programmes universitaires varient d’une étude à l’autre, leurs constatations se ressemblent beaucoup sur un plan : il existe un lien entre les scores obtenus aux épreuves de mathématiques et de sciences (et également les scores obtenus en lecture) et le choix du programme universitaire. Les jeunes ayant une grande aptitude aux mathématiques et aux sciences sont plus susceptibles de choisir des programmes où ces compétences sont essentielles (comme les sciences et le génie). Néanmoins, ces études montrent également que de nombreux autres facteurs sont aussi décisifs. Parmi les plus marquants, mentionnons les notes en mathématiques ou en sciences, ainsi que l’autoévaluation des capacités en mathématiques. En fait, une étude récente de l’OCDE (2012) laisse entendre que la différence entre les sexes « semble davantage liée à l’attitude des élèves (comme la motivation et l’intérêt) à l’égard de certaines matières plutôt qu’à des capacités et performances scolaires effectives » (p. 113).


Notes

  1. Les différences de catégorisation entre l’étude de Goyette et Mullen et la présente étude rendent la comparaison difficile. Les catégories se chevauchent complètement et ne sont pas mutuellement exclusives.
  2. Ils laissent entendre que les femmes pourraient préférer des domaines où les compétences ne se détériorent pas ou ne deviennent pas obsolètes aussi rapidement. Elles sont peut-être plus portées que les hommes à éviter des domaines liés à des matières très techniques, comme les sciences informatiques, de sorte que les périodes sans travail qu’elles passent à élever une famille ne nuisent pas autant à leur carrière.
  3. À l’aide d’une cohorte née en 1958 au Royaume-Uni, Van de Werfhorst, Sullivan et Cheung (2003) ont également constaté un écart important entre les sexes dans le choix d’un programme (tout spécialement dans le domaine des sciences) qui ne peut s’expliquer totalement par l’aptitude aux mathématiques à 11 ans : d’autres facteurs tels que la classe sociale, les antécédents familiaux et le capital culturel au foyer demeurent également très importants.
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