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Méthodes
Résultats
Discussion
Limites
Sommaire et conclusion

Selon le Recensement de 2001, 976 000 Canadiens (3 % de la population totale) s'identifient comme Autochtones : membres des Premières nations (Amérindiens), Métis ou Inuits. Environ 5 % des personnes déclarant une identité autochtone, soit plus de 45 000, sont des Inuits. Les Inuits sont les descendants des Autochtones, qui ont historiquement vécu dans les régions arctiques du Canada, en Alaska, au Groenland et en Sibérie. La plupart des Inuits du Canada vivent maintenant dans l'une des quatre régions suivantes : la région d'Inuvialuit (le long de la côte arctique des Territoires du Nord-Ouest), le Nunavut (territoire de l'Arctique de l'est), le Nunavik (nord du Québec), et le Nunatsiavut (côte nord du Labrador).

Des données sur l'identité inuite sont recueillies pour les décès qui se produisent dans les deux territoires du nord du Canada – les Territoires du Nord-Ouest et le Nunavut – mais pas pour les décès qui se produisent dans les provinces. Par conséquent, étant donné que le cinquième des décès d'habitants des Territoires du Nord-Ouest et du Nunavut se produisent dans les provinces1, et que 20 % de l'ensemble

de la population inuite du Canada (selon les questions d'auto-identification du recensement) réside dans les provinces, les indicateurs de base de la santé, comme l'espérance de vie à la naissance, ne peuvent être estimés pour les Inuits à partir des sources de données et des méthodes courantes.

Par le passé, on calculait l'espérance de vie à partir de données de listes nominales (qui ne sont plus disponibles) des Inuits dans les anciens Territoires du Nord-Ouest (qui comprenaient l'actuel Nunavut) et au Nunavik (nord du Québec) pour la période de 1941-1950 à 1978-1982 inclusivement2,3. L'espérance de vie à la naissance de la population inuite des anciens Territoires du Nord-Ouest a augmenté, passant de 29 ans en 1941-1950 (soit 38 ans de moins que pour l'ensemble du Canada), à 37 ans en 1951-1960 (33 ans de moins), à 51 ans en 1963-1966 (21 ans de moins) et à 66 ans en 1978-1982 (19 ans de moins)4 . Dans le cas des Inuits du Nunavik, l'espérance de vie en 1984-1988 était inférieure de 14 ans à celle de l'ensemble de la population du Québec5.

Des chiffres sur l'espérance de vie sont publiés régulièrement pour la région sociosanitaire du Nunavik au Québec, et depuis 2000, pour le Nunavut, chiffres qui englobent l'ensemble de la population de ces deux régions, y compris la population non inuite. Les résultats pour 2000-20026 montrent que l'espérance de vie à la naissance était d'environ 67 ans au Nunavik et d'environ 69 ans au Nunavut, soit environ 13 et 11 ans de moins que pour l'ensemble du Canada pour la même période. Toutefois, les estimations sont fondées sur trois années de décès seulement; les résultats antérieurs pour l'actuel Nunavut ne sont pas disponibles, et aucun chiffre n'a été publié pour les régions peuplées d'Inuits des Territoires du Nord-Ouest et du Labrador.

Par conséquent, il n'existe actuellement pas d'estimations de l'espérance de vie au niveau national pour la composante inuite de la population canadienne. Afin de combler partiellement ces lacunes dans les données, on a eu recours à une approche fondée sur des données géographiques pour calculer l'espérance de vie de l'ensemble des régions où vivent les Inuits du Canada, sur une période de 15 ans.

Méthodes

On a déterminé les régions comptant une proportion relativement élevée d'habitants inuits. Les enregistrements de décès de la statistique de l'état civil et les chiffres de population du recensement ont servi à calculer des mesures de l'espérance de vie pour ces régions.

À partir des questions du recensement, l'appartenance à un group autochtone peut être déterminée sur la base de l'ascendance, du statut juridique (dans le cas des Premières nations) ou de l'auto-identification.  La question sur l'auto-identification a servi à sélectionner les collectivités pour la présente étude. Le choix est important dans le cas des Premières nations, mais a moins de poids pour les Inuits, étant donné que la plupart de ceux qui déclarent une ascendance inuite s'identifient aussi comme des Inuits7,8.

Selon la question du recensement sur l'identité autochtone, la plupart des Inuits du Canada vivent au Nunavut, suivi par le Nunavik, la région d'Inuvialuit et le Nunatsiavut et, dans chacune de ces régions, la majorité des habitants s'identifient comme Inuits. Les collectivités de résidence correspondantes peuvent être facilement déterminées à partir de codes de localité fondés sur les noms de localité, lesquels figurent toujours dans les enregistrements de décès de la statistique de l'état civil. Les codes postaux, qui peuvent aussi servir à définir ces collectivités, sont souvent absents des enregistrements de décès du Nunavut et des Territoires du Nord-Ouest.

Dans une subdivision de recensement donnée, si la proportion observée d'habitants qui s'identifient comme Inuits était égale ou supérieure à un seuil déterminé, elle a été incluse dans la liste des régions où vivent les Inuits. Lorsque deux collectivités partageaient le même code postal rural, comme Kuujjuarapik (où prédominent les Inuits) et Whapmagoostui (où prédominent les Cris) dans le nord du Québec, la population des deux collectivités a été combinée avant le calcul de la proportion d'Inuits, étant donné l'incertitude liée à la détermination de la subdivision de recensement sur la base du code postal (ou du nom de communauté postale).

La population inuite du Canada (toutes les provinces et tous les territoires) totalisait 45 070 personnes. La proportion incluse dans la présente analyse dépend du seuil choisi (tableau 1 ). Le fait de choisir des collectivités comptant « au moins 33 % d'Inuits », plutôt qu'« au moins 20 % d'Inuits » n'a pas changé le nombre de collectivités peuplées d'Inuits qui ont été incluses (54). Si on avait appliqué la condition « au moins 50 % d'Inuits », on aurait exclu North West River au Labrador (35 % d'Inuits), Inuvik dans les Territoires du Nord-Ouest (36 % d'Inuits) et Kuujjuarapik/Whapmagoostui au Québec (37 % d'Inuits), pour un total de 51 collectivités peuplées d'Inuits. Si on avait appliqué la condition « au moins 67 % d'Inuits », on aurait aussi exclu Iqaluit au Nunavut (59 % d'Inuits) et Aklavik dans les Territoires du Nord-Ouest (59 % d'Inuits), pour un total de 49 collectivités peuplées d'Inuits. (La liste des collectivités définies à partir de chacun de ces seuils possibles était à peu près la même en 1991, 1996 et 2001.) Afin d'inclure l'ensemble des 54 collectivités largement inuites (et toutes les collectivités des quatre régions inuites visées par les accords sur les revendications territoriales), le seuil de 33 % a été sélectionné pour la présente analyse, même si la région comprend aussi une proportion plus grande de non-Inuits (20 % : 5 % d'autres identités autochtones et 15 % de non-Autochtones) que si l'on avait appliqué des seuils plus restrictifs.

Les subdivisions de recensement sélectionnées ont été regroupées en quatre régions : la région d'Inuvialuit (Territoires du Nord-Ouest, 6 collectivités), le Nunavut (l'ensemble du territoire, 28 collectivités), le Nunavik (Québec, 14 collectivités) et le Nunatsiavut (Terre-Neuve-et-Labrador, 6 collectivités) (carte 1, tableau A en annexe).

Les décès pendant l'année civile ont été compilés pour trois périodes de cinq ans : 1989 à 1993 inclusivement, 1994 à 1998 inclusivement et 1999 à 2003 inclusivement. Les années-personnes à risque ont été estimées en multipliant par 5 les chiffres de population du recensement non corrigés (données intégrales, y compris la population vivant en établissement, le cas échéant), pour chaque recensement à mi-période (1991, 1996 et 2001 respectivement). Les décès ont été compilés à partir du lieu habituel de résidence, peu importe l'endroit où le décès s'est produit. Par exemple, les décès d'habitants du Nunavut en Ontario ou au Québec ont été attribués à leurs collectivités de résidence respectives au Nunavut.

Des calculs ont été effectués pour les hommes et les femmes, séparément et en combinaison. L'âge a été regroupé en 19 strates (moins d'un an, 1 à 4 ans, 5 à 9 ans, 10 à 14 ans, 15 à 19 ans, 20 à 24 ans, 25 à 29 ans, 30 à 34 ans, 35 à 39 ans, 40 à 44 ans, 45 à 49 ans, 50 à 54 ans, 55 à 59 ans, 60 à 64 ans, 65 à 69 ans, 70 à 74 ans, 75 à 79 ans, 80 à 84 ans, 85 ans et plus). Pour chaque sexe et groupe d'âge, le taux de mortalité correspond au nombre de décès divisé par le nombre d'années-personnes à risque.

Des tables de mortalité abrégées et des variances connexes, des erreurs-types et des intervalles de confiance de 95 % ont été calculés selon la méthode de Chiang9. Les valeurs de « a » selon la méthode de Chiang (la fraction du dernier intervalle de vie vécu par les personnes qui sont décédées dans l'intervalle) ont été établies à 0,1 pour la strate 1 (afin de rendre compte du taux relativement élevé de mortalité pendant la première année de vie) et à 0,5 pour toutes les autres strates. Les intervalles de confiance de 95 % pour l'espérance de vie ont été calculés comme correspondant à l'estimation plus ou moins 1,96 fois son erreur-type. Les intervalles de confiance de 95 % pour les différences dans l'espérance de vie (hausses ou baisses temporelles) ont été calculés comme étant la différence dans l'espérance de vie plus ou moins 1,96 fois la racine carrée de la somme des variances pour chacune des deux espérances de vie.

Des totalisations spéciales de données du Recensement de 2001 ont servi à décrire les caractéristiques socioéconomiques de la population des régions où vivent les Inuits.

Les tendances de l'espérance de vie dans les régions où vivent les Inuits ont été comparées aux espérances de vie déclarées pour l'ensemble du Canada de 1951 à 200110-14. Les résultats pour 1999-2003 (2001) ont été comparés aux espérances de vie déclarées pour d'autres régions circumpolaires (Groenland et Alaska), pour les Premières nations du Canada et pour d'autres pays développés et en développement15-18.

Résultats

Caractéristiques de la population

Les caractéristiques sociodémographiques de la population des régions où vivent les Inuits diffèrent de celles de l'ensemble de la population du Canada (tableau 2 ). En 2001, les adultes des régions où vivent les Inuits avaient tendance à être moins scolarisés. De même, leur ratio emploi-population était plus faible, et même si les ménages étaient plus nombreux, leur revenu était plus faible, ce qui a donné lieu à un revenu moyen par personne beaucoup plus faible. Enfin, le pourcentage de maisons ayant besoin de réparations majeures était trois fois plus élevé que dans l'ensemble du Canada.

Dans une large mesure, ces différences rendent compte des caractéristiques des Autochtones, et plus particulièrement des Inuits, dans les régions où vivent les Inuits. Chez les adultes, 32 % des Inuits et 26 % des autres Autochtones de ces régions avaient uniquement terminé des études primaires, comparativement à seulement 3 % de la population non autochtone. Par contre, seulement 1 % des Inuits et 4 % des autres Autochtones avaient un diplôme universitaire, comparativement à 34 % des non-Autochtones. Dans les régions où vivent les Inuits, environ la moitié des Inuits et des autres Autochtones âgés de 15 à 64 ans avaient un emploi, comparativement à près de 90 % des non-Autochtones. Par ailleurs, parmi ceux qui étaient occupés, environ le quart avaient un emploi non spécialisé (27 % et 24 % respectivement), comparativement à 6 % de la population non autochtone. Moins du cinquième des Inuits et des autres Autochtones occupés, comparativement à près de la moitié du groupe des non-Autochtones, occupaient un emploi professionnel ou en gestion. En outre, alors qu'environ le quart des Inuits et des autres Autochtones vivaient dans des maisons ayant besoin de réparations majeures, c'était le cas de 13 % des non-Autochtones dans ces régions. (Pour plus de renseignements sur l'évolution de ces indicateurs socioéconomiques au fil du temps, voir la série sur les tendances sociales chez les Inuits publiée récemment par Affaires indiennes et du Nord Canada19,20. Des données connexes au sujet de chaque collectivité, sur la base du Recensement du Canada de 2001, sont disponibles dans des documents publiés21.)

Le pourcentage d'Inuits dans la population allait de 54 % dans la région d'Inuvialuit, à 68 % au Nunatsiavut, et jusqu'à 84 % au Nunavut et au Nunavik (tableau 3 ).

Données sur la population et les décès

De 1991 à 2001, la population des régions où vivent les Inuits a augmenté considérablement (tableau 4 ), en raison principalement des taux de natalité élevés chez les Inuits et les autres Autochtones22. En 2001, la majorité de la population des régions où vivent les Inuits résidait au Nunavut (58 %), suivi par le Nunavik (23 %), la région d'Inuvialuit (11 %) et le Nunatsiavut (8 %).

Au cours de la période de 1991 à 2001, on a dénombré 3 474 décès d'habitants de ces régions sur un total de 643 275 années-personnes à risque. Au cours de cette période, 18 % des décès d'habitants du Nunavut et de la région d'Inuvialuit se sont produits à l'extérieur de ces territoires, principalement dans les provinces adjacentes au sud (données non présentées). Comme il est expliqué précédemment, ces décès ont été inclus dans la présente analyse, sur la base du lieu habituel de résidence de la personne décédée. Presque tous les décès d'habitants du Nunavik et du Nunatsiavut se sont produits dans leur province respective (Québec et Terre-Neuve-et-Labrador, respectivement).

Espérance de vie

En 1991 (1989-1993), l'espérance de vie à la naissance (pour les deux sexes combinés) dans les régions où vivent les Inuits était d'environ 68 ans (intervalle de confiance [IC] de 95 %, 66,8 à 68,8) (graphique 1, tableau 5 ). De 1991 à 2001 (1999-2003), l'espérance de vie dans ces régions n'avait pas augmenté, et avait peut-être même diminué d'environ une année (IC de 95 %, -2,2 à +0,4). L'espérance de vie des hommes peut avoir diminué de plus d'une année (IC de 95 %, -3,5 à +0,3), mais est demeurée à peu près inchangée pour les femmes (IC de 95 %, -1,5 à +1,9).

Toutefois, les niveaux et les tendances de l'espérance de vie varient selon la région (graphique 2). Au Nunavut, l'espérance de vie peut avoir augmenté d'environ une année (IC de 95 %, -0,4 à +3,0), même si la hausse s'est limitée aux femmes, les chiffres pour les hommes ayant peu changé. L'espérance de vie a diminué de près de quatre ans (IC de 95 %, -6,4 à -1,0) au Nunavik, et peut-être d'environ trois ans (IC de 95 %, -6,3 à +0,5) dans la région d'Inuvialuit.

En 1991, l'espérance de vie dans les régions où vivent les Inuits était inférieure de dix ans à celle pour l'ensemble du Canada, l'écart étant plus grand pour les femmes (11 ans) que pour les hommes (9 ans) (tableau 6 ). En 2001, la différence était de plus de 12 ans, et l'écart était similaire pour les hommes et les femmes. En 2001, l'espérance de vie dans les régions où vivent les Inuits était de 67 ans, soit environ la même que celle enregistrée pour l'ensemble du Canada en 1946.

En 2001, l'espérance de vie dans les régions où vivent les Inuits au Canada était la même qu'au Groenland, où prédominent les Inuits16; légèrement plus faible que pour l'ensemble des Autochtones de l'Alaska17 (dont seulement 47 % sont des Inuits23); et d'environ six ans inférieure à celle des Premières nations du Canada (tableau 7 ). L'espérance de vie dans d'autres pays développés avait tendance à être considérablement plus élevée18. Seuls les pays en développement avaient des niveaux d'espérance de vie similaires à ceux des régions où vivent les Inuits au Canada, par exemple, la République dominicaine, l'Égypte et le Guatemala18, dont le produit intérieur brut (PIB) par habitant était beaucoup plus faible (environ 4 000 à 5 000 $ en dollars internationaux en 2004) que celui du Canada (environ 31 000 $)24.

Mortalité infantile

Le taux de mortalité infantile des régions où vivent les Inuits a diminué, passant de 25,6 décès pour 1 000 habitants âgés de moins d'un an (IC de 95 %, 21,6 à 30,3) en 1989-1993, à 21,9 (IC de 95 %, 18,2 à 26,4) en 1994-1998, et à 18,5 (IC de 95 %, 15,0 à 22,9) en 1999-2003 (données non présentées ailleurs). Ces taux étaient environ quatre fois plus élevés que ceux pour l'ensemble du Canada : 6,0, 5,2 et 4,8 décès pour 1 000 naissances vivantes, respectivement25. Néanmoins, la différence dans les taux entre les régions où vivent les Inuits et l'ensemble du Canada a diminué, passant de 19,6 décès (IC de 95 %, 15,2 à 23,9) à 16,7 décès (IC de 95 %, 12,7 à 20,7) et à 13,8 décès (IC de 95 %, 9,9 à 17,6) pour 1 000 habitants pendant ces années, une baisse de 5,8 décès pour 1 000 habitants, ou 30 %.

Discussion

L'espérance de vie dans les régions où vivent les Inuits était de beaucoup inférieure à celle dans l'ensemble du pays, et considérablement moindre que pour les autres populations autochtones au Canada. En outre, même si l'espérance de vie pour l'ensemble du Canada a continué d'augmenter, elle semble avoir stagné dans les régions où vivent les Inuits, ce qui fait que l'écart s'est élargi de plus de deux ans au cours de cette période.

La baisse substantielle de l'espérance de vie au Nunavik au cours de cette période est particulièrement frappante. Après les hausses extraordinaires enregistrées précédemment – de 35 ans en 1946 (1941-1951) à 61 ans en 1976 (1971-1981)2 –, peu ou pas de progrès durables ont été réalisés depuis le milieu des années 70.

Toutefois, ces résultats pour les régions où vivent les Inuits ne comportent pas de distinction entre l'espérance de vie des Inuits et celle des non-Inuits. Si l'on part du principe que l'espérance de vie des 15 % de la population qui n'est pas autochtone est la même que pour l'ensemble du Canada (79,5 ans en 2001)14, et que celle des 5 % de la population constituée d'autres Autochtones est la même que celle des Indiens inscrits au Canada (72,8 ans en 2000)15,26,27, alors, compte tenu des tailles de population relatives de chaque groupe, l'espérance de vie des habitants inuits de ces régions aurait été de 64,2 ans (IC de 95 %, 63,4 à 65,0) – soit 2,7 ans de moins (IC de 95 %, -3,0 à -1,6) que celle de l'ensemble des habitants des régions où vivent les Inuits, et 15 ans de moins que celle pour le Canada dans son ensemble. En outre, étant donné que la proportion non inuite de la population varie considérablement selon la région, le classement des régions selon ces calculs bruts de l'espérance de vie pour les habitants inuits changerait, plaçant les deux régions les plus au sud au bas de l'échelle et les deux régions arctiques au sommet. Selon ces hypothèses, l'espérance de vie des Inuits aurait été de 60,2 ans (IC de 95 %, 58,6 à 61,8) au Nunavik, de 60,6 ans (IC de 95 %, 58,1 à 63,1) au Nunatsiavut, de 64,4 ans (IC de 95 %, 62,1 à 66,7) dans la région d'Inuvialuit, et de 66,2 ans (IC de 95 %, 65,0 à 67,4) au Nunavut.

Limites

La présente étude repose sur une approche fondée sur des données géographiques, ce qui fait que les estimations (sauf les estimations hypothétiques dans la discussion qui précède) s'appliquent à des régions plutôt qu'à des groupes ethniques. Cela limite dans une large mesure la façon dont les résultats peuvent être interprétés, mais cela comporte deux répercussions utiles. Tout d'abord, tous les résidents des régions où vivent les Inuits, peu importe leur origine ethnique, peuvent faire face à un isolement similaire et à la même difficulté d'accéder aux soins de santé et à d'autres services. En deuxième lieu, les soins de santé et les autres services sont fournis principalement sur une base géographique, et non pas ethnique, ce qui fait que la population cible de ces services est constituée de tous les habitants d'une région particulière.

Les estimations annuelles de la population, corrigées pour tenir compte du sous-dénombrement net du recensement, ne sont pas disponibles pour les subdivisions de recensement, ce qui fait que l'on a eu recours à des chiffres de population non corrigés pour déterminer les années-personnes à risque. Cela devrait avoir entraîné une légère surestimation des taux de mortalité et une légère sous-estimation correspondante de l'espérance de vie – soit environ -0,1 an, si l'on en juge par la comparaison des tables de mortalité pour le Nunavut, calculées pour 1999-2003 (données non présentées) et celles fondées sur des estimations de population corrigées6.

Dans les calculs des tables de mortalité, on a utilisé des valeurs arbitraires pour de Chiang, plutôt que les valeurs publiées pour d'autres populations ou les valeurs calculées de façon particulière pour la population en question. Toutefois, l'utilisation d'une vaste gamme de valeurs de rechange plausibles n'a eu que peu de répercussions sur l'espérance de vie à la naissance, soit moins d'un dixième d'année (données non présentées), ce qui est négligeable comparativement aux intervalles de confiance de 95 % habituelles de plus ou moins une année environ dans la présente étude.

Les décès d'habitants des régions où vivent les Inuits qui se sont produits à l'extérieur du Canada ou des États-Unis ne sont pas compris dans les données de l'état civil canadiennes, ce qui fait qu'on peut avoir laissé de côté quelques décès. Cette limite s'applique aussi aux décès des habitants du reste du Canada.

Peu d'établissements de soins de longue durée sont situés dans les régions où vivent les Inuits. Les anciens habitants de ces régions qui ont déménagé dans le sud pour obtenir des soins de longue durée pourraient avoir été comptés comme des habitants du sud au moment de leur décès. Cela pourrait donner lieu à un sous-dénombrement des décès à un âge avancé pour les résidents habituels des régions visées par la présente étude.

Avec un seuil d'au moins 33 % d'Inuits, 5 % de la population des régions où vivent les Inuits était constituée d'autres Autochtones, et 15 %, de non-Autochtones. Même si les autres groupes autochtones avaient des caractéristiques socioéconomiques similaires à celles des Inuits, et une espérance de vie sans doute un peu plus longue, le groupe des non-Autochtones présentait des caractéristiques socioéconomiques beaucoup plus favorables et affichait une espérance de vie vraisemblablement beaucoup plus élevée. On pourrait s'attendre à ce que la combinaison de populations ayant un taux élevé de mortalité et un faible taux de mortalité réduise les taux de mortalité globaux, un effet qui pourrait être ressorti s'il avait été possible de limiter l'étude aux Inuits, plutôt qu'aux régions où vivent les Inuits.

Sommaire et conclusion

On a déterminé les régions dont au moins 33 % des habitants sont des Inuits, et les chiffres de population du recensement et les données sur les décès de l'état civil ont servi à calculer les tables de mortalité pour ces régions pour trois périodes de cinq ans : 1989 à 1993 inclusivement (centré autour de 1991), 1994 à 1998 inclusivement (1996), et 1999 à 2003 inclusivement (2001). La population de ces régions était constituée à 80 % d'Inuits, et comprenait 81 % de tous les Inuits au Canada. En 1991, l'espérance de vie dans les régions où vivent les Inuits était inférieure d'environ dix ans à celle du Canada dans son ensemble. En outre, de 1991 à 2001, même si l'espérance de vie du Canada dans son ensemble a augmenté d'environ deux ans, elle n'a pas augmenté dans les régions où vivent les Inuits (et pourrait même avoir diminué d'un an environ), ce qui a contribué à élargir l'écart.

L'analyse des données du Recensement de 2001 a révélé des niveaux plus faibles de scolarité et de revenu, ainsi qu'une situation moins bonne au chapitre de l'emploi et du logement dans les régions où vivent les Inuits comparativement à l'ensemble du Canada, et dans les régions où vivent les Inuits, pour les Inuits, comparativement à la population non autochtone. L'un ou l'autre ou l'ensemble de ces facteurs, ainsi que d'autres, comme les facteurs de risque liés au mode de vie et à la situation environnementale28, au sujet desquels on ne disposait pas de données dans les enregistrements de décès, pourraient à tout le moins être en partie responsables de l'espérance de vie plus faible dans les régions où vivent les Inuits. En outre, même si les calculs pour ces régions sont dominés par l'espérance de vie des habitants inuits, ils reflètent aussi probablement les espérances de vie peut-être plus élevées des non-Autochtones et des autres habitants autochtones.

Au cours de l'ensemble de la période visée par l'étude, le taux de mortalité infantile était environ quatre fois plus élevé dans les régions où vivent les Inuits que dans l'ensemble du Canada. Toutefois, la différence absolue dans les taux a diminué de 30 % de 1989-1993 à 1999-2003, ce qui fait ressortir des progrès considérables en ce qui a trait à cet indicateur clé de la santé, même s'il reste beaucoup à faire.

La méthode de détermination des régions comptant une proportion élevée d'habitants  inuits, qui est fondée sur des données géographiques, pourrait être utile pour compiler toute une gamme de données administratives, y compris les enregistrements de naissance, les statistiques sur la morbidité hospitalière et les données des registres des maladies. Des prolongements à venir de la présente recherche permettront d'examiner les causes de décès dans les régions où vivent les Inuits, et des analyses similaires au niveau conceptuel seront entreprises pour les régions comportant une proportion élevée de membres des Premières nations et de Métis. Toutefois, d'autres méthodes de compilation des données pertinentes dans le contexte de la santé des Autochtones pourraient être envisagées, par exemple, des couplages de données avec les registres de la population autochtone29,30 et l'auto-déclaration (ou la déclaration par le plus proche parent) pour la statistique de l'état civil31 et d'autres dossiers de la santé.