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Méthodes
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Discussion

Un des buts de la politique canadienne sur la santé est de réduire ou d'éliminer les inégalités socioéconomiques en matière de santé1. Pour atteindre cet objectif, il est important de déterminer la répartition selon l'état de santé parmi des groupes définis en fonction du revenu, du niveau de scolarité, de la profession, de la langue et de l'appartenance ethnique, du statut d'Autochtone ou de l'appartenance à une minorité visible, et de la situation vis-à-vis des limitations d'activité. Chacune de ces caractéristiques doit être directement examinée selon les aspects les plus fondamentaux de la santé : la vie ou la mort, et les risques relatifs de décès prématuré attribuable à diverses causes.

Plusieurs pays ont entrepris d'importantes études de cohorte représentative de la population nationale sur la mortalité selon la situation socioéconomique (habituellement par un couplage avec les registres de la population et les recensements nationaux) : les États­Unis2-5, le Royaume­Uni ou l'Angleterre et le pays de Galles6-9, l'Écosse10, la France11-16, la Finlande17-19, le Danemark20-22, la Suède23-25, la Norvège26-29, l'Italie30, l'Espagne31, la Suisse32-34, la Belgique35, l'Autriche36, la Lituanie37, Israël38 et la Nouvelle­Zélande39. Ces études portent surtout sur les différences selon le niveau de scolarité et la profession. Elles démontrent systématiquement que les taux de mortalité sont plus élevés chez les personnes moins instruites et appartenant aux catégories professionnelles de statut inférieur (et chez les personnes économiquement inactives) et plus bas chez les personnes plus instruites et appartenant aux catégories professionnelles de statut supérieur (postes de gestion et professionnels). De plus en plus, les chercheurs analysent les disparités de ce genre en fonction d'une cause particulière et souvent selon une optique internationale40 (cancer du sein41,42, cancer du poumon43, maladies liées à l'alcool44,45, accident vasculaire cérébral46, cardiopathie ischémique47, toutes les maladies cardiovasculaires48,49) ou par groupe d'âge (les gens d'âge moyen50 et les personnes âgées51).

Au Canada, il n'y a eu aucune étude de cohorte représentative de la population nationale sur la mortalité selon la situation socioéconomique. On a plutôt mené plusieurs études de suivi de la mortalité par couplage d'enregistrements à partir de certains échantillons de la population (ou à partir des fichiers de données administratives à son sujet)52-64. Bien que ces études contribuent à notre connaissance des différences socioéconomiques liées à la mortalité au Canada, leur généralisabilité est limitée par le champ de l'univers visé (p. ex. géographiquement ou selon l'âge, le sexe et/ou la profession), la petite taille des échantillons, le manque d'information sur la cause de décès, ou une combinaison de ces contraintes.

Étant donné les limites de l'information existante, nous avons créé une base de données couplant les données du questionnaire complet du recensement aux données sur la mortalité pour élaborer un ensemble d'indicateurs de base de la mortalité aux fins du suivi des disparités en matière de santé au Canada. Plus précisément, nous visions à faciliter les analyses de la mortalité et des causes de décès au moyen d'indicateurs de la position sociale, de la profession et du secteur d'activité, de l'appartenance ethnique, du lieu de naissance et d'autres variables sociodémographiques, ainsi qu'à faciliter les analyses à plusieurs niveaux de ces effets, y compris les variations locales. Le présent document décrit les méthodes utilisées pour créer la base de données et il fait ressortir quelques constatations élémentaires qui illustrent l'étendue et le niveau de détail (ainsi que le potentiel de recherche) de la base de données. Grâce à l'information abondante fournie par le questionnaire complet du recensement, la présente étude nous permet de dégager des renseignements de base sur la mortalité selon un vaste éventail de caractéristiques personnelles et familiales et de caractéristiques du ménage et du quartier.

Méthodes

La mortalité a fait l'objet d'un suivi pendant plus d'une décennie parmi un échantillon de 15 % des Canadiens d'âge adulte (quelque 2,7 millions de personnes) qui ont rempli le questionnaire complet du Recensement de 1991. Au cours de la période de suivi (du 4 juin 1991 au 31 décembre 2001), il y a eu plus de 260 000 décès dans l'échantillon.

L'étude a été approuvée par le Comité des politiques65 de Statistique Canada après la tenue de consultations avec le Comité de la confidentialité et des mesures législatives de Statistique Canada, la Division des services d'accès et de contrôle des données et le Commissaire à la protection de la vie privée du Canada. Elle a été approuvée par le Comité de l'éthique en recherche de l'Université de Toronto et a fait l'objet d'un examen par les pairs de l'Initiative sur la santé de la population canadienne, des Instituts de recherche en santé du Canada et du Conseil consultatif de la recherche de la Commission de la sécurité professionnelle et de l'assurance contre les accidents du travail de l'Ontario. Elle a également été assujettie à un examen interne de l'Institut national de santé publique du Québec, de l'Institute for Work and Health et de la Division de la statistique de la santé de Statistique Canada.

Couplage au fichier de rapprochement

Les fichiers électroniques des données du recensement ne contenaient pas de noms, mais il fallait les noms pour trouver les décès correspondants. Par conséquent, nous avons fait un premier couplage à partir d'un fichier de liste nominative (fichier de noms) pour rapprocher les fichiers du recensement et ceux des décès.

Les noms ont été chiffrés avant le couplage et n'ont pas été conservés dans le fichier d'analyse. Le fichier de noms a été extrait à partir des données des déclarants de 1990 et de 1991 (les déclarations généralement produites en avril 1991 et en avril 1992 — environ deux mois avant ou 10 mois après le 4 juin 1991, jour du recensement). De plus, le fichier de noms contenait la date de naissance et le code postal, en plus de la date de naissance du conjoint (y compris du conjoint de fait). Nous avons d'abord apparié les enregistrements de conjoints (au moyen des numéros d'assurance sociale chiffrés), et les renseignements supplémentaires sur l'autre conjoint ont été copiés dans l'enregistrement de chaque conjoint. Les enregistrements du fichier de liste nominative des deux années pour la même personne ont ensuite été comparés. Les changements constatés dans le code postal, les dates, l'état matrimonial ou les noms (p. ex. remplacement du nom de jeune fille par le nom de personne mariée) ont donné lieu à la production d'autres enregistrements de remplacement pour ces cas, afin que les appariements subséquents puissent être faits avec l'enregistrement le plus pertinent.

Nous avons ensuite procédé à un couplage d'enregistrements probabiliste du fichier du recensement au fichier de noms. Ce couplage était essentiellement fondé sur les dates de naissance et les codes postaux (des deux conjoints, le cas échéant). Comme la plupart des gens figurant dans le fichier de noms n'avaient pas rempli un questionnaire complet du recensement (administré à un échantillon de seulement 20 % des ménages), et comme nous voulions limiter les faux couplages positifs, nous avons d'abord procédé à un appariement déterministe de l'univers entier du recensement avec le fichier de noms. (Toutefois, puisque les codes postaux n'avaient pas été saisis à partir des enregistrements du questionnaire abrégé du recensement, les codes postaux ont d'abord été imputés dans le cas des enregistrements du questionnaire abrégé à partir du code postal des voisins les plus proches [numéro de ménage supérieur ou inférieur du même secteur de dénombrement]. Si les codes postaux des deux ménages donneurs différaient, les deux étaient conservés dans des enregistrements complémentaires.) Les personnes figurant dans le fichier de noms qui étaient mieux appariées avec un enregistrement du questionnaire abrégé du recensement ont été exclues de la liste des éventuels membres de la cohorte. Ce processus réduisait la possibilité de faux couplages positifs à des personnes figurant dans le fichier de noms qui n'étaient pas admissibles comme membres de la cohorte visée par le suivi de la mortalité.

À l'aide de techniques de couplage d'enregistrements probabiliste66, les enregistrements du recensement visés par l'étude (N=3 576 487 provenant des questionnaires complets remplis par des personnes de 25 ans et plus) ont ensuite été appariés avec le reste des enregistrements du fichier de noms. Dans l'ensemble, 80 % (N=2 860 244; le taux de « réponse ») des enregistrements visés du recensement ont été appariés avec le fichier de noms. Des renseignements sur le taux d'appariement, qui variait selon les caractéristiques socioéconomiques, sont présentés à la section des résultats. L'exactitude du couplage entre les enregistrements visés du recensement et le fichier de noms a également été évaluée. D'après une recherche manuelle dans un échantillon aléatoire stratifié des questionnaires manuscrits du recensement, il a été déterminé que 99 % des appariements étaient valables, c'est­à­dire que les enregistrements étaient appariés avec la bonne personne.

Membres de la cohorte

Les personnes étaient admissibles comme membres de la cohorte à l'étude si elles étaient des résidents habituels du Canada le jour du recensement, si elles figuraient dans les enregistrements du questionnaire complet du recensement et si elles avaient au moins 25 ans le jour du recensement. Il s'agit des 3,6 millions de personnes visées indiquées au tableau 1.

Toutefois, parmi les personnes admissibles, seulement celles qui étaient appariées avec un enregistrement de nom pouvaient faire l'objet d'un suivi fiable de la mortalité. Nous avons tenté d'apparier avec un enregistrement de nom uniquement les personnes pour lesquelles au moins l'année de naissance était déclarée (et non imputée) et pour lesquelles il y avait un code postal (déclaré ou imputé, puisque la plupart des codes postaux imputés étaient de grande qualité). Parmi les enregistrements visés du recensement, 716 243 (ou 20 %) ne pouvaient être couplés au fichier de noms.

Pour être considéré comme un pensionnaire d'établissement institutionnel (détenu) et donc non admissible comme membre de la cohorte, un particulier vivant dans un établissement institutionnel le jour du recensement devait n'avoir eu aucune autre résidence au Canada ou devait avoir vécu à l'établissement pendant au moins six mois. Ainsi, les personnes connaissant un court épisode d'hospitalisation ou d'incarcération n'étaient pas considérées comme des pensionnaires d'établissements institutionnels et étaient admissibles comme membres de la cohorte à l'étude si leur ménage avait reçu le questionnaire complet du recensement.

Seules les personnes qui avaient été recensées pouvaient faire partie de la cohorte. Des rapports sur la qualité des données ont révélé que 3,43 % de la population canadienne de tous âges n'a pas été recensée en 1991, soit quelque 965 000 personnes. Les personnes oubliées étaient plus susceptibles d'être jeunes, mobiles, à faible revenu, d'ascendance autochtone67 ou sans abri.

Comme nous l'avons mentionné précédemment, 2 860 244 personnes admissibles comme membres de la cohorte ont été couplées avec succès au fichier de noms. Toutefois, pour réduire la taille de la cohorte finale à 15 % de la population canadienne de 25 ans et plus (18,2 millions d'habitants), nous avons retiré au hasard environ 4,4 % (125 092 enregistrements de personne) de l'échantillon susceptible d'un suivi, de façon à laisser 2 735 152 personnes dans la cohorte. Ainsi, le ratio final entre la cohorte et la population d'intérêt faisant partie du champ de l'étude était de 76 % (environ trois répondants au questionnaire complet du recensement sur quatre).

Couplage au fichier de décès

Seuls les enregistrements du recensement qui pouvaient être rapprochés avec le fichier de noms (qui avait été extrait à partir des données non financières des déclarants) pouvaient faire l'objet d'un suivi fiable de la mortalité au moyen de la Base canadienne de données sur la mortalité. À l'exception du chiffrage et de la grande taille de la cohorte, les méthodes de couplage d'enregistrements probabiliste66 pour le suivi de la mortalité étaient à peu près les mêmes que celles qui sont couramment employées pour les études de suivi de la mortalité à Statistique Canada68.

Contenu du fichier d'analyse

Pour les membres de la cohorte, le fichier couplé contenait les données provenant du questionnaire complet du recensement et, le cas échéant, les données de l'Enquête postcensitaire sur la santé et les limitations d'activités69 et les données sur le décès provenant des statistiques de l'état civil du Canada. Presque tout le contenu du questionnaire complet du Recensement de 1991 était accessible, y compris le niveau de scolarité, la profession, le revenu, l'appartenance à une minorité visible et le statut d'Autochtone (principalement fondé sur l'appartenance ethnique des ancêtres), le lieu de naissance, la langue (langue maternelle, langues parlées à la maison, connaissance des langues officielles), le lieu de résidence, la mobilité, l'état matrimonial, la situation des particuliers dans le ménage, le logement, le lieu de travail et les limitations d'activités. Les données sur le décès comprenaient la cause principale du décès (préalablement codée) et la date du décès. Les enregistrements provenant des réponses à l'Enquête sur la santé et les limitations d'activités (ESLA) de 1991 avaient préalablement été couplés aux enregistrements du questionnaire complet du recensement, et nous avions l'autorisation d'utiliser ces données aux fins de la présente étude. Par conséquent, pour les membres de la cohorte qui ont également participé à cette enquête (N=17 132), les données de l'ESLA étaient accessibles à des fins d'analyse, mais elles ne sont pas présentées ici. Les renseignements tirés de l'Enquête auprès des peuples autochtones (EAPA) n'ont pas été inclus dans la présente étude.

Analyses de la mortalité

Pour chaque membre de la cohorte, les jours­personnes de suivi ont été calculés pour la période allant du début de l'étude (le 4 juin 1991) jusqu'au décès, à la date d'émigration (déterminée à partir du fichier de noms et connue pour 1991 seulement) ou à la fin de l'étude (le 31 décembre 2001). Nous avons ensuite divisé les jours­personnes de suivi par 365,25 pour obtenir les années­personnes à risque.

Pour chaque année d'âge (au moment du recensement) et chaque sexe, la proportion de la cohorte initiale survivante (personnes qui, à notre connaissance, ne sont pas décédées ou n'ont pas émigré) a été calculée pour la période se terminant à la fin de l'étude (10,6 ans) et a été comparée à la proportion de l'ensemble de la population qu'on s'attend à voir survivre 10,6 ans, par année d'âge et par sexe, selon les tables de mortalité de 1995 à 1997 pour le Canada70. Le nombre de décès au sein de la cohorte a également été comparé au nombre prévu, d'après les taux de mortalité de la population du Canada urbain excluant les pensionnaires d'établissements institutionnels71.

Les taux de mortalité selon l'âge et le sexe par groupe d'âge de cinq ans (à la date de référence) ont servi à calculer les taux de mortalité normalisés selon l'âge (TMNA) pour des sous­groupes de la population, la population type étant la structure démographique de la cohorte (années­personnes à risque), hommes et femmes. Des intervalles de confiance (IC) de 95 % correspondant aux TMNA ont été calculés de la façon décrite par Carrière et Roos72. Une méthode semblable a permis de calculer les différences de taux (DT) et les rapports de taux (RT) des TMNA et leurs IC de 95 %.

Pour les analyses selon l'âge, les membres de la cohorte ont été catégorisés en groupes d'âge de 10 ans allant des 25 à 34 ans jusqu'aux 75 à 84 ans, en plus de la catégorie des 85 ans et plus. Les taux de mortalité au sein de chaque groupe ont été normalisés selon l'âge en fonction de groupes d'âge de cinq ans. Par exemple, le taux de mortalité dans le groupe de 25 à 34 ans a été normalisé selon l'âge d'après la répartition par âge de la cohorte pour le groupe de 25 à 29 ans et celui de 30 à 34 ans. La plupart des analyses étaient fondées sur l'âge à la date de référence (le 4 juin 1991), tandis que les analyses complémentaires étaient fondées sur l'âge au début de chaque année de suivi (pour les tables de mortalité du moment et les statistiques connexes).

Pour les résultats concernant les Autochtones, la normalisation des TMNA était fondée sur la répartition selon l'âge (années­personnes à risque) des membres autochtones de la cohorte au lieu de celle de l'ensemble des membres de la cohorte. En effet, comme la population autochtone était beaucoup plus jeune que les autres Canadiens, la normalisation selon l'âge en fonction de la population entière de la cohorte aurait donné une influence indue aux âges plus avancés. En outre, en raison d'une importante inversion de tendance des taux de mortalité dans les groupes d'âge supérieurs (taux selon l'âge moins élevés pour les Autochtones âgés des deux sexes, et taux beaucoup plus élevés parmi les jeunes Autochtones), l'utilisation de la population autochtone en tant que population­type permettait de brosser un tableau beaucoup plus clair des incidences de ces différences sur la mortalité globale chez les Autochtones.

Les rapports des risques instantanés de mortalité corrigés selon l'âge et les IC de 95 % correspondants ont été calculés pour chacune des diverses catégories de caractéristiques socioéconomiques (codées en tant que variables­indicateurs ou variables « fictives »), d'après la régression à risques proportionnels de Cox. L'âge en années complètes le jour du recensement a été intégré comme variable à tous les modèles (de sorte que l'âge ait un effet exponentiel sur le risque). Des modèles distincts ont été exécutés pour les hommes et les femmes. Tous ces calculs ont été effectués selon la procédure PHREG du Système d'analyse statistique (SAS), version 9.1, pour Windows (SAS Institute, Cary, Caroline du Nord).

Les tables de mortalité du moment pour chaque sexe et grand groupe socioéconomique, de même que les erreurs types et les IC de 95 % correspondants ont été calculés d'après la méthode de Chiang73. Ces calculs ont été effectués après que l'âge eut été transformé de l'âge à la date de référence en âge au début de chaque année de suivi, tandis que les décès et les années­personnes à risque ont été calculés séparément pour chaque année (ou année partielle) de suivi. Les décès et les années­personnes à risque ont ensuite été regroupés selon l'âge au début de chaque année de suivi, avant le calcul des tables de mortalité. Nous avons calculé les tables de mortalité des hommes et des femmes ensemble en combinant les colonnes des survivants et des années de vie vécues à partir des tables de mortalité de chaque sexe, au lieu d'utiliser les taux de mortalité fondés sur les données regroupées sur les décès et la population. De cette façon, la répartition réelle de la population selon l'âge et le sexe n'avait pas d'effet sur les résultats des tables de mortalité.

La cause principale de décès pendant la période visée par l'étude avait préalablement été codée en fonction de la Classification internationale des maladies, 9e révision (CIM­9)74 de l'Organisation mondiale de la Santé dans le cas des décès survenus entre 1991 et 1999, et en fonction de la 10e révision (CIM­10)75 dans le cas des décès survenus en 2000 ou en 2001. Aux fins des analyses, les décès ont d'abord été regroupés de façon générale par chapitre de la CIM (en fonction de la CIM­9 ou de l'équivalent dans la CIM­10), puis de façon plus précise selon les groupes de causes de décès établis par l'Agence de la santé publique du Canada (anciennement les catégories de causes de décès du Laboratoire de lutte contre la maladie (LLCM)). Pour 418 décès déterminés au moyen du fichier de noms, mais non liés aux enregistrements de décès des statistiques de l'état civil, la cause était inconnue. Trois autres décès étaient liés aux enregistrements de décès des statistiques de l'état civil, mais sans qu'une cause soit indiquée. Nous avons conservé ces 421 décès dans la base de données, en indiquant toutefois que la cause de décès était manquante. La Base canadienne de données sur la mortalité ne contenait pas de renseignements sur les causes contributives de décès. Des analyses par cause de décès ne sont pas présentées ici, mais elles le seront dans des rapports subséquents.

Définitions

Caractéristiques socioéconomiques

Le niveau de scolarité a été divisé en quatre catégories : pas de diplôme d'études secondaires, diplôme d'études secondaires (ou certificat d'une école de métiers), certificat ou diplôme d'études postsecondaires (de niveau inférieur au baccalauréat) et grade universitaire (baccalauréat, maîtrise ou doctorat).

Le statut socioéconomique des professions (selon le code à quatre chiffres de la Classification nationale des professions) a été classé d'après les scores Boyd­NP76, qui sont fondés sur les données agrégées du recensement relatives au revenu et au niveau de scolarité de toutes les personnes exerçant une profession donnée. Les scores Boyd­NP s'apparentent à l'indice plus connu de Blishen77, mais ils sont fondés sur les données du Recensement de 1991 (et les recensements subséquents) au lieu de celles de 1981. Pour l'ensemble de la population cible du recensement de 25 ans et plus, excluant les pensionnaires d'établissements institutionnels, les quintiles de population classés selon le score Boyd­NP ont été calculés d'abord à l'échelon national, puis pour chaque région. Les régions ont été définies comme une région métropolitaine de recensement (RMR), une agglomération de recensement (AR) ou une région résiduelle provinciale ou territoriale ne se situant pas dans une RMR ou une AR (région rurale ou petite ville du Canada). Comme les différences de mortalité entre les quintiles étaient plus prononcées d'après les quintiles régionaux, seuls ces résultats sont montrés.

Le statut socioéconomique de chaque profession a également été classé en fonction de cinq grands niveaux de compétence provenant de la structure de codage de la Classification nationale des professions initialement définie par Emploi et Immigration Canada (selon le codage alphanumérique qui précédait la renumérotation par Statistique Canada) : poste professionnel, poste de gestion, poste spécialisé, technique ou de supervision, poste de spécialisation moyenne et poste non spécialisé. Les personnes n'exerçant pas de profession ont été retenues en tant que catégorie distincte « Pas de profession ».

Nous avons calculé les quintiles et les déciles de population classés selon la suffisance du revenu. Tout d'abord, pour chaque famille économique ou personne seule, le revenu total avant impôt et après transferts de toutes provenances a été regroupé pour tous les membres de la famille, et le ratio entre le revenu total et le seuil de faible revenu (SFR) de Statistique Canada pour la taille de la famille et le groupe de taille de la collectivité applicable a été calculé78. Ainsi, tous les membres d'une même famille se sont vu attribuer le même ratio de SFR, qui a été calculé pour toutes les personnes excluant les pensionnaires d'établissements institutionnels (la population à l'étude), y compris les personnes vivant dans des réserves indiennes. La population excluant les pensionnaires d'établissements institutionnels a ensuite été classée en fonction du ratio de SFR, et les quintiles et déciles de population ont été calculés, d'abord à l'échelon national, puis pour chaque RMR, AR ou région rurale et petite ville. Le calcul des quintiles dans chaque région permet de tenir compte des différences régionales des coûts de logement, qui ne sont pas représentées dans les SFR, et de faire en sorte que les comparaisons interrégionales sont fondées sur des proportions comparables de population dans chaque quintile. Comme les différences de mortalité entre les quintiles étaient plus prononcées d'après les quintiles régionaux, seuls ces résultats sont montrés.

Comme le Recensement de 1991 ne fournissait pas de renseignements sur l'autodéclaration de l'appartenance à une minorité visible, l'appartenance à une minorité visible a été déduite des réponses données aux questions sur l'origine ethnique axées sur l'ascendance. Aux fins de la loi fédérale (la Loi sur l'équité en matière d'emploi de 1986), les Autochtones ne sont pas considérés comme membres d'une minorité visible à moins qu'ils ne déclarent une ascendance qui les place dans l'une des 11 catégories officielles de minorités visibles : les Noirs; les Chinois, les Japonais, les Coréens (regroupés dans la catégorie des Asiatiques de l'Est); les Asiatiques du Sud­Est, les Philippins, les autres habitants des îles du Pacifique (regroupés dans la catégorie des Asiatiques du Sud­Est et des habitants des îles du Pacifique); les Sud­Asiatiques; les Asiatiques du Sud­Ouest ou les Arabes; les Latino­Américains; enfin, les personnes appartenant à de multiples minorités visibles.

Les trois principaux groupes d'Autochtones au Canada sont les Indiens de l'Amérique du Nord (les Premières nations), les Métis (les descendants d'unions entre Autochtones et non Autochtones; ces derniers étaient en général commerçants de fourrures ou pionniers francophones de l'Ouest canadien) et les Inuits. Dans le Recensement de 1991, les répondants n'étaient pas invités à se dire Autochtones, le cas échéant. Les catégories d'Autochtones ont plutôt été déduites des réponses aux questions sur l'origine ethnique (ascendance), le statut d'Indien inscrit ou d'Indien des traités, et l'appartenance à une bande ou à une Première nation.

Aux fins du présent rapport, le statut de personne handicapée à la date de référence a été déduit des quatre questions d'identification des personnes handicapées du questionnaire complet du recensement (activités limitées à la maison; activités limitées à l'école ou au travail; autres limitations d'activités; invalide ou handicapé). Les personnes qui ont répondu par l'affirmative à l'une de ces questions étaient considérées comme handicapées.

Les taux de mortalité sont présentés selon la taille de la collectivité et la zone d'influence métropolitaine79. Les zones d'influence métropolitaine servent à classer les régions géographiques selon l'importance du navettage entre les régions rurales et petites villes (non situées dans une RMR ou une AR, donc comptant moins de 10 000 habitants) et les centres urbains (une RMR ou une AR, donc comptant au moins 10 000 habitants).

Résultats

Caractéristiques de la cohorte

Dans l'ensemble, 2 735 152 adultes de 25 ans et plus ont fait l'objet d'un rapprochement fructueux avec le fichier de noms et d'un suivi de la mortalité. La probabilité de couplage fructueux avec le fichier de noms variait selon les caractéristiques de la personne. Le tableau 2 indique le nombre de personnes de la cohorte selon les caractéristiques liées au succès du couplage, la cohorte en tant que pourcentage de la population visée totale ainsi que le nombre de personnes visées non couplées au fichier de noms. L'avant­dernière colonne indique, pour chaque catégorie, le ratio entre le pourcentage de la population visée qui n'a pas été apparié avec le fichier de rapprochement et le pourcentage de la cohorte faisant l'objet d'un suivi de la mortalité. Les catégories affichant un ratio supérieur à 1 étaient plus susceptibles de ne pas être appariées et donc d'être impossibles à suivre. Elles comprenaient les femmes (parce qu'elles étaient moins susceptibles d'être actives sur le marché du travail), les personnes de 65 ans et plus (plus susceptibles d'être à la retraite et donc moins susceptibles d'être des déclarants), les personnes qui n'étaient pas mariées ou ne vivaient pas en union libre (variables d'appariement moins nombreuses), les résidents ruraux (codes postaux moins précis à des fins d'appariement), les personnes qui ont déménagé au cours de l'année précédente (plus grande probabilité de non­appariement en fonction des codes postaux), les personnes n'ayant pas de diplôme d'études secondaires (moins susceptibles d'être employées), les personnes ne faisant pas partie de la population active (moins susceptibles d'être des déclarants), les personnes du quintile inférieur de suffisance du revenu (moins susceptibles d'être des déclarants), de même que les personnes d'ascendance autochtone.

La figure 1 montre, pour chaque année d'âge, le pourcentage des membres de la cohorte qui ont survécu de 1991 à la fin de 2001 (environ 10,6 ans), comparativement au pourcentage attendu de survivants au bout de 10,6 ans d'après les tables de mortalité officielles du Canada pour la période allant de 1995 à 1997. Tant chez les hommes que chez les femmes, jusqu'à environ 75 ans, les courbes de la cohorte et de la table de mortalité sont très rapprochées et souvent presque superposées. À des âges plus avancés, la courbe de survie de la cohorte devient plus élevée que celle de la table de mortalité, en particulier chez les femmes. Cette situation était prévue, puisque la cohorte excluait les pensionnaires d'établissements institutionnels (dont la plupart y sont en raison d'une mauvaise santé) et les personnes qui n'avaient pas produit de déclaration de revenus en 1990 ou en 1991 (y compris les personnes inactives ou les chômeurs chroniques, et d'autres personnes à revenu très faible) — tous des groupes où l'on s'attend à ce que la mortalité soit plus élevée. D'après des comparaisons avec les données des tables de mortalité de la population du Canada urbain excluant les pensionnaires d'établissements institutionnels71, la détermination des décès au sein de la cohorte faisant l'objet d'un suivi de la mortalité a été évaluée à environ 97 %.

Différences de mortalité

Pour les deux sexes et tous les groupes d'âge sauf le plus avancé (85 ans et plus), le pourcentage de la cohorte de survivants du 4 juin 1991 à la fin de 2001 augmentait à chaque quintile de revenu successivement plus élevé (données non indiquées). Les différences entre les quintiles augmentaient avec le vieillissement et atteignaient un maximum chez le groupe de 65 à 74 ans. Toutefois, chez les femmes de 85 ans et plus (qui ne vivaient pas dans un établissement institutionnel à la date de référence), la tendance était presque inverse, puisque le pourcentage de survivantes était généralement plus élevé parmi celles des quintiles de revenu inférieurs plutôt que supérieurs.

L'espérance de vie restante à 25 ans et la proportion de personnes qu'on s'attendait à voir survivre jusqu'à 75 ans selon les tables de mortalité sont indiquées au tableau 3 et aux figures 2 et 3. Tant chez les hommes que chez les femmes, l'espérance de vie augmentait à chaque quintile de revenu successivement plus riche. La différence d'espérance de vie entre les quintiles (Q5­Q1) était de 6,8 ans chez les hommes et de 4,3 ans chez les femmes. Les différences entre le quintile le plus pauvre et le deuxième quintile (3,1 ans pour les hommes, 2,3 ans pour les femmes) étaient plus de deux fois supérieures à celles entre le quintile le plus riche et le quintile directement inférieur (1,3 an chez les hommes, 0,6 an chez les femmes). Tant pour les hommes que pour les femmes, la proportion de personnes qu'on s'attendait à voir survivre jusqu'à 75 ans augmentait également à chaque quintile de revenu successivement plus riche. On s'attendait à ce que seulement 51 % des hommes du quintile le plus pauvre survivent jusqu'à 75 ans, comparativement à 72 % de ceux du quintile le plus riche. Les chiffres correspondants pour les femmes étaient de 72 % comparativement à 84 %.

Principales constatations

Le tableau 4 (hommes) et le tableau 5 (femmes) présentent les taux de mortalité normalisés selon l'âge (TMNA), les rapports de taux (RT) et les différences de taux (DT) pour la cohorte entière de 25 ans et plus à la date de référence, selon certaines caractéristiques.

En règle générale, les études permettent d'abord à une personne de se qualifier pour exercer une profession, puis l'exercice d'une profession procure un revenu. Par conséquent, les principales constatations sont présentées dans cet ordre. Il existait bien d'autres variables socioéconomiques se rattachant soit à des caractéristiques attribuées (déterminées à la naissance ou en bas âge, et essentiellement immuables) ou à des caractéristiques acquises (acquises au cours de la vie et susceptibles de changer). Les caractéristiques attribuées comprenaient l'appartenance à une minorité visible et le statut d'Autochtone, le lieu de naissance et la langue maternelle. Les caractéristiques acquises comprenaient la connaissance des langues officielles, le lieu de résidence, la mobilité, l'état matrimonial et la situation des particuliers dans le ménage. Les limitations d'activités pouvaient exister à la naissance ou s'être manifestées plus tard.

Niveau de scolarité

Le premier panneau des tableaux 4 et 5 montre les résultats selon le niveau de scolarité. Les TMNA étaient moins élevés chez les personnes ayant un grade universitaire et plus élevés chez celles n'ayant pas de diplôme d'études secondaires. Une relation linéaire était évidente : les taux de mortalité augmentaient à mesure que le niveau de scolarité diminuait. Le gradient de la mortalité était plus prononcé chez les hommes que chez les femmes.

Le tableau A de l'annexe montre les RT selon le niveau de scolarité et par groupe d'âge de 10 ans à la date de référence. Les RT sont fondés sur les TMNA calculés pour chaque groupe d'âge. Tant chez les hommes que chez les femmes et pour tous les groupes d'âge sauf le plus avancé (85 ans et plus), les taux de mortalité étaient plus élevés chez les personnes les moins instruites et ils diminuaient à chaque niveau de scolarité supérieur. En outre, les RT étaient plus élevés chez les groupes d'âge les plus jeunes et diminuaient à mesure que les gens vieillissaient, comme il est préalablement ressorti d'une petite étude pilote réalisée au Manitoba80. Pour le groupe d'âge le plus avancé, la tendance selon le niveau de scolarité était inverse, c'est­à­dire que les estimations ponctuelles de la plupart des RT étaient en deçà de celles du groupe de référence (grade universitaire), surtout parmi les femmes, bien qu'aucune de ces données ne soit statistiquement très différente de 1. Les taux de mortalité chez les personnes de 85 ans et plus à la date de référence ne pouvaient être calculés que pour celles qui avaient survécu jusqu'à cet âge et qui ne vivaient pas dans un établissement institutionnel au moment du recensement. (Le tableau B de l'annexe montre les rapports des risques instantanés correspondant aux RT du tableau A de l'annexe. Les résultats sont semblables, mais la modélisation des risques proportionnels utilisée au tableau B de l'annexe ne produit pas de taux absolus ou de différences de taux.)

Groupes socioéconomiques selon la profession

Le deuxième panneau des tableaux 4 et 5 montre les TMNA selon le sexe pour chaque quintile de la population exerçant une profession (classé selon son score socioéconomique Boyd­NP)76. Les TMNA étaient les moins élevés dans le quintile supérieur (professions ayant le rang socioéconomique le plus élevé). Les gradients n'étaient pas aussi prononcés qu'ils l'étaient pour le niveau de scolarité et n'augmentaient pas nécessairement à chaque quintile successif. Par exemple, les TMNA étaient semblables pour les quintiles 1, 2 et 3 chez les hommes employés et pour les quintiles 1 et 2 chez les femmes employées. Les personnes n'exerçant pas de profession avaient des TMNA beaucoup plus élevés, même comparativement au quintile le plus bas de toute profession.

Une tendance plus claire se dégageait des catégories professionnelles classées selon le niveau de compétence, comme l'indique le troisième panneau des tableaux 4 et 5. Les TMNA des personnes exerçant une profession étaient moins élevés chez les professionnels et plus élevés parmi les personnes occupant un poste non spécialisé. Dans le cas des hommes, les TMNA augmentaient à mesure que le niveau de compétence diminuait (bien que la différence entre les catégories successives n'ait pas toujours été importante). Chez les femmes, les RT étaient semblables pour tous les niveaux de compétence sauf les postes non spécialisés (RT de 1,34 comparativement aux postes professionnels).

En général, parmi les gens de 25 à 75 ans à la date de référence, comparativement aux postes professionnels, les RT étaient plus élevés dans toutes les autres catégories professionnelles (deuxième panneau du tableau A de l'annexe). Le gradient était plus prononcé dans les groupes d'âge jeunes que dans ceux d'âge plus avancé. Pour les postes non spécialisés, le RT était plus élevé dans le groupe de 35 à 44 ans tant chez les hommes que chez les femmes (l'effet étant plus marqué chez les hommes). Il convient particulièrement de mentionner les RT des hommes des groupes d'âge inférieur à 55 ans et n'exerçant pas de profession : le RT atteint un sommet de 6,2 chez les hommes de 35 à 44 ans à la date de référence. Les RT chez les femmes n'exerçant pas de profession étaient élevés, mais pas autant.

Suffisance du revenu

Les hommes et les femmes du quintile de suffisance de revenu le plus riche affichaient les TMNA les plus faibles. Les RT augmentaient à chaque quintile successivement moins riche, mais la différence était plus prononcée entre les quintiles 1 et 2.

Comme le montre le dernier panneau du tableau A de l'annexe, les RT variaient selon le groupe d'âge dans chaque quintile de suffisance du revenu. Tant chez les hommes que chez les femmes et dans tous les groupes d'âge sauf le groupe d'âge le plus avancé (hommes) ou les deux groupes d'âge le plus avancé (femmes), les RT augmentaient à chaque quintile de revenu successivement moins riche. Toutefois, la plus forte augmentation se situait entre le quintile le plus pauvre et le deuxième quintile. Les RT atteignaient un sommet parmi les personnes âgées de 45 à 54 ans à la date de référence dans le quintile de revenu le plus pauvre, s'établissant à près de 2,5 chez les hommes et à 2,3 chez les femmes.

Minorités visibles

Toutes les minorités visibles affichaient des TMNA inférieurs à ceux des Canadiens qui n'appartenaient à aucune minorité visible. Cette différence pourrait s'expliquer en grande partie par l'effet de l'« immigrant en bonne santé » (comme en témoignent les rapports des risques instantanés de mortalité des minorités visibles calculés séparément pour les personnes nées au Canada et les personnes nées à l'étranger, données non indiquées). Dans le cas des personnes nées au Canada, l'appartenance à une minorité visible était nettement protectrice seulement pour les Chinois et Chinoises de souche.

Origines autochtones

Les personnes d'origine autochtone (membres des Premières nations, Métis, Inuits) affichaient des TMNA supérieurs (normalisés d'après la structure de la population autochtone) à ceux des personnes sans ascendance autochtone. Les RT étaient plus élevés chez les femmes autochtones (1,76) que chez les hommes autochtones (1,41). Les taux de mortalité étaient plus élevés parmi les Indiens inscrits (un sous­ensemble de membres des Premières nations), les RT étant de 1,56 pour les hommes et de 1,94 pour les femmes, comparativement à l'ensemble des autres résidents du Canada.

Immigration et mobilité

Comparativement à la population née au Canada, les taux de mortalité étaient beaucoup moins élevés chez les immigrants, en particulier les nouveaux immigrants. Toutefois, cet avantage diminuait à mesure qu'augmentait le nombre d'années écoulées depuis l'immigration.

Les taux de mortalité ne variaient pas beaucoup selon la mobilité (à l'exclusion des personnes ayant vécu dans un pays étranger l'année précédant le recensement), sauf que les personnes qui avaient vécu à une adresse différente dans la même province l'année précédant le recensement avaient des taux de mortalité légèrement supérieurs à ceux des personnes n'ayant pas déménagé.

État matrimonial et situation des particuliers dans le ménage

Les femmes et les hommes mariés présentaient des taux de mortalité inférieurs à ceux des personnes qui n'étaient pas et plus mariées. Les résultats faisaient également état d'une mortalité un peu plus élevée pour les personnes vivant en union libre, comparativement à celles qui étaient mariées devant la loi.

Langue

Les hommes dont la langue maternelle était le français avaient un taux de mortalité un peu plus élevé que celui des hommes dont la langue maternelle était l'anglais; l'inverse était vrai chez les femmes. Toutefois, sans égard au sexe, les allophones (ni l'anglais ni le français comme langue maternelle) avaient des taux de mortalité bien en deçà de ceux des autres Canadiens, largement en raison de l'effet de l'« immigrant en bonne santé ».

Les résultats selon la connaissance des langues officielles (capacité déclarée de converser en anglais ou en français, même non couramment) ont révélé que, comparativement au groupe de référence « anglais seulement », les hommes capables de converser seulement en français affichaient des taux de mortalité un peu plus élevés, alors que les femmes capables de converser seulement en français avaient des taux de mortalité un peu plus faibles.

Quant aux personnes capables de converser tant en anglais qu'en français, le taux de mortalité chez les hommes était le même que celui du groupe de référence, alors que le taux chez les femmes était un peu plus bas. Les hommes ne pouvant converser ni en anglais ni en français avaient des taux de mortalité nettement inférieurs, et les femmes, des taux un peu moins élevés (à peu près les mêmes que ceux des femmes bilingues), comparativement au groupe de référence « anglais seulement ».

Taille de la collectivité et zone d'influence métropolitaine

Les taux de mortalité variaient selon la taille de la collectivité et la zone d'influence métropolitaine. Les régions métropolitaines de un million d'habitants et plus (RMR de Montréal, de Toronto et de Vancouver) avaient les taux les plus bas, suivies par les régions métropolitaines de 500 000 à 999 999 habitants. Les taux étaient un peu plus élevés dans les petites régions urbaines et les régions rurales. Toutefois, dans les régions rurales et les petites villes de forte influence métropolitaine (où de 30 % à 49 % des travailleurs se rendent travailler dans une RMR ou une AR), les taux de mortalité n'étaient pas beaucoup plus élevés qu'ils l'étaient dans l'ensemble des RMR et des AR. Par contraste, les taux étaient nettement plus élevés dans les régions de faible influence métropolitaine, en particulier dans les zones sans influence métropolitaine (où aucun des travailleurs ne se rend travailler dans une RMR ou une AR).

Limitations d'activités

Les personnes qui ont déclaré une limitation d'activités avaient des taux de mortalité plus élevés que les autres. Au cours de la période de suivi, les taux de mortalité parmi les gens ayant une limitation d'activités étaient plus du double des taux observés chez les personnes sans limitation d'activités.

Discussion

Dans la présente analyse, les taux de mortalité étaient beaucoup moins élevés chez les personnes socioéconomiquement favorisées, peu importe si leur situation socioéconomique était déterminée par le niveau de scolarité, la profession ou le revenu. Les constatations révèlent clairement un gradient de la mortalité en escalier, où les marches sont plus prononcées vers le bas que vers le haut de la hiérarchie socioéconomique.

Les taux de mortalité les plus faibles appartenaient aux personnes ayant fait des études universitaires, aux personnes employées, aux personnes occupant un poste professionnel ou de gestion, et aux personnes se situant dans les tranches de revenu supérieures. Les taux de mortalité les plus élevés se trouvaient parmi les personnes n'ayant pas de diplôme d'études secondaires, les personnes sans emploi ou ne faisant pas partie de la population active, les personnes exerçant un emploi non spécialisé et les personnes se situant dans les tranches de revenu inférieures.

De plus, les taux de mortalité variaient selon les caractéristiques attribuées telles que l'origine ethnique, l'ascendance autochtone et la langue maternelle, et selon les caractéristiques acquises telles que la connaissance des langues officielles, la mobilité et l'état matrimonial. La présence de limitations d'activités influait également sur les taux de mortalité.

Les données de l'étude de suivi de la mortalité selon le recensement fournissent un nouvel ensemble de taux de mortalité de référence pour les études de la mortalité par profession, qui s'appuient sur les personnes exerçant une profession ou pourvues d'un emploi rémunéré à la date de référence. Auparavant, l'utilisation de taux de mortalité de référence pour l'ensemble de la population (y compris de nombreuses personnes ne faisant pas partie de la population active) a parfois pu empêcher de déceler des taux de mortalité modérément élevés chez les travailleurs.

Comparativement aux tables de mortalité fondées sur les quintiles de revenu selon les quartiers pour le Canada urbain71 (annexes non publiées fournies sur demande), les tables de mortalité fondées sur les quintiles de revenu personnel et familial révélaient une disparité de l'espérance de vie restante à 25 ans de 2,0 ans de plus entre les quintiles pour les hommes (6,8 ans au sein de la présente cohorte comparativement à 4,8 ans d'après les données relatives aux quartiers) et une disparité de 2,9 ans de plus pour les femmes (4,3 comparativement à 1,4 an). Quant à la probabilité prévue de survie de 25 ans à 75 ans, la présente analyse a révélé une disparité entre les quintiles de 6,5 points de pourcentage de plus pour les hommes (21,7 comparativement à 15,2) et une disparité de 5,7 points de pourcentage de plus pour les femmes (12,3 comparativement à 6,6). Selon l'une ou l'autre de ces mesures, on observe une disparité beaucoup plus grande entre les quintiles en fonction du revenu personnel et familial comparativement au revenu selon les quartiers, surtout parmi les femmes.

Bien que les présents résultats initiaux ne comprennent pas de comparaisons internationales, il devrait maintenant être possible d'établir de telles comparaisons avec les constatations issues des études de suivi de la mortalité selon le recensement d'autres pays.

Points forts et limites

L'étude était limitée aux personnes âgées de 25 ans et plus au moment du Recensement de 1991 et elle excluait les pensionnaires d'établissements institutionnels, les non­déclarants et les personnes oubliées par le recensement. Ainsi, la cohorte affichait des taux de mortalité un peu moins élevés que ceux de la population canadienne, en particulier aux âges plus avancés.

En raison du taux de « réponse » raisonnablement élevé (80 %) et du grand nombre de personnes ayant fait l'objet d'un suivi (environ 2,7 millions, y compris 260 000 décès), l'étude était largement représentative de la plupart des groupes de la population canadienne. Toutefois, certains groupes étaient surreprésentés ou sous­représentés (notamment, les Autochtones) dans l'échantillon susceptible d'être suivi. L'utilisation de fichiers de liste nominative plus complets en tant que sources de noms à des fins de chiffrage subséquent aurait pu améliorer le taux d'appariement probabiliste entre le recensement et le fichier de noms. Néanmoins, pour les enregistrements qui ont été appariés, l'exactitude de l'appariement entre le recensement et le fichier de noms était très élevée (99 %).

L'ensemble des variables socioéconomiques n'étaient connues qu'à la date de référence (1991), quoique toute caractéristique acquise puisse changer au fil du temps. Pour la plupart des variables du recensement sauf l'âge, la profession et la langue, on ne pouvait distinguer les valeurs imputées des valeurs non imputées, mais les enregistrements fondés sur une imputation par enregistrement donneur ont été exclus. Le recensement n'a pas permis d'obtenir des renseignements sur des facteurs de risque comportementaux tels que l'usage du tabac et l'activité physique.

L'appariement avec la Base canadienne de données sur la mortalité nous a seulement permis d'obtenir la cause principale de décès pour les personnes décédées au cours de la période visée par l'étude, mais les causes contributives de décès n'étaient pas connues.

Toutes les comparaisons étaient normalisées selon l'âge ou corrigées selon l'âge.

Incidences pour les études ultérieures

Les résultats de l'étude de suivi de la mortalité selon le recensement de 1991 à 2001 peuvent aider à orienter les études ultérieures axées sur les différences socioéconomiques quant aux résultats en matière de santé et à l'utilisation des soins de santé au Canada. Les résultats fournissent des données de base détaillées sur la nature et l'étendue des inégalités socioéconomiques influant sur la mortalité, qui est le résultat le plus fondamental au chapitre de la santé et le point de départ essentiel d'une véritable compréhension des incidences des disparités socioéconomiques sur la santé de la population.

En raison des détails abondants que le recensement canadien fournit sur les caractéristiques socioéconomiques, les constatations issues de l'étude de suivi de la mortalité selon le recensement sont pertinentes pour l'examen de diverses options de politiques. L'établissement de liens clairs entre la mortalité et non seulement le revenu (et les sources de revenu), mais aussi le niveau de scolarité, l'emploi et le logement (entre autres variables) permettra d'élargir considérablement les données probantes servant à la prise de décisions d'orientation éclairées. Ainsi, la présente étude élargit les données probantes à l'appui de décisions éclairées.

Les présentes constatations fournissent des données de base fondamentalement importantes sur la nature et l'étendue des inégalités socioéconomiques influant sur la mortalité au Canada à la fin du 20e siècle. Toutefois, le présent rapport ne dresse qu'un portrait sommaire des résultats, où les variables sont examinées une à la fois. Les analyses ultérieures devraient permettre de déterminer comment les diverses dimensions sont liées. Par exemple, dans quelle mesure, au chapitre de la mortalité, les inégalités entre les tranches de revenu (ou chez les Autochtones ou les minorités visibles) sont­elles expliquées par des inégalités quant au niveau de scolarité et à la profession, et quelles causes de décès contribuent le plus aux disparités?