L'incidence du cancer du sein et le revenu du quartier

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Par Marilyn J. Borugian, John J. Spinelli, Zenaida Abanto, Chen Lydia Xu et Russell Wilkins

Les taux d'incidence et de mortalité pour la plupart des maladies chroniques, y compris plusieurs types de cancer, sont plus élevés chez les personnes provenant des rangs socioéconomiques les moins élevés1,2. Par contre, dans les pays développés, il existe peut-être un lien inverse, car chez les femmes de rang socioéconomique élevé, les taux d'incidence du cancer du sein sont plus élevés3-11 que chez les femmes de rang socioéconomique faible, et ce, même si l'on tient compte des facteurs de risque qui diffèrent selon la situation socioéconomique, notamment la parité, l'âge au moment du premier accouchement et l'utilisation d'hormones12. Une seule étude précédente a examiné le risque de cancer du sein en fonction de la situation socioéconomique au Canada13 et elle portait sur les effets de la fumée secondaire. 
 
La présente étude visait à examiner le lien entre le revenu du quartier et le diagnostic de cancer du sein chez la femme. Les données sur la population provenant du Registre canadien du cancer ont été utilisées pour calculer, à l'échelle nationale, les taux d'incidence du cancer du sein par âge et ceux normalisés selon l'âge, de 1992 à 2004, selon le quintile de revenu du quartier et la région. D'entrée de jeu, on reconnaît que les analyses régionales comme celles-ci ne permettent pas de démêler le lien avec le revenu proprement dit d'avec celui du quartier, ni d'établir des liens de cause à effet.

Données et méthodes

Sélection des cas

Tous les nouveaux cas de cancer du sein envahissant diagnostiqués chez les Canadiennes de 19 ans et plus du 1er janvier 1992 au 31 décembre 2004, inclusivement, pouvaient être inclus dans la présente étude. Les données relatives à ces cas provenaient du Registre canadien du cancer, qui a été consulté à partir du Centre de données de recherche de Statistique Canada à l'Université de la Colombie-Britannique.

Au total, 3 750 (1,6 %) des 229 955 nouveaux cas entrés dans le Registre pour la période ont été exclus en raison d'un code postal manquant, non valide ou non résidentiel, et 37 cas ont été exclus parce que les femmes avaient moins de 19 ans au moment du diagnostic. Il restait donc 226 169 cas (98,4 %).

Aucun identificateur personnel autre que le code postal de six chiffres figurant dans les registres du cancer n'a été utilisé. L'étude a été approuvée par le Conseil d'éthique en recherche conjoint de l'Agence du cancer de la Colombie-Britannique et de l'Université de la Colombie-Britannique.

Sources de données et variables

Les données provenant du Registre canadien du cancer pour chaque cas de cancer du sein étaient les suivantes : âge au moment du diagnostic, année du diagnostic et code postal du lieu habituel de résidence au moment du diagnostic. Seuls les trois premiers caractères du code postal étaient disponibles pour les cas diagnostiqués au Québec. Pour ce qui est des dénominateurs, les données sur la population selon l'année du recensement (1991, 1996, 2001 et 2006) et la tranche d'âge de cinq ans ont été obtenues auprès de Statistique Canada pour les secteurs de dénombrement (1991 et 1996) et les aires de diffusion (2001 et 2006), soit les plus petites unités géographiques pour lesquelles on publie des données sur la population. Les données se rapportant aux autres années ont été interpolées à partir des données tirées du recensement le plus rapproché.

Afin de compenser partiellement l'absence de données individuelles sur les facteurs de risque liés à la fécondité, nous avons utilisé les données du Recensement de 1991 sur le nombre d'enfants jamais mis au monde pour 1 000 femmes de 15 ans et plus (parité); ces données ont été compilées selon le quintile de revenu du quartier et la région. Nous avons utilisé les données de 1991 parce que cette question n'a pas été posée dans le cadre des recensements suivants.

L'incidence possible des mammographies de dépistage a été examinée en fonction du quintile de revenu du quartier, à l'aide des données de 2006 sur la première mammographie de dépistage en Colombie-Britannique ayant déjà été extraites et compilées selon le quintile de revenu du quartier, qui, lui, a été déterminé à partir du code postal au moment du dépistage.

Quintiles de revenu du quartier

Les quintiles de revenu du quartier ont été définis pour les secteurs de dénombrement et les aires de diffusion, conformément aux méthodes élaborées par Statistique Canada, et attribués en fonction du code postal du lieu habituel de résidence au moment du diagnostic de cancer du sein. Les valeurs des quintiles ont été établies pour chaque recensement compris dans la période d'étude, puis les valeurs tirées du recensement le plus rapproché de la date du diagnostic ont été attribuées aux enregistrements8.

On a déterminé les secteurs de dénombrement (1996) correspondants et les aires de diffusion (2001 et 2006) correspondantes, en fonction du code postal, à l'aide du logiciel de conversion des codes postaux de Statistique Canada (FCCP+ Version 4J). D'autres fichiers ont servi à déterminer les secteurs de dénombrement du recensement de 1991 correspondants, d'après les centroïdes (points centraux décrits en fonction de la longitude et de la latitude) les plus proches de ces secteurs, par rapport aux centroïdes des secteurs de dénombrement du recensement de 1996. Les données sur le revenu du quartier ont été tirées du recensement le plus rapproché de la date du diagnostic.

Les quintiles de revenu du quartier sont fondés sur le revenu moyen par équivalent-personne seule pour le secteur de dénombrement ou l'aire de diffusion. Cette mesure fait appel aux poids affectés à la personne qui sont implicites dans les seuils de faible revenu de Statistique Canada, pour obtenir des multiplicateurs d'« équivalent-personne seule » pour chaque taille de ménage. Il s'agit là d'une façon de tenir compte de la taille du ménage étant donné qu'avant 2001, il n'existait pas de variables plus précises pour les secteurs de dénombrement. Des quintiles de population selon le revenu du quartier ont été établis pour chaque région (régions métropolitaines de recensement, agglomérations de recensement et régions restantes dans chaque province), puis regroupés entre les régions. Étant donné que les coûts du logement varient considérablement d'une région à l'autre du Canada, les quintiles régionaux tiennent mieux compte de la suffisance du revenu par rapport aux besoins.

Analyse statistique

Les taux d'incidence du cancer du sein chez la femme ont été établis pour chaque tranche d'âge de 10 ans, selon l'année du diagnostic, la région et le quintile de revenu du quartier, à l'aide du logiciel Orius 98 Manager14 . Les provinces et les territoires ont été regroupés en cinq régions : la Colombie-Britannique; les Prairies et les territoires (Alberta, Saskatchewan, Manitoba, Yukon, Territoires du Nord-Ouest et Nunavut; la population combinée des territoires représentait moins de 2 % de la population des provinces des Prairies); l'Ontario; le Québec; l'Atlantique (Nouvelle-Écosse, Nouveau-Brunswick, Île-du-Prince-Édouard et Terre-Neuve-et-Labrador).

Les taux d'incidence du cancer du sein normalisés selon l'âge (TINA) pour 100 000 années-personnes de sexe féminin à risque ont été établis à l'aide de la méthode directe, à partir des données du recensement de la population de 1991. Les rapports de taux (RT) – un RT est une mesure du risque relatif –, fondés sur un intervalle de confiance de 95 % d'après la distribution de Poisson, ont été calculés à partir des TINA pour chaque quintile de revenu du quartier par rapport au quintile de revenu le plus élevé; l'année du diagnostic a été utilisée comme variable supplémentaire et stratifiée par tranche d'âge de 10 ans. L'hétérogénéité et les tendances dans les RT ont été vérifées en fonction du rapport de vraisemblance résultant de la technique normalisée de la régression de Poisson15. On a testé les différences selon l'âge et l'année dans les RT pour les quintiles de revenu du quartier à l'aide du paramètre d'interaction prévu dans le modèle de régression de Poisson.

Les données sur le nombre d'enfants jamais mis au monde pour 1 000 femmes de 15 ans et plus ont été compilées selon le quintile de revenu du quartier pour 1991.

Les données pour 2006 du programme de mammographie de dépistage de la Colombie-Britannique ont été examinées selon le quintile de revenu du quartier, tel que déterminé à partir du code postal au moment du dépistage. On a calculé le pourcentage de femmes de 30 à 89 ans qui ont subi une mammographie de dépistage pour la première fois.

Résultats

Groupe d'âge et quintile de revenu du quartier

Chez les femmes de tous les groupes d'âge, le risque de diagnostic de cancer du sein est le plus grand lorsque le quintile de revenu du quartier est le plus élevé (tableau 1). Comparativement aux femmes des quartiers faisant partie du quintile de revenu supérieur, les femmes des quartiers se situant dans les premier, deuxième, troisième et quatrième quintiles de revenu affichent des RT plus bas, soit de 0,85, 0,89, 0,92 et 0,95, respectivement.

Tableau 1 Nouveaux cas de cancer du sein chez la femme, taux d'incidence normalisés selon l'âge et rapports de taux, selon le groupe d'âge et le quintile de revenu du quartier, Canada, 1992 à 2004Tableau 1 Nouveaux cas de cancer du sein chez la femme, taux d'incidence normalisés selon l'âge et rapports de taux, selon le groupe d'âge et le quintile de revenu du quartier, Canada, 1992 à 2004

Cette tendance était la plus prononcée chez les femmes de 19 à 39 ans et de 70 ans et plus, pour lesquelles le taux de réduction du facteur de risque était de 25 % et 20 %, respectivement, dans le cas des femmes se situant dans le quintile de revenu inférieur par opposition au quintile de revenu supérieur. Dans le cas des autres groupes d'âge, les taux de réduction du facteur de risque étaient atténués (de 7 % à 15 %), mais demeuraient statistiquement significatifs néanmoins.

Dans chaque région, les différences entre les quatre quintiles de revenu du quartier dans les taux d'incidence du  cancer du sein normalisés selon l'âge étaient relativement faibles (et souvent non statistiquement significatives), mais elles étaient beaucoup plus importantes (et toujours statistiquement significatives) entre les quatrième et cinquième quintiles (figure 1).

Figure 1 Taux d'incidence du cancer du sein chez la femme normalisés selon l'âge, selon le quintile de revenu du quartier et la région, Canada, 1992 à 2004Figure 1 Taux d'incidence du cancer du sein chez la femme normalisés selon l'âge, selon le quintile de revenu du quartier et la région, Canada, 1992 à 2004

Parité

En 1991, dans toutes les régions sauf la Colombie-Britannique, le nombre d'enfants jamais mis au monde pour 1 000 femmes de 15 ans et plus était inversement proportionnel au quintile de revenu du quartier (figure 2). Les différences régionales étaient frappantes : dans la région de l'Atlantique, en moyenne, les femmes avaient environ 50 % plus d'enfants que leurs homologues de la Colombie-Britannique, peu importe le quintile de revenu du quartier.

Figure 2 Enfants jamais mis au monde, selon le quintile de revenu du quartier et la région, Canada, 1991Figure 2 Enfants jamais mis au monde, selon le quintile de revenu du quartier et la région, Canada, 1991

Tendances et cohortes de naissance

Dans l'ensemble, en 2004, les taux d'incidence du cancer du sein normalisés selon l'âge avaient diminué légèrement pour tous les quintiles de revenu du quartier, après avoir connu une augmentation à court terme à la fin des années 1990, qui coïncidait avec la mise sur pied de programmes provinciaux de mammographie de dépistage. Cependant, tout au long de cette période, le lien s'est maintenu entre le revenu du quartier élevé et les taux d'incidence élevés du cancer du sein. La différence la plus importante dans ces taux entre des quintiles de revenu adjacents se situait entre les quatrième et cinquième quintiles, même si l'écart s'est accentué de 1995 à 1998 et rétréci de 2002 à 2004.

Afin d'étudier l'effet possible des cohortes de naissance, nous avons examiné les taux d'incidence du cancer du sein normalisés selon l'âge chez les femmes de 50 à 59 ans, 60 à 69 ans, et 70 ans et plus en fonction du revenu du quartier et de l'année du diagnostic (figure 3). Nous avons également testé l'interaction bidirectionnelle entre les RT pour le quintile de revenu du quartier selon le groupe d'âge et l'année du diagnostique (p<0,001 dans chaque cas). Durant la période de 13 ans, pour tous les quintiles de revenu du quartier, les taux d'incidence du cancer du sein ont été stables ou ont augmenté légèrement chez les femmes dans la cinquantaine et la soixantaine, mais ont diminué chez les femmes de 70 ans et plus. Chez les femmes dans la soixantaine et de 70 ans et plus, l'écart dans les taux d'incidence d'un quintile de revenu à l'autre a augmenté au cours des quelques premières années et s'est maintenu jusqu'à la fin de 2004.

Figure 3 Taux d'incidence du cancer du sein normalisés selon l'âge, selon le quintile de revenu du quartier, l'année du diagnostic et le groupe d'âge, Canada, 1992 à 2004Figure 3 Taux d'incidence du cancer du sein normalisés selon l'âge, selon le quintile de revenu du quartier, l'année du diagnostic et le groupe d'âge, Canada, 1992 à 2004

Mammographie de dépistage

En Colombie-Britannique, les femmes de tous les groupes d'âge (sauf de 70 à 79 ans) vivant dans les quartiers où le revenu était élevé étaient plus susceptibles d'avoir subi une première mammographie, comparativement à leurs homologues dans les quartiers où le revenu était faible (figure 4).

Figure 4 Pourcentage de la population admissible de 40 à 79 ans ayant subi une mammographie de dépistage pour la première fois, selon le quintile de revenu du quartier et le groupe d'âge, Colombie-Britannique, 2006Figure 4 Pourcentage de la population admissible de 40 à 79 ans ayant subi une mammographie de dépistage pour la première fois, selon le quintile de revenu du quartier et le groupe d'âge, Colombie-Britannique, 2006

Discussion

La présente analyse des taux d'incidence du cancer du sein selon le quintile de revenu du quartier a permis de constater un risque de diagnostic 15 % moins élevé chez les femmes vivant dans les quartiers appartenant au quintile de revenu inférieur, comparativement à celles vivant dans les quartiers se classant dans le quintile de revenu supérieur. Les tendances du cancer du sein par rapport à la situation socioéconomique individuelle – mesurée en fonction du niveau de scolarité – étaient les mêmes dans le cas d'une cohorte prospective norvégienne16. Une étude antérieure sur la mortalité attribuable au cancer du sein dans les régions urbaines du Canada1 a permis de constater un risque 12 % moins élevé dans les quartiers appartenant au quintile de revenu inférieur, par rapport aux quartiers se classant dans le quintile de revenu supérieur.

Le lien entre le risque de cancer du sein et le revenu du quartier s'explique peut-être en partie par la répartition des facteurs de risque comme la parité ou l'âge au moment du premier accouchement, qui varient également selon la situation socioéconomique, comme en font foi certaines études17,18, mais pas toutes12.

La parité peut influencer le risque de cancer du sein en raison de la réduction du taux d'estrogènes dans l'organisme durant les mois où il n'y a pas de cycle menstruel19-23. Et, en effet, les femmes vivant dans les quartiers où le revenu est élevé ont généralement moins d'enfants que les femmes vivant dans les quartiers où le revenu est faible. Cependant, la différence la plus importante dans la parité s'observe entre les premier et deuxième quintiles de revenu, soit le quintile le plus bas et le deuxième plus bas, respectivement, alors que la différence la plus importante dans les taux d'incidence du cancer du sein s'observe entre les quintiles supérieurs de revenu, soit les quatrième et cinquième (ce dernier étant le plus élevé). Par ailleurs, le lien entre la parité et le taux d'incidence du cancer du sein ne s'applique pas à toutes les régions. Ainsi, le taux de parité le plus faible s'observe en Colombie-Britannique, mais les taux d'incidence du cancer du sein dans cette province figurent également parmi les plus faibles.

De 1992 à 2004, la disponibilité des données selon le groupe d'âge a permis de tenir compte des effets possibles de la cohorte des naissances. Les résultats montrent une diminution des taux d'incidence du cancer du sein chez les femmes de 70 ans et plus, mais une augmentation chez celles de 50 à 59 ans.

Dans un article publié en 198724, White et coll. ont examiné les fluctuations du risque de cancer du sein auxquelles on pourrait s'attendre si on tenait compte uniquement de l'âge au moment du premier accouchement comme facteur de risque. Cette étude explique peut-être en partie les résultats de la présente analyse. Les femmes qui étaient âgées de 70 ans et plus en 1992 étaient en âge de procréer dans les années 1940, période où les naissances étaient reportées, notamment en raison de la Seconde Guerre mondiale. Ainsi, ces femmes peuvent avoir été exposées à un risque plus grand de développer un cancer du sein par rapport aux femmes d'autres générations. En revanche, les femmes qui étaient âgées de 70 ans et plus en 2004 étaient en âge de procréer durant le baby-boom de l'après-guerre. Comme elles étaient plus jeunes au moment du premier accouchement, elles ont peut-être encouru un risque de développer un cancer du sein moins élevé. Le profil de risque des femmes de 50 à 59 ans a également changé durant la période d'étude étant donné que les femmes ayant fondé leur famille au début des années 1960 ont cédé la place aux femmes ayant fondé leur famille dans les années 1970, alors que la tendance consistait à reporter l'âge de la maternité. Par conséquent, les femmes qui étaient dans la cinquantaine à la fin de la période d'étude peuvent avoir été sujettes à un risque plus élevé de développer un cancer du sein que la génération précédente.

Tout comme le font les recherches antérieures25, la présente analyse indique un lien étroit entre la mammographie de dépistage et le quintile de revenu du quartier chez les femmes de 40 à 69 ans.

On a fait état d'un lien entre la situation socioéconomique et le taux de cancer du sein dans bon nombre de pays développés3-4,7 mais, au fil des ans, on a constaté dans les taux un certain « rattrapage » chez les femmes de rang socioéconomique faible26 . Ainsi, les disparités socioéconomiques régionales dans les taux d'incidence du cancer du sein aux États-Unis se sont stabilisées ou amenuisées après 200027, comme c'est le cas dans la présente étude entre le quatrième quintile de revenu (le deuxième plus élevé) et le cinquième (le plus élevé).

Mais même si l'on tient compte des indicateurs individuels de la situation socioéconomique et des facteurs de risque connus, Robert et coll. 12 ont montré qu'un lien persistait entre la situation socioéconomique régionale et le risque de cancer du sein, ce qui laisse entendre que la situation socioéconomique régionale n'est pas toujours interchangeable avec la situation socioéconomique individuelle, mais qu'elle peut constituer un facteur supplémentaire. L'analyse d'autres données provenant de cohortes prospectives permettrait de comparer les facteurs individuels et les facteurs du quartier, et d'examiner le mode de vie, les antécédents familiaux, les antécédents professionnels et de résidence, ainsi que les données tirées d'échantillons biologiques prélevés avant le début de la maladie.

Limites

De par sa conception, la présente étude limite l'examen des facteurs pouvant permettre d'expliquer pourquoi le fait de vivre dans un quartier où le revenu est élevé peut être associé à un risque plus élevé de diagnostic de cancer du sein. En raison de l'utilisation de données régionales, il n'a pas été possible d'effectuer directement un rajustement pour tenir compte des facteurs de risque au niveau individuel. Par ailleurs, un seul code postal était disponible (résidence au moment du diagnostic), ce qui fait qu'il a été impossible de tenir compte du quintile de revenu du quartier où les femmes atteintes du cancer du sein avaient vécu à des époques précédentes éventuellement pertinentes. De même, les données nationales sur le cancer ne renferment aucune donnée sur les stades de la maladie.

Seuls les trois premiers caractères du code postal étaient disponibles pour les cas de cancer diagnostiqués au Québec, fait qui compromet la précision des estimations du quintile de revenu du quartier. Une telle classification non différentielle aurait tendance à atténuer les estimations quant aux effets, ce qui réduirait le lien entre le diagnostic et le revenu du quartier, spécialement dans le cas du Québec.

Les données sur les deux facteurs susceptibles de contribuer aux résultats, c'est-à-dire la parité et la mammographie, étaient également limitées. Les données du recensement sur la parité étaient disponibles uniquement pour 1991. Les données sur la mammographie de dépistage s'appliquaient à la Colombie-Britannique et à la première mammographie, cette dernière pouvant différer par rapport aux mammographies de suivi en ce qui a trait aux facteurs importants comme l'âge. Cependant, les différences en matière d'accès aux soins médicaux ou aux services de dépistage28 ne constituent probablement pas des facteurs importants étant donné le régime de soins de santé universels qui existe au Canada.

Le faible pourcentage de cas exclus a peu de chances d'avoir introduit un biais dans les résultats.

Conclusion

L'incidence du cancer du sein est l'un des rares résultats défavorables en matière de santé à être invariablement associé au rang socioéconomique élevé. Le lien pourrait être attribuable en partie aux différences en ce qui a trait à la parité et à la mammographie de dépistage, mais aussi à d'autres facteurs qui restent à déterminer. D'autres recherches sur les différences régionales serviraient à éclairer les stratégies en matière de santé publique qui visent à prévenir le cancer du sein.

Remerciements

Les auteurs tiennent à exprimer leur reconnaissance envers les employés de la Division de la statistique de la santé de Statistique Canada pour leurs conseils judicieux, ainsi que ceux du Centre de données de recherche interuniversitaire de la Colombie-Britannique, plus particulièrement Cheryl Fu et Lee Grenon, pour leur aide précieuse. Ils tiennent également à remercier Kim Boyuk, Nancy Darcovich, Donna Dosman, Laurie Gibbons et Darren Lauzon, de Statistique Canada, pour leurs conseils et soutien tout au long de l'étude et, respectivement, Mary Luebbe, de l'Initiative de démocratisation des données de l'Université de la Colombie-Britannique et Larry St. Germain, du Programme de mammographie de dépistage de la Colombie-Britannique, pour leur aide précieuse relativement à l'accès aux données sur la parité et les mammographies de dépistage.