Performance cognitive chez les personnes âgées au Canada

Avertissement Consulter la version la plus récente.

Information archivée dans le Web

L’information dont il est indiqué qu’elle est archivée est fournie à des fins de référence, de recherche ou de tenue de documents. Elle n’est pas assujettie aux normes Web du gouvernement du Canada et elle n’a pas été modifiée ou mise à jour depuis son archivage. Pour obtenir cette information dans un autre format, veuillez communiquer avec nous.








Par Heather Gilmour

La cognition se définit comme les processus mentaux qui se rapportent à la connaissance, y compris la conscience, la perception, le raisonnement et le jugement1. Une certaine diminution de la capacité cognitive est à prévoir aux âges plus avancés, mais cela ne se passe pas de façon uniforme d'une tâche cognitive ou d'une personne à l'autre2. Une capacité cognitive altérée peut entraîner des conséquences pour la santé, comme un premier accident vasculaire cérébral (AVC)3, des chutes4 ou le placement en établissement5. Elle peut rendre une personne moins apte à communiquer la douleur qu'elle ressent à ses fournisseurs de soins de santé6 ou à accomplir les activités instrumentales de la vie quotidienne7, composer avec les symptômes de maladies chroniques, s'occuper de ses soins personnels ou suivre les indications relatives à la prise de médicaments8-10.

L'incidence des différents aspects de la cognition sur la santé peut varier. Certains travaux de recherche donnent à penser que les troubles de la mémoire revêtent une importance particulière pour la détection précoce de la démence ou pour la progression de la maladie d'Alzheimer11,12, tandis que d'autres études soulignent l'importance des tâches verbales13 et du nombre de facultés cognitives altérées14,15. Par exemple, les troubles des facultés autres que la mémoire peuvent être un signe avant-coureur d'une démence vasculaire ou d'un type de démence autre que la maladie d'Alzheimer16. La fonction exécutive et la mémoire, elles, peuvent influer sur les activités de la vie quotidienne7, et on a constaté qu'il existe une association entre les difficultés liées aux fonctions exécutive et de vitesse de traitement de l'information, d'une part, et le risque accru de chute, d'autre part4,17.

À partir des données du module sur la cognition de l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (ESCC) – Vieillissement en santé (2009), l'auteure examine les corrélats d'une faible performance à l'égard de quatre tâches cognitives chez les Canadiens de 65 ans et plus non atteints de la maladie d'Alzheimer ou de démence qui vivaient dans un logement privé (voir Les données). Les faibles résultats enregistrés pour ces  tâches sont analysés en fonction de caractéristiques sociodémographiques et de paramètres de mesure de l'état de santé et du bien-être.

Le module de la cognition

Les participants au module sur la cognition de l'ESCC – Vieillissement en santé (2009) devaient exécuter quatre tâches.

Deux parmi celles-ci, à savoir le rappel immédiat et le rappel différé d'une liste de mots, servaient à mesurer la mémoire verbale à court terme, l'apprentissage verbal et le rappel après interférence22,23. Les participants devaient mémoriser une liste de 15 mots courants sans lien entre eux (par exemple, tambour, rideau), se les rappeler immédiatement, puis se les rappeler de nouveau au bout de cinq minutes environ. La tâche du rappel différé se faisait en dernier, après  les autres tâches cognitives.

Les deux autres tâches, soit la fluence sémantique et le test d'alternance mentale, ont servi à mesurer la fonction exécutive. Afin d'évaluer la fluence sémantique des participants24,25,  on a demandé à ces derniers de se rappeler le plus grand nombre possible de noms entrant dans une catégorie donnée (animaux) en une minute26. Lors du test d'alternance mentale27-29, les participants récitaient l'alphabet, puis comptaient de 1 à 26. Ils disposaient ensuite de 30 secondes pour réciter en alternance les chiffres et les lettres (1-A-2-B-3-C...).

Cinq catégories de fonctionnement cognitif avaient préalablement été établies et validées, en fonction de la population à domicile de 45 ans et plus19, à partir de valeurs normatives ajustées selon l'âge, le sexe et le niveau de scolarité. Aux fins de la présente analyse, les scores enregistrés pour chaque tâche cognitive dans les deux catégories inférieures (environ 30 % des participants) ont servi à identifier les participants présentant une faible performance cognitive.

Faible revenu et vivre seul

Les personnes de 65 ans et plus dont la performance cognitive était faible présentaient des caractéristiques socio-économiques différentes des personnes dont les scores de performance cognitive étaient plus élevés. Ainsi, en comparaison, les personnes âgées ayant obtenu un score peu élevé pour chaque tâche étaient plus susceptibles de faire partie du groupe de revenu inférieur (tableau 1). En outre, elles étaient moins susceptibles de vivre avec un conjoint et plus susceptibles de vivre seules ou d'avoir d'autres modalités de vie, comparativement aux personnes dont les scores étaient moyens ou élevés.

Tableau 1 Certaines caractéristiques sociodémographiques de la santé et du bien-être, selon le score obtenu aux tâches cognitives, population à domicile de 65 ans et plus non atteinte de la maladie d'Alzheimer ou de démence, Canada, territoires non compris, 2009Tableau 1 Certaines caractéristiques sociodémographiques de la santé et du bien-être, selon le score obtenu aux tâches cognitives, population à domicile de 65 ans et plus non atteinte de la maladie d'Alzheimer ou de démence, Canada, territoires non compris, 2009

Problèmes de santé chroniques

Un lien a déjà été établi entre les maladies vasculaires31,32 et les troubles psychiatriques33,34, d'une part, et le faible fonctionnement cognitif, d'autre part. Ainsi, dans la présente étude, les personnes âgées ayant obtenu un score peu élevé à chacune des quatre tâches étaient plus susceptibles que celles dont les scores étaient plus élevés d'avoir reçu un diagnostic de diabète, et ce lien persiste même une fois les variables sociodémographiques et les autres variables relatives à la santé prises en compte (données non présentées). De même, les personnes âgées ayant obtenu de faibles scores à la tâche qui servait à mesurer la vitesse de traitement de l'information étaient plus susceptibles que leurs homologues dont les scores étaient plus élevés d'avoir une maladie cardiaque. Par contre, aucune association n'était apparente entre une faible performance cognitive à n'importe laquelle des tâches et l'hypertension ou les troubles anxieux ou de l'humeur.

Indice de masse corporelle

Un IMC élevé et une insuffisance pondérale ont été associés aux troubles cognitifs aux âges plus avancés35. Bien que l'ESCC de 2009 recueillait uniquement des données sur la taille et le poids courants, les personnes âgées ayant obtenu un score peu élevé à la tâche du rappel immédiat étaient moins susceptibles que les autres de faire de l'embonpoint. De même, les personnes âgées ayant obtenu de faibles scores aux tâches de la fluence sémantique et de la vitesse de traitement de l'information étaient plus susceptibles que les autres de présenter une insuffisance pondérale.

Chutes, incapacité et soins à domicile

On observe un lien entre un faible score à la première tâche de rappel et avoir fait des chutes récurrentes au cours de l'année précédente; par contre, aucune des tâches cognitives n'était associée au fait d'avoir fait une seule chute. Ces résultats sont à l'opposé de ceux de travaux de recherche antérieurs selon lesquels il existe un lien entre les tâches de la vitesse de traitement de l'information et de la fonction exécutive17et le fait d'avoir fait une seule chute, comme d'en avoir fait deux et plus.

Peu importe la tâche cognitive, les personnes âgées ayant obtenu des scores peu élevés étaient significativement plus susceptibles que les autres de déclarer une incapacité quant à l'accomplissement des activités instrumentales et de base. Par contre, la relation entre une incapacité légère ou une incapacité modérée ou grave et la tâche du rappel immédiat et entre une incapacité légère et la tâche de  la vitesse de traitement ne persiste pas une fois les facteurs sociodémographiques et les problèmes de santé chroniques pris en compte (données non présentées).

Une faible performance à n'importe laquelle des tâches cognitives était associée au fait de recevoir une combinaison de soins à domicile formels et informels; seule la tâche de la fluence sémantique était associée au fait de recevoir des soins à domicile formels uniquement. Bien sûr, les besoins en soins à domicile peuvent tenir à un état physique aussi bien que cognitif. Dans les analyses multivariées qui tenaient compte des facteurs socio-démographiques, des problèmes de santé chroniques et des aspects de la fonctionnalité physique (douleur, mobilité, troubles de la vue ou de l'ouïe), le rapport entre une faible performance cognitive et le fait de recevoir les deux types de soins à domicile persiste dans le cas des tâches du rappel différé et de la fluence sémantique; il persiste également entre le fait de recevoir des soins à domicile formels uniquement et la tâche de la fluence sémantique (données non présentées).

Interactions sociales

Les interactions sociales ont un effet protecteur sur les capacités cognitives et il est possible que la participation peu fréquente aux activités sociales soit un signe avant-coureur d'une diminution des fonctions cognitives36. Même s'il n'est pas possible d'établir de relation temporelle, il ressort des résultats de l'ESCC – Vieillissement en santé que les personnes âgées ayant obtenu un faible score à la première tâche de rappel ou à celle de la vitesse de traitement étaient moins susceptibles que les personnes dont le score était plus élevé de déclarer participer fréquemment aux activités communautaires; ces personnes étaient en outre plus susceptibles de se sentir seules, même une fois d'autres facteurs pris en compte (données non présentées). L'association qui semblait se dégager entre la solitude et la tâche de la fluence sémantique n'a pas persisté dans les modèles multivariés.

Autoévaluation de la santé

Peu importe leurs résultats aux tâches cognitives, des majorités importantes de personnes âgées avaient une perception positive de leur état de santé général (pas moins des trois quarts) et de leur santé mentale (plus de 90 %). Cela dit, pour chaque tâche, les personnes âgées ayant obtenu des scores peu élevés étaient moins susceptibles que celles dont les scores étaient plus élevés de faire une évaluation positive de leur état de santé, et ce, même une fois les facteurs sociodémographiques, les problèmes de santé chroniques et les incapacités fonctionnelles pris en compte, sauf dans le cas du rappel différé et de l'autoévaluation de l'état de santé général  (données non présentées).

Conclusion

Les personnes âgées ayant obtenu des scores peu élevés aux diverses tâches cognitives étaient plus susceptibles que celles dont les scores étaient plus élevés d'obtenir de piètres résultats à l'égard de différentes mesures de la santé et du bien-être. La santé cognitive des personnes âgées ne vivant pas en établissement et les facteurs connexes sont importants aux fins de la planification et de l'élaboration de politiques en matière de soins de santé. Les  données obtenues grâce au module sur la cognition de l'ESCC – Vieillissement en santé aident à comprendre les caractéristiques sociodémographiques et de la santé de même que les besoins des personnes âgées non atteintes de la maladie d'Alzheimer ou de démence qui continuent de vivre dans les ménages privés, mais dont les résultats relativement à quatre tâches cognitives couramment utilisées pour mesurer le fonctionnement cognitif sont faibles.

Remerciements

Le contenu de l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes – Vieillissement en santé a été élaboré par la Division de la statistique de la santé de Statistique Canada, en consultation avec Santé Canada, l'Agence de la santé publique du Canada et les spécialistes responsables de l'Étude longitudinale canadienne sur le vieillissement (ELCV), une initiative des Instituts de recherche en santé du Canada. Ont également participé aux consultations des intervenants de Ressources humaines et Développement social Canada ainsi que des ministères provinciaux et territoriaux de la Santé. L'ajout à l'enquête de 5 000 participants de 45 à 54 ans a été financé par l'ELCV. Statistique Canada remercie de leurs conseils et commentaires toutes les personnes qui ont participé à la phase d'élaboration de l'enquête.