Consultations pour soins de santé mentale primaires : données autodéclarées et dossiers administratifs provinciaux

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Par JoAnne L. Palin, Elliot M. Goldner, Mieke Koehoorn et Clyde Hertzman

Les omnipraticiens sont les principaux fournisseurs de soins de santé mentale pour la plupart des Canadiens. L'information sur le nombre de consultations liées à la santé mentale qui ont lieu avec les omnipraticiens est utilisée à différentes fins1,2, par exemple pour évaluer le respect des lignes directrices sur le suivi des soins. Les principales sources de données personnelles sur les consultations pour soins de santé mentale primaires sont les enquêtes, en particulier l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (ESCC) : Santé mentale et bien-être (2002, cycle 1.2)3,4, ainsi que les dossiers administratifs provinciaux sur la santé, qui sont désormais utilisés par l'Agence de la santé publique du Canada aux fins de la surveillance nationale des cas de santé mentale « traités ». Cela dit, deux études antérieures5,6ont montré que, par rapport aux données administratives provinciales, les données d'enquête produisent des estimations intra-individuelles plus élevées du nombre de consultations sur l'état de santé mentale.

Ainsi, selon une étude5, la différence moyenne dans le nombre de consultations d'un « professionnel de la santé » pour obtenir des soins de santé mentale était 28 % plus élevée selon les données de l'Enquête nationale sur la santé de la population de 1994-1995 que dans le nombre de visites de ce type chez un « médecin » calculé d'après les données du Régime d'assurance-maladie de l'Ontario. Toutefois, l'étude n'établissait pas de comparaison directe entre les deux sources de données quant au nombre de consultations avec un omnipraticien au sujet de l'état de santé mentale. En outre, elle mettait l'accent sur les consultations comportant des « services » de santé mentale (p. ex. de psychothérapie) dans les données administratives et ne tenait pas compte de celles faites de façon générale dans un cabinet d'omnipraticien pour des raisons liées à la santé mentale.

Une autre méthode d'identification des consultations liées à la santé mentale dans les données administratives repose sur les codes de diagnostic saisis pour expliquer les raisons des consultations7,8. À l'aide de cette méthode (également utilisée à des fins de surveillance nationale), Palin et ses collaborateurs6 comparent les données administratives du régime de soins médicaux de la Colombie-Britannique (Medical Services Plan ) relatives aux consultations pour soins de santé mentale et les estimations établies à partir de l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes de 2002, pour un échantillon couplé. Étant donné que l'ESCC comportait des questions distinctes sur la consultation d'un omnipraticien et sur celle d'un autre professionnel de la santé, il a été possible d'établir une comparaison directe entre les deux sources de données pour les consultations auprès d'un omnipraticien. Parmi les participants qui selon l'une et l'autre sources de données avaient consulté un omnipraticien pour leur santé mentale, les nombres moyen et médian de consultations étaient plus élevés lorsque fondés sur des données autodéclarées. L'étude met l'accent sur l'omnipraticien « principal » consulté pour des soins de santé mentale au cours des douze derniers mois, étant donné que la question de l'ESCC précisait l'omnipraticien avec lequel le participant avait discuté « le plus souvent ».

Il se peut que la méthode des codes de diagnostic n'ait pas permis de repérer toutes les consultations pour soins de santé mentale relatives à un patient. En Colombie-Britannique, chaque demande de remboursement d'un omnipraticien porte un seul code de diagnostic. Toutefois, les patients recevant des soins de santé primaires peuvent présenter une multitude de problèmes d'ordre physique, affectif, social et personnel9 et les symptômes physiques peuvent découler de problèmes de santé mentale ou vice versa. Si, pour une consultation donnée, un omnipraticien inscrit un code de diagnostic d'un problème physique ou de « symptômes généraux » dans un dossier de facturation, celle-ci ne sera pas considérée comme une consultation pour soins de santé mentale dans les données administratives; par contre, elle pourrait l'être dans les données d'enquête autodéclarées si la santé mentale du patient a bel et bien été en cause. Dans de tels cas, on pourra croire à une surdéclaration des consultations liées à la santé mentale dans les données d'enquête par rapport aux données administratives. 

Ainsi, dans la présente étude, on se sert d'une approche en deux étapes pour déterminer le nombre de consultations pour soins de santé mentale fondé sur les données administratives. Lors de la première étape, on a comparé le nombre de consultations liées à la santé mentale que les participants à l'ESCC ont déclaré avoir eues avec l'omnipraticien consulté le plus souvent au cours des douze derniers mois au nombre de consultations avec l'omnipraticien principal pour lesquelles correspondait un code de diagnostic de trouble mental dans les données du régime de soins médicaux de la Colombie-Britannique.

À la deuxième étape, on a comparé les données autodéclarées par les participants à l'ESCC au nombre total de consultations d'un omnipraticien principal d'après les données administratives, sans égard au diagnostic. Si le nombre autodéclaré de consultations avec l'omnipraticien principal pour soins de santé mentale était supérieur au nombre total de consultations avec l'omnipraticien principal selon les données administratives, l'écart entre les deux sources de données n'était pas entièrement attribuable au codage du diagnostic. Ces comparaisons ont été effectuées pour l'échantillon total et par trouble mental.

Données et méthodes

Sources des données

Les données autodéclarées proviennent d'un sous-échantillon de l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes menée en 2002 (cycle 1.2). Il s'agit d'une enquête transversale dont le champ d'observation couvrait la population à domicile de 15 ans et plus des dix provinces, mais excluait les personnes vivant en établissement, les habitants des réserves indiennes, des territoires et de certaines régions éloignées, ainsi que les membres de la force régulière des Forces armées canadiennes et les civils résidant dans les bases militaires. Afin d'obtenir des échantillons suffisamment importants de jeunes et de personnes âgées, les personnes de 15 à 24 ans et de 65 ans et plus ont été suréchantillonnées.

Le taux de réponse à l'ESCC en Colombie-Britannique a été de 77,7 %. Dans le cas de l'échantillon couplé utilisé pour les besoins de l'étude, 86,2 % des entrevues ont été menées en personne et la proportion restante, par téléphone. Des renseignements détaillés sur le plan de sondage, les méthodes d'interview et le questionnaire ont été publiés dans d'autres documents3,4. Aucune entrevue par procuration n'a été réalisée.

Les données administratives proviennent de la base de données du régime de soins médicaux (Medical Services Plan) de la Colombie-Britannique; cette base de données comprend les enregistrements des paiements versés aux médecins pour les services médicaux dispensés sur la base des honoraires à l'acte10.

Couplage des données et taille de l'échantillon

L'échantillon de l'ESCC de 2002 pour la Colombie-Britannique comptait 3 902 participants. Le ministère de la santé de la Colombie-Britannique s'est chargé du couplage des données de l'ESCC avec celles du régime de soins médicaux pour les participants à l'ESCC qui y avaient consenti et qui ont fourni leur numéro d'assurance-maladie provincial (identificateur unique attribué à chaque personne admissible aux services provinciaux de soins de santé). Le Centre for Health Services and Policy Research (appelé désormais Population Data BC), qui assure la tenue à jour des données à des fins de recherche, a fourni les données administratives. De manière à garantir la confidentialité des renseignements, les numéros d'assurance-maladie et les numéros de facturation des médecins ont été remplacés par des identificateurs anonymes. Tous les autres renseignements susceptibles de mener à l'identification d'une personne ont été supprimés. Les appariements ont été vérifiés en comparant le sexe ainsi que le mois et l'année de naissance fournis dans les deux sources de données. Au total, 2 660 personnes ont satisfait à tous les critères.

Pour chaque cas étudié, la période de référence était la période de 12 mois ayant précédé la date de l'entrevue de l'enquête. Ainsi, les sources de données ont été comparées pour chaque personne séparément, afin d'y relever des périodes de référence identiques. Pour une personne, par exemple, la période de référence pouvait aller du 3 mars 2001 au 2 mars 2002, tandis que pour une autre, elle pouvait aller du 15 mars 2001 au 14 mars 2002.

L'échantillon couplé de l'étude comptait 2 378 personnes ayant continuellement été inscrites au régime de soins médicaux pendant les exercices couverts par la période de référence. On a retranché de l'échantillon 12 participants à l'ESCC qui n'avaient pas indiqué le nombre de consultations ou qui avaient reçu des soins en milieu hospitalier. Les 2 366 personnes restantes représentaient 60,6 % de l'échantillon d'origine de l'ESCC pour la province. Le sous-échantillon analysé était composé des 145 participants qui, d'après les deux sources de données, avaient reçu des soins de santé mentale primaires (tableau 1).

Tableau 1 Distribution en pourcentage de certaines caractéristiques démographiques et de santé mentale dans le fichier de microdonnées à grande diffusion de l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes, pour l'échantillon couplé de l'étude et le sous-échantillon d'analyse, population à domicile de 15 ans et plus, Colombie-Britannique, 2002Tableau 1 Distribution en pourcentage de certaines caractéristiques démographiques et de santé mentale dans le fichier de microdonnées à grande diffusion de l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes, pour l'échantillon couplé de l'étude et le sous-échantillon d'analyse, population à domicile de 15 ans et plus, Colombie-Britannique, 2002

Consultation d'un omnipraticien – Définition

Pour les besoins de l'étude, le nombre autodéclaré de consultations pour soins de santé mentale a été obtenu à partir des réponses à la question suivante de l'ESCC : « Pensez au médecin de famille ou à l'omnipraticien à qui vous avez parlé le plus souvent au cours des douze derniers mois. Combien de fois avez-vous consulté, en personne ou par téléphone, ce médecin de famille ou cet omnipraticien (au sujet de vos émotions, de votre santé mentale ou de votre consommation d'alcool ou de drogues)? ». Dans la présente étude, c'est ainsi que nous définissons l'expression « omnipraticien principal ».

Dans les données administratives, une « consultation » correspondait à une ou plusieurs demandes de règlement de la part d'un omnipraticien auprès du régime de soins médicaux au titre des services fournis à un client unique à une même date. Les codes de diagnostic consignés dans les données du régime de soins médicaux de la Colombie-Britannique sont fondés soit sur la CIM-9, soit sur la CIM-9-MC (modification clinique) dans certains cas, ainsi que sur d'autres codes propres au système de codage diagnostique de ce régime7. Les codes utilisés pour identifier les consultations liées aux troubles mentaux sont le code de diagnostic 50B (anxiété/dépression) du régime de soins médicaux ainsi que les codes 290 à 314 et le code 316 de la CIM. Des numéros d'identification attribués aux médecins préservaient l'anonymat de ces derniers. Ils ont permis en outre d'identifier l'omnipraticien consulté le plus souvent pour chaque participant et d'établir le nombre de consultations par omnipraticien.

Troubles mentaux – Définition

Dans le cadre de l'ESCC de 2002, les troubles mentaux (épisode dépressif majeur, épisode maniaque, agoraphobie, trouble panique, phobie sociale) survenus au cours des douze derniers mois avaient été évalués selon la Composite International Diagnostic Interview des World Mental Health Surveys, qui avait été adaptée pour les besoins de l'enquête (ESCC 1.2/WMH-CIDI)4,11. L'ESCC de 2002 avait également servi à évaluer la toxicomanie (alcool ou drogues illicites) au cours des douze derniers mois4. En raison de la petite taille de l'échantillon, les trois troubles anxieux ont été regroupés et les épisodes maniaques, exclus de l'analyse.

Techniques d'analyse

Le nombre de consultations avec l'omnipraticien principal pour soins de santé mentale selon les données du régime de soins médicaux a été soustrait du nombre de consultations autodéclarées d'après les données de l'ESCC pour chaque participant à l'enquête faisant partie du sous-échantillon d'analyse qui avait eu au moins une consultation selon les deux sources de données. Ces participants ont été regroupés selon les trois catégories suivantes : les surdéclarations (plus de consultations autodéclarées pour soins de santé mentale que selon les données administratives pour la même période de 12 mois), les sous-déclarations (moins de consultations autodéclarées que selon les données administratives) et les déclarations concordantes (même nombre de consultations dans les deux sources de données). Aucune des sources de données n'étant considérée comme la source idéale, les noms des trois catégories ne sont que le reflet de la direction de la différence.

Le test des proportions égales khi carré a servi à comparer les pourcentages de surdéclarations et de sous-déclarations avec les pourcentages de déclarations concordantes. Les différences médiane et maximale entre les sources de données ont été calculées afin de pouvoir décrire l'ampleur de la surdéclaration et de la sous-déclaration.

Les pourcentages de surdéclarations, de sous-déclarations et de déclarations concordantes ont aussi été calculés en fonction d'un second scénario : la différence entre le nombre total de consultations avec l'omnipraticien principal pour quelque raison que ce soit d'après les données du régime de soins médicaux et le nombre autodéclaré de consultations liées à la santé mentale avec l'omnipraticien principal d'après les données de l'ESCC.

Statistique Canada produit des poids de sondage qui correspondent au nombre de personnes dans la population que représente un participant. Dans la grande majorité des cas, les données d'enquête sont pondérées. Toutefois, la présente étude visait à examiner le degré réel de concordance entre les deux sources de données pour chaque cas, et ce, avant et après modification de la définition d'une consultation pour soins de santé mentale primaires dans les données administratives. C'est pourquoi on n'a pas appliqué les poids de sondage12. Les analyses ont été effectuées en SPSS pour Windows (version 12.0.1., 2001, Chicago, SPSS Inc.).

Résultats

Scénario 1 (consultations avec l'omnipraticien principal pour soins de santé mentale uniquement, données administratives)

Près de la moitié (49 %) des participants à l'enquête qui faisaient partie du sous-échantillon couplé se classaient dans la catégorie des surdéclarations; autrement dit, à leur entrevue pour l'ESCC, ces personnes ont déclaré un plus grand nombre de consultations avec leur omnipraticien principal pour soins de santé mentale que n'étaient enregistrées dans les données du régime de soins médicaux (figure 1, scénario1). Près du quart (24 %) des membres du sous-échantillon faisaient partie de la catégorie des sous-déclarations, et un peu plus du quart (27 %), de celle des déclarations concordantes. La plupart des personnes du sous-échantillon qui étaient atteintes d'un trouble mental faisaient partie de la catégorie des surdéclarations, et cette proportion pouvait atteindre 75 %. À l'opposé, parmi les membres de l'échantillon qui ne satisfaisaient pas les critères d'un cas de trouble mental au cours des douze mois précédents, la proportion de surdéclarations (35 %) ne dépassait pas la proportion de déclarations concordantes (38 %); toutefois, la proportion de cas concordants demeurait peu élevée.

Figure 1 Distribution en pourcentage de la catégorie de déclaration des consultations pour soins de santé mentale avec l'omnipraticien principal au cours des 12 derniers mois, selon la définition d'une consultation dans les données administratives et l'état de santé mental au cours des 12 derniers mois, population à domicile de 15 ans et plus, Colombie-Britannique, 2002Figure 1 Distribution en pourcentage de la catégorie de déclaration des consultations pour soins de santé mentale avec l'omnipraticien principal au cours des 12 derniers mois, selon la définition d'une consultation dans les données administratives et l'état de santé mental au cours des 12 derniers mois, population à domicile de 15 ans et plus, Colombie-Britannique, 2002

Dans la catégorie des surdéclarations, la différence médiane entre les estimations fondées sur des données autodéclarées et celles fondées sur des données administratives était de 3 consultations, celle-ci variant de 2 consultations parmi les personnes souffrant de toxicomanie à 4,5 parmi celles atteintes d'un trouble anxieux (tableau 2). La différence maximale était de 42 consultations. Dans la catégorie des sous-déclarations, la différence médiane était de 2 consultations et la différence maximale, de 36.

Tableau 2 Différence dans le nombre de consultations pour soins de santé mentale avec l'omnipraticien principal au cours des 12 derniers mois entre les données autodéclarées et les données administratives, selon l'état de santé mentale au cours de la même période de 12 mois et la catégorie de déclaration, population à domicile de 15 ans et plus, Colombie-Britannique, 2002Tableau 2 Différence dans le nombre de consultations pour soins de santé mentale avec l'omnipraticien principal au cours des 12 derniers mois entre les données autodéclarées et les données administratives, selon l'état de santé mentale au cours de la même période de 12 mois et la catégorie de déclaration, population à domicile de 15 ans et plus, Colombie-Britannique, 2002

Scénario 2 (toutes les consultations avec l'omnipraticien principal, données administratives) 

Lorsqu'on élargit la portée de la définition d'une consultation pour soins de santé mentale dans les données administratives, de sorte qu'elle réfère à toutes les consultations avec l'omnipraticien principal, on observe une augmentation significative du pourcentage de déclarations concordantes dans toutes les catégories d'état de santé mentale (figure 1, scénario 2), et ce, quel que soit le code de diagnostic. Le pourcentage global de personnes appartenant à la catégorie des surdéclarations diminue de moitié, passant de 49 % à 25 %, tandis que celle correspondant aux déclarations concordantes augmente pratiquement du double, grimpant de 27 % à 51 %. Cela dit, même lorsqu'on utilise la définition élargie d'une consultation, la moitié seulement des cas constituent des déclarations concordantes.

Discussion

Les participants à l'enquête qui, selon les deux sources de données, avaient consulté un omnipraticien au moins une fois au cours des douze derniers mois pour obtenir des soins de santé mentale, particulièrement ceux à qui l'on avait diagnostiqué un trouble mental, avaient tendance à déclarer davantage de consultations pour soins de santé mentale par personne que ne montraient les données administratives. Cela est cohérent avec les résultats de travaux antérieurs5, mais des différences dans les méthodes et les sources de données employées incitent à la prudence dans l'établissement de parallèles.

Les écarts entre les deux sources de données étaient prononcés. Par exemple, les participants à l'ESCC qui satisfaisaient les critères d'un cas de dépression ont déclaré jusqu'à 19 consultations de plus avec un omnipraticien pour soins de santé mentale que ce qui était consigné dans leurs dossiers médicaux, la différence médiane étant de 4 consultations. Ainsi, dans le contexte de travaux de recherche où il est important de connaître le nombre exact de consultations avec un omnipraticien pour soins de santé mentale, comme dans les études du respect des lignes directrices sur le suivi des soins, l'une et l'autre sources de données pourraient produire des résultats différents.

Il y avait une meilleure concordance entre les deux sources de données lorsqu'on élargissait la définition d'une consultation pour soins de santé mentale dans les dossiers administratifs de manière à inclure la totalité des consultations avec l'omnipraticien principal. Cela étant dit, le quart des personnes faisant partie du sous-échantillon couplé ont déclaré plus de consultations avec l'omnipraticien principal pour soins de santé mentale que n'indiquait leur dossier administratif relativement au nombre total de consultations avec l'omnipraticien principal pour quelque raisonque ce soit. Il se peut que ces participants n'aient pas distingué entre différents omnipraticiens; de fait, selon les dossiers administratifs, plus des deux tiers des 145 personnes faisant partie de l'échantillon ont consulté plus d'un omnipraticien au cours de la période de référence de douze mois (données non présentées). Pour 28 % des personnes se classant dans la catégorie des surdéclarations, le nombre autodéclaré de consultations avec l'omnipraticien principal pour soins de santé mentale était plus élevé que le nombre total de consultations avec tous les omnipraticiens pour quelque diagnostic que ce soit dans les données administratives, ce qui pourrait laisser croire à une surdéclaration dans certains cas (données non présentées).

Pour plusieurs raisons, certaines des consultations qu'ont déclarées les participants à l'ESCC peuvent ne pas avoir été prises en compte dans les données administratives du régime de soins médicaux. Il se pourrait, par exemple, qu'on ait remboursé certains omnipraticiens en vertu d'un autre régime de remboursement.  En outre, à cause de l'envergure de la question de l'ESCC, les participants pourraient avoir tenu compte de consultations pour soins de santé mentale non remboursables en vertu du régime de soins médicaux, comme celles par téléphone, lesquelles n'auraient pas été saisies dans les données administratives. On ne connaît pas la mesure dans laquelle ces facteurs ont influé sur la prévalence observée des surdéclarations, mais les résultats portent à croire qu'elle a été faible. Selon l'Institut canadien d'information sur la santé, 80 % des paiements versés aux médecins en Colombie-Britannique l'ont été sur la base des honoraires à l'acte (saisis dans la base de données du régime de soins médicaux) au cours des exercices couvrant la période de référence de l'étude13. Par ailleurs, lorsqu'on a demandé aux participants à l'enquête de choisir dans une liste de circonstances possibles celles où avaient eu lieu leurs contacts avec les omnipraticiens, un seul parmi ceux classés comme ayant fait des surdéclarations (1,4 %) a choisi « consultation téléphonique uniquement », et aucun membre de l'échantillon d'analyse n'a indiqué d'endroit à l'extérieur d'un milieu de soins de santé (p.ex. , maison, école, travail, église ou « autre »).

Même si l'on pouvait accroître la comparabilité des estimations grâce à des améliorations à l'une ou l'autre des deux sources de données, voire aux deux, il n'est peut-être pas réaliste de s'attendre à une concordance parfaite entre des sources de données conçues pour des fins différentes et reflétant des perspectives différentes — celle de l'utilisateur des services et celle du fournisseur des services. Des analyses fondées sur les deux sources de données, couplées ou en parallèle, permettraient aux utilisateurs de données de tirer profit des points forts et des perspectives de chacune, ainsi que d'évaluer la sensibilité des résultats à la source de données utilisée.

Des recherches qualitatives pourraient renseigner sur le codage diagnostique des troubles mentaux par les omnipraticiens et le personnel des cabinets médicaux et aider à comprendre pourquoi, le cas échéant, il peut y avoir surdéclaration ou sous-déclaration des consultations pour soins de santé mentale dans les données administratives. Des algorithmes plus complexes mettant à profit d'autres sources de données administratives personnelles, comme les ordonnances médicales, pourraient servir à comprendre davantage la nature des consultations médicales.

La recherche qualitative pourrait être utile également dans l'évaluation des causes possibles des erreurs de déclaration, par exemple : les méthodes d'estimation du nombre de consultations employées par les participants; les difficultés de remémoration à savoir si les consultations avaient eu lieu au cours de la période de référence et si elles avaient trait à la santé mentale; le classement d'autres professionnels de la santé en tant qu'omnipraticien ou médecin de famille ou, enfin, une mauvaise interprétation de la question. Il est en outre possible que l'état de santé mentale des participants ait eu une incidence sur leur capacité de se rappeler correctement les détails de leurs consultations et de faire des déclarations précises par la suite.

Les résultats de notre analyse ne valent pas forcément pour d'autres professionnels de la santé. Par exemple, en Colombie-Britannique, il est possible que les consultations avec un psychiatre n'aient pas toutes été saisies dans les données du régime de services de santé, étant donné que les psychiatres sont moins rémunérés à l'acte que les omnipraticiens.

Bien que les caractéristiques des personnes faisant partie de l'échantillon couplé de l'étude étaient similaires à celles des personnes incluses dans le fichier de microdonnées à grande diffusion (FMGD) concernant l'échantillon total de l'ESCC de 2002 pour la Colombie-Britannique (tableau 1), les caractéristiques psychologiques non mesurées des personnes n'ayant pas fait l'objet d'un appariement peuvent avoir influé sur leur capacité à se rappeler et à déclarer leurs consultations pour soins de santé mentale. Comparativement aux résultats obtenus dans le cas du FMGD complet ou pour les échantillons pour lesquels tous les enregistrements ont fait l'objet d'un appariement, un pourcentage plus élevé de personnes comprises dans le sous-échantillon d'analyse (comptant au moins une consultation pour soins de santé mentale dans chaque source de données) étaient atteintes d'un trouble mental ou faisaient partie de la catégorie de revenu inférieure, et un pourcentage plus faible avaient moins de 25 ans ou plus de 65 ans.

La présente étude traite principalement des questions de méthodologie entourant les estimations du nombre de consultations pour soins de santé mentale par personne. Par conséquent, les comparaisons ont porté sur les personnes qui comptaient au moins une consultation pour soins de santé mentale primaires selon chacune des deux sources de données. Les résultats ne sont pas généralisables à d'autres champs d'application; d'autres travaux fondés sur le même échantillon ont exploré les différences entre les personnes qui avaient reçu des soins de santé mentale selon une source de données mais pas l'autre6.

Étant donné que les participants à l'ESCC ont été interrogés au sujet de leurs consultations pour soins de santé mentale avec l'omnipraticien principal, on ne disposait pas de données autodéclarées concernant le nombre total de consultations par personne avec tous les omnipraticiens, qu'elles aient été liées ou non à la santé mentale.

Conclusion

Les études comme celle-ci qui sont réalisées grâce au couplage des données offrent une occasion d'examiner la concordance entre deux sources de données personnelles, à savoir les données autodéclarées et les données administratives tirées des registres provinciaux de la santé. La présente étude est la première étude connue à comparer le nombre de consultations pour soins de santé mentale déclarées dans le cadre de l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes : Santé mentale et bien-être (2002) et le nombre de consultations saisies dans les dossiers administratifs provinciaux en utilisant les codes de diagnostic pour repérer les consultations pertinentes dans cette dernière source de données, selon une méthode adoptée récemment par l'Agence de la santé publique du Canada à des fins de surveillance nationale. L'étude comporte une deuxième étape d'analyse basée sur une définition plus large d'une consultation visant les consultations « possiblement » liées à la santé mentale (n'importe quel diagnostic); outre les personnes souffrant de dépression, cette étape de l'analyse porte sur les personnes atteintes de troubles anxieux ou de toxicomanies.

Bien que le nombre médian de consultations d'un omnipraticien liées à la santé mentale n'ait pas beaucoup varié entre les données autodéclarées et les données administratives dans le cas de l'échantillon d'analyse global (3 consultations contre 2), il se dégage des écarts individuels importants entre les deux sources de données. Les surdéclarations étaient courantes, en particulier chez les personnes atteintes de troubles mentaux et l'ampleur de l'écart n'était pas négligeable. Même après prise en compte dans les données administratives de toutes les consultations avec un omnipraticien, la concordance exacte a été établie pour la moitié des cas seulement. En outre, le quart des personnes faisant partie de l'échantillon appartenaient à la catégorie des sous-déclarations.

Les utilisateurs de données pourraient juger utile de réaliser des analyses parallèles à partir de chaque source de données ou d'avoir recours à des données couplées dans le but de brosser un tableau plus complet de l'utilisation éventuelle des soins de santé mentale.

Remerciements

La présente étude a été financée par une subvention des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) et par des bourses de formation accordées à JoAnne Palin par les organismes suivants : l'IRSC, le Western Region Training Centre for Health Services Research (financé par la Fondation canadienne de la recherche sur les services de santé, l'Alberta Heritage Foundation for Medical Research et l'IRSC), le programme de formation stratégique en recherche sur les politiques et services en santé mentale et toxicomanies de l'IRSC, et la British Columbia Health Research Foundation. Les auteurs tiennent à remercier de ses précieux conseils en statistique M. Bruno Zumbo de l'Université de la Colombie-Britannique.