Connaissance des langues officielles et état de santé autodéclaré des immigrants au Canada

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Par Edward Ng, Kevin Pottie et Denise Spitzer

Lorsque les immigrants arrivent au Canada, ils sont généralement en meilleure santé que leurs homologues nés au Canada. Toutefois, cet « effet de l'immigrant en santé » peut diminuer avec le temps1,2. La transition à un moins bon état de santé a été observée dans l'état de santé général autodéclaré3,4, l'état de santé mentale5-7, la prévalence des maladies chroniques8-11, ainsi que les données sur les naissances et les décès12-14. De multiples facteurs démographiques, socioéconomiques et comportementaux avant et après immigration ont été proposés comme ayant contribué à cette détérioration de l'état de santé15-30, y compris la capacité des personnes de fonctionner dans la langue du nouveau pays31.

À partir de recherches antérieures concernant l'adaptation des immigrants32-36, la présente étude repose sur l'hypothèse qu'une connaissance limitée d'une langue officielle peut être associée à la santé des immigrants. Pas moins de 80 % des personnes qui sont arrivées au Canada entre 2001 et 2006 provenaient de régions d'origine non traditionnelles — Asie, Amérique du Sud et Afrique37. Six mois après leur arrivée, un pourcentage substantiel des nouveaux immigrants (37 %) déclaraient une connaissance limitée des langues officielles31. À partir des données de l'Enquête longitudinale auprès des immigrants du Canada, la présente analyse examine le rapport entre la connaissance autodéclarée des langues officielles et les transitions à un mauvais état de santé autodéclaré au cours des quatre premières années au pays.

Méthodes

Sources des données

L'Enquête longitudinale auprès des immigrants du Canada (ELIC) de Statistique Canada est une enquête par cohorte basée sur la population. Des quelque 250 000 immigrants qui se sont établis au Canada entre octobre 2000 et septembre 2001, environ 21 000 de 15 ans et plus ont été sélectionnés pour participer à l'ELIC, au moyen d'une stratégie d'échantillonnage stratifiée. Environ 12 000 d'entre eux ont participé à la première vague de l'enquête six mois après leur arrivée (un taux de réponse de 61 %). La deuxième vague a été menée environ deux ans après leur arrivée, et la troisième vague, quatre ans après. Les vagues 2 et 3 comptaient 9 322 et 7 716 participants respectivement et ont produit des taux de réponse longitudinaux de 48 % et 40 % respectivement. La présente étude est fondée sur les 7 716 participants qui ont fourni des données aux trois vagues de l'enquête.

Les faibles taux de réponse longitudinaux sont attribuables dans une large mesure à la perte de vue de 28 % de l'échantillon de la vague 138. Parmi les personnes avec qui l'on a pu prendre contact, les taux de réponse étaient élevés (d'environ 80 %)39. Des techniques fondées sur un modèle ont servi à corriger les biais attribuables à la non-réponse et à l'érosion de l'échantillon40.

Une partie de l'enquête était consacrée aux questions de santé, y compris l'état de santé général ainsi que l'accès aux soins de santé et les obstacles à l'accès aux soins de santé. D'autres sections ont servi à recueillir des données qui ont été utilisées comme covariables dans la présente analyse : compétences linguistiques, emploi, participation sociale, logement, soutien social, attitude amicale des voisins, discrimination et lieu de résidence.

L'ELIC a été administrée dans 15 langues – anglais, français, chinois (mandarin, cantonais), punjabi, farsi/dari (une seule langue), arabe, espagnol, russe, serbo-croate, ourdou, coréen, tamil, tagalog et gujarati. Ces langues sont parlées par environ 93 % des immigrants au Canada.

À partir de la méthode utilisée dans une étude antérieure22, les données de l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (ESCC) de 2000-2001, 2002-2003 et 2005 ont servi à produire des données comparatives pour la population née au Canada. Les participants à l'ESCC ont été sélectionnés de façon que leur vieillissement corresponde à celui de la cohorte de l'ELIC : 15 ans et plus pour la première vague de l'ELIC en 2001; deux ans plus tard, 17 ans et plus pour la deuxième vague; et, quatre ans plus tard, 19 ans et plus pour la troisième vague.

Analyse des données

Des statistiques bivariées ont servi à établir un profil des changements dans l'état de santé autodéclaré des immigrants, 6, 24 et 48 mois après leur arrivée, selon certaines caractéristiques. La méthode directe de normalisation selon l'âge, fondée sur la structure de population de l'ELIC, a servi à comparer les taux de prévalence du mauvais état de santé avec ceux dans la population née au Canada. Cette normalisation tient compte de la répartition relativement jeune des immigrants récents.

À partir de régressions logistiques, on a exploré l'association entre les changements dans la connaissance autodéclarée des langues officielles et une transition à un mauvais état de santé autodéclaré à la vague 3, chez les immigrants ayant déclaré une bonne santé aux vagues 1 et 2, en tenant compte des facteurs confusionnels éventuels avant et après immigration. On a utilisé un logiciel en SAS et des procédures SUDAAN en version appelable en SAS pour intégrer les poids bootstrap qui rendent compte du plan d'échantillonnage complexe de l'enquête. L'analyse a été menée séparément pour les hommes et pour les femmes15,23,24.

Définitions et justification des inclusions

L'état de santé et les connaissances linguistiques autodéclarés sont les variables clés de la présente analyse. L'état de santé autodéclaré est corrélé à la morbidité, à la mortalité et à l'utilisation des services de santé41-44. On a demandé aux participants d'évaluer leur état de santé; les réponses ont été dichotomisées pour ceux qui ont répondu bon (excellent, très bon, bon) et mauvais (passable ou mauvais).

Les questions sur la langue de l'ELIC mettaient l'accent sur la connaissance des langues officielles (français et anglais). Aux fins de la présente analyse, les six catégories possibles de connaissance ont été dichotomisées pour ceux qui ont répondu bonne (parle bien, parle très bien, langue maternelle) et limitée (ne sait pas parler cette langue, parle mal, parle assez bien)31,36. On s'est servi à la fois de l'anglais et du français pour déterminer la connaissance de la langue au Québec; on a utilisé uniquement l'anglais ailleurs36.

Une variable indiquant un changement dans la connaissance des langues officielles a été construite à partir des données tirées des vagues 1 et 2 :

  • constamment bonne si le participant avait une bonne connaissance aux deux vagues;
  • en hausse si le participant n'avait pas une bonne connaissance à la vague 1, mais avait une bonne connaissance à la vague 2;
  • en baisse si le participant avait une bonne connaissance à la vague 1, mais pas à la vague 2;
  • constamment limitée si le participant n'avait une bonne connaissance dans ni l'une ni l'autre des vagues.

Les covariables examinées dans le rapport entre la connaissance des langues officielles et l'état de santé autodéclaré ont été regroupées en facteurs de risque avant immigration (vague 1) et après immigration (vagues 1 à 3).

Parmi les facteurs avant immigration figuraient le niveau de vie dans le pays d'origine, la catégorie d'immigrants, le niveau de scolarité au moment de l'arrivée et l'appartenance à une minorité visible. On a utilisé le produit intérieur brut (PIB) par habitant du pays d'origine, corrigé en fonction du taux de parité de pouvoir d'achat45, afin de tenir compte des différences socioéconomiques pouvant influencer les perceptions de la santé, pour indiquer le niveau de vie dans le pays d'origine. Les pays ont été classés selon leur niveau de PIB.

Les catégories d'immigrant comprennent : les réfugiés (qui viennent généralement pour des raisons humanitaires); la catégorie du regroupement familial (personnes habituellement parrainées par des citoyens canadiens pour permettre la réunification des familles); et la catégorie de l'immigration économique, y compris les membres de la famille (personnes qui viennent habituellement pour faire partie de la population active ou pour lancer une entreprise). On a exclu les candidats des provinces et les personnes qui n'ont pu être classées (n=43).

L'appartenance à une minorité visible a été déterminée sur la base des autodéclarations sur l'appartenance à un groupe de minorité visible à la vague 1, y compris les groupes Chinois, Asiatiques du sud, Philippins et Noirs.

Les facteurs après immigration de la vague 2 qui pourraient intervenir dans l'association entre les connaissances linguistiques et la santé34 ont été intégrés dans l'analyse : problèmes économiques, obstacles à l'accès aux soins de santé et isolement social. La satisfaction au travail (oui, non, ne travaille pas) et le revenu de la famille (aucun revenu, faible revenu ou revenu relativement élevé par rapport à la médiane et données manquantes) ont été utilisés comme valeur de substitution pour les problèmes économiques. Les problèmes déclarés d'accès aux soins de santé (oui, non) ont servi de valeur de substitution pour les obstacles à l'accès aux soins de santé. La participation à des organisations sociales (oui, non) a servi de valeur de substitution pour l'isolement social.

D'autres facteurs après immigration tirés de la vague 3 (48 mois après l'arrivée) rendent compte des facteurs de risque pour la santé liés aux besoins des nouveaux immigrants :

  • logement approprié28 – satisfaction à l'égard du logement (oui, non) comme valeur de substitution;
  • soutien social18,22,46 – nombre de personnes à qui se confier (aucune, 1 à 4, 5 ou plus) comme valeur de substitution;
  • collectivités accueillantes29 – attitude amicale des voisins (oui, neutre, non) et discrimination autodéclarée (non, rarement, parfois/la plupart du temps et tout le temps) comme valeur de substitution;
  • importance du lieu de résidence30 – résidence dans certaines régions métropolitaines de recensement (Toronto, Montréal, Vancouver, Edmonton/Calgary) ou non.

Résultats

Les immigrants qui arrivent au Canada sont généralement en bonne santé. On estime que 2 % des hommes et 4 % des femmes de la cohorte des immigrants de 2000-2001 ont déclaré un mauvais état de santé six mois après leur arrivée (figure 1). Les taux de prévalence normalisés selon l'âge correspondant à un mauvais état de santé chez les personnes nées au Canada étaient d'environ 8 % pour les hommes et 10 % pour les femmes. Quatre ans plus tard, on estime que 5 % des hommes et 11 % des femmes appartenant à la cohorte des immigrants récents ont déclaré un mauvais état de santé, comparativement à 10 % de leurs homologues des deux sexes qui sont nés au pays.

Figure 1 Prévalence d'un mauvais état de santé autodéclaré, immigrants de 15 ans et plus en 2000-2001 et population née au Canada, selon le sexe, Canada, 2001 à 2005Figure 1 Prévalence d'un mauvais état de santé autodéclaré, immigrants de 15 ans et plus en 2000-2001 et population née au Canada, selon le sexe, Canada, 2001 à 2005

Connaissances linguistiques

La connaissance autoévaluée d'une langue officielle (français ou anglais) chez 66 % des hommes et 52 % des femmes immigrants était bonne six mois après leur arrivée et s'est maintenue au cours des deux années suivantes (tableau 1). Par ailleurs, ces deux années-là, les connaissances linguistiques se sont améliorées chez 14 % des hommes et 16 % des femmes, passant de limitées à bonnes. Toutefois, pour 15 % des hommes et 27 % des femmes, la connaissance des langues officielles est demeurée limitée, et pour 5 % des personnes de chaque sexe, elle a diminué, pour passer de bonne à limitée.

Tableau 1 Répartition en pourcentage de certaines caractéristiques, selon le sexe, immigrants de 15 ans et plus en 2000-2001, vagues 1 à 3, Enquête longitudinale auprès des immigrants du Canada, 2001 à 2005Tableau 1 Répartition en pourcentage de certaines caractéristiques, selon le sexe, immigrants de 15 ans et plus en 2000-2001, vagues 1 à 3, Enquête longitudinale auprès des immigrants du Canada, 2001 à 2005

Tendances selon les facteurs avant et après immigration

Au cours des quatre premières années passées au Canada par les immigrants, la prévalence du mauvais état de santé autodéclaré a augmenté chez les personnes dont les connaissances linguistiques étaient constamment limitées, passant de 5 % à 12 % pour les hommes et de 8 % à 21 % pour les femmes. L'augmentation a été moindre chez les personnes dont les connaissances linguistiques étaient constamment bonnes, ce taux passant de 2 % à 4 % chez les hommes et de 2 % à 7 % chez les femmes (tableau 2).

Tableau 2 Prévalence d'un mauvais état de santé autodéclaré, selon le sexe et la période écoulée depuis l'arrivée, immigrants de 15 ans et plus en 2000-2001, vagues 1 à 3, Enquête longitudinale auprès des immigrants du Canada, 2001 à 2005Tableau 2 Prévalence d'un mauvais état de santé autodéclaré, selon le sexe et la période écoulée depuis l'arrivée, immigrants de 15 ans et plus en 2000-2001, vagues 1 à 3, Enquête longitudinale auprès des immigrants du Canada, 2001 à 2005

Évidemment, l'augmentation de la prévalence du mauvais état de santé autodéclaré chez les nouveaux immigrants était associée à de nombreux facteurs outre la langue. L'ampleur de la hausse a varié selon les caractéristiques avant et après immigration.

Par exemple, parmi les immigrants de 45 ans et plus en 2000-2001, le pourcentage ayant déclaré un mauvais état de santé a augmenté au cours des quatre années suivantes, passant de 4 % à 9 % chez les hommes et de 9 % à 21 % chez les femmes. Par contre, parmi ceux de 15 à 24 ans en 2000-2001, le pourcentage ayant déclaré un mauvais état de santé a oscillé autour de 2 % ou 3 % tout au long de la période.

Au cours des quatre années, la prévalence d'un mauvais état de santé autodéclaré chez les immigrants qui ont déclaré avoir de la difficulté à accéder aux soins de santé a augmenté, pour passer de 5 % à 18 % chez les femmes et de 3 % à 7 % chez les hommes. Les taux étaient plus faibles chez ceux n'ayant pas déclaré de difficultés d'accès, mais ont augmenté pour passer de 3 % à 9 % chez les femmes et de 2 % à 5 % chez les hommes.

Plusieurs autres facteurs étaient associés à une prévalence élevée d'un mauvais état de santé après quatre ans au Canada. En 2005, le taux de prévalence du mauvais état de santé était d'au moins 10 % pour les hommes et de 15 % pour les femmes qui sont arrivés en tant que réfugiés ou qui n'avaient pas de soutien social. Le pourcentage était aussi d'au moins 15 % pour les femmes qui avaient un niveau relativement faible de scolarité, n'avaient pas un logement satisfaisant, ou vivaient à Vancouver.

Résultats de l'analyse multivariée

Afin de comprendre les facteurs liés à la détérioration de l'état de santé, l'analyse qui suit est axée sur les 95 % d'hommes et 91 % de femmes immigrants qui ont déclaré un bon état de santé, tant en 2000-2001 qu'en 2003. En 2005, 4 % de ces hommes et 7 % de ces femmes ont connu une détérioration de leur état de santé, c'est-à-dire qu'ils ont déclaré être en mauvaise santé.

Pour les deux sexes, les connaissances linguistiques étaient liées à la probabilité d'une détérioration de l'état de santé : les cotes corrigées de l'âge exprimant le risque que les immigrants ayant constamment des connaissances limitées déclarent un mauvais état de santé en 2005 étaient près de trois fois plus élevées que pour les immigrants dont les connaissances linguistiques étaient constamment bonnes (tableau 3). Toutefois, d'autres facteurs avant et après immigration ont été associés à la détérioration de l'état de santé. Par exemple, les cotes corrigées de l'âge étaient élevées chez les immigrants qui étaient plus âgés, qui étaient arrivés en tant que réfugiés, qui ne travaillaient pas, qui n'étaient pas satisfaits de leur logement ou qui vivaient à Vancouver. Par ailleurs, les facteurs importants différaient pour les hommes et pour les femmes. Nombre de ces facteurs étaient liés entre eux. Afin de tenir compte de la possibilité de confusion et de déterminer les variables, y compris les connaissances linguistiques, qui étaient associées de façon indépendante à une détérioration de l'état de santé déclaré, on a procédé à une analyse multivariée.  Après vérification, aucune multicollinéarité des variables indépendantes n'a été décelée.

Tableau 3 Rapports de cotes ajustés pour l'âge et entièrement ajustés liant certaines caractéristiques à un mauvais état de santé autodéclaré à la vague 3, selon le sexe, immigrants récents qui ont déclaré un bon état de santé aux vagues 1 et 2, Canada, Enquête longitudinale auprès des immigrants du Canada, 2001 à 2005Tableau 3 Rapports de cotes ajustés pour l'âge et entièrement ajustés liant certaines caractéristiques à un mauvais état de santé autodéclaré à la vague 3, selon le sexe, immigrants récents qui ont déclaré un bon état de santé aux vagues 1 et 2, Canada, Enquête longitudinale auprès des immigrants du Canada, 2001 à 2005

Lorsque tous les facteurs avant et après immigration choisis ont été pris en compte simultanément, relativement peu d'entre eux ont conservé un lien significatif avec une transition à un mauvais état de santé autodéclaré. La connaissance constamment limitée des langues officielles, toutefois, figurait parmi eux, et il s'agissait du seul facteur que l'on estimait être significatif pour les deux sexes. Chez les hommes et les femmes immigrants ayant une connaissance constamment limitée, les estimations des cotes exprimant le risque d'une détérioration de l'état de santé étaient près de deux fois plus élevées que chez leurs homologues dont les connaissances linguistiques étaient constamment bonnes. Par ailleurs, chez ceux qui ont augmenté leurs connaissances linguistiques, on estime que les cotes exprimant le risque d'une détérioration de l'état de santé étaient similaires à celles pour les immigrants qui avaient constamment de bonnes connaissances linguistiques.

Dans le cas des hommes, les autres facteurs qui sont demeurés associés de façon significative à une détérioration autodéclarée de la santé étaient le fait d'être arrivé au Canada en tant que réfugié, de déclarer être souvent victime de discrimination et de vivre à Vancouver. Dans le cas des femmes, les autres facteurs significatifs étaient l'âge plus avancé, les problèmes d'accès aux soins de santé et la perception d'une attitude peu amicale de la part des voisins.

Discussion

Même lorsque l'on a tenu compte des facteurs avant et après immigration, une connaissance constamment limitée des langues officielles a continué d'être liée de façon significative à une détérioration de l'état de santé autodéclaré, tant chez les hommes que chez les femmes. Ce résultat est conforme à ceux d'une étude antérieure fondée sur l'ELIC22, qui a déterminé que la connaissance de la langue anglaise était importante pour le maintien d'une bonne santé. Par ailleurs, une étude47 fondée sur l'ESCC a démontré que des connaissances linguistiques limitées en situation de minorité linguistique étaient associées à un moins bon état de santé autodéclaré et que les répercussions étaient plus grandes pour les hommes, ce qui est conforme aux résultats présentés ici.

Par contre, une autre étude récente fondée sur l'ELIC27 documentant une détérioration de l'état de santé autodéclaré des nouveaux immigrants n'a pas déterminé d'association statistique avec les connaissances linguistiques. Toutefois, cette analyse reposait sur l'anglais ou le français parlé à la maison comme valeur de substitution pour les connaissances linguistiques, tandis que la présente analyse a utilisé la capacité autodéclarée de converser dans l'une ou l'autre des langues officielles. De nombreux nouveaux immigrants viennent de pays où l'anglais ou le français sont peut-être parlés, mais pas à la maison. Par conséquent, la langue parlée à la maison pourrait ne pas représenter une valeur de substitution idéale.

Les connaissances linguistiques font partie de toute une gamme d'éléments qui peuvent influer sur la santé des immigrants. Des connaissances linguistiques limitées pourraient influencer la santé en : 1) limitant l'accès aux services de santé; 2) créant des difficultés économiques; et 3) réduisant la participation sociale34. Même si les femmes citent fréquemment les limites linguistiques comme un obstacle à l'accès aux services de santé48, dans la présente analyse, même lorsque les connaissances linguistiques ont été prises en compte, les problèmes d'accès aux soins de santé sont demeurés associés à une détérioration de l'état de santé autodéclaré. Par contre, l'association entre l'emploi et la détérioration de l'état de santé autodéclaré est disparue dans l'analyse multivariée. Dans le cas des femmes, un faible soutien social était associé à un mauvais état de santé dans l'analyse bivariée, mais pas lorsque les autres variables étaient prises en compte. En outre, même si d'autres recherches ont établi un lien entre le mauvais état de santé et des niveaux plus faibles de capital social22, défini dans la présente étude comme la participation sociale, celui-ci n'était pas associé à la transition à un mauvais état de santé autodéclaré.

Outre les capacités linguistiques, chez les immigrants de Vancouver de sexe masculin, les cotes exprimant le risque d'une détérioration de l'état de santé étaient relativement plus élevées, tout comme celles découlant d'études antérieures fondées sur l'ELIC22,27. D'autres analyses des données de l'ELIC pourraient tenir compte de la composition de la population des collectivités, afin de comprendre l'effet contextuel.

L'arrivée au pays en tant que réfugié et la perception de discrimination représentaient tous les deux des facteurs de risque importants pour les hommes. Les réfugiés de sexe masculin font souvent face à une plus grande perte de statut social que les réfugiés de sexe féminin, ce qui pourrait être associé à la détérioration plus grande de leur état de santé49,50. Par ailleurs, les liens entre la discrimination et la santé sont bien documentés20,51-53.

Les connaissances linguistiques autodéclarées ont changé au fil du temps. On a noté à la fois des améliorations et des détériorations. Les détériorations pourraient être liées à une surévaluation initiale. Elles pourraient aussi résulter de l'aliénation sociale ou d'un point de repère différent, c'est-à-dire l'utilisation de normes propres au Canada plutôt qu'au pays d'origine en matière de compétences linguistiques. Dans le cas des femmes, les responsabilités en matière de soins pourraient empêcher la participation à la formation linguistique54.

Limites

L'ELIC comporte plusieurs limites dignes de mention. Les connaissances linguistiques et l'état de santé, les deux principales variables de l'analyse, sont autodéclarés; ni l'une ni l'autre de ces variables n'a été mesurée de façon objective ou constante. Dans le cas de la langue, les résultats dépendent non seulement de la capacité réelle de parler des immigrants, mais aussi de leur perception de cette capacité, qui peut différer d'une personne à l'autre et au fil du temps. Par ailleurs, l'enquête n'a pas permis de recueillir de données sur les comportements influant sur la santé (p. ex.  le tabagisme et l'activité physique), lesquels pourraient avoir eu des effets sur l'état de santé autodéclaré. Enfin, même si on a utilisé des poids d'échantillonnage pour tenir compte de l'érosion de l'échantillon, les taux de réponse longitudinaux étaient relativement faibles.

Conclusion

On observe que les connaissances linguistiques constamment limitées sont associées à une détérioration significative de l'état de santé autodéclaré chez les immigrants des deux sexes au cours de leurs quatre premières années au Canada. Ceux qui ont acquis des connaissances linguistiques ont obtenu des résultats en matière de santé similaires à ceux qui ont constamment eu de bonnes connaissances linguistiques. Cela porte à croire que les avantages que procure l'acquisition de compétences en matière de langues officielles ne sont peut-être pas seulement sociaux et économiques, mais éventuellement associés au maintien de l'état de santé également.

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