L'étalement urbain et sa relation avec le transport actif, l'activité physique et l'obésité chez les jeunes au Canada

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Par Laura Seliske, William Pickett et Ian Janssen

Au cours des 30 dernières années, la prévalence de l'embonpoint et de l'obésité a presque triplé chez les jeunes Canadiens de 12 à 17 ans1, ce qui pourrait multiplier les problèmes physiques, mentaux et sociaux associés à l'obésité chez les jeunes2-6. En outre, l'obésité a tendance à persister, de 60 % à 90 % des adolescents obèses l'étant encore à l'âge adulte7. Afin d'élaborer des stratégies de santé publique efficaces, il importe de comprendre les déterminants de l'obésité. Comme il est reconnu que le manque d'activité physique modérée à vigoureuse (APMV) est l'un de ces déterminants8-11, les chercheurs s'intéressent aux caractéristiques du milieu environnant qui favorisent ou inhibent l'activité physique12.

L'étalement urbain est un modèle de développement caractérisé par l'extension des zones métropolitaines sur une grande région géographique13. Cet étalement peut rendre difficile le déplacement à pied ou à bicyclette entre deux destinations et entraîner l'usage plus fréquent de l'automobile, l'accroissement du temps de navettage et la réduction de l'activité physique14,15. Les données de deux études américaines donnent à penser qu'il existe une association entre l'étalement urbain, d'une part, et l'obésité et ses déterminants comportementaux chez les adolescents, d'autre part. Selon Ewing et coll.16, les jeunes de 12 à 17 ans étaient plus susceptibles de faire de l'embonpoint ou d'être obèses dans les comtés où l'étalement urbain est supérieur à la moyenne que dans ceux où l'étalement urbain est inférieur à la moyenne. Une étude portant sur les élèves de 8e et de 10e années menée par Slater et coll.17 a montré que la prévalence de l'obésité était plus faible chez ceux résidant dans des régions où l'étalement urbain était inférieur à la moyenne, mais n'a révélé aucune association avec l'APMV.

Puisque dépendre de l'automobile peut influer sur l'obésité, il est important de tenir compte du rôle de l'usage de l'automobile dans l'association entre l'étalement urbain et les déterminants comportementaux de l'obésité. Trowbridge et coll.18 ont signalé que la probabilité aux États-Unis de conduire plus de 32 kilomètres par jour était deux fois plus élevée chez les jeunes vivant dans les comtés étalés que chez ceux résidant dans des comtés compacts. Cette constatation étaye l'idée d'une association possible entre l'étalement urbain et les profils d'usage de l'automobile. Cependant, l'influence de ce facteur pourrait différer chez les jeunes n'ayant pas de permis de conduire et qui, par conséquent, dépendent du transport actif, tel que le cyclisme ou la marche. Peu d'études de l'étalement urbain et des comportements associés à l'obésité chez les jeunes comprennent l'examen du rôle éventuellement modérateur du fait d'être en âge de conduire.

Les études de l'association entre l'étalement urbain et l'obésité chez les jeunes ne sont pas très nombreuses et se limitent habituellement à la situation aux États-Unis. L'ajout du transport actif à titre de variable dépendante permettra peut-être de clarifier si l'étalement urbain influe sur l'usage des moyens de transport actif, qui pourrait, à son tour, influer sur l'APMV et l'obésité chez les jeunes.

L'objectif principal de la présente analyse est d'examiner les associations entre l'étalement urbain et 1) le transport actif, 2) l'APMV et 3) l'obésité chez un échantillon important de jeunes Canadiens résidant dans les régions métropolitaines de recensement (RMR). Un objectif secondaire consiste à considérer le fait d'être en âge de conduire comme un modérateur éventuel de ces associations. Au même titre que les interventions destinées à modifier le comportement d'une personne19-21, il faut reconnaître la possibilité de modifier le milieu environnant afin de faciliter l'adoption de comportements sains. Les deux tiers (68 %) des Canadiens vivent dans une RMR22 (centre urbain ayant une population d'au moins 100 000 habitants). Par conséquent, même de petites modifications des caractéristiques de l'environnement bâti des RMR peuvent affecter de nombreuses personnes.

Méthodes

Plan de l'étude

L'étude consiste en une analyse transversale multiniveaux en vue d'examiner les associations entre l'étalement urbain, les comportements liés à l'obésité, ainsi que l'obésité chez les jeunes de 12 à 19 ans dans les 33 RMR du Canada. Les données au niveau de la personne sur le transport actif, l'APMV, l'obésité et les caractéristiques sociodémographiques ont été obtenues au moyen d'une enquête générale sur la santé. Les données au niveau de la région, à savoir les scores d'étalement urbain et les moyennes climatiques, ont été obtenues pour chaque RMR d'après les données du Recensement de 2006 et celles d'Environnement Canada, respectivement. Les données au niveau de la personne et au niveau de la région ont été appariées en se fondant sur le code d'identification de la RMR pour chaque participant à l'enquête. 

Échantillon étudié

L'échantillon sur lequel porte l'étude provient de l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (ESCC, 2007-2008), une grande enquête transversale représentative de la population nationale conçue pour recueillir des renseignements sur la santé des Canadiens de 12 ans et plus23. Une stratégie d'échantillonnage complexe a permis de s'assurer que l'échantillon soit représentatif des régions sociosanitaires dans chaque province et territoire.

La présente analyse est limitée aux participants à l'enquête âgés de 12 à 19 ans. Comme la notion d'étalement urbain s'applique principalement aux grandes zones urbaines12, seuls les résidents des RMR sont inclus.

Variables dépendantes

On a demandé aux participants à l'ESCC d'indiquer le nombre de fois qu'ils s'étaient adonnés à des activités physiques courantes au cours des trois derniers mois (90 jours), ainsi que la catégorie de durée appropriée. Le point médian de la catégorie de durée a été utilisé pour estimer le nombre de minutes d'activité physique24. La durée quotidienne moyenne de l'activité a été calculée en multipliant la fréquence par la durée, puis en divisant le résultat par 90.

L'APMV totale englobe toutes les activités, tandis que le transport actif comprend seulement la marche, le cyclisme et le patinage à roues alignées pour se rendre au travail ou à l'école ou durant les loisirs. Les participants à l'enquête ont été répartis en deux groupes, selon qu'ils satisfaisaient ou non à la ligne directrice actuelle, qui prévoit 60 minutes d'APMV par jour25. Faute de lignes directrices pour la durée du transport actif, un seuil de 30 minutes par jour a été utilisé pour répartir les participants entre les deux groupes. Ce seuil correspond au quartile supérieur de transport actif, et le pourcentage de participants à l'étude qui atteignait ce seuil était comparable au pourcentage qui atteignait le seuil de 60 minutes d'APMV par jour. Comme l'usage d'un véhicule peut atténuer l'association entre l'étalement urbain et l'activité physique, un terme d'interaction entre l'étalement urbain et le groupe d'âge a été introduit dans l'analyse pour faire la distinction entre les jeunes en âge de conduire (16 à 19 ans) et ceux qui ne l'étaient pas (12 à 15 ans).

La taille et le poids autodéclarés ont été utilisés pour calculer l'indice de masse corporelle (IMC) (poids en kg/carré de la taille en m2) de chaque participant à l'enquête. La situation à l'égard du poids des personnes de 18 et 19 ans est fondée sur les seuils d'IMC établis pour les adultes, à savoir moins de 25 kg/m2 (pas d'embonpoint), de 25 à 29,9 kg/m2 (embonpoint), et 30 kg/m2 ou plus (obésité); pour le groupe des 12 à 17 ans, on a utilisé les seuils d'IMC pédiatriques selon l'âge et le sexe de l'International Obesity Task Force26. Les catégories de l'embonpoint et de l'obésité ont été regroupées dans les analyses de régression.

Exposition

L'étalement urbain a été mesuré pour chaque RMR en se servant d'une adaptation de l'indice canadien d'étalement urbain élaboré par Ross et coll.27 qui englobe la densité d'habitat totale, le pourcentage de logements individuels ou non attenants, et le pourcentage de personnes vivant dans le noyau urbain de chaque RMR. La densité d'habitat totale et la densité des logements individuels ou non attenants dans chaque RMR ont été obtenues en se servant du logiciel PCensus (données des profils du Recensement du Canada de 2006; Tetrad Computer Applications Inc., Vancouver, Colombie-Britannique). Le pourcentage de la population vivant dans le noyau urbain a été fourni par Statistique Canada28. Au lieu d'équipondérer les trois composantes de l'étalement urbain pour créer un score d'étalement urbain sommaire (comme l'ont fait Ross et coll.27), nous avons procédé à une analyse factorielle en composantes principales. Les résultats ont montré que les trois composantes constituaient un facteur unique dont le coefficient alpha de Cronbach était de 0,89. Les saturations factorielles étaient de 0,95 pour la densité d'habitat, de 0,96 pour la densité des logements individuels ou non attenants, et de 0,82 pour le pourcentage de la population dans le noyau urbain de la RMR. Les trois composantes ont été utilisées pour créer un score standardisé d'étalement urbain de moyenne égale à 0 et d'écart-type égal à 1.

Variables confusionnelles

Les variables confusionnelles éventuelles au niveau de la personne, pour lesquelles les données proviennent de l'ESCC, sont l'âge7,29,30, le sexe31, le statut socioéconomique32 et la saison33 durant laquelle a eu lieu l'entrevue. Les catégories de niveau de scolarité du ménage varient, allant de pas de diplôme d'études secondaires à diplôme d'études postsecondaires. La catégorie de revenu du ménage est déterminée par le ratio du revenu au seuil de faible revenu pour une taille de ménage et une taille de collectivité données 24.

Des variables confusionnelles au niveau de la région, plus précisément les moyennes climatiques34, sont également prises en considération. Elles comprennent la température quotidienne ainsi que les chutes annuelles de pluie et de neige. Les données climatiques pour chaque RMR, fournies par Environnement Canada, sont fondées sur les moyennes pour la période de 1972 à 2000 mesurées à l'aéroport international ou à l'aéroport municipal dans chaque RMR35

Analyse statistique

Toutes les analyses ont été effectuées en se servant de la version 9.2 du logiciel SAS (SAS Institute, Cary, NC). En raison des procédures d'échantillonnage complexe de l'ESCC, les probabilités de sélection des sujets formant la population cible étaient inégales. Afin d'en tenir compte, 500 répliques bootstrap ont été exécutées en utilisant les poids bootstrap fournis par Statistique Canada pour les analyses descriptives et de régression36,37. Les régressions logistiques multiniveaux ont été exécutées en utilisant la commande proc glimmix et comprenaient un processus en plusieurs étapes pour estimer le rapport de cotes (RC) exprimant la possibilité de déclarer 1) 30 minutes de transport actif par jour, 2) 60 minutes d'APMV par jour, et 3) un IMC correspondant à la catégorie de l'embonpoint/obésité, en association avec les niveaux estimés d'étalement urbain.

Un modèle vide a été utilisé pour déterminer le coefficient de corrélation intra-classe (CCI) pour la régression logistique. La valeur du CCI indique le pourcentage de la variation totale des variables dépendantes qui est attribuable aux différences entre les RMR. Ensuite, nous avons examiné les associations bivariées entre les variables dépendantes et chaque variable confusionnelle éventuelle. Le processus de construction du modèle multivarié a débuté par l'introduction des variables au niveau de la personne et du terme de l'interaction (âge requis pour conduire) et s'est poursuivi selon une méthode d'élimination descendante. La variable de l'étalement urbain a été imposée dans tous les modèles. Le terme d'interaction a été inclus au début du processus de construction du modèle pour tester l'hypothèse a priori selon laquelle être en âge de conduire modifie l'association entre l'étalement urbain et les variables dépendantes. Dans le cas du transport actif et de l'APMV, les variables concernant le climat des RMR ont été introduites dans le modèle grâce à une méthode d'élimination descendante. Les variables concernant la saison et le climat n'ont pas été incluses dans le modèle sur l'embonpoint/obésité, parce qu'il n'existe aucune donnée suggérant une association. Afin de tenir compte du fait que la relation entre l'étalement urbain et les variables dépendantes pourrait être fortement modifiée par les participants résidant dans les trois plus grandes RMR (Montréal, Toronto et Vancouver), l'analyse a été répétée en éliminant ces personnes. 

Résultats

Un total de 7 017 participants à l'ESCC de 2007-2008 satisfaisaient aux critères d'admissibilité à l'étude. Ils étaient répartis également entre les deux groupes d'âge (12 à 15 ans et 16 à 19 ans) (tableau 1). Un sur quatre s'adonnait au transport actif pendant au moins 30 minutes par jour. Un sur trois satisfaisait aux lignes directrices concernant l'APMV. De ceux qui ont déclaré leur taille et leur poids, un sur quatre faisait de l'embonpoint ou était obèse.

Tableau 1 Distribution de certaines caractéristiques démographiques et liées à la santé, population à domicile de 12 à 19 ans dans les régions métropolitaines de recensement, Canada, 2007-2008Tableau 1 Distribution de certaines caractéristiques démographiques et liées à la santé, population à domicile de 12 à 19 ans dans les régions métropolitaines de recensement, Canada, 2007-2008

Le tableau 2 donne les scores d'étalement urbain et les caractéristiques climatiques pour chaque RMR. Un score positif indique un haut niveau d'étalement urbain. Toronto, Montréal et Vancouver, c'est-à-dire les trois plus grandes RMR, affichent les scores les plus faibles.

Tableau 2 Scores d'étalement urbain et caractéristiques climatiques, par région métropolitaine de recensementTableau 2 Scores d'étalement urbain et caractéristiques climatiques, par région métropolitaine de recensement

La valeur du CCI relative au transport actif (au moins 30 minutes par jour) indiquait que 0,21 % seulement de la variation observée pour cette variable dépendante s'expliquait au niveau de la RMR. L'analyse bivariée n'a révélé aucune association entre l'étalement urbain et le transport actif dans l'ensemble de l'échantillon (tableau 3). Cependant, comme le terme d'interaction entre l'âge et l'étalement urbain était statistiquement significatif (β= -0,20, p < 0,01), des rapports de cotes distincts ont été calculés pour les deux groupes d'âge. Après correction pour tenir compte des variables confusionnelles au niveau de la personne et de la région, l'étalement urbain était associé à une probabilité plus grande de s'adonner au transport actif chez le groupe des 12 à 15 ans (RC pour une augmentation d'un écart-type = 1,24, IC à 95 % : 1,10-1,39), mais non chez le groupe des 16 à 19 ans (RC pour une augmentation d'un écart-type = 1,02, IC à 95 % : 0,88-1,17).

Tableau 3 Rapports de cotes non corrigés et corrigés reliant certaines caractéristiques au transport actif, population à domicile de 12 à 19 ans dans les régions métropolitaines de recensement, Canada, 2007-2008Tableau 3 Rapports de cotes non corrigés et corrigés reliant certaines caractéristiques au transport actif, population à domicile de 12 à 19 ans dans les régions métropolitaines de recensement, Canada, 2007-2008

La valeur du CCI se rapportant à l'APMV (au moins 60 minutes par jour) indiquait que 0,28 % seulement de la variation notée pour cette variable dépendante s'expliquait au niveau de la RMR. Comme le terme d'interaction entre le score d'étalement urbain et l'APMV n'était pas significatif (β= -0,01, valeur p=0,90), le rapport de cotes a été calculé pour l'ensemble de la population étudiée plutôt que par groupe d'âge (tableau 4). L'analyse bivariée ne suggérait aucune association statistiquement significative entre l'étalement urbain et l'APMV. Cependant, après introduction dans le modèle des variables confusionnelles au niveau de la personne et au niveau de la région, une association positive s'est dégagée entre l'étalement urbain et l'APMV (RC pour une augmentation d'un écart-type = 1,10, IC à 95 % : 1,01-1,20). Le sexe, la saison où a eu lieu l'entrevue et la température quotidienne moyenne étaient aussi des variables associées de manière significatives à l'APMV.

Tableau 4 Rapports de cotes non corrigés et corrigés reliant certaines caractéristiques à l'activité physique modérée à vigoureuse, population à domicile de 12 à 19 ans dans les régions métropolitaines de recensement, Canada, 2007-2008Tableau 4 Rapports de cotes non corrigés et corrigés reliant certaines caractéristiques à l'activité physique modérée à vigoureuse, population à domicile de 12 à 19 ans dans les régions métropolitaines de recensement, Canada, 2007-2008

La valeur du CCI pour l'embonpoint/obésité était de 0,90 %. Les analyses bivariées n'ont révélé aucune association entre l'étalement urbain et l'embonpoint/obésité (tableau 5). L'ajout des variables confusionnelles au modèle n'a pas modifié ce résultat. Le terme d'interaction de l'âge n'était pas statistiquement significatif (β= -0,02, valeur p=0,81).

Tableau 5 Rapports de cotes non corrigés et corrigés reliant certaines caractéristiques à l'embonpoint/obésité, population à domicile de 12 à 19 ans dans les régions métropolitaines de recensement, Canada, 2007-2008Tableau 5 Rapports de cotes non corrigés et corrigés reliant certaines caractéristiques à l'embonpoint/obésité, population à domicile de 12 à 19 ans dans les régions métropolitaines de recensement, Canada, 2007-2008

Après suppression des résidents des trois plus grandes RMR (Montréal, Toronto et Vancouver), le terme d'interaction n'était plus statistiquement significatif pour le transport actif (β= 0,16, valeur p=0,13), ce qui donne à penser que la relation ne différait pas pour les deux groupes d'âge (données non présentées). En outre, l'association entre l'étalement urbain et le transport actif changeait de direction (RC pour une augmentation d'un écart-type = 0,93, IC à 95 % : 0,82-1,05). Pour l'APMV, la relation n'était plus statistiquement significative (RC pour une augmentation d'un écart-type = 0,98, IC à 95 % : 0,88-1,09). En revanche, la suppression de ces personnes n'a pas beaucoup altéré la relation avec l'embonpoint/obésité (RC pour une augmentation d'un écart-type = 0,97, IC à 95 % : 0,86-1,11).  

Discussion

Les adolescents de 12 à 15 ans vivant dans des RMR dont l'étalement urbain est important étaient plus susceptibles que ceux résidant dans des RMR relativement compactes de s'adonner au transport actif. En outre, chez le groupe des 12 à 19 ans dans son ensemble, un étalement urbain important était associé à une valeur élevée de la cote exprimant la possibilité d'une APMV. Même si la force de ces associations est relativement modeste, l'incidence sur les niveaux d'activité physique des jeunes pourrait être significative pour la population dans son ensemble. Les RMR ayant les scores d'étalement urbain les plus faibles, c'est-à-dire Toronto, Montréal et Vancouver, sont également les plus peuplées. Par conséquent, des modifications du milieu environnant en vue d'accroître le transport actif pourraient toucher un grand nombre de jeunes.

L'absence d'un rapport entre l'étalement urbain et l'embonpoint/obésité dans la présente analyse ne concorde pas avec les résultats d'Ewing et coll.16 et de Slater et coll.17, selon lesquels un accroissement de l'étalement urbain est associé à une prévalence plus forte de l'embonpoint/obésité chez les jeunes Américains. Cette différence tient peut-être au fait que l'indice d'étalement urbain utilisé par ces chercheurs se rapporte à des comtés, tandis que dans la présente analyse il se rapporte à des RMR. La grande taille des RMR peut avoir masqué des différences de prévalence de l'embonpoint/obésité.

Il se pourrait aussi que l'on ait inclus des renseignements sur la sécurité du quartier et la sécurité routière dans les études antérieures16,17, alors que de tels renseignements n'étaient pas disponibles à partir de l'ESCC. Les préoccupations concernant la circulation et la criminalité ont tendance à avoir un effet modérateur sur le transport actif chez les jeunes38,39. Dans la présente étude, les trois plus grandes RMR, où les préoccupations concernant la circulation pourraient être plus fréquentes, étaient celles dont l'étalement urbain est le moins important. En fait, après la suppression de l'analyse des résidents de ces RMR, la force des associations avait diminué.  Le terme d'interaction pour le transport actif n'était plus significatif et la direction de la relation avait changé, ce qui donne à penser que l'association positive entre le transport actif et l'étalement urbain concerne principalement les résidents des grandes villes. Par conséquent, les préoccupations au sujet de la sécurité routière peuvent avoir dissuadé les jeunes adolescents des RMR les plus grandes de s'adonner au transport actif.

Contrairement à ce qui se passe chez les adultes27,40-42, chez les jeunes, l'étalement urbain pourrait encourager l'activité physique. Slater et coll.17 ont constaté que les taux de participation aux activités sportives étaient plus élevés chez les adolescents vivant dans des comtés étalés que chez les autres. En outre, selon Mecredy et coll.43, les jeunes Canadiens vivant dans les quartiers où le réseau routier est moins dense sont plus susceptibles d'être actifs en dehors de l'école au moins quatre heures par semaine que ceux habitant les quartiers où le réseau routier est plus dense.

Les initiatives pour réduire l'étalement urbain dans les villes canadiennes44,45 et à l'échelle mondiale46 sont fondées en partie sur des preuves de ses effets négatifs, tels que l'augmentation du temps passé en voiture47 et l'accroissement de la pollution atmosphérique48. Chez les adultes, l'étalement urbain a été associé négativement à l'activité physique et au transport actif40,42,49. Cependant, certains urbanistes reconnaissent les avantages de la vie de banlieue, y compris des logements à prix plus abordables50, des espaces verts attrayants51 et des taux de criminalité moins élevés52

Limites

Une limite de l'étude tient au fait que les valeurs CCI pour les variables dépendantes sont faibles, ce qui s'explique peut-être par le fait que la grande surface géographique couverte par les RMR ne produit qu'une faible variation des résultats entre celles-ci.

Un faible pourcentage de RMR étaient constituées de zones rurales. Comme il n'était pas possible d'exclure ces régions, certains participants à l'étude n'étaient pas touchés par les profils de développement associés à l'étalement urbain.

Une autre limite tient au fait que les mesures de l'IMC et de l'activité physique sont fondées sur des données autodéclarées, qui ont vraisemblablement donné lieu à une sous-estimation des valeurs de l'IMC53 et à une surestimation des niveaux d'activité physique54, ce qui pourrait avoir influé sur la force des associations observées.

Enfin, on ne disposait pas d'information sur certaines variables confusionnelles éventuellement importantes. Par exemple, bien qu'il était possible de déterminer si les participants étaient en âge de conduire, on ignorait s'ils possédaient un permis de conduire et avaient accès à un véhicule.

Conclusion

Manifestement, il existe un lien complexe entre l'étalement urbain et la santé publique qui présente à la fois des résultats positifs et négatifs. La présente étude apporte des preuves des résultats positifs de l'étalement urbain pour la santé des jeunes Canadiens. L'étalement urbain n'est pas lié à l'embonpoint/obésité à proprement parler, mais il est lié à l'activité physique modérée à vigoureuse et, chez les jeunes de 12 à 15 ans, au transport actif. Ces résultats diffèrent de ceux observés chez les adultes43,48. Par conséquent, l'âge devrait être pris en considération dans l'élaboration de stratégies concernant l'environnement bâti qui ont pour but d'accroître l'activité physique et, en dernière analyse, de réduire l'obésité chez les Canadiens.