Mortalité par cause selon le niveau de scolarité au Canada : une étude de suivi sur 16 ans

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L'article « Mortalité par cause selon le niveau de scolarité au Canada : une étude de suivi sur 16 ans » a été mis à jour le 31 octobre 2012. Les modifications visent la dernière ligne des tableaux 2 et 3.

Par Michael Tjepkema, Russell Wilkins et Andrea Long

Les conditions sociales, économiques et environnementales dans lesquelles évoluent les personnes au fil des ans sont les facteurs qui influent le plus sur leur santé1. Appelés déterminants sociaux de la santé, ces facteurs comprennent le revenu, la profession et les conditions de vie, mais aussi le niveau de scolarité.

Le niveau de scolarité subit l'influence des circonstances, dont le revenu familial pendant l'enfance et les effets intergénérationnels, comme le niveau de scolarité de la mère1,2-5. Des différences de niveau de scolarité peuvent être associées à des différences d'évolution de la santé. Les taux de morbidité et de mortalité ont tendance à être plus élevés chez les personnes dont le niveau de scolarité est faible que chez celles qui sont plus instruites6.

Les voies selon lesquelles la scolarité est susceptible d'influer sur la santé sont multiples6,7. Le niveau de scolarité peut être un indicateur de l'existence des aptitudes intra et interpersonnelles nécessaires pour établir et maintenir un bon état de santé8,9. La littératie en matière de santé, c'est-à-dire la capacité d'accéder à l'information sur la santé et de l'utiliser pour prendre des décisions qui contribuent au maintien élémentaire de la santé, est considérée comme un maillon crucial entre le niveau de scolarité et les résultats en matière de santé10. Les personnes dont le niveau de scolarité est élevé pourraient être plus réceptives aux messages de prévention et être mieux à même de modifier leur comportement et d'utiliser efficacement le système de soins de santé11. Ainsi, les personnes ayant un haut niveau de scolarité pourraient être moins susceptibles d'adopter des comportements posant un risque pour la santé, comme l'usage du tabac12. La scolarité est aussi étroitement liée à d'autres déterminants sociaux de la santé. Un haut niveau de scolarité peut accroître les possibilités d'emploi et la sécurité du revenu1, et les travaux de recherche donnent systématiquement des preuves que la santé est meilleure chez les groupes à revenu élevé13-15.

L'association entre la scolarité et la mortalité a été bien établie dans les pays d'Europe de l'Ouest et de l'Est16,17. Au Canada, par contre, les enregistrements de décès ne contiennent pas de renseignements sur le niveau de scolarité de la personne décédée. Par conséquent, il n'est pas possible d'utiliser des données de l'état civil non appariées à d'autres pour examiner les différences de mortalité selon le niveau de scolarité. Afin de contourner cet obstacle, on a mené plusieurs études de suivi de la mortalité à petite échelle fondées sur l'appariement d'enregistrements18-23. Ces études ont révélé des différences de mortalité selon le statut socioéconomique au Canada, mais l'applicabilité des résultats pourrait être limitée par la portée de l'univers couvert (géographiquement, ou selon l'âge, le sexe ou la profession), la petite taille des échantillons, le manque d'information sur les causes de décès, ou une combinaison de facteurs.

Récemment, les données recueillies auprès d'un échantillon largement représentatif de la population canadienne adulte de 25 ans et plus ont été appariées à des données sur la mortalité couvrant près de 16 années24-26. Cette cohorte a été utilisée pour examiner les gradients de mortalité toutes causes confondues (et d'espérance de vie) en fonction de divers indicateurs socioéconomiques. On a pu constater que les taux de mortalité toutes causes confondues diminuaient pour les catégories successivement plus élevées de statut socioéconomique, que celui-ci soit défini par le revenu, le niveau de scolarité ou la profession. Toutefois, la cohorte n'a pas été utilisée pour évaluer les gradients de mortalité par cause selon le niveau de scolarité. L'objectif de la présente étude est donc d'examiner les taux de mortalité par cause en fonction du niveau de scolarité afin de déterminer si l'association entre la scolarité et la mortalité varie selon la cause de décès.

Méthodes

Les données proviennent de l'Étude canadienne de suivi de la mortalité selon le recensement de 1991 à 2006 réalisée sur un échantillon de 15 % de la population adulte24-26. Les personnes ayant répondu au Recensement de 1991 pouvaient être incluses dans la cohorte étudiée si 1) elles avaient au moins 25 ans et étaient un résident habituel du Canada le jour du recensement (4 juin 1991), 2) elles n'étaient pas un résident à long terme d'un établissement tel qu'une prison, un hôpital ou une maison de soins infirmiers, et 3) elles avaient répondu au questionnaire complet du recensement envoyé à un ménage privé sur cinq ainsi qu'à tous les résidents des logements collectifs non institutionnels et des réserves indiennes. Environ 3,6 millions de personnes satisfaisaient à ces critères.

La base de données électronique du Recensement de 1991 ne contient pas de noms, mais il faut des noms pour déterminer la mortalité. Afin de les obtenir, les enregistrements du recensement ont d'abord été appariés aux fichiers de données sur les déclarants de 1990 et de 1991 par une méthode probabiliste, en se servant de la date de naissance et du code postal de la personne et de ceux de son époux(épouse) ou conjoint(e) de fait (le cas échéant). Les données sur environ les trois quarts des personnes comprises dans le champ de l'étude ont pu être appariées à des données non financières sur les déclarants. Ensuite, les données sur la cohorte ont été appariées à celles de la Base canadienne de données sur la mortalité (pour la période allant du 4 juin 1991 au 31 décembre 2006) par des méthodes probabilistes27. Même sans appariement à un enregistrement de décès, le statut au suivi – en vie, décédé(e), émigré(e) ou perdu(e) de vue au suivi – a généralement pu être déterminé d'après les données sur les déclarants25. Globalement, la cohorte comprenait 2,7 millions de personnes, dont 16 % (426 979) sont décédées durant la période de suivi (tableau A en annexe).

Tableau A Membres de la cohorte de 25 ans et plus, années-personnes à risque et décès confirmés, selon le groupe d'âge et le niveau de scolarité à la date de référence, selon le sexe, Canada, 1991 à 2006Tableau A Membres de la cohorte de 25 ans et plus, années-personnes à risque et décès confirmés, selon le groupe d'âge et le niveau de scolarité à la date de référence, selon le sexe, Canada, 1991 à 2006

La cause initiale du décès avait été codée conformément à la Classification internationale des maladies, neuvième révision28 de l'Organisation mondiale de la Santé dans le cas des décès survenus de 1991 à 1999, et conformément à la dixième révision29 dans le cas des décès survenus de 2000 à 2006. Les décès ont été groupés selon les catégories servant au calcul de la charge mondiale de morbidité (Global Burden of Disease)30 et selon des facteurs comportementaux de risque pour la santé, à savoir les maladies liées à l'usage du tabac16, à la consommation d'alcool16 et à la consommation de drogues31. Les décès potentiellement évitables grâce à une intervention médicale survenus avant 75 ans, comme ceux attribuables à une maladie cérébrovasculaire, à l'hypertension, au cancer du sein et à la pneumonie ou à la grippe16,32, ont également été examinés.

Le plus haut niveau de scolarité atteint au moment de la création de la cohorte (date de référence) a été ventilé en quatre catégories : pas de diplôme d'études secondaires, diplôme d'études secondaires (ou certificat d'une école de métiers), certificat ou diplôme d'études postsecondaires (d'un niveau inférieur au baccalauréat) et grade universitaire.

Pour chaque membre de la cohorte, on a calculé le nombre de jours-personnes de suivi à partir du jour du recensement (le 4 juin 1991) jusqu'à la date du décès, de l'émigration ou du dernier jour de la période d'étude (le 31 décembre 2006). Le nombre de jours-personnes de suivi a été divisé par 365,25 pour obtenir le nombre d'années-personnes à risque. Les taux de mortalité selon l'âge à la date de référence, le sexe et le niveau de scolarité groupés par tranches d'âge de cinq ans ont été utilisés pour calculer les taux de mortalité normalisés selon l'âge (TMNA) en se basant sur la répartition de la population de la cohorte (années-personnes à risque), hommes et femmes confondus.

Les inégalités relatives ont été évaluées en fonction des rapports de taux (RT) et de la surmortalité en pourcentage. Les RT ont été calculés en divisant le TMNA des personnes ayant les niveaux de scolarité les moins élevés (pas de diplôme d'études secondaires, diplôme d'études secondaires, diplôme d'études postsecondaires) par le TMNA de celles possédant un grade universitaire. Un RT supérieur à 1,00 indique un risque de mortalité accru. Pour calculer la surmortalité en pourcentage, nous avons soustrait le TMNA des personnes ayant un grade universitaire du TMNA calculé pour l'ensemble de la cohorte, puis divisé le résultat par le TMNA pour l'ensemble de la cohorte et multiplié le tout par 100.

Les inégalités absolues ont été évaluées au moyen des différences de taux (DT) et de la surmortalité absolue. Les DT ont été calculées en soustrayant le TMNA des personnes possédant un grade universitaire du TMNA calculé pour les personnes ayant un niveau de scolarité moins élevé (pas de diplôme d'études secondaires, diplôme d'études secondaires, diplôme d'études postsecondaires). Une DT supérieure à zéro indique une surmortalité. Pour calculer la surmortalité absolue, nous avons soustrait le TMNA des personnes possédant un grade universitaire du TMNA calculé pour l'ensemble de la cohorte. La différence représente le nombre de décès (pour 100 000 années-personnes à risque) qui auraient hypothétiquement pu être évités si tous les membres de la cohorte avaient présenté le taux de mortalité des personnes possédant un grade universitaire.

Les intervalles de confiance à 95 % des TMNA, des RT et des DT ont été calculés en se fondant sur des méthodes décrites dans un ouvrage paru antérieurement33.

Résultats

Les pourcentages de membres de la cohorte de sexe masculin et de sexe féminin, respectivement, selon le niveau de scolarité, étaient de 35 % et de 35 % pour ceux n'ayant pas obtenu de diplôme d'études secondaires, de 38 % et de 35 % pour les titulaires d'un diplôme d'études secondaires, de 12 % et de 18 % pour les titulaires d'un diplôme d'études postsecondaires, et de 15 % et de 12 % pour les titulaires d'un grade universitaire (tableau 1). Les jeunes membres de la cohorte avaient tendance à avoir un niveau de scolarité plus élevé que les membres plus âgés.

Tableau 1 Niveau de scolarité selon le sexe et le groupe d'âge, membres de la cohorte de 25 ans et plus ne vivant pas en établissement, Canada, 1991 (date de référence)Tableau 1 Niveau de scolarité selon le sexe et le groupe d'âge, membres de la cohorte de 25 ans et plus ne vivant pas en établissement, Canada, 1991 (date de référence)

Le TMNA toutes causes de décès confondues révèle clairement un gradient en escalier selon le niveau de scolarité, les taux de mortalité étant plus élevés pour les niveaux de scolarité plus faibles. Comparativement aux personnes possédant un grade universitaire, le rapport de taux (RT) pour celles n'ayant pas terminé leurs études secondaires était de 1,55 chez les hommes et de 1,44 chez les femmes (tableaux 2 et 3).

Tableau 2 Taux de mortalité normalisés selon l'âge pour 100 000 années-personnes à risque, pour certaines causes de décès, selon le niveau de scolarité, membres de la cohorte de sexe masculin âgés de 25 ans et plus à la date de référence, Canada, 1991 à 2006Tableau 2 Taux de mortalité normalisés selon l'âge pour 100 000 années-personnes à risque, pour certaines causes de décès, selon le niveau de scolarité, membres de la cohorte de sexe masculin âgés de 25 ans et plus à la date de référence, Canada, 1991 à 2006

Tableau 3 Taux de mortalité normalisés selon l'âge pour 100 000 années-personnes à risque, pour certaines causes de décès, selon le niveau de scolarité, membres de la cohorte de sexe féminin âgés de 25 ans et plus à la date de référence, Canada, 1991 à 2006Tableau 3 Taux de mortalité normalisés selon l'âge pour 100 000 années-personnes à risque, pour certaines causes de décès, selon le niveau de scolarité, membres de la cohorte de sexe féminin âgés de 25 ans et plus à la date de référence, Canada, 1991 à 2006

Le gradient de mortalité selon le niveau de scolarité variait en fonction de la cause de décès. Chez les hommes, les RT comparant ceux n'ayant pas terminé leurs études secondaires à ceux ayant un grade universitaire étaient particulièrement élevés pour les décès par cancers de la trachée, des bronches et du poumon (RT=2,80), par bronchopneumopathie chronique obstructive (RT=2,58) et par cirrhose du foie (RT=2,44) (tableau 2). En revanche, le gradient était inversé pour les décès par VIH/SIDA (RT=0,63) et n'était pas statistiquement significatif pour les décès par cancer du pancréas (RT=1,12) et par démence (RT=0,96).

Chez les femmes, les RT comparant celles n'ayant pas terminé leurs études secondaires à celles possédant un grade universitaire étaient appréciablement élevés pour les décès dus aux cancers de la trachée, des bronches et du poumon (RT=2,64), à des troubles liés à la consommation d'alcool (RT=2,77), à la bronchopneumopathie chronique obstructive (RT=2,59), et à la cirrhose du foie (RT=2,55) (tableau 3). Par ailleurs, le gradient était inversé pour le cancer du sein (RT=0,80), et n'était pas statistiquement significatif pour le cancer de l'ovaire (RT=0,92), la démence (RT=1,02), et les accidents de la circulation (RT=1,18).

La « surmortalité » en pourcentage associée au niveau de scolarité (dernière colonne des tableaux 2 et 3) montre que si chaque membre de la cohorte avait affiché les taux de mortalité selon l'âge de ceux qui possédaient un grade universitaire, le TMNA toutes causes confondues aurait été de 27 % plus faible pour les hommes et de 22 % plus faible pour les femmes, ce qui représente 364 et 192 décès de moins pour 100 000 années-personnes à risque, respectivement. De même, les TMNA pour les cancers de la trachée, des bronches et du poumon, ainsi que pour le diabète sucré (femmes), la bronchopneumopathie chronique obstructive et les troubles dus à la consommation d'alcool (hommes) auraient été chacun au moins 50 % plus faibles.

Les causes de décès contribuant le plus à la surmortalité absolue liée au niveau de scolarité (avant-dernière colonne des tableaux 2 et 3) étaient la cardiopathie ischémique, le cancer du poumon, la bronchopneumopathie chronique obstructive, la maladie cérébrovasculaire, le diabète, les traumatismes (hommes) et les infections respiratoires (femmes). Ensemble, ces sept causes rendaient compte d'environ les deux tiers de la surmortalité totale liée au niveau de scolarité chez les hommes (65 %) et chez les femmes (64 %) (données non présentées.)

Les RT pour les maladies liées à la consommation de tabac, d'alcool et de drogues étaient tous supérieurs à 2,00 (tableaux 2 et 3). Les TMNA pour les maladies liées à la consommation de tabac et d'alcool auraient été environ 50 % plus faibles si tous les membres de la cohorte avaient présenté les taux de mortalité selon l'âge des membres de la cohorte titulaires d'un grade universitaire.

Pour les décès qu'une intervention médicale aurait peut-être permis d'éviter, le gradient de mortalité selon le niveau de scolarité était moins prononcé (RT=1,70 pour les hommes et 1,24 pour les femmes). La surmortalité en pourcentage était de 31 % pour les hommes et de 10 % pour les femmes.

Le gradient des RT selon le niveau de scolarité était le plus prononcé pour le groupe d'âge le plus jeune (de 25 à 44 ans à la date de référence), puis diminuait chaque fois que l'on passait au groupe d'âge suivant (tableau 4). Chez les hommes, le RT était de 2,60 pour le groupe des 25 à 44 ans et de 1,22 pour celui des 75 ans et plus. Chez les femmes, le RT était de 2,22 pour le groupe des 25 à 44 ans et de 1,18 pour celui des 75 ans et plus. Alors que les RT d'un niveau de scolarité à l'autre étaient les plus élevés chez les groupes plus jeunes, c'est chez les groupes plus âgés (chez lesquels la plupart des décès surviennent) que les écarts absolus les plus importants ont été observés.

Tableau 4 Taux de mortalité normalisés selon l'âge pour 100 000 années-personnes à risque, pour certaines causes de décès, selon le niveau de scolarité, le groupe d'âge et le sexe, membres de la cohorte de 25 ans et plus à la date de référence, Canada, 1991 à 2006Tableau 4 Taux de mortalité normalisés selon l'âge pour 100 000 années-personnes à risque, pour certaines causes de décès, selon le niveau de scolarité, le groupe d'âge et le sexe, membres de la cohorte de 25 ans et plus à la date de référence, Canada, 1991 à 2006

Les causes de décès ayant contribué le plus à la surmortalité variaient selon le sexe et le groupe d'âge. Parmi les membres de la cohorte âgés de 25 à 44 ans à la date de référence, les facteurs ayant contribué le plus à la surmortalité étaient les traumatismes accidentels chez les hommes, et les cancers de la trachée, des bronches et du poumon chez les femmes. Tant chez les hommes que chez les femmes de 45 à 74 ans, la cardiopathie ischémique et le cancer du poumon étaient les deux principaux déterminants de la surmortalité. Chez les personnes de 75 ans et plus, c'était la cardiopathie ischémique, suivi par la bronchopneumopathie chronique obstructive chez les femmes et le cancer du poumon chez les hommes.

Discussion

La présente analyse révèle des écarts considérables entre les taux de mortalité par cause selon le niveau de scolarité. Pour la plupart des causes de décès, plus le niveau de scolarité est élevé, plus le taux de mortalité est faible, résultats qui concordent généralement avec ceux d'études européennes11,16 et américaines8,9,34. Comparativement aux titulaires d'un grade universitaire, le rapport de taux calculé pour les personnes n'ayant pas terminé leurs études secondaires était de 1,55 pour les hommes et de 1,44 pour les femmes. Si tous les membres de la cohorte avaient présenté les taux de mortalité par âge de ceux possédant un grade universitaire, le TMNA toutes causes confondues aurait été 27 % plus faible pour les hommes et 22 % plus faible pour les femmes. Si l'on extrapole les chiffres à l'ensemble de la population adulte ne vivant pas en établissement, cela équivaut à environ 50 000 décès de moins par année, soit 33 000 et 17 000 décès de moins chez les hommes et chez les femmes, respectivement. Une réduction similaire de la mortalité aurait pu être obtenue si l'on avait éliminé la totalité des décès dus à une cardiopathie ischémique ou à une maladie cérébrovasculaire.

Des causes de décès qui contribuent le plus à la surmortalité absolue, les maladies cardiovasculaires (qui comprennent les cardiopathies ischémiques et les maladies cérébrovasculaires) sont systématiquement les plus coûteuses en ce qui concerne l'utilisation du système de soins de santé et la perte de productivité résultant de la morbidité et de la mortalité prématurée. Les maladies respiratoires, telles que la bronchopneumopathie chronique obstructive, sont également parmi les cinq premières maladies sur le plan du fardeau économique direct et indirect de la maladie35,36.

En ce qui concerne les RT, les causes de décès étroitement associées aux comportements posant un risque pour la santé (par exemple, l'usage du tabac et la consommation excessive d'alcool) ont tendance à présenter un gradient de mortalité selon le niveau de scolarité plus prononcé que les causes qui ne sont pas aussi fortement associées à ce genre de comportement. Cela est en harmonie avec les résultats d'études ayant montré que les personnes appartenant aux catégories de statut socioéconomique les plus faibles sont plus susceptibles que les autres d'adopter des comportements posant un risque pour la santé15,37-39.

La présente étude a révélé des inégalités relatives plus importantes aux jeunes âges qu'aux âges plus avancés. Selon certains, il pourrait exister un effet de sélection aux âges plus avancés : les personnes de faible statut socioéconomique pourraient mourir plus jeunes, de sorte que seules celles dont la santé est plus robuste atteignent un âge avancé, ce qui donne lieu à une réduction des inégalités socioéconomiques de mortalité11. En outre, la diminution des risques relatifs s'explique peut-être en partie par l'atténuation de l'association entre les facteurs de risque et les maladies chroniques chez les personnes âgées40. Cela étant dit, les écarts absolus entre les taux de mortalité étaient les plus grands chez les groupes d'âge avancé (65 à 74 ans et 75 ans et plus) que chez les groupes plus jeunes. Ainsi, c'est aux âges avancés que la réduction des inégalités de mortalité aurait la plus grande incidence quant à la réduction du nombre de décès excédentaires liés au niveau de scolarité.

Points forts et limites

Le vaste échantillon sur lequel porte l'étude est largement représentatif de la population adulte au Canada et a permis d'analyser les différences de mortalité (en termes relatifs et absolus) selon le niveau de scolarité pour des groupes de causes de décès à un niveau détaillé.

L'étude ne cherchait pas à évaluer l'importance relative des effets directs et indirects du niveau de scolarité sur la mortalité, par exemple, déterminer dans quelle mesure les différences de mortalité selon le niveau de scolarité pourraient s'expliquer par des différences associées de niveau de revenu.

Les données ne contiennent pas de renseignements sur les facteurs de risque (tels que l'usage du tabac), de sorte que l'effet du niveau de scolarité sur la mortalité a peut-être été surestimé. Néanmoins, d'autres études ont établi que les différences socioéconomiques observées pour divers résultats en matière de santé (y compris la mortalité) persistent en grande partie, même après avoir tenu compte de l'effet des facteurs de risque comportementaux7,41,42. Toute étude future cherchant à déterminer dans quelle mesure les comportements individuels et les facteurs de risque expliquent (ou ne permettent pas d'expliquer) les taux de mortalité plus élevés observés chez les personnes de statut socioéconomique faible au Canada nécessiterait un suivi de la mortalité à long terme, à partir d'enquêtes sur la santé qui renseignent sur les facteurs de risque comportementaux et les indicateurs du statut socioéconomique.

La présente analyse est fondée sur les titres de compétences des membres de la cohorte obtenus au 4 juin 1991. Depuis, le niveau d'instruction des Canadiens a augmenté, de sorte que le pourcentage de la population se situant dans les niveaux les plus faibles de scolarité a diminué. En supposant que les risques relatifs ne changent pas, cela devrait réduire la surmortalité liée au niveau de scolarité. Cependant, bien que cette étude fournisse des données de référence sur la nature et sur l'ampleur des différences de mortalité liées au niveau de scolarité, elle ne permet pas de déterminer si ces inégalités ont persisté, augmenté ou diminué au fil du temps. Seuls de futurs couplages de données sur la mortalité avec les enregistrements de recensements plus récents (ou de l'Enquête nationale auprès des ménages) pourront fournir les données nécessaires à l'évaluation de ces changements.

Conclusion

L'étude révèle d'importantes différences dans les taux de mortalité selon le niveau de scolarité pour la plupart des causes de décès. Les causes les plus étroitement associées aux comportements posant un risque pour la santé ont tendance à présenter un gradient de mortalité selon le niveau de scolarité plus prononcé que celles n'y étant pas aussi fortement associées. Ces résultats complètent ceux d'études antérieures en fournissant des données par groupes de causes, et confirment l'existence d'un gradient de mortalité selon le niveau de scolarité pour la plupart des causes de décès. L'Étude de suivi de la mortalité selon le recensement de 1991 à 2006 ayant été élargie afin de permettre l'appariement aux données sur le cancer, de futures études pourraient explorer la nature et l'ampleur des différences en ce qui a trait à l'incidence du cancer et à la survie au cancer selon le niveau de scolarité.

Remerciements

La présente analyse a été financée par l'Agence de la santé publique du Canada. L'Étude de suivi de la mortalité selon le recensement a été financée par l'Initiative sur la santé de la population canadienne de l'Institut canadien d'information sur la santé (étude originale), la Direction générale de la santé environnementale et de la sécurité des consommateurs de Santé Canada (prolongations de l'étude) et la Division de l'analyse de la santé de Statistique Canada. Enfin, les auteurs remercient les registraires provinciaux et territoriaux de la statistique de l'état civil, qui ont fourni les données sur les décès pour la Base canadienne de données sur la mortalité.