Jours d'hospitalisation en soins de courte durée et diagnostics de troubles mentaux

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Par Helen Johansen et Philippe Finès

En dépit de l'augmentation du nombre d'études sur la santé mentale basées sur la population à l'échelle nationale et provinciale1-6, des lacunes importantes persistent quant à la compréhension de l'incidence des troubles mentaux sur l'utilisation des services de soins de santé. Les études ont tendance à être axées sur les problèmes de santé mentale comme diagnostic principal et fournissent peu d'information sur les problèmes de santé mentale comme trouble comorbide. Cependant, les troubles psychiatriques peuvent accompagner des problèmes de santé physique et plusieurs d'entre eux augmentent le risque d'un mauvais état de santé mentale7-10. La combinaison de problèmes de santé physique et de problèmes de santé mentale peut donner lieu à des taux plus élevés d'utilisation des soins de santé, car les problèmes de santé mentale compliquent souvent la recherche d'aide, le diagnostic et le traitement, et peut influer sur le pronostic11-14.

Fondée sur des données administratives concernant les hôpitaux de soins de courte durée, la présente étude porte sur les hospitalisations associées à un diagnostic principal de trouble mental ou à un diagnostic de trouble mental comorbide (voir l'encadré Les données). L'analyse s'appuie sur le nombre de jours d'hospitalisation et sur la durée moyenne du séjour, plutôt que sur le nombre d'hospitalisations. Le nombre total de jours représente une mesure indirecte de l'utilisation des ressources du réseau des hôpitaux de soins de courte durée, tandis que la durée moyenne du séjour indique l'intensité de l'utilisation des services hospitaliers. La présente étude constitue une mise à jour d'un document de travail précédent19, mais contrairement à celui-ci, elle ne renferme pas de résultats sur le Québec, à cause des limites sur les données.

Moins de 1 % de la population utilise un quart des jours d'hospitalisation

En 2009-2010, environ 182 000 personnes ayant un diagnostic de trouble mental ont reçu leur congé d'un hôpital de soins de courte durée au moins une fois (données non présentées). Elles représentaient 0,7 % de la population, mais 11,8 % de l'ensemble des patients ayant reçu leur congé de l'hôpital cette année-là. Chez le tiers de ces patients (61 900), un trouble mental constituait le diagnostic principal, tandis que chez les deux tiers restants (120 500), un trouble mental était l'état comorbide. Ces patients représentaient 25,5 % du nombre total de jours d'hospitalisation, dont 9,0 % (environ 1,3 million de jours) étaient attribuables à un diagnostic principal de trouble mental et 16,5 % (2,3 millions de jours) comportaient un diagnostic de trouble mental comorbide (tableau 1).

Tableau 1 Jours d'hospitalisation en soins de courte durée, selon le groupe d'âge et la présence d'un diagnostic de trouble mental, Canada, le Québec non compris, 2009-2010Tableau 1 Jours d'hospitalisation en soins de courte durée, selon le groupe d'âge et la présence d'un diagnostic de trouble mental, Canada, le Québec non compris, 2009-2010

Chez les hommes et les femmes, on a relevé des pourcentages comparables de jours d'hospitalisation dans les hôpitaux de soins de courte durée attribuables à un diagnostic de trouble mental. Un diagnostic principal de trouble mental a été enregistré pour 9,2 % et 8,9 % des jours d'hospitalisation utilisés respectivement par les hommes et les femmes (données non présentées). Les chiffres correspondants pour les diagnostics de trouble mental comorbide étaient de 17,3 % et de 15,9 %.

Profils variant selon l'âge

Le pourcentage de jours d'hospitalisation en soins de courte durée comportant un diagnostic de trouble mental variait selon l'âge des patients et selon qu'il s'agisse d'un diagnostic principal de trouble mental ou d'un diagnostic de trouble mental comorbide.

Le pourcentage de jours d'hospitalisation attribuables à un diagnostic principal de trouble mental était le plus élevé chez les patients de 10 à 19 ans (tableau 1). Environ 30 % du nombre total de jours passés à l'hôpital par le groupe des 10 à 19 ans en 2009-2010 était associé à un diagnostic principal de trouble mental. Chez les patients plus âgés, le pourcentage de jours d'hospitalisation liés à un diagnostic principal de trouble mental diminuait en général selon la progression de l'âge, et chez les personnes de 50 ans et plus, il était inférieur à 10 %.

En revanche, le pourcentage de jours d'hospitalisation liés à un diagnostic de trouble mental comorbide augmentait avec l'âge, passant de moins de 10 % des jours chez les patients de moins de 40 ans à environ un quart des jours chez les patients de 80 ans et plus.

Séjours à l'hôpital plus longs

Les diagnostics de troubles mentaux, qu'ils soient principaux ou comorbides, étaient associés à des séjours à l'hôpital beaucoup plus longs – dans l'ensemble, plus de deux fois et demie aussi longs – que les séjours ne comportant pas de diagnostic de trouble mental (tableau 1). Cette tendance se vérifiait chez les patients de tous les groupes d'âge. Par exemple, les patients dans la vingtaine n'ayant pas reçu de diagnostic de trouble mental passaient en moyenne 2,7 jours à l'hôpital. Par contre, les patients du même âge ayant reçu un diagnostic principal de trouble mental séjournaient en moyenne 11,9 jours à l'hôpital, et ceux ayant reçu un diagnostic de trouble mental comorbide, 6,1 jours. Chez les patients septuagénaires, les moyennes étaient de 7,8 jours pour les hospitalisations sans diagnostic de trouble mental, de 27,0 jours pour les hospitalisations liées à un diagnostic principal de trouble mental et de 19,5 jours pour les hospitalisations liées à un diagnostic de trouble mental comorbide.

Troubles mentaux

Les trois diagnostics principauxde trouble mental à l'origine du nombre le plus élevé de jours d'hospitalisation en soins de courte durée étaient les diagnostics de troubles organiques (démence, délire) (461 000), de troubles de l'humeur (313 000) et de troubles schizophréniques et psychotiques (266 000) (données non présentées). Les trois diagnostics de trouble mental comorbide à l'origine du nombre le plus élevé de jours d'hospitalisation étaient les diagnostics de troubles organiques (1 404 000), de troubles de l'humeur (600 000) et de troubles liés à l'abus d'alcool ou d'autres drogues (537 000).

Comme prévu, le nombre de jours d'hospitalisation liés à un diagnostic principal et à un diagnostic comorbide attribuables à des troubles mentaux organiques était le plus élevé chez les patients de 70 ans et plus (données non présentées). Les jours d'hospitalisation attribuables à des troubles liés à l'abus d'alcool ou d'autres drogues étaient fréquents pour un grand nombre d'intervalles d'âges, principalement à titre de troubles comorbides. Les jours d'hospitalisation attribuables à des troubles de l'humeur étaient associés principalement à un diagnostic principal chez les jeunes, mais changeait vers un diagnostic de trouble comorbide chez les personnes plus âgées. Les troubles schizophréniques et psychotiques constituaient fréquemment le diagnostic principal chez les personnes de 20 à 60 ans.

Maladies associées à la comorbidité mentale

Le pourcentage de jours d'hospitalisation en soins de courte durée associés à une comorbidité mentale différait selon le principal type de maladie (tableau 2). Le chiffre variait de 2,4 % des jours pour les hospitalisations liées à la grossesse à 24,8 % des jours pour les hospitalisations liées à des maladies du système nerveux (p. ex. maladie de Parkinson). Parmi les autres types de maladies pour lesquelles le pourcentage de jours d'hospitalisation associés à un diagnostic de trouble mental comorbide était relativement élevé, mentionnons les maladies métaboliques (22,9 %), les blessures et les empoisonnements (23,6 %), et les maladies infectieuses et parasitaires (23,1 %).

Tableau 2 Jours d'hospitalisation en soins de courte durée, selon le principal type de maladie et la présence d'un diagnostic de trouble mental, Canada, le Québec non compris, 2009-2010Tableau 2 Jours d'hospitalisation en soins de courte durée, selon le principal type de maladie et la présence d'un diagnostic de trouble mental, Canada, le Québec non compris, 2009-2010

Indépendamment du type de maladie, une comorbidité mentale était associée à une augmentation considérable de la durée moyenne du séjour. Par exemple, les patients ayant un diagnostic principal de néoplasme (cancer) sans comorbidité mentale passaient en moyenne 7,6 jours à l'hôpital; pour ceux présentant une comorbidité mentale, la durée moyenne du séjour était de 21,0 jours. Quant aux patients hospitalisés en raison d'une maladie du système circulatoire, les moyennes correspondantes étaient de 7,1 jours et de 17,2 jours.

Niveau de soins alternatif

Le terme « niveau de soins alternatif » (NSA) détermine les patients hospitalisés qui ont terminé la phase de soins de courte durée de leur traitement, mais qui occupent toujours un lit d'hôpital en raison de besoins continus en matière de soins ultérieurs ou de l'indisponibilité de services de soutien dans la collectivité20,21. Ces patients peuvent demeurer longtemps dans des hôpitaux de soins de courte durée. Les analyses antérieures indiquent que la démence constitue le diagnostic le plus courant chez les patients nécessitant un NSA qui effectuent de longs séjours22 et que le diagnostic psychiatrique est fréquent chez les patients nécessitant un NSA23.

Au cours de l'exercice 2009-2010, les patients nécessitant un NSA représentaient 13 % des jours d'hospitalisation (plus de 1,8 million). Environ un quart des jours d'hospitalisation attribuables aux diagnostics de troubles mentaux ont été désignés comme des jours d'hospitalisation de NSA contre 9 % des jours non associés à un diagnostic de trouble mental (tableau 3).

Tableau 3 Pourcentage de jours d'hospitalisation en soins de courte durée désignés comme nécessitant un niveau de soins alternatif, selon le groupe d'âge et la présence d'un diagnostic de trouble mental, Canada, le Québec non compris, 2009-2010Tableau 3 Pourcentage de jours d'hospitalisation en soins de courte durée désignés comme nécessitant un niveau de soins alternatif, selon le groupe d'âge et la présence d'un diagnostic de trouble mental, Canada, le Québec non compris, 2009-2010

La présente étude comporte plusieurs limites. Les résultats font référence aux hospitalisations dans les hôpitaux de soins de courte durée; puisque les hôpitaux psychiatriques n'étaient pas inclus, les hospitalisations liées à certains des troubles mentaux les plus graves ne sont pas incluses dans l'analyse. En fait, les hôpitaux psychiatriques représentent environ 15 % de toutes les hospitalisations associées à un trouble mental1. En outre, les services d'urgence ne faisaient pas partie du champ d'observation de l'étude. Enfin, la validité des conclusions tirées de l'analyse de grandes bases de données administratives dépend de l'exactitude des codes de diagnostic définissant les cas, laquelle n'a pas pu être déterminée.

Conclusion

En 2009-2010, les patients hospitalisés ayant reçu un diagnostic de trouble mental représentaient moins de 1 % de la population, mais ils ont utilisé 25 % des jours d'hospitalisation en soins de courte durée. Les deux tiers de ces jours d'hospitalisation comportaient une comorbidité mentale. La durée moyenne du séjour des patients ayant reçu un diagnostic de trouble mental comorbide était plus de deux fois et demie celle des patients n'ayant pas reçu de diagnostic de trouble mental, indépendamment de l'âge et du diagnostic primaire des patients. De plus, environ un quart de tous les jours d'hospitalisation associés à un problème de santé mentale étaient désignés comme nécessitant un niveau de soins alternatif, ce qui indique les possibles besoins de soins continus ou l'indisponibilité de services de soutien dans la collectivité.