Mesures des résultats au chapitre du langage à partir de l'Enquête sur les enfants autochtones

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Par Leanne C. Findlay et Dafna E. Kohen

L'une des formes les plus courantes de retard de développement chez les enfants autochtones a trait au langage1,2, des troubles de la parole et du langage étant déclarés par les parents de jusqu'à 10 % des enfants autochtones3,4. Les déficits de la parole et du langage et les retards à ce chapitre rendent compte de la part la plus élevée des diagnostics de besoins spéciaux5.

Le langage se développe rapidement  au cours de la première enfance et des années préscolaires. La période de 0 à 60 mois est la plus précaire au chapitre du développement du langage et la plus opportune pour favoriser l'apprentissage du langage et intervenir pour remédier aux difficultés6. Les interventions précoces produisent de meilleurs résultats que les interventions tardives7. Même avant l'entrée de l'enfant à l'école, les faiblesses au chapitre du langage sont associées à des problèmes de comportement ou d'attention8,9, à une moins grande maturité scolaire10,11 et à un niveau plus faible de performance cognitive12, de littératie et de réussite scolaire13,14. Par ailleurs, le développement précoce du langage est important pour l'inclusion sociale et l'identité culturelle15.

Les connaissances concernant le développement du langage chez les enfants autochtones sont limitées16-18. Jusqu'à récemment, les enfants autochtones n'étaient pas ciblés dans les études de cohorte longitudinales nationales canadiennes (p. ex. l'« Enquête longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes »19 et « Comprendre la petite enfance »)20.

Des outils de contrôle, d'évaluation et de diagnostic ont été élaborés et uniformisés sur la base d'une population générale d'enfants canadiens, dont la plupart ont l'anglais ou le français comme première langue21. Ces outils ne tiennent pas compte des différences culturelles dans les profils de développement de la parole22 ou de l'utilisation du français ou de l'anglais non standard23, et ils sont souvent administrés par des personnes qui ne sont pas familières avec les pratiques sociolinguistiques ou les différences culturelles des Autochtones. Par conséquent, les compétences linguistiques des enfants autochtones22,24 peuvent être sous-estimées.

Des outils uniformisés permettent d'évaluer des domaines comme l'expression orale du langage – la production du langage (parole) – et l'aspect réceptif du langage – la compréhension du langage10,25,26. Toutefois, il se peut que d'autres indicateurs soient plus pertinents pour les enfants autochtones. Par exemple, les interactions dans lesquelles l'accent est mis sur les échanges réciproques – compréhension mutuelle – et la narration d'une histoire peuvent être importantes pour le développement précoce22,24,27-29. Toutefois, ni la compréhension mutuelle ni la narration d'une histoire n'est couramment décrite comme un indicateur du langage dans les ouvrages publiés.

Afin d'éviter d'avoir à dépendre de mesures uniformisées, on a beaucoup utilisé les données déclarées par les mères pour l'étude de l'acquisition du langage et des compétences linguistiques des enfants de cultures non occidentales24,30,31. En fait, étant donné que la validité des mesures d'évaluation du langage existantes est contestable pour les enfants autochtones24,27, les données déclarées par les parents représentent une bonne source d'information de rechange.

L'objectif de la présente étude est de décrire comment les réponses recueillies auprès des parents/tuteurs d'un échantillon d'enfants autochtones (vivant à l'extérieur des réserves) représentatif au niveau national, dans le cadre de l'Enquête sur les enfants autochtones (EEA) de 200632, pourraient être utilisées comme indicateurs du langage. Comme la présente étude a trait au développement du langage en général, on examine les résultats pour tout dialecte ou langue, plutôt que pour une langue autochtone en particulier.

Méthodes

On a utilisé les données de l'EEA pour examiner les résultats au chapitre du langage des enfants autochtones de 2 à 5 ans. L'EEA a été élaborée par Statistique Canada et par des conseillers autochtones provenant de toutes les régions du pays. Elle et a été menée conjointement par Statistique Canada et Ressources humaines et Développement des compétences Canada. La population cible était constituée des enfants des Premières nations vivant à l'extérieur des réserves, des enfants métis et des enfants inuits. (Même si dans l'EEA, on utilise le terme « Indien de l'Amérique du Nord », le terme « Premières nations » est utilisé tout au long du présent document.) L'enquête excluait les enfants vivant dans des réserves dans les provinces; toutefois, tous les enfants vivant dans les territoires et les enfants de certaines collectivités de Premières nations au Québec ont été inclus. L'échantillon a été sélectionné à partir des enfants de moins de 6 ans identifiés dans le cadre du Recensement de 2006 comme étant des Indiens de l'Amérique du Nord et/ou des Métis et/ou des Inuits, et/ou comme ayant un statut d'Indien des traités ou d'Indien inscrit, et/ou comme appartenant à une bande indienne, et/ou comme ayant des antécédents autochtones. Le taux de réponse global a été de 81 %, ce qui a donné un échantillon de 12 845 enfants représentant une population d'environ 135 000 enfants autochtones de moins de 6 ans. Des données détaillées concernant l'échantillon et l'enquête sont disponibles ailleurs32.

L'échantillon de la présente étude était constitué d'enfants de 2 à 5 ans identifiés comme ayant une ou plusieurs identités autochtones (n = 7 417). Les parents/tuteurs des enfants de moins de 2 ans n'avaient pas à remplir toutes les sections du questionnaire de l'EEA ayant trait aux résultats en matière de langage.

Mesures

Caractéristiques sociodémographiques
Le parent/tuteur (un parent biologique dans le cas de 90 % des enfants des Premières nations vivant à l'extérieur des réserves, de 94 % des enfants métis, et de 81 % des enfants inuits) a déclaré l'âge et le sexe de l'enfant, le niveau de scolarité du parent/tuteur et la structure familiale (ménage à un ou à deux parents). Le revenu du ménage, tiré du Recensement de 2006, a été corrigé en fonction du nombre de personnes dans le ménage.

Résultats au chapitre du langage
Ont été explorées dans la présente analyse toutes les questions de l'EEA qui rendent compte des résultats des enfants au chapitre du langage.

On a demandé au parent/tuteur :

  • « Est-ce que l'enfant a déjà exprimé ses besoins par des phrases complètes? »
  • « Est-ce que l'enfant a déjà exprimé ses besoins par deux ou trois mots? »
  • « Est-ce que l'enfant a déjà exprimé ses besoins par un seul mot? »
  • « Est-ce que l'enfant a déjà exprimé ses besoins par des sons, autrement que par des pleurs? »

Les options de réponses étaient les suivantes : « oui, tout le temps », « la plupart du temps », « parfois », « rarement » et « non ».

Sur une échelle de Likert à cinq points (tout le temps, la plupart du temps, parfois, rarement et jamais), on a demandé aux parents/tuteurs :

  • « À quelle fréquence d'autres personnes peuvent-elles comprendre ce qu'il/elle dit? »
  • « À quelle fréquence l'enfant vous comprend-il/elle lorsque vous lui parlez? »
  • « À quelle fréquence pouvez-vous comprendre ce qu'il/elle dit? »

On a aussi demandé aux participants à l'enquête si l'enfant « a déjà raconté ou répété une histoire dans ses propres mots » ou « a déjà fait un dessin et ensuite raconté une histoire au sujet de son dessin » (oui/non).

Enfin, on a demandé aux participants à l'enquête si l'enfant avait des difficultés de la parole ou du langage et, le cas échéant, si celles-ci avaient été diagnostiquées. À ceux ayant déclaré qu'une difficulté de la parole ou du langage avait été diagnostiquée, on a demandé si l'enfant avait reçu des traitements.

Analyses

On a procédé à une analyse factorielle exploratoire (AFE) avec rotation Geomin au moyen d'un estimateur par les moindres carrés pondérés robustes (WLSMV, polychorique), afin de déterminer si les questions rendaient compte d'un seul facteur ou d'un ensemble de facteurs de base. Pour résoudre le problème des effets de plafonnement, les questions ont été considérées comme des variables catégoriques. L'analyse a été effectuée en un premier temps pour tous les enfants autochtones confondus, puis séparément pour chaque groupe autochtone (Premières nations vivant à l'extérieur des réserves, Métis et Inuits.). La corrélation des facteurs identifiés s'explique par une rotation Geomin33.

Des poids factoriels ont été produits pour chaque variable; ceux-ci représentent la mesure dans laquelle la variable rend compte du facteur latent sous-jacent. Les catégories de poids factoriel étaient les suivantes : faible (poids de ,32 à ,44); moyen (,45 à ,54); bon (,55 à ,66); très bon (,63 à ,70), et excellent (,71 et plus)34.

Pour déterminer le nombre de facteurs à retenir de l'AFE, on a effectué une analyse parallèle. Le nombre de facteurs déterminé correspond au nombre de valeurs propres obtenues pour l'ensemble de données qui sont supérieures au nombre de celles obtenues à partir d'ensembles de données générés de façon aléatoire35.

On a exclu de l'AFE deux réponses oui/non concernant la narration d'une histoire et les difficultés de la parole et du langage, parce que les questions concernant la parole et le langage ont été administrées aux parents différemment (en utilisant une échelle différente) par rapport aux autres questions sur le langage.

L'indice d'ajustement comparatif (CFI)36 et l'indice d'ajustement de Tucker-Lewis (TLI)37, ainsi que la racine de l'erreur quadratique moyenne de l'approximation (RMSEA)38, ont servi à évaluer la qualité de l'ajustement du modèle et le caractère approprié de la structure factorielle. Des valeurs CFI et TLI de 0,90 ou plus indiquent un ajustement acceptable37,39, et une valeur RMSEA de 0,06 ou moins indique un ajustement adéquat37. La statistique du test du chi-carré (χ2) n'a pas été déclarée en raison de sa sensibilité à la taille de l'échantillon38.

Enfin, pour évaluer la validité des questions sur le langage, on a réalisé la régression d'un ensemble de facteurs sociodémographiques dont on sait qu'ils sont associés au langage (sexe et âge de l'enfant, revenu du ménage, niveau de scolarité des parents/tuteurs et structure familiale) sur les scores aux quatre résultats au chapitre du langage. S'inspirant de recherches antérieures, on a supposé que le sexe masculin40, le faible revenu du ménage41,42, le faible niveau de scolarité des parents/tuteurs43 et le statut de parent seul étaient associés à des résultats plus faibles au chapitre du langage. À partir de la structure factorielle révélée par l'AFE et en créant une moyenne pour les deux questions oui/non sur la narration d'une histoire, les scores pour chaque facteur ont été utilisés dans des régressions linéaires, prédisant les indicateurs de l'expression orale du langage, de la compréhension mutuelle et de la narration d'une histoire. Une régression logistique a permis de prédire la cote exprimant le risque d'avoir des difficultés de la parole et du langage, puis une régression des difficultés de la parole et du langage sur les trois autres indicateurs du langage a servi à vérifier la validité des concepts de façon plus approfondie.

La préparation des données et le calcul des statistiques descriptives se sont faits en SAS, version 9.1 et les analyses factorielles (AFE) ont été effectuées au moyen de MPLUS, version 6.1133. Seuls les cas pour lesquels il n'y avait pas de données manquantes, pour ni l'une ni l'autre des questions, ont été inclus dans l'AFE (n = 6 681). L'avantage de MPLUS par rapport à SAS pour l'AFE est que MPLUS permet d'inclure les questions sous forme de variables catégoriques ordonnées plutôt que sous forme de variables continues. On a utilisé les poids de sondage normalisés de l'enquête dans les analyses descriptives et de régression, afin de tenir compte de la probabilité inégale de sélection des participants à l'enquête, de la non-réponse et de la stratification a posteriori. Une méthode bootstrap a été appliquée pour produire les estimations de la variance44.

Résultats

Analyse factorielle exploratoire

Deux facteurs ont émergé et ont été étiquetés expression orale du langage et compréhension mutuelle (RMSEA =  ,034; CFI = ,999; TLI = ,997) (tableau 1). Le maintien de deux facteurs a été appuyé par l'analyse parallèle : les valeurs propres des deux facteurs de l'AFE étaient supérieures aux deux premières valeurs propres de l'analyse parallèle. L'analyse a révélé une structure simple, dans laquelle chaque question se retrouve sur un seul facteur (avec d'excellents poids factoriels). Les facteurs étaient significativement corrélés (r = ,53).

Tableau 1 Poids factoriels pour les questions sur le langage de l'Enquête sur les enfants autochtones, population à domicile de 2 à 5 ans, Canada, 2006Tableau 1 Poids factoriels pour les questions sur le langage de l'Enquête sur les enfants autochtones, population à domicile de 2 à 5 ans, Canada, 2006

Expression orale du langage

Dans l'EEA, les questions sur l'expression orale du langage ont été posées de façon séquentielle, c'est-à-dire que l'on a demandé aux parents si les enfants utilisaient des phrases pour exprimer leurs besoins et, le cas échéant, à quelle fréquence. Aux fins de l'attribution des scores, si les enfants utilisaient des phrases, on a présumé qu'ils étaient capables d'utiliser des niveaux de communication nécessitant des compétences plus faibles « tout le temps ». Toutefois, cette démarche crée un numérateur (et un dénominateur) artificiel pour les fréquences des niveaux plus faibles de compétences en communication, et soulève aussi un problème de non-indépendance des réponses aux questions sur l'expression orale du langage. Par conséquent, une mesure globale de l'expression orale du langage a été créée à partir d'une hiérarchie de compétences supposée, les phrases représentant les plus compliquées, suivies par l'utilisation de deux ou de trois mots, puis d'un mot, puis de sons. Un score global à l'expression orale du langage a été créé, un score de16 indiquant que l'enfant utilisait des phrases tout le temps (15 = la plupart du temps, 14 = parfois, 13 = rarement), de 12, qu'il utilisait deux ou trois mots tout le temps, de 8, qu'il utilisait un seul mot tout le temps, et de 4, qu'il utilisait des sons tout le temps. Un score de 0 à l'expression orale du langage indique que l'enfant n'utilise jamais de sons pour communiquer (tableau 2).

Tableau 2 Structure des questions pour les résultats au chapitre du langage et moyenne pour l'Enquête sur les enfants autochtones, population à domicile de 2 à 5 ans, Canada, 2006Tableau 2 Structure des questions pour les résultats au chapitre du langage et moyenne pour l'Enquête sur les enfants autochtones, population à domicile de 2 à 5 ans, Canada, 2006

Même si cette stratégie crée un score continu pour l'expression orale du langage, la normalité de la distribution pose un problème, étant donné que seulement 33 % de l'échantillon n'a pas reçu le score maximum de 16. L'analyse du rapport entre le score à l'expression orale du langage et l'âge de l'enfant porte à croire qu'au fur et à mesure que les enfants avancent en âge, le pourcentage de ceux qui atteignent les scores maximums augmente (39 % à 2 ans; 81 % à 5 ans).

Compréhension mutuelle et narration d'une histoire

On a calculé les scores moyens pour les résultats se rapportant à la compréhension mutuelle et à la narration d'une histoire, à partir de trois questions dans le cas de la compréhension mutuelle (cohérence interne (α) = ,73) et de deux questions dans celui de la narration d'une histoire (α = ,73) (tableau 2). Du fait du petit nombre de questions servant à constituer chaque score, seuls les cas comportant des données complètes ont été inclus dans les calculs. Un effet de plafonnement a émergé pour les deux indicateurs, 38 % de l'échantillon ayant obtenu le score maximum pour la compréhension mutuelle (12 % à 2 ans; 59 % à 5 ans), et 77 % ayant obtenu le score maximum pour la narration d'une histoire (43 % à 2 ans; 94 % à 5 ans).

Difficultés de la parole et du langage

Les difficultés de la parole et du langage déclarées par le parent/tuteur constituaient le dernier indicateur du langage. On a aussi demandé aux participants à l'enquête si celles-ci avaient été diagnostiquées et si l'enfant avait reçu des traitements à cet égard. Dans l'échantillon des 2 à 5 ans de l'EEA, 12 % des enfants avaient une difficulté de la parole ou du langage et, parmi ceux-ci, 75 % avaient reçu un diagnostic. Parmi les enfants chez qui une difficulté de la parole ou du langage avait été diagnostiquée, 82 % avaient reçu des traitements.

Groupes d'identité autochtone

D'autres analyses ont permis d'examiner si les questions se retrouvaient sur une structure factorielle analogue pour chaque groupe autochtone (Premières nations vivant à l'extérieur des réserves n = 3 257; Métis n = 2 454; Inuits n = 1 061). Les questions étaient associées à deux facteurs semblablement nommés chez les trois groupes (Premières nations : RMSEA = 0,054, CFI = 0,997, TLI = 0,992, corrélation entre les facteurs (r) = ,49; Métis : RMSEA = 0,011, CFI = 1,00, TLI = 1,00, r = ,57; Inuits : RMSEA = 0,029, CFI = 0,999, TLI = 0,997, r = ,41). Des difficultés de la parole et du langage ont été déclarées pour 13 % des enfants des Premières nations de 2 à 5 ans vivant à l'extérieur des réserves et 12 % des enfants métis (chez 75 % de ceux-ci, la difficulté avait été diagnostiquée, et parmi ceux qui avaient reçu un diagnostic, plus de 80 % avaient reçu des traitements). Parmi les enfants inuits, 7 % avaient des difficultés de la parole ou du langage et, parmi ceux-ci, 70 % avaient reçu un diagnostic. Parmi les enfants inuits ayant reçu un diagnostic de difficulté de la parole ou du langage, 71 % avaient reçu des traitements.

Associations avec les caractéristiques sociodémographiques

Afin de vérifier la validité des quatre indicateurs compris dans la présente analyse, on a examiné les associations avec les caractéristiques sociodémographiques dont on sait qu'elles sont liées au développement du langage chez l'enfant. Sauf pour la structure familiale, toutes les caractéristiques étaient associées dans la direction prévue à l'expression orale du langage, à la compréhension mutuelle et à la narration d'une histoire (tableau 3). De façon plus particulière, les garçons affichaient des scores plus faibles que les filles, et les enfants les plus âgés ainsi que les enfants vivant dans les ménages ayant les revenus les plus élevés et dont le parent/tuteur avait un niveau de scolarité élevé affichaient des scores supérieurs aux autres. Par ailleurs, les garçons et les enfants les plus âgés étaient plus susceptibles que les filles et les enfants plus jeunes d'avoir des difficultés de la parole ou du langage, et les enfants vivant dans les ménages ayant les revenus les plus élevés étaient moins susceptibles d'avoir des difficultés de la parole ou du langage, comparativement aux enfants dans les ménages ayant des revenus plus faibles. Enfin, les enfants ayant des scores élevés pour l'expression orale du langage, la compréhension mutuelle et la narration d'une histoire étaient moins susceptibles que ceux ayant des scores faibles d'avoir des difficultés de la parole ou du langage, même une fois pris en compte l'âge et le sexe de l'enfant, le revenu du ménage, le niveau de scolarité du parent/tuteur et le statut de parent seul.

Tableau 3 Analyse de régression prédisant les résultats au chapitre du langage, population à domicile de 2 à 5 ans, Canada, 2006Tableau 3 Analyse de régression prédisant les résultats au chapitre du langage, population à domicile de 2 à 5 ans, Canada, 2006

Discussion

On a établi que les mesures des résultats sur le plan du langage chez l'enfant qui sont propres aux Autochtones font défaut18. La présente étude décrit comment créer des indicateurs du langage à partir des données recueillies dans le cadre de l'EEA. Quatre résultats distincts en ont été tirés : expression orale du langage, compréhension mutuelle, narration d'une histoire et difficultés de la parole et du langage. L'expression orale du langage, un concept couramment évalué dans les travaux publiés (mais au moyen d'outils uniformisés, comme l'échelle de vocabulaire en images de Peabody25), montre la capacité des enfants à s'exprimer. La compréhension mutuelle met l'accent sur l'importance d'un partenaire communicatif et d'interactions dans les deux sens. La narration d'une histoire en tant que résultat au chapitre du langage est propre à la présente étude et repose sur des compétences jugées importantes dans certaines cultures autochtones18. Le dernier indicateur, à savoir les difficultés de la parole et du langage déclarées par le parent, revêt une importance particulière pour les enfants autochtones.

Il se peut que les enfants autochtones fassent l'apprentissage du langage différemment des enfants non autochtones et que l'on doive par conséquent utiliser des méthodes d'évaluation adaptées à leur culture. Par exemple, la culture inuite traditionnelle met davantage l'accent sur la compréhension que sur l'expression du langage dans la première enfance, les parents/tuteurs définissant le langage en fonction de la compréhension des concepts et des directives, plutôt qu'en fonction du vocabulaire45. Il se peut que les enfants autochtones aient moins recours à l'expression orale du langage que les autres enfants (en étant appelés à parler moins souvent, par exemple), ce qui pourrait avoir une incidence sur l'interprétation des résultats des tests normalisés24,28. Par ailleurs, les difficultés sur le plan du langage doivent peut-être être examinées dans le contexte de la collectivité ou de la culture46. Selon Gould22, le dépistage des troubles de la parole et du langage est entravé par la dépendance trop grande à l'égard d'outils uniformisés, lesquels sont fréquemment administrés par des évaluateurs non autochtones. Ainsi, même si les mesures utilisées aux fins de la présente étude reflètent peut-être les perceptions des parents/tuteurs, elles prennent peut-être en compte également l'incidence de la culture sur le développement du langage.

Limites

La présente étude comporte plusieurs limites. En premier lieu, la structure factorielle et les indicateurs ne sont pas généralisables à la population des réserves. En deuxième lieu, les questions des quatre sous-échelles se limitent aux questions posées dans le cadre de l'EEA, de sorte qu'elles ne représentent vraisemblablement qu'en partie les concepts correspondants dans les travaux publiés. Par exemple, aux fins de la présente étude, la compréhension mutuelle a été définie comme étant la capacité de l'enfant de comprendre le langage et d'être compris, mais il ne s'agit peut-être pas là d'un concept généralement évalué à l'aide d'outils uniformisés. Des effets de plafonnement ont été observés dans plusieurs cas où les réponses ont été déclarées par le parent/tuteur. Cela donne à penser que l'on devrait peut-être tenir compte dans les enquêtes ultérieures d'une gamme de compétences plus vaste, ainsi que de réponses provenant d'évaluateurs multiples (p. ex. observateurs, fournisseurs de soins). Enfin, l'étude n'explore pas les facteurs culturels qui peuvent influer sur l'apprentissage du langage chez l'enfant.

Conclusion

L'analyse décrit quatre indicateurs du langage pouvant être calculés à partir de l'Enquête sur les enfants autochtones : l'expression orale du langage, la compréhension mutuelle, la narration d'une histoire et les difficultés de la parole et du langage. Ces indicateurs sont fondés sur des données représentatives des populations nationales d'enfants des Premières nations vivant à l'extérieur des réserves, d'enfants métis et d'enfants inuits et sont par conséquent utiles pour la recherche sur les résultats en matière de langage se rapportant spécifiquement aux Autochtones.

Remerciements

Les auteurs reconnaissent avec gratitude la contribution de Cameron McIntosh, Rubab Arim et Amanda Thompson au manuscrit. Le présent document a reçu le soutien de la Direction de la recherche stratégique d'Affaires autochtones et Développement du Nord Canada. Les points de vue exprimés dans le document ne représentent pas nécessairement ceux d'Affaires autochtones et Développement du Nord Canada.