Hospitalisations pour blessure non intentionnelle et statut socioéconomique dans les régions ayant un fort pourcentage de Premières Nations

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par Evelyne Bougie, Philippe Finès, Lisa N. Oliver et Dafna E. Kohen

Les blessures sont l’une des causes principales de décès chez les Premières Nations au Canada, et le coût des soins de santé et la qualité de vie réduite qui y sont associés en font un important problème de santé publiqueNote1.

Bien que l’on ait mené relativement peu d’études sur les blessures chez les AutochtonesNote2, des travaux de recherche récents représentatifs de la population révèlent des taux élevés de morbidité et de mortalité dues aux blessures chez les Premières Nations. Dans une étude de la région sociosanitaire de Calgary, Karmali et coll.Note3 ont signalé un nombre plus élevé de cas de blessures graves mortelles et non mortelles chez les personnes ayant le statut d’Indien inscrit que chez les autres. Dans une étude fondée sur des données d’enquête, TjepkemaNote4 a observé des taux plus élevés de blessures non mortelles chez les Autochtones hors réserve des provinces que chez les non-Autochtones. En outre, les appariements de données de recensement et de données sur la mortalité couvrant la période allant de 1991 à 2001 montrent des taux plus élevés de mortalité par suite d’une blessure chez les Indiens inscrits et les Indiens non inscrits que chez la population non autochtoneNote5,Note6.

Les études nationales de l’hospitalisation à la suite d’une blessure chez les Premières Nations sont encore plus rares, à cause de l’absence d’information sur l’identité autochtone ou d’incohérences à cet égard dans les dossiers administratifs des hôpitaux. Les données hospitalières sont importantes, parce que les dossiers de sortie d’hôpital contiennent des renseignements sur les blessures suffisamment graves pour justifier une hospitalisation. À l’heure actuelle, trois provinces (Colombie-Britannique, Saskatchewan et Manitoba) déclarent des taux d’hospitalisation pour blessure qui sont représentatifs de la population. Bien que l’identification des Premières Nations se fasse différemment d’une base de données provinciales à l’autreNote7, les données révèlent des taux d’hospitalisation pour blessure plus élevés chez les Premières Nations — tant celles vivant dans les réserves qu’hors réserve — dans l’Ouest du Canada que pour la population dans son ensemble.

Afin de remédier à l’absence générale de données sur l’identité autochtone dans les dossiers hospitaliers, certains chercheurs ont adopté une approche fondée sur la régionNote8 et examiné les hospitalisations à la suite d’une blessure dans les régions géographiques où le pourcentage de résidents d’identité autochtone est relativement élevé. Ainsi, Fantus et coll.Note9 ont observé des taux d’hospitalisation pour blessure toutes causes confondues qui étaient plus élevés dans les collectivités des Premières Nations du nord de l’Ontario que dans les collectivités non autochtones établies dans les mêmes régions. Alaghehbandan et coll.Note10, pour leur part, ont signalé des taux d’hospitalisation pour blessure non intentionnelle toutes causes confondues plus élevés chez les enfants et les adolescents vivant dans les collectivités à fort pourcentage d’Autochtones à Terre-Neuve-et-Labrador que chez ceux vivant dans les collectivités comptant un pourcentage plus faible d’Autochtones. À l’échelle nationale (le Québec non compris), Oliver et KohenNote11, Finès et coll.Note12 et Carrière et coll.Note13 ont trouvé des taux plus élevés d’hospitalisation pour blessure non intentionnelle chez les enfants, les jeunes et les adultes dans les régions à fort pourcentage de Premières Nations que dans celles où le pourcentage d’Autochtones est faible.

Une limite importante de bon nombre de ces études qui se fondent sur la région tient au fait qu’elles n’ont pas examiné le rôle des caractéristiques de la région, comme les caractéristiques socioéconomiques ou l’isolement géographique, qui peuvent aider à expliquer les taux élevés de blessures dans les régions à fort pourcentage d’Autochtones. L’étude de Carrière et coll.Note13 constitue une exception, celle-ci ayant montré qu’un ajustement pour tenir compte des logements nécessitant des réparations majeures ou de la situation en région rurale réduisait (mais n’éliminait pas) la différence entre les taux d’hospitalisation pour blessure toutes causes confondues dans les régions à fort et à faible pourcentages de résidents d’identité autochtone.

Les études de la population ont révélé l’existence de tendances selon le revenu du quartier de l’hospitalisation pour blessure et de la mortalitéNote14-18. Les données recueillies laissent entendre également que, comparativement aux autres personnes, les personnes habitant les régions rurales pourraient courir un risque accru de comorbidités liées aux blessures, en raison de l’accès limité aux soins de santé et aux services d’urgence, et des distances importantes qu’elles doivent parcourir en véhicule automobile pour obtenir des biens et des servicesNote1,Note18-20.

Comparativement à la population canadienne dans son ensemble, les Premières Nations ont tendance à avoir un niveau de scolarité et des taux d’emploi plus faibles, et à vivre dans des logements de qualité inférieureNote21-23, facteurs qui peuvent tous être associés à un risque accru de blessuresNote1,Note24. C’est pourquoi la présente analyse cherche à déterminer si les taux d’hospitalisation pour blessure non intentionnelle plus élevés dans les régions à fort pourcentage de Premières Nations sont associés aux caractéristiques socioéconomiques de la région et à son isolement géographique.

En suivant une approche géographique et en se fondant sur six années de données nationales sur les hospitalisations, la présente étude : 1) décrit la mesure dans laquelle les taux d’hospitalisation pour blessure non intentionnelle varient en fonction des caractéristiques socioéconomiques et de l’emplacement par rapport au noyau urbain; 2) décrit les variations à l’égard des associations selon le groupe d’âge et le sexe; et 3) permet de comparer les taux d’hospitalisation pour blessure non intentionnelle dans les régions à fort pourcentage de résidents s’identifiant comme Premières Nations à ceux observés dans les régions à faible pourcentage de résidents d’identité autochtone, pour des régions présentant des caractéristiques socioéconomiques ainsi qu’un emplacement par rapport au noyau urbain similaires.

Il convient donc de parler ici d’une étude écologique, les résultats présentés se rapportant à des régions géographiques. Comme les dossiers d’hospitalisation ne contenaient pas d’indicateurs de l’identité autochtone, il n’a pas été possible de repérer les cas d’hospitalisation de personnes autochtones. Les associations doivent donc être interprétées comme s’appliquant aux régions géographiques seulement.

Données et méthodes

Les données proviennent de la Base de données sur les congés des patients (BDCP) pour la période de 2004-2005 à 2009-2010 et du Recensement de 2006. La BDCP contient les dossiers relatifs à toutes les radiations des hôpitaux au Canada, le Québec non comprisNote25. Pour chaque radiation, on y trouve des données sur l’âge et le sexe du patient, le code postal du lieu de résidence, les codes de diagnostic, ainsi que les dates d’admission à l’hôpital et du congé.

Les codes de diagnostic de la Classification internationale des maladies, 10e révision (CIM-10-CA)Note26, ont été utilisés pour le classement des blessures en fonction de la cause extérieure. Les cas de blessure extraits aux fins d’analyse se rapportaient uniquement aux blessures non intentionnelles, c’est-à-dire ne comportant aucune intention de faire du mal, ni de la part de la victime, ni de la part d’une autre personne. Les effets indésirables des médicaments ou des soins médicaux fournis ont été exclus. Selon des études de la qualité des données, les codes de la CIM-10-CA consignés dans les dossiers de sortie des hôpitaux sont d’une grande précisionNote25.

Les patients qui sont transférés d’un établissement à l’autre possèdent plusieurs dossiers de radiation pour la même blessure. Afin d’éviter le double emploi, tout patient ayant reçu son congé d’un hôpital et été admis le même jour dans un autre hôpital a été considéré comme ayant reçu une seule blessure. Dans les cas où il existait plusieurs dossiers de radiation, on a retenu le code de la CIM figurant dans le premier dossier.

Les données représentent le nombre de cas de blessures plutôt que le nombre de personnes.

Géozones

Comme la BDCP ne contient pas de renseignements sur l’identité autochtone, on a eu recours à une méthode géographique, soit celle des géozonesNote8,Note27, pour repérer les aires de diffusion (AD) ayant un pourcentage relativement élevé de résidents s’étant identifiés comme Autochtones au Recensement de 2006. L’AD est la plus petite unité géographique pour laquelle les données du recensement sont disponibles à l’échelle nationale. Elle est formée d’un ou de plusieurs îlots de diffusion avoisinants et compte de 400 à 700 habitants.

Dans la présente étude, les AD sont utilisées en remplacement des quartiers. Comme dans des travaux antérieursNote11-13, les AD où moins de 33 % des résidents ont déclaré l’identité autochtone ont été classées comme des régions à faible pourcentage d’Autochtones. Les AD où 33 % ou plus des résidents ont déclaré l’identité autochtone ont été classées comme des régions à fort pourcentage de résidents autochtones, puis subdivisées selon le groupe autochtone prédominant, à savoir Métis, Inuit ou Premières Nations. Seules les AD considérées comme étant à fort pourcentage de Premières Nations ou à faible pourcentage d’Autochtones ont été retenues pour l‘analyse. Le code postal consigné dans le dossier de radiation de l’hôpital a servi à déterminer l’AD de résidence du patient, grâce au Fichier de conversion des codes postaux plus (FCCP+)Note28. Un nombre élevé de codes postaux étaient fournis avec beaucoup de précision dans les dossiers de radiation, ce qui a permis d’assigner une AD dans 99 % des cas. Les dossiers de radiation du Québec n’enregistrant que les trois premiers chiffres du code postal, ils ont été exclus de l’analyse.

Dans la plupart des AD (38 869) au Canada (le Québec non compris), moins de 33 % des résidents ont déclaré être d’identité autochtone au Recensement de 2006. Parmi les AD où 33 % ou plus des résidents ont déclaré appartenir à un groupe autochtone, 1 929 étaient habitées principalement par des Premières Nations. En raison de la petite taille des populations, de la non-réponse globale ou du dénombrement incomplet des réserves indiennes, les données de recensement étaient insuffisantes pour un certain nombre d’AD; par conséquent, celles-ci sont exclues de l’analyse. Au total, 1 288 AD à fort pourcentage de Premières Nations (population totale de 419 699) et 38 700 AD à faible pourcentage d’Autochtones (population totale de 23 217 988) ont été prises en considération pour l’analyse (figure 1).

En 2006, en moyenne, 80 % des résidents des régions à fort pourcentage de Premières Nations ont déclaré appartenir à un groupe autochtone [Indien de l’Amérique du Nord seulement (74 %); Métis seulement (4 %); Inuit seulement (0,2 %); groupes autochtones multiples ou autres (1 %)]. En moyenne, 3 % des résidents des régions à faible pourcentage d’Autochtones ont déclaré appartenir à un groupe autochtone.

Statut socioéconomique et isolement géographique

Les AD ont été classées comme ayant un niveau de statut socioéconomique (SSE) relativement « élevé » ou « faible », grâce à une mesure composite du statut socioéconomique. Ainsi, l’Indice du bien-être des collectivités (IBC) d’Affaires autochtones et Développement du Nord Canada comprend sept indicateurs fondés sur le recensement, à savoir le revenu par habitant, le pourcentage de la population âgée de 20 ans et plus possédant au moins un diplôme d’études secondaires, le pourcentage de la population âgée de 25 ans et plus possédant un grade universitaire, la participation à la vie active et l’emploi chez les personnes âgées de 20 à 65 ans, le pourcentage de la population vivant dans des logements surpeuplés, et le pourcentage de la population vivant dans des logements nécessitant des réparations majeures. L’IBC combine ces indicateurs en une cote unique variant de 0 (faible niveau socioéconomique) à 100 (niveau socioéconomique élevé). D’autres renseignements sur l’IBC, sa validation et sa pertinence pour les Premières Nations peuvent être consultés dans d’autres documentsNote29,Note30.

On a calculé une cote IBC pour chaque AD à partir des microdonnées du Recensement de 2006. Une cote IBC a également été calculée pour chaque province et territoire. De manière à pouvoir comparer les taux d’hospitalisation pour blessure dans des AD présentant des conditions socioéconomiques similaires, on a classé les AD comme ayant un niveau de SSE relativement « élevé » ou « faible ». En raison de la taille des échantillons, il n’était pas possible de créer des terciles ou des quintiles de SSE. Afin de tenir compte des variations des caractéristiques socioéconomiques d’une région à l’autre du pays, on a construit des niveaux de SSE pour chaque province et territoire. Une AD a été classée comme ayant un faible niveau de SSE (ou un niveau élevé) si sa cote IBC était inférieure (ou supérieure ou égale) à la valeur seuil médiane de l’IBC de la province ou du territoire. La majorité des AD situées dans les régions à fort pourcentage de Premières Nations (1 250 ou 97 %) ont été classées comme ayant un faible niveau de SSE; 38 (3 %) ont été classées comme ayant un niveau élevé de SSE. Dans les régions à faible pourcentage d’Autochtones, 18 650 AD (48 %) ont été classées comme ayant un faible niveau de SSE, et 20 050 (52 %), comme ayant un niveau élevé de SSE (tableau A en annexe).

L’isolement géographique d’une AD par rapport à un noyau urbain a été mesuré en utilisant l’indicateur des zones d’influence métropolitaines. Cet indicateur sert à classer une municipalité située en dehors d’une région métropolitaine de recensement (RMR) ou d’une agglomération de recensement (AR) en fonction du pourcentage de sa population occupée qui se rend dans la RMR/AR pour y travailler. Une RMR/AR est un territoire formé d’une ou de plusieurs municipalités adjacentes situées autour d’un grand noyau urbain. La majorité des AD des régions à fort pourcentage de Premières Nations (831 ou 65 %) étaient situées à l’extérieur d’une RMR/AR à faible influence métropolitaine ou sans influence métropolitaine; 114 (9 %) étaient situées à l’extérieur d’une RMR/AR à influence métropolitaine forte ou modérée; et 343 (27 %) étaient situées à l’intérieur d’une RMR/AR. Un petit nombre seulement d’AD dans les régions à faible pourcentage d’Autochtones (3 534 ou 9 %) étaient situées à l’extérieur d’une RMR/AR à faible influence métropolitaine ou sans influence métropolitaine; 4 565 (12 %) étaient situées à l’extérieur d’une RMR/AR à influence métropolitaine forte ou modérée; et 30 601 (79 %) étaient situées à l’intérieur d’une RMR/AR (tableau B en annexe).

Analyses statistiques

Les taux d’hospitalisation pour blessure normalisés selon l’âge (THNA) par tranches d’âge de cinq ans ont été calculés sur six ans (de 2004-2005 à 2009-2010) et normalisés en prenant pour référence la structure par âge de la population d’identité autochtone du Recensement de 2006. Le dénominateur utilisé pour calculer les taux a été tiré du Recensement de 2006, année de mi-parcours de la période de six ans, et multiplié par six pour tenir compte du nombre d’années de données (six). Lorsque, pour un petit nombre d’AD, les données détaillées sur l’âge et le sexe nécessaires à la normalisation selon l’âge manquaient, on a estimé l’âge et le sexe à partir des chiffres de population globaux ou des estimations de la population des réserves indiennes incomplètement dénombrées.

Les THNA par tranche de 10 000 années-personnes à risque ont été calculés pour trois groupes d’âge (0 à 19 ans, 20 à 44 ans, et 45 ans et plus), selon le sexe et selon certaines caractéristiques de l’AD (niveau de SSE et emplacement par rapport à un noyau urbain), pour les régions à fort pourcentage de Premières Nations et celles à faible pourcentage d’Autochtones.

Quatre ensembles de rapports de taux (RT) ont été calculés. Dans le premier, on a comparé les taux dans les AD à faible niveau de SSE et les AD à niveau élevé de SSE, séparément pour les AD à fort pourcentage de Premières Nations et à faible pourcentage d’Autochtones. Dans le deuxième, on a comparé les taux dans les AD à fort pourcentage de Premières Nations avec ceux dans les AD à faible pourcentage d’Autochtones pour lesquelles le niveau de SSE était similaire. Le troisième ensemble a permis de comparer, séparément pour les AD à pourcentage élevé de Premières Nations et les AD à faible pourcentage d’Autochtones, les taux dans les AD situées dans un noyau urbain avec ceux dans les AD éloignées d’un noyau urbain. Enfin, le quatrième ensemble établit une comparaison des taux dans les AD à pourcentage élevé de Premières Nations et dans celles à faible pourcentage d’Autochtones, pour des AD dont l’emplacement par rapport à un noyau urbain était similaire. Tous les intervalles de confiance à 95 % ont été calculés en s’appuyant sur l’hypothèse de lognormalitéNote31. On a considéré que deux taux différaient de manière significative si leurs intervalles de confiance à 95 % ne se chevauchaient pas.

Résultats

De 2004-2005 à 2009-2010, il y a eu 27 887 séparations (radiations) des hôpitaux liées aux blessures non intentionnelles chez les résidents des régions à pourcentage élevé de Premières Nations et 814 313 radiations dans le cas des régions à faible pourcentage d’Autochtones (sans compter le Québec). Dans les régions à fort pourcentage de Premières Nations, les hommes rendaient compte de 57 % des hospitalisations, tandis que les personnes de 45 ans et plus, celles de 20 à 44 ans et celles de 0 à 19 ans rendaient compte respectivement de 42 %, 34 % et 24 % des hospitalisations. Dans les régions à faible pourcentage d’Autochtones, les taux correspondants étaient de 50 % (hommes), 66 % (45 ans et plus), 20 % (20 à 44 ans) et 14 % (0 à 19 ans) (tableau 1).

Statut socioéconomique

À une exception près, les THNA pour blessure non intentionnelle étaient significativement plus élevés dans les AD où il y avait un faible niveau de SSE que dans celles où il était élevé (tableau 2, figure 2), peu importe qu’il s’agisse d’une AD à fort pourcentage de Premières Nations ou à faible pourcentage d’Autochtones. Seule exception, dans les AD à fort pourcentage de Premières Nations, les THNA calculés pour les hommes et pour les femmes de 0 à 19 ans ne différaient pas de manière significative entre les AD ayant un niveau élevé de SSE et celles ayant un faible niveau de SSE.

Une comparaison des AD ayant le même niveau de SSE a montré que, lorsque le niveau de SSE était faible, les THNA étaient de 1,9 à 3,5 fois plus élevés dans les AD à fort pourcentage de Premières Nations que dans celles à faible pourcentage d’Autochtones (tableau 2, figure 3). La tendance était similaire lorsque le niveau de SSE était élevé, les THNA étant de 2,1 à 3,2 fois plus élevés dans le cas des AD à fort pourcentage de Premières Nations. L’écart le plus important entre les AD à fort pourcentage de Premières Nations et celles à faible pourcentage d’Autochtones a été observé chez les femmes de 20 à 44 ans dans les AD ayant un faible niveau de SSE (RT = 3,5).

Emplacement par rapport à un noyau urbain

Les THNA pour blessure non intentionnelle étaient significativement plus élevés dans les AD éloignées (situées en dehors d’un noyau urbain à faible influence métropolitaine ou sans influence métropolitaine) que dans les AD situées dans un noyau urbain (tableau 2 et figure 4). Il en allait ainsi tant pour les AD à fort pourcentage de Premières Nations qu’à faible pourcentage d’Autochtones, ainsi que pour tous les groupes d’âge et les deux sexes.

Une comparaison d’AD similaires quant à leur emplacement par rapport à un noyau urbain montre que les THNA pour les AD éloignées étaient de 1,3 à 2,6 fois plus élevés dans les régions à fort pourcentage de Premières Nations que dans celles à faible pourcentage d’Autochtones (tableau 2 et figure 5). La tendance était la même pour les AD situées dans un noyau urbain (THNA de 1,8 à 3,4 fois plus élevés). L’écart le plus important entre les régions à fort pourcentage de Premières Nations et à faible pourcentage d’Autochtones a été observé chez les femmes de 20 à 44 ans vivant dans les AD situées à l’intérieur d’un noyau urbain (RT = 3,4).

Discussion

De par son caractère écologique, la présente étude s’appuie sur une approche géographique et sur des données hospitalières à l’échelle nationale pour décrire les variations des taux d’hospitalisation pour blessure non intentionnelle fondés sur le niveau de SSE de l’AD et sur son emplacement par rapport à un noyau urbain. Les taux d’hospitalisation pour blessure non intentionnelle étaient plus élevés dans les AD ayant un faible niveau (plutôt qu’un niveau élevé) de SSE et dans les AD situées dans une région isolée plutôt qu’à l’intérieur d’un noyau urbain. Cela s’appliquait aussi bien pour les régions à fort pourcentage de Premières Nations qu’à faible pourcentage d’Autochtones. Ces résultats sont en harmonie avec d’autres données déjà publiées, qui montrent l’existence d’un gradient socioéconomique selon de nombreux résultats en matière de santé, y compris les blessuresNote14-18, ainsi qu’une différence d’exposition aux risques de blessure entre les milieux urbains et les milieux rurauxNote1,Note18,Note19,Note20.

Cela étant dit, une comparaison d’AD ayant le même niveau de SSE et le même emplacement par rapport à un noyau urbain a montré que le risque relatif d’une hospitalisation pour blessure non intentionnelle était plus élevé dans les AD ayant un fort pourcentage de Premières Nations que dans celles ayant un faible pourcentage d’Autochtones. Ces résultats vont dans le même sens que ceux de Carrière et coll.Note13, selon lesquels les ajustements pour tenir compte des conditions de logement et de la résidence en milieu rural n’éliminent pas complètement l’écart observé dans les taux d’hospitalisation pour blessure toutes causes confondues entre les AD à fort et à faible pourcentage d’Autochtones. La présente étude semble indiquer que les femmes de 20 à 44 ans résidant dans les régions à fort pourcentage de Premières Nations sont particulièrement à risque d’être hospitalisées pour blessure non intentionnelle dans les AD à faible niveau de SSE et dans les AD situées à l’intérieur d’un noyau urbain, comparativement à leurs homologues dans les régions à faible pourcentage d’Autochtones ayant des caractéristiques comparables.

Les résultats de l’étude montrent que la situation socioéconomique et l’isolement géographique expliquent une partie seulement des différences de taux d’hospitalisation pour blessure non intentionnelle entre les AD à pourcentage élevé de Premières Nations et celles à faible pourcentage d’Autochtones. Certains facteurs non évalués ici pourraient constituer des déterminants du risque d’hospitalisation pour blessure non intentionnelle au niveau de l’AD, par exemple des facteurs de risque environnementaux et comportementauxNote1, ainsi que des facteurs relatifs à la sécurité, notamment celle des travailleurs, des lieux de travail et des espaces récréatifsNote15.

Points forts et limites

La présente étude comble une lacune importante en matière d’information sur la santé, grâce à l’examen des associations entre le niveau de SSE de l’AD, l’emplacement de l’AD par rapport à un noyau urbain et l’hospitalisation à la suite d’une blessure non intentionnelle dans les régions à fort pourcentage de Premières Nations et à faible pourcentage d’Autochtones. L’utilisation de données sur six ans relatives aux hospitalisations et le calcul des taux d’hospitalisation selon le sexe et le groupe d’âge sont d’autres points forts de l’étude.

Cela étant dit, les résultats comportent certaines limites. Étant donné que les dossiers d’hospitalisation ne contiennent aucun indicateur personnel de l’identité autochtone, il n’est pas possible de savoir quelles hospitalisations visaient spécifiquement des Autochtones. Il s’agit plutôt ici d’une étude écologique, dont les résultats se rapportent à des régions géographiques; les associations observées ne s’appliquent pas forcément au niveau individuel. En outre, les populations des régions étudiées sont constituées de résidents d’identité autochtone et d’identité non autochtone, de sorte que les résultats ne se rapportent pas uniquement aux Premières Nations, mais bien à tous les résidents. Les résultats ne sont pas non plus généralisables à la population des Premières Nations du Canada, parce qu’une proportion de cette population réside dans des régions à faible pourcentage d’Autochtones.

Les données sur les hospitalisations comportent elles aussi certaines limites. En effet, en sont exclus les cas de blessures ayant entraîné la mort avant l’admission à l’hôpital, ainsi que ceux des personnes blessées qui n’ont pas cherché à obtenir des soins médicaux ou qui se sont rendues dans les services d’urgence, les cabinets de médecins ou les cliniques. Les données sur le lieu géographique où avait eu lieu la blessure n’étant pas disponibles, on leur a substitué les codes postaux du lieu de résidence. Or, l’attribution des AD au moyen des codes postaux donne des résultats moins précis dans les régions rurales, où les résidents utilisent souvent une case postale plutôt qu’une adresse de voirie, et où un seul code postal peut chevaucher plusieurs ADNote28. Enfin, les dossiers de radiation de la province de Québec n’ont pas été pris en compte dans l’analyse, parce qu’ils contiennent seulement les trois premiers chiffres du code postal à six caractères.

D’autres limites sont associées aux données sur les AD. En tout, 641 AD à fort pourcentage de Premières Nations et 169 AD à faible pourcentage d’Autochtones ont été exclues de l’analyse parce que les renseignements tirés du recensement étaient incomplets. La taille des échantillons et la qualité des données étaient telles qu’il n’a pas été possible de répartir les AD en fonction de trois niveaux ou plus de SSE; par souci de confidentialité, les AD ont été classées en deux catégories, à savoir comme ayant un niveau de SSE élevé, par opposition à un faible niveau de SSE. Enfin, l’étude ne comprenait que des indicateurs généraux du SSE au niveau de l’AD. D’autres mesures, qui n’étaient malheureusement pas disponibles, telles que des indicateurs du SSE des personnes et des renseignements supplémentaires sur les comportements individuels et  les caractéristiques des régions auraient peut-être permis de brosser un tableau plus complet.

Mot de la fin

La présente étude écologique donne une idée des associations entre les hospitalisations pour blessure non intentionnelle et le niveau de SSE ainsi que l’emplacement par rapport à un noyau urbain dans les AD à fort pourcentage de Premières Nations et celles à faible pourcentage d’Autochtones. Des travaux de recherche supplémentaires sont nécessaires afin de cerner d’autres facteurs qui sont associés au risque élevé d’hospitalisation à la suite d’une blessure non intentionnelle dans les régions à fort pourcentage de Premières Nations.

Remerciements

La Direction générale de la santé des Premières Nations et des Inuits (Santé Canada) a fourni un appui financier pour l’analyse des données et la préparation du manuscrit.

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