Évaluation de la prévalence de la MPOC au Canada fondée sur les déclarations d’un diagnostic et sur l’obstruction des voies aériennes mesurée

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par Jessica Evans, Yue Chen, Pat G. Camp, Dennis M. Bowie et Louise McRae

La maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC) est l’une des principales causes de morbidité et de mortalité au CanadaNote1-6. La MPOC est habituellement décrite en fonction de deux problèmes de santé, à savoir la bronchite chronique et l’emphysèmeNote7, mais elle englobe souvent l’asthme et d’autres causes de l’obstruction chronique des voies aériennesNote8-10. D’après les données sur les participants à l’enquête qui ont déclaré avoir reçu un diagnostique de MPOC, l’estimation nationale de la prévalence de la MPOC est d’environ 4 %Note11. Toutefois, ces estimations n’ayant pas été calculées à partir de mesures objectives de la fonction pulmonaire, on soupçonne qu’elles sous-représentent le taux réel de prévalence de la MPOCNote3,Note12.

Récemment, à partir de données sur la fonction pulmonaire mesurée après administration d’un bronchodilatateur, l’étude Burden of Lung Disease (BOLD)Note3 a estimé à 19 % la prévalence de la MPOC dans un échantillon aléatoire de résidents de Vancouver âgés de 40 ans et plus, et à 8 % celle d’une MPOC modérée à grave. De même, selon les résultats des mesures de la fonction pulmonaire chez des patients de 40 ans et plus recevant des soins de santé primaires en Ontario, la prévalence de la MPOC était de 21 % chez les personnes ayant des antécédents d’usage du tabac; le tiers seulement d’entre elles savaient qu’elles avaient la maladieNote12. Les écarts entre les estimations fondées sur des données autodéclarées et celles fondées sur des mesures de la fonction pulmonaire pourraient indiquer que, tel qu’on le rapporte dans d’autres paysNote3,Note13,Note14, il existe au Canada un nombre appréciable de cas de MPOC non diagnostiquée.

La présente étude avait pour but de comparer les estimations de la prévalence de la MPOC fondées sur des données autodéclarées avec celles obtenues à partir de mesures de la fonction pulmonaire effectuées au cours du cycle 1 de l’Enquête canadienne sur les mesures de la santé (ECMS)Note15,Note16 de Statistique Canada. Il s’agit de la première fois que des mesures de la fonction pulmonaire représentatives de la population nationale sont déclarées au Canada.

Méthodes

Source des données

L’Enquête canadienne sur les mesures de la santé (ECMS) porte sur la population âgée de 6 à 79 ans vivant dans les ménages privés. Étaient exclus du champ de l’enquête les habitants des réserves indiennes, des terres de la Couronne, et de certaines régions éloignées, ainsi que les personnes vivant en établissement et les membres à temps plein des Forces canadiennes. Les données se rapportant au cycle 1 ont été recueillies de mars 2007 à février 2009, inclusivement, à 15 emplacements répartis à travers le pays.

L’ECMS comprend une interview sur place qui sert à recueillir des données sociodémographiques et sur la santé et le mode de vie, ainsi qu’une visite subséquente effectuée dans un centre d’examen mobile, pour y subir des mesures physiques directes, y compris spirométriques.

Le taux de réponse des ménages sélectionnés a été de 69,6 %. De ceux-ci, 88,3 % ont répondu au questionnaire des ménages et, de ce groupe, 84,9 % ont participé à la composante du centre d’examen mobile, où des mesures physiques directes étaient prises. En tout, l’échantillon était composé de 5 604 personnes.

Le diagramme de recrutement des participants à l’enquête et de réussite aux tests de spirométrie est présenté à la figure 1. La présente étude porte sur les 2 487 participants à l’enquête âgés de 35 à 79 ans pour lesquels le niveau de qualité des résultats des tests de spirométrie était acceptable.

Spirométrie

Des spécialistes formés en mesures de la santé ont procédé à des tests de spirométrie avant administration d’un bronchodilatateur, selon les normes de l’American Thoracic Society (ATS)Note17,Note18, en utilisant un spiromètre Koko Pneumotach (nSpire Health, Inc., Longmont, Colorado). Les variables du test comprenaient la capacité vitale forcée (CVF), le volume expiratoire maximal par seconde (VEMS), ainsi que le ratio du second au premier (VEMS/CVF). Pour être inclus dans l’analyse, le participant devait montrer au moins deux courbes de qualité acceptable comportant des valeurs reproductibles à moins de 250 millilitres pour la CVF et le VEMS. Les valeurs prédites pour les variables de l’exploration fonctionnelle respiratoire ont été calculées à partir d’équations de prédiction pour les personnes de 35 ans et plus tirées de la troisième National Health and Nutrition Examination Survey (NHANES III) aux États-UnisNote19. On a calculé les valeurs prédites en pourcentage et la limite inférieure de normalité pour chaque variable de l’exploration fonctionnelle respiratoire.

Conformément aux normes de l’ATSNote17,Note18, les participants à l’enquête ayant obtenu « un seul test [de spirométrie] de qualité acceptable » (figure 1) ont été exclus de l’étude. Une analyse de sensibilité a été effectuée pour évaluer l’effet de leur exclusion, compte tenu du fait que certaines personnes pouvaient être atteintes d’une maladie pulmonaire grave. Or, les pourcentages de personnes qui répondaient aux divers critères de l’obstruction des voies aériennes n’étaient pas si différents selon qu’elles étaient exclues ou non. On ne disposait pas de valeurs spirométriques à l’endroit des personnes qui ont refusé de participer ou qui n’étaient pas admissibles pour la spirométrie ni pour celles considérées comme étant des sujets inaptes (figure 1) en raison de valeurs de spirométrie non valides; ces personnes n’ont pas été incluses dans l’analyse de sensibilité.

Définitions de la maladie obstructive des voies aériennes

Symptômes autodéclarés compatibles avec la bronchite chronique
Les symptômes compatibles avec la bronchite chronique étaient une toux avec expectoration pendant au moins trois mois par année au cours des deux dernières annéesNote20.

Diagnostic de maladie obstructive des voies aériennes
On a demandé à tous les participants à l’enquête s’ils avaient reçu un diagnostic d’« asthme », de « bronchite chronique », d’« emphysème » ou de « MPOC » de la part d’un professionnel de la santé. Pour les besoins de la présente étude, étaient considérés comme ayant reçu un diagnostic de MPOC ceux chez qui le professionnel avait diagnostiqué la « MPOC », la « bronchite chronique » ou l’« emphysème ».

Obstruction des voies aériennes compatible avec la MPOC
Une modification (données pré-bronchodilatation) des critères de la Global Initiative for Obstructive Lung Disease (GOLD)Note21 et des valeurs de pourcentage prévu et de limite inférieure de normalité tirées de la NHANES IIINote19 ont servi à évaluer par spirométrie sept catégories d’obstruction des voies aériennes compatible avec divers degrés de gravité de la MPOC (tableau 1). Les effets de l’asthme n’ont pas pu être éliminés de l’étude parce que celle-ci ne comprenait pas de tests de réversibilité, ni d’évaluation clinique des symptômes.

Variables cliniques évaluées

Symptômes autodéclarés de MPOC
On a déterminé la présence de symptômes compatibles avec la MPOC à partir de cinq questions, visant notamment à savoir si le participant à l’enquête toussait régulièrement, crachait des sécrétions régulièrement, s’essoufflait en accomplissant des tâches simples, avait une respiration sifflante durant un effort ou pendant la nuit, et avait souvent le rhume et s’il persistait plus longtemps chez lui que chez d’autres personnesNote22.

Antécédents d’usage du tabac
Les participants à l’enquête qui ont déclaré avoir fumé moins de 100 cigarettes pendant leur vie ont été classés comme des « personnes n’ayant jamais fumé ». On entendait par « paquets-année »  le nombre de cigarettes fumées par jour divisé par 20 et multiplié par le nombre d’années pendant lesquelles le participant a fumé. Les fourchettes de paquets-année sélectionnées pour l’analyse étaient 10,0 à 19,9, 20,0 à 39,9, et 40 et plus. Les renseignements manquaient pour calculer le nombre de paquets-année dans le cas des anciens fumeurs occasionnels; ainsi, on a supposé qu’il était de moins de 10,0 chez les participants de ce groupe (n = 110).

Médicaments prescrits
Dans le cadre de l’analyse, on a évalué la consommation déclarée de médicaments prescrits dans le traitement de la maladie obstructive des voies aériennes, conformément au groupe de médicaments R03 de la Classification anatomique, thérapeutique chimique (ATC)Note23. Le code R03 regroupe les antiadrénergiques inhalés, les glucocorticoïdes et les anticholinergiques, ainsi que les médicaments systémiques contre la maladie obstructive des voies aériennes. Il n’a pas été possible de séparer les asthmatiques des personnes souffrant d’une MPOC seulement à partir des médicaments consommés, étant donné que les traitements pour ces deux problèmes de santé peuvent se recouper.

Analyse statistique

Toutes les analyses ont été effectuées au moyen de SAS Enterprise Guide, version 4.1 (SAS Institute, Cary, Caroline du Nord). Afin qu’elles soient représentatives de la population canadienne, les estimations ponctuelles ont été pondérées grâce à l’application de poids d’échantillonnage qui tenaient compte des probabilités inégales d’être sélectionné aux fins de l’enquête. On a calculé les variances et les intervalles de confiance à 95 % (IC) au moyen de la méthode du bootstrapNote24,Note25. Pour comparer la prévalence de la maladie obstructive des voies aériennes diagnostiquée selon les autodéclarations et selon les mesures de l’obstruction des voies aériennes, on a évalué des indices de concordance positive et négative et des coefficients kappa. La signification statistique a été fixée au seuil de p < 0,05.

Résultats

Obstruction des voies aériennes compatible avec la MPOC
On estime que 2,6 millions de Canadiens (17 %) de 35 à 79 ans avaient une obstruction des voies aériennes compatible avec la MPOC de stade I et plus (selon la GOLD), y compris 1,3 million de personnes (8 %) qui avaient une obstruction des voies aériennes compatible avec la MPOC de stade II et plus (tableau 2). L’utilisation d’un ratio VEMS/CVF sous la limite inférieure de normalité, comparativement à un ratio seuil fixe de 0,70 (stade I de la GOLD), pour définir l’obstruction des voies aériennes a produit une estimation de la prévalence plus faible (12 %) et était associée à une plus petite hausse de la prévalence avec l’âge. Selon toutes les définitions, sauf celle fondée sur le ratio VEMS/CVF, l’obstruction mesurée des voies aériennes compatible avec la MPOC était plus répandue chez les hommes que chez les femmes. La prévalence de la MPOC modérée à grave (stades III et IV de la GOLD,  tableau 1) se situait à environ 1 % (IC à 95 % : 0,4–1,4) (données non présentées). Cette valeur était associée à une grande variabilité d’échantillonnage et n’a pas pu être désagrégée davantage selon des variables comme l’âge et le sexe.

Autodéclaration de symptômes de bronchite chronique ou d’un diagnostic de MPOC
La prévalence de l’obstruction des voies aériennes mesurée était de deux à six fois plus grande que celle des cas de symptômes compatibles avec la bronchite chronique et de MPOC diagnostiquée fondés sur les autodéclarations (figure 2).

Selon la définition prise en compte, de 5 % à 15 % des personnes de 35 à 79 ans avaient une obstruction des voies aériennes compatible avec la MPOC, mais n’ont pas déclaré avoir reçu un diagnostic de MPOC d’un professionnel de la santé (figure 3). Parmi elles, de 44 % à 67 % ont déclaré un ou plusieurs symptômes compatibles avec la MPOC, et de 45 % à 55 % avaient des antécédents d’usage du tabac d’au moins 20 paquets-année (données non présentées). Par contre, la prévalence des surdiagnostics possibles était faible, étant donné que seulement 2 % des participants à l’enquête ayant déclaré avoir reçu un diagnostic de MPOC n’avaient pas d’obstruction mesurée des voies aériennes (figure 3). La correspondance globale entre la MPOC diagnostiquée autodéclarée et les mesures de l’obstruction des voies aériennes était minime; les coefficients kappa allaient de 0,1 à 0,2 pour les quatre définitions de la maladie pulmonaire obstructive.

Obstruction des voies aériennes et usage du tabac
Parmi les personnes n’ayant jamais fumé, la prévalence de l’obstruction des voies aériennes compatible avec la MPOC fondée sur des mesures variait de 2 % à 9 % (tableau 2). Elle était plus élevée chez les anciens fumeurs (5 % à 16 %), et encore plus élevée chez les fumeurs actuels (14 % à 34 %). Elle augmentait en parallèle avec le nombre de paquets-année et variait de 17 % à 53 % chez les personnes comptant 40 paquets-année ou plus (tableau 2).

Utilisation de médicaments
On estime que 5 % des personnes de 35 à 79 ans avaient pris des médicaments sur ordonnance contre la maladie pulmonaire obstructive le mois précédant leurs tests de spirométrie prévus par l’ECMS. La prévalence de l’obstruction des voies aériennes mesurée était de trois à six fois plus élevée chez les personnes de ce groupe que chez celles ne prenant pas ces médicaments (tableau 2).

Le pourcentage de personnes ayant déclaré prendre des médicaments contre la maladie pulmonaire obstructive était le plus élevé parmi les personnes ayant  indiqué avoir reçu un diagnostic de bronchite chronique, de MPOC ou d’asthme de la part d’un professionnel de la santé (données non présentées). Chez les personnes qui ont déclaré avoir reçu un diagnostic de MPOC, mais qui  ne présentaient pas d’obstruction des voies aériennes selon les mesures, près de la moitié avaient pris des médicaments contre la maladie pulmonaire obstructive le mois précédant leurs tests de spirométrie dans le cadre de l’ECMS.

Discussion

La prévalence de l’obstruction des voies aériennes mesurée était de deux à six fois plus élevée que les estimations fondées sur les autodéclarations d’un diagnostic de MPOC par un professionnel de la santé. Il n’y avait qu’une faible concordance entre la MPOC diagnostiquée autodéclarée et l’obstruction mesurée des voies aériennes compatible avec la MPOC. Selon la définition empruntée, de 5 % à 15 % des membres de l’échantillon avaient une obstruction des voies aériennes mesurée, mais n’avaient pas déclaré de diagnostic de MPOC, même si la moitié en manifestaient les symptômes et avaient des antécédents de gros consommateur de tabac. Cela va dans le sens d’études antérieures qui portent à croire qu’au Canada, comme dans d’autres paysNote3,Note13,Note14,Note21, on ne reconnaît pas toujours les symptômes de la MPOC et la maladie est sous-diagnostiquéeNote5,Note11,Note12,Note26.

Moins de 4 % de l’échantillon de l’ECMS ont déclaré des symptômes compatibles avec la bronchite chronique, valeur de beaucoup inférieure au taux de prévalence de l’obstruction des voies aériennes fondé sur des mesures. L’écart est peut-être attribuable à une remémoration partielle des symptômes ou à l’atténuation de ceux-ci au moyen de médicaments. Par ailleurs, l’obstruction des voies aériennes peut souvent être décelée avant que ne se manifestent les symptômes de la maladie. Dans la présente étude, environ la moitié des personnes qui n’avaient pas déclaré de diagnostic de MPOC avaient une obstruction des voies aériennes selon les mesures subies, ont déclaré des symptômes compatibles avec la MPOC, et avaient des antécédents de gros consommateur de tabac.

D’autres chercheurs ont observé que les symptômes compatibles avec la bronchite chronique peuvent être des prédicteurs d’une perte accélérée de la fonction pulmonaire en vieillissant, du risque d’hospitalisationNote27, et même d’une durée de vie réduiteNote28. Par exemple, dans des établissements de soins primaires au Danemark, des tests de dépistage chez les personnes de plus de 35 ans qui manifestaient au moins un symptôme respiratoire et qui présentaient des facteurs de risque comme l’usage du tabac et l’exposition professionnelle ont abouti à un nouveau diagnostic de MPOC dans 22 % des cas, d’après des tests de spirométrie réalisés après administration d’un bronchodilatateur (VEMS/CVF < 0,70) Note29.

Il est possible que la MPOC ait été surdiagnostiquée ou sous-diasgnotiquée dans la présente analyse, en partie en raison de l’utilisation peu fréquente de la spirométrie dans les soins primaires ainsi que par les médecins non spécialisés en santé respiratoire. Dans le cadre de l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes de 2008, on a déterminé que moins des deux tiers des personnes de 35 ans et plus qui avaient déclaré un diagnostic de MPOC, d’emphysème ou de bronchite chronique avaient subi des tests de spirométrieNote11. De même, une analyse de données administratives en Colombie-Britannique a montré qu’à peine un peu plus de la moitié des patients chez qui l’on avait diagnostiqué la MPOC avaient déjà passé des tests de la fonction pulmonaireNote30.

De 60 % à 77 % des Canadiens de 35 à 79 ans qui ont déclaré avoir reçu un diagnostic de MPOC ne répondaient pas aux critères de la maladie pour la spirométrie (tableau 2). Un pourcentage de cas sont peut-être attribuables à un surdiagnostic ou à un mauvais diagnostic; il est possible également que quelques personnes souffraient de MPOC légère et ne satisfaisaient pas aux critères de spirométrie parce qu’elles avaient pris un médicament avant de subir les tests de l’ECMS (dans près de la moitié des cas, le participant avait consommé un médicament contre la maladie pulmonaire obstructive le mois précédent, y compris le jour du test). Le fait de ne pouvoir distinguer entre ces possibilités empêche de déterminer la mesure dans laquelle la MPOC a été surdiagnostiquée.

On explore dans la présente analyse l’effet des définitions multiples de l’obstruction des voies aériennes (tableau 1). Même si certains experts favorisent un ratio VEMS/CVF fixe de < 0,70 comme marqueur d’une obstruction significative des voies aériennes dans le diagnostic de la MPOCNote21, on croit de plus en plus que la limite inférieure de normalité pour le VEMS/CVF, voire pour le VEMS, est préférableNote31-35. Le ratio VEMS/CVF fixe de < 0,70 tend à diminuer avec l’âge, et pourrait bien tomber sous le seuil de 0,70 chez les personnes âgées en santéNote31,Note36,Note37, ce qui pourrait mener à un surdiagnostic de MPOC parmi ce groupe. Par contre, la limite inférieure de normalité pour le VEMS/CVF et le VEMS semble varier le moins selon des facteurs comme l’âge et le sexeNote34,Note36 (la prévalence de MPOC prédominante chez les hommes d’après le ratio VEMS/CVF fixe de < 0,70 disparaissait par suite de l’analyse en fonction de la limite inférieure de normalité pour le VEMS/CVF). Dans l’échantillon actuel de personnes de 35 à 79 ans, l’utilisation de la limite inférieure de normalité pour le VEMS/CVF a produit une prévalence de l’obstruction des voies aériennes compatible avec la MPOC évaluée à 12 %; si la limite inférieure de normalité pour le VEMS était incluse (indiquant une obstruction allant de modérée à grave), la prévalence était de 6 %, valeur comparable à celle de 7 % observée dans un échantillon légèrement plus jeune, mais plus important, de la NHANES IIINote14.

Limites

Les résultats de la présente étude doivent être examinés en tenant compte de plusieurs limites. Parmi celles-ci figurent l’impossibilité de quantifier l’effet possible d’expositions professionnelles et autres, l’âge seuil de 79 ans, le faible pourcentage de personnes dans l’échantillon n’étant pas de race blanche, le fait que certains groupes de population plus à risque de souffrir d’une MPOC (p. ex. les résidents des réserves indiennes) soient exclus de l’étude, et la supposition que la toux chronique et l’expectoration sont des symptômes spécifiques de la MPOC.

Parmi les autres limites possibles figurent l’utilisation de données spirométriques pré- plutôt que post-utilisation d’un bronchodilatateur. Pour des motifs d’ordre logistique, la plupart des études de la MPOC fondées sur la population, y compris la NHANES IIINote14,Note38, se sont traditionnellement appuyées sur la spirométrie pré-utilisation d’un bronchodilatateur. Toutefois, les lignes directrices de la GOLDNote21 pour le diagnostic de la MPOC recommandent la spirométrie post-bronchodilatation, ce qui laisse entendre qu’on devrait classer la maladie à partir des meilleurs résultats possibles de la fonction pulmonaireNote39. L’utilisation de données post- plutôt que pré-bronchodilatation peut faire baisser les estimations de la prévalence de la MPOC de 30 % à 50 %Note31,Note37,Note40. Ainsi, celles qui ressortent de la présente étude sont à interpréter avec prudence, étant donné qu’elles peuvent aller jusqu’à surestimer la prévalence réelle de moitié.

Par le recours à la spirométrie post-utilisation d’un bronchodilatateur, on cherche à exclure les cas d’asthme. Toutefois, le seul test de réversibilité (réponse positive au bronchodilatateur) n’est pas suffisant pour éliminer la possibilité d’un diagnostic d’asthmeNote40, parce que ce dernier doit être fondé sur des symptômes et une obstruction des voies aériennes documentés qui varient avec le temps. Même si le retour à une fonction pulmonaire normale ou quasi-normale après utilisation d’un bronchodilatateur laisse fortement suggérer un diagnostic d’asthme, de nombreux patients ayant une MPOC répondent de façon marquée aux bronchodilatateursNote41,Note42. Par ailleurs, il est peu probable que la réversibilité ou l’absence de réversibilité par suite d’inhalation d’un bronchodilatateur retentisse sur le diagnostic de MPOC dans le cas d’une affection symptomatique allant de modérée à grave, où l’obstruction des voies aériennes ne se normalisera jamais.

On estime que de 10 % à 30 % des patients ayant une MPOC clinique peuvent avoir reçu un diagnostic d’asthme concomitant. En partie, ces valeurs rendent compte d’un véritable chevauchement des maladies, mais aussi du fait que les définitions courantes pour ces deux maladies demeurent flouent et que leur diagnostic ne saurait dépendre de la seule spirométrie.  La prévalence de l’obstruction des voies aériennes chez les personnes n’ayant jamais fumé était plus élevée que prévue et pourrait dépendre d’asthme ou d’autres causes de maladie des voies respiratoires, comme une exposition environnementale ou professionnelleNote43. Certaines des personnes ayant déclaré avoir reçu un diagnostic d’asthme avaient une MPOC attribuable à un véritable chevauchement des maladies et une MPOC diagnostiquée à tort comme étant de l’asthme. Dans la présente étude, on aurait probablement relevé un certain degré d’obstruction pulmonaire compatible avec la MPOC chez la majorité des personnes ayant déclaré être asthmatiques, mais il se peut que les personnes atteintes d’une MPOC légère ou qui prenaient des médicaments contre l’obstruction pulmonaire aient été laissées de côté. Si au moment du test, l’asthme n’était pas bien contrôlé, certains asthmatiques non atteints de MPOC pourraient avoir été classés comme ayant une MPOCNote44-46.

Une autre limite de l’étude tenait au fait que les cas de MPOC modérée à grave (stades III et IV de la GOLD) n’ont pu être évalués par une source indépendante, bien que ces cas-ci soient les plus importants du point de vue des besoins de soins de santé. La présente étude a estimé à 1 % la prévalence de la MPOC modérée à grave, valeur qui était associée à une variation importante. À l’avenir, il devrait être possible en combinant des cycles de l’ECMS d’atteindre la puissance statistique nécessaire pour quantifier et décrire ce groupe de population.

Mot de la fin

Fondée sur des mesures physiques de l’Enquête canadienne sur les mesures de la santé, la présente étude vient appuyer les résultats d’études antérieures qui laissent entendre que la MPOC au Canada est peut-être plus répandue que ne le portent à croire les estimations. Les cliniciens, les chercheurs en soins de santé, les patients et les responsables de la planification et de la prestation des soins de santé pourront tirer profit de données plus à jour sur la santé pulmonaire des Canadiens.

Remerciements

Les auteurs souhaitent souligner la collaboration des employés de Statistique Canada, ainsi que des Drs Allan Coates et John Hankinson, qui ont participé à l’élaboration et au contrôle de la qualité du module de spirométrie de l’Enquête canadienne sur les mesures de la santé. Le Dr Richard Hodder, décédé alors que l’examen du manuscrit tirait à sa fin, a fourni une aide importante pour la conception de l’étude, le contrôle de la qualité du module de spirométrie de l’ECMS, l’interprétation des données et la rédaction du manuscrit.

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