Soutien professionnel et informel en santé mentale déclaré par les Canadiens de 15 à 24 ans

Warning Consulter la version la plus récente.

Information archivée dans le Web

L’information dont il est indiqué qu’elle est archivée est fournie à des fins de référence, de recherche ou de tenue de documents. Elle n’est pas assujettie aux normes Web du gouvernement du Canada et elle n’a pas été modifiée ou mise à jour depuis son archivage. Pour obtenir cette information dans un autre format, veuillez communiquer avec nous.

par Leanne C. Findlay et Adam Sunderland

La santé mentale des jeunes et des jeunes adultes, y compris la prestation de services correspondant à leurs besoins, pose un défi de santé publique qui est reconnu à l’échelle mondialeNote 1,Note 2. Au Canada, la prévalence des troubles de l’humeur et des troubles liés à la consommation d’alcool ou de drogues est plus grande chez les jeunes que chez les personnes plus avancées en âgeNote 3,Note 4. Les problèmes de santé mentale souvent se manifestent chez les adolescents et les jeunes adultes et peuvent avoir des conséquences négatives toute la vie durantNote 5. Cela étant dit, l’adolescence et le jeune âge adulte marquent une période de transition pour laquelle il existe des possibilités d’interventionNote 6.

Les personnes qui ont des problèmes de santé mentale peuvent chercher à obtenir du soutien auprès de professionnels, tels que ceux du secteur médical en généralNote 7-9, des services scolairesNote 10,Note 11 et les spécialistes (psychiatres, psychologues)Note 12, et auprès de sources informelles, telles qu’un membre de la famille, un ami, un collègue, un groupe d’entraide et InternetNote 13. La recherche donne à penser que les jeunes sont moins susceptibles d’avoir recours aux services d’un professionnelNote 14, et plus susceptibles d’abandonner ceux-ci en cours de routeNote 15 ou de les percevoir de façon négativeNote 16, comparativement aux personnes plus avancées en âge. On reconnaît la nécessité de la recherche sur l’utilisation des services de soins de santé mentale destinés aux jeunesNote 17, particulièrement en vue d’obtenir de l’information concernant ses corrélats.

Selon le Behavioral Model of Health Services Use d’AndersenNote 18, trois ensembles de déterminants entrent en jeu en ce qui a trait à l’utilisation des services de soins de santé : facteurs de prédisposition, ressources habilitantes et facteurs liés aux besoins. Les facteurs de prédisposition sont ceux qui ont un effet sur la tendance à recourir aux services de soins de santé, par exemple, l’âge, le sexe et le statut d’immigrant. Les ressources habilitantes renvoient à la disponibilité de ressources physiques et humaines et aux facteurs permettant d’y accéder, comme le revenu et le lieu de résidence. Les facteurs liés aux besoins sont directement liés à la santé, comme la maladie et l’incapacité.

Des recherches antérieures ont fait ressortir des associations entre un certain nombre de facteurs démographiques et socioéconomiques et l’utilisation de services professionnels de soins de santé mentale par les jeunes Canadiens. Contrairement à une étude américaineNote 19, une étude canadienne n’a pas trouvé de différences d’utilisation des services de santé mentale entre les personnes de 15 à 18 ans et celles de 19 à 24 ansNote 20. Il en ressort toutefois que les jeunes femmes sont plus susceptibles que les jeunes hommes d’utiliser de tels servicesNote 11,Note 20. Selon une étude de la Nouvelle-Écosse, les jeunes des ménages à faible revenu étaient plus susceptibles que ceux des ménages à revenu plus élevé d’utiliser des services professionnels de santé mentaleNote 11. La littérature fait état d’une utilisation relativement moins importante des services de santé mentale par les immigrants en général, comparativement aux non-immigrantsNote 17, mais on ne relève aucune différence dans le cas des jeunes immigrantsNote 20. En ce qui concerne le lieu de résidence (en milieu rural par rapport à urbain), il ne représente pas un prédicteur significatif de l’utilisation des services de santé mentale par les jeunes CanadiensNote 20. Les études secondaires ou postsecondaires, elles, peuvent être liées à l’accessibilité aux services de santé mentaleNote 21 ou à l’utilisation de ces servicesNote 22, mais peu d’études ont porté sur la fréquentation de l’école comme corrélat indépendant.

Les études des associations entre les facteurs liés aux besoins et l’utilisation des services de santé mentale ont montré que seulement la moitié environ des adolescentsNote 12 et des jeunes adultesNote 23 ayant un problème de santé mentale utilisent ces services. Aux États-Unis, les adolescents aux prises avec un trouble de l’humeur ou du comportement étaient plus susceptibles d’utiliser ces services que ceux ayant un trouble d’anxiété ou de consommation d’alcool ou de droguesNote 12, ce qui laisse supposer que le type de problème de santé mentale peut influer sur l’utilisation des services. Par ailleurs, les personnes ayant un problème de santé chronique étaient plus susceptibles d’utiliser des services de santé mentaleNote 24. La détresse aussi a été associée à une plus grande utilisation des services de santé mentaleNote 25,Note 26. Enfin, on a signalé une plus grande utilisation de ces services dans le cas des victimes de violenceNote 13, mais la plupart des études sur les expériences traumatiques dans l’enfance ont porté sur les populations vivant en établissementNote 27 ou sur les personnes utilisant actuellement des servicesNote 28.

L’accumulation de facteurs de risque peut avoir un effet sur l’utilisation des services de santé mentale. Par exemple, les problèmes de santé mentale sont relativement courants chez les personnes ayant un problème de santé chroniqueNote 29 ou celles ayant déclaré avoir subi un traumatismeNote 30 ou été victimes d’actes de violenceNote 31-33 pendant l’enfance. Des études antérieures ont suggéré qu’il y a une utilisation accrue des services de santé mentale par les adultes qui, en plus d’un problème de santé mentale, avait un problème de santé physiqueNote 24, mais aucune étude fondée sur la population n’a examiné la corrélation entre l’existence d’un problème de santé mentale et le fait d’avoir subi un traumatisme général pendant l’enfance.

À partir des résultats de l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes – Santé mentale menée en 2012 (ESCC – SM), la présente étude décrit les tendances de l’utilisation des services professionnels de santé mentale par les Canadiens de 15 à 24 ans qui sont confrontés à des problèmes émotionnels, de santé mentale ou de consommation d’alcool ou de drogues. Elle explore en outre les sources informelles de soutien pour ces problèmes, ainsi que les associations entre les facteurs de risque et la recherche d’aide, y compris l’effet cumulatif des facteurs de risque, comme le problème de santé chronique, la détresse, l’expérience traumatique subi pendant l’enfance, et le trouble mental ou le trouble de consommation d’alcool ou de drogues.

Méthodes

Échantillon

La présente étude porte sur un sous-échantillon de participants à l’ESCC – SM menée en 2012, une enquête transversale qui produit des estimations nationales des principaux troubles mentaux et de l’utilisation des services de santé mentaleNote 34. L’échantillon total a été sélectionné par échantillonnage stratifié en grappes à plusieurs degrés, où les provinces représentaient les strates. L’enquête avait pour cible la population à domicile de 15 ans et plus des provinces, dont étaient exclus les habitants des réserves indiennes et d’autres établissements autochtones, les membres à temps plein des Forces canadiennes et la population vivant en établissement. Aux fins de la collecte de données, on a eu recours aux méthodes de l’interview téléphonique assistée par ordinateur et de l’interview sur place. La présente analyse est fondée sur les données recueillies auprès de 4 013 personnes de 15 à 24 ans, représentant 4,4 millions de jeunes Canadiens (tableau A en annexe).

Mesures

On a demandé à tous les répondants si, au cours des 12 derniers mois, ils avaient consulté, en personne ou par téléphone, n’importe quelle source professionnelle ou informelle de soutien, relativement à un problème émotionnel, de santé mentale ou de consommation d’alcool ou de drogue. Les sources professionnelles comprenaient les suivantes : psychiatres, médecins de famille et omnipraticiens, psychologues, infirmières et travailleurs sociaux/conseillers/psychothérapeutes. Les sources informelles comprenaient les membres de la famille, les amis, les collègues/superviseurs/patrons, les enseignants/directeurs d’école, les programmes d’aide aux employés, les ressources sur Internet (diagnostics en ligne, recherche d’aide, discussions avec d’autres/thérapie en ligne/autre), les groupes d’entraide, les services téléphoniques d’aide et autres. Par souci de commodité, dans la présente analyse, « problèmes de santé mentale » s’entend des « problèmes liés aux émotions, à la santé mentale ou à la consommation d’alcool ou de drogues ». Deux variables dichotomiques ont été dérivées pour déterminer si un participant à l’enquête avait communiqué avec 1) au moins un fournisseur professionnel de soins de santé, et 2) au moins une source informelle de soutien. Des données additionnelles ont été obtenues auprès des participants qui avaient consulté un fournisseur professionnel, y compris le nombre de consultations au cours de la dernière année ainsi que leur durée.

Corrélats

Les facteurs de prédisposition examinés relativement à la recherche de soutien en santé mentale étaient le sexe, le groupe d’âge (15 à 17 ans contre 18 à 24 ans) et le statut d’immigrant. Les personnes nées à l’extérieur du Canada et n’ayant pas la citoyenneté canadienne ont été désignées comme des immigrants.

Les ressources habilitantes étaient les suivantes : études secondaires ou postsecondaires, revenu du ménage et résidence dans un centre de population/une région rurale. Le ratio durevenu du ménage au seuil de faible revenuNote 35 a été divisé en quintiles.Les personnes vivant dans une collectivité de1 000 habitants et plus où la densité de population était d’au moins 400 personnes au kilomètre carré ont été classées comme vivant dans un centre de population(comparativement à une région rurale).

Les facteurs liés aux besoins étaient les suivants : trouble mental et trouble de consommation d’alcool ou de drogues, problème de santé chronique diagnostiqué, détresse psychologique et expérience traumatique pendant l’enfance. Dans le cadre de l’ESCC – SM, on a administré cinq modules de la Composite International Diagnostic Interview 3.0 de l’Organisation mondiale de la Santé (CIDI-OMS) fondés sur le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, Quatrième éditionNote 36, afin de déterminer six troubles mentaux : dépression, trouble bipolaire, trouble d’anxiété généralisée, abus d’alcool ou dépendance à l’alcool, abus de cannabis ou dépendance au cannabis, et abus de drogues ou dépendance aux drogues. Des algorithmes de diagnostic ont permis d’identifier les participants qui répondaient aux critères pour chacun des troubles. En harmonie avec la période de référence relative à la consultation des sources professionnelles et informelles de soutien, la présente analyse examine uniquement les troubles éprouvés au cours des 12 derniers mois. Des variables dichotomiques ont été créées pour identifier les participants atteints d’un trouble mental (dépression, trouble bipolaire ou trouble d’anxiété généralisée) ou ayant un trouble de consommation (abus d’alcool ou dépendance à l’alcool et (ou) abus de cannabis ou dépendance au cannabis et (ou) abus de drogues ou dépendance aux drogues).

Les participants ont été classés comme ayant reçu d’un professionnel de la santé un diagnostic de 0, 1, 2 ou au moins 3 problèmes de santé chroniques : asthme, arthrite, problèmes de dos, tension artérielle élevée/hypertension, migraines, MPOC, diabète, épilepsie, maladie cardiaque, cancer, séquelles d’un accident vasculaire cérébral, troubles intestinaux, maladie d’Alzheimer/démence, syndrome de fatigue chronique, sensibilité aux agresseurs chimiques, trouble d’apprentissage, trouble de déficit de l’attention et tout autre problème de santé chronique.

La détresse a été mesurée au moyen de l’échelle K6Note 37. Même si une valeur de 13 et plus est reconnue comme étant prédictive d’une maladie mentale graveNote 37, une variable dichotomique a été créée à l’aide d’une répartition en tertiles, où une valeur K6 de 4 et plus représentait un niveau de détresse élevé.

En se fondant sur le Childhood Experiences of Violence QuestionnaireNote 38, les participants de 18 ans et plus devaient indiquer combien de fois pendant leur enfance, soit avant l’âge de 16 ans, ils avaient vécu un événement traumatique (témoin ou victime d’actes de violence, victime d’abus sexuel)Note 31. Même si une définition plus conservatrice des mauvais traitements envers les enfants a été conceptualisée à partir de cette mesure, pour les besoins de la présente étude, la mesure a été classée en deux catégories : ayant subi ou n’ayant pas subi une expérience traumatique pendant l’enfance.

Analyse

On a calculé la prévalence de la consultation de chaque type de source professionnelle ou informelle de soutien. La consultation d’au moins une source professionnelle ou informelle a été examinée sur la base des facteurs de prédisposition (groupe d’âge, sexe, statut d’immigrant), des ressources habilitantes (situation d’étudiant, revenu du ménage, résidence dans un centre de population/une région rurale) et des facteurs liés aux besoins (traumatisme pendant l’enfance, problème de santé chronique, détresse, trouble mental, trouble de consommation). On a aussi exploré la consultation de sources professionnelles et informelles en fonction de la cooccurrence d’un trouble de santé mentale ou d’un trouble de consommation et au moins un problème de santé chronique, un niveau de détresse élevé ou un traumatisme subi pendant l’enfance.

Des analyses de régression logistique ont permis d’examiner les associations entre les facteurs liés aux besoins et la déclaration d’un soutien professionnel ou informel en santé mentale. Les modèles multidimensionnels étaient corrigés pour tenir compte des effets du sexe, du groupe d’âge, du statut d’immigrant, de la situation d’étudiant, du revenu du ménage et de la résidence dans un centre de population/une région rurale.

Des modèles distincts ont servi à examiner les associations avec l’expérience traumatique subie pendant l’enfance chez les participants à l’enquête de 18 à 24 ans (on n’a pas posée la question aux moins de 18 ans). Des termes d’interaction fondés sur l’effet cumulatif d’un trouble mental ou d’un trouble de consommation et au moins un problème de santé chronique, un niveau de détresse élevé ou une expérience traumatique subie pendant l’enfance ont été introduits dans des modèles distincts. On a effectué des comparaisons de contraste entre niveaux pour chaque facteur de risque (présence d’un trouble mental ou d’un trouble de consommation) chez ceux ayant connu et n’ayant pas connu une expérience traumatique pendant l’enfance, afin de déterminer les effets significatifs de l’interaction.

Toutes les analyses ont été exécutées dans SAS, v. 9.2. Des poids d’échantillonnage d’enquête ont été appliqués, afin que les résultats soient représentatifs de la population canadienne de 15 à 24 ans. Des poids bootstrap ont été appliqués au moyen de SUDAAN, v. 11.0, de manière à tenir compte de la sous-estimation des erreurs types attribuables au plan de sondage complexeNote 39.

Résultats

En 2012, 12 % des Canadiens de 15 à 24 ans ont déclaré avoir consulté en personne ou par téléphone au cours des 12 derniers mois un professionnel de la santé relativement à un problème émotionnel, de santé mentale ou de consommation d’alcool ou de drogues (tableau 1). Plus de deux fois plus de jeunes Canadiens avaient consulté une source informelle pour de tels problèmes (27 %). Un peu plus de 9 % ont déclaré avoir eu recours à du soutien professionnel et informel, 3 %, à des services professionnels seulement et 17 %, à une source informelle de soutien seulement (données non présentées). La majorité des 15 à 24 ans (71 %) ont déclaré ne pas avoir cherché à obtenir du soutien professionnel ou informel pour un problème de santé mentale au cours de cette période.

Services professionnels

Environ 6 % des jeunes Canadiens ont déclaré avoir consulté un médecin de famille/omnipraticien, alors que 5 % avaient consulté un travailleur social/conseiller/psychothérapeute, 3 %, un psychologue et 3 %, un psychiatre (tableau 1). Les deux tiers de ceux qui avaient eu recours à un service professionnel ont déclaré un seul service, tandis que 20 % ont déclaré en avoir utilisé deux et 15 % en ont déclaré trois et plus (données non présentées).

En moyenne, les personnes qui ont consulté un médecin de famille/omnipraticien l’ont fait six fois au cours des 12 derniers mois, la durée moyenne d’une consultation étant de 23 minutes (tableau 1). Quant à eux, les travailleurs sociaux/conseillers/psychothérapeutes ont été consultés 15 fois, en moyenne — séances d’une durée moyenne de 49 minutes —, et les psychologues et les psychiatres, 14 et 11 fois en moyenne, respectivement — séances de près d’une heure (56 et 51 minutes, respectivement).

Soutien informel

Un jeune Canadien sur cinq (20 %) avait parlé à un ami au sujet d’un problème émotionnel, de santé mentale ou de consommation d’alcool ou de drogues, et 14 % avaient parlé avec un membre de la famille (tableau 1). Certains se sont tournés vers Internet également, 8 % dans le but d’obtenir un diagnostic en ligne, 2 %, pour y trouver de l’aide, et 2 %, pour accéder à des forums de discussion et des réseaux sociaux.

Facteurs liés à la recherche d’aide

Les facteurs liés à la consultation de sources professionnelles et informelles relativement à un problème émotionnel, de santé mentale ou de consommation d’alcool ou de drogues étaient généralement similaires (tableau 2). Par exemple, les femmes étaient plus susceptibles que les hommes de déclarer consulter des sources professionnelles et informelles. Les immigrants, eux, étaient moins susceptibles que les personnes nées au Canada de déclarer utiliser des services professionnels. Aucune différence ne ressortait toutefois entre les deux groupes relativement aux sources informelles.

Contrairement aux résultats d’une étude antérieureNote 17, dans la présente analyse, le revenu du ménage n’était pas significativement lié à l’utilisation d’un soutien professionnel ou informel par les jeunes Canadiens. En outre, la situation d’étudiant n’était pas associée à la probabilité de chercher l’un ou l’autre type de soutien. Par ailleurs, les jeunes Canadiens qui vivaient dans un centre de population n’étaient ni plus susceptibles ni moins susceptibles d’obtenir du soutien professionnel que ceux habitant une région rurale, même s’ils étaient moins susceptibles dans les régions rurales de consulter des sources informelles.

Parmi les 18 à 24 ans ayant déclaré avoir subi une expérience traumatique pendant l’enfance, 19 % avaient consulté un professionnel, et 40 %, une source informelle, concernant un problème de santé mentale; les proportions correspondantes parmi ceux qui n’avaient pas eu d’expérience traumatique pendant l’enfance étaient 9 % et 21 %, respectivement.

La présence d’un problème de santé chronique était associée au fait de déclarer avoir cherché à obtenir du soutien, aussi bien professionnel qu’informel. Par exemple, 29 % des jeunes et jeunes adultes ayant deux problèmes de santé chroniques avaient communiqué avec un service professionnel de santé mentale au cours de la dernière année, comparativement à 8 % de ceux qui n’en avaient aucun.

Enfin, les personnes ayant un niveau élevé de détresse ou un trouble mental ou de consommation d’alcool ou de drogues étaient plus susceptibles de déclarer l’un et l’autre type de contact que les personnes ayant un faible niveau de détresse ou celles n’ayant pas de trouble mental ou trouble de consommation d’alcool ou de drogues.

Les taux de prévalence de la déclaration de contacts professionnels et de contacts informels les plus élevés s’observaient chez les adolescents et les jeunes adultes exposés à de multiples facteurs associés à des besoins (trouble mental ou trouble de consommation d’alcool ou de drogues, problème de santé physique chronique, détresse, expérience traumatique subie dans l’enfance), c’est-à-dire à un effet cumulatif (tableau 3). Par exemple, 60 % des jeunes Canadiens qui étaient atteints d’un trouble mental et avaient au moins un problème de santé chronique ont déclaré avoir obtenu du soutien professionnel, tandis que 71 % ont cherché à obtenir du soutien informel. Les proportions correspondantes chez les jeunes qui n’avaient pas de trouble mental ou de problème de santé chronique étaient 6 % et 19 % (soutien professionnel et soutien informel, respectivement), alors qu’elles étaient de 35 % et 61 %, respectivement, chez ceux qui avaient un trouble mental seulement.

Persistance des associations

Évidemment, les facteurs liés à la recherche de soutien pour un problème de santé mentale n’existent pas isolément; ils peuvent en fait être liés les uns aux autres. Cela étant dit, même après prise en compte de l’effet d’autres facteurs confusionnels, plusieurs rapports persistaient.

Les femmes affichaient une cote exprimant la possibilité de déclarer avoir utilisé un service professionnel plus élevée que les hommes, tandis que chez les immigrants, cette cote était plus faible que chez les non-immigrants (tableau 4). De même, les jeunes Canadiens subissant un niveau de détresse élevé, au moins un problème de santé chronique, ou un trouble mental ou de consommation d’alcool ou de drogues avaient une cote exprimant la possibilité d’utiliser un service professionnel plus élevée que ceux subissant un faible niveau de détresse ou n’ayant pas de problème de santé physique, de trouble mental ou de trouble de consommation d’alcool ou de drogues.

En outre, la cote exprimant la possibilité de déclarer avoir cherché de l’aide auprès d’une source informelle était élevée chez les femmes, les personnes subissant un niveau de détresse élevé, celles ayant au moins un problème de santé physique et celles atteintes d’un trouble mental ou ayant un trouble de consommation d’alcool ou de drogues.

Selon un ensemble de modèles sur les jeunes de 18 à 24 ans, la cote exprimant la possibilité de rechercher de l’aide était significativement plus élevée chez ceux ayant déclaré avoir vécu une expérience traumatique pendant l’enfance — tant pour l’aide professionnelle (RCC = 1,67, IC de 95 % : 1,14-2,43) qu’informelle (RCC = 1,81, IC de 95 % : 1,36-2,41) — que chez leurs homologues n’ayant pas eu une telle expérience (données non présentées).

Les modèles qui comprenaient des termes d’interaction n’ont dégagé aucun effet d’interaction important entre le trouble mental ou le trouble de consommation d’alcool ou de drogues et la présence d’un problème de santé chronique ou de détresse. En revanche, des effets importants ont émergé entre la présence d’un trouble mental ou d’un trouble de consommation et l’expérience traumatique pendant l’enfance. Chez les 18 à 24 ans qui n’avaient pas eu d’expérience traumatique pendant l’enfance, les personnes atteintes d’un trouble mental étaient significativement plus susceptibles que les autres de déclarer utiliser un service professionnel (RCC = 7,89, IC de 95 % : 3,60-17,31). Celles qui avaient eu une expérience traumatique pendant l’enfance étaient également significativement plus susceptibles de déclarer des services professionnels de soutien (RCC = 3,02, IC de 95 % : 1,65-5,55). En ce qui a trait toutefois à l’interaction entre l’expérience traumatique pendant l’enfance et la présence d’un trouble de consommation, on observe une tendance différente. Ainsi, les personnes qui avaient eu une expérience traumatique pendant l’enfance étaient plus susceptibles de déclarer utiliser un service professionnel si elles avaient également un trouble de consommation (RCC = 2,54, IC de 95 % : 1,43-4,53). Par contre, chez les 18 à 24 ans qui n’avaient pas connu d’événement traumatique pendant l’enfance, on n’a trouvé aucune différence quant à l’utilisation des services professionnels de soutien entre les personnes ayant et n’ayant pas un trouble de consommation d’alcool ou de drogues. Aucune interaction significative n’a émergé en ce qui a trait à la recherche d’aide informelle.

Discussion

En 2012, 12 % des Canadiens de 15 à 24 ans ont déclaré avoir utilisé un service professionnel de santé mentale au cours de l’année de référence, et 27 % ont cherché à obtenir de l’aide auprès d’une source de soutien informelle. La plupart des personnes qui avaient eu recours à un service professionnel ont aussi déclaré avoir consulté une source informelle.

L’omnipraticien ou le médecin de famille était le professionnel le plus couramment consulté, bien que le tiers des personnes ayant utilisé un service professionnel ont utilisé plus d’un service. Ces résultats font ressortir l’importance des connaissances en santé mentale des omnipraticiens et le besoin de coordonner les soins d’une source professionnelle à l’autre.

Même si les membres de la famille et les amis représentaient les sources informelles les plus fréquemment mentionnées, un grand nombre de jeunes Canadiens ont déclaré utiliser Internet. La santé mentale est une composante importante des renseignements que l’on retrouve sur Internet sur la santé des jeunesNote 40, mais la qualité de ceux-ci n’est pas contrôlée. Par conséquent, la littératie en matière d’information électronique sur la santé — c’est-à-dire pouvoir utiliser, évaluer et mettre en application cette information — est importante dans le cas des jeunes CanadiensNote 41. On pourrait, à l’avenir, mener des études qui examineraient certaines sources électroniques spécifiques que consultent ces derniers pour obtenir des renseignements sur la santé mentale.

Environ la moitié des jeunes Canadiens ayant un trouble mental, et le quart de ceux ayant un trouble de consommation d’alcool ou de drogues ont déclaré utiliser un service professionnel. Ces résultats concordent avec ceux d’études antérieuresNote 12, selon lesquels de nombreux jeunes atteints d’un problème de santé mentale ne reçoivent pas de soins professionnels de santé mentale. Il pourrait être utile de cerner les caractéristiques associées à la non-utilisation de services, notamment dans le but de faciliter l’accès au soutien professionnel.

La présente étude fournit des données probantes sur l’effet cumulatif des facteurs de risque sur l’utilisation de services professionnels. Ainsi, l’exposition à plus d’un facteur associé à des besoins (par exemple, un problème de santé mentale et un problème de santé chronique) faisait augmenter la probabilité de déclarer utiliser un service professionnel. Il se peut que les jeunes soient plus susceptibles de parler de leur santé mentale dans le contexte d’une consultation pour leur santé physiqueNote 42, qu’ils se sentent plus en confiance avec un médecin qu’ils voient régulièrementNote 43, ou qu’ils ne reconnaissent pas les symptômes d’une mauvaise santé mentale (par exemple, l’anxiété et la dépression)Note 44.

Pour ce qui est du soutien professionnel, des effets d’interaction importants ont émergé entre l’expérience traumatique pendant l’enfance et le trouble mental ou le trouble de consommation d’alcool ou de drogues. Ainsi, les personnes ayant un trouble de consommation étaient plus susceptibles de déclarer utiliser des services professionnels de santé mentale uniquement si elles avaient aussi déclaré une expérience traumatique pendant l’enfance. Quant à eux, les jeunes atteints d’un trouble mental étaient plus susceptibles que ceux n’en ayant pas de déclarer utiliser un service professionnel, et ce, qu’ils aient ou non vécu une expérience traumatique dans l’enfance. Les conclusions selon lesquelles les jeunes ayant un trouble de consommation d’alcool ou de drogues sont généralement moins susceptibles de déclarer utiliser les services de santé mentale et les effets d’interaction importants entre l’expérience traumatique vécue dans l’enfance et le trouble mental ou le trouble de consommation d’alcool ou de drogues portent à croire que d’autres analyses, particulièrement de données longitudinales, s’imposent.

Limites

Il convient de tenir compte de plusieurs limites en interprétant les résultats de la présente étude. Par exemple, l’ESCC – SM menée en 2012 a porté sur certains troubles mentaux seulement et excluait la population vivant en établissement de son champ d’observation. Les troubles mentaux ont été repérés à partir d’un algorithme, mais les données sur la recherche d’aide étaient autodéclarées. Il pourrait y avoir une divergence entre les données autodéclarées sur l’utilisation de services professionnels et celles provenant des dossiers administratifs, attribuable peut-être à un biais de remémoration ou de désirabilité socialeNote 45. Il convient en outre de faire preuve de prudence dans l’interprétation d’autres données autodéclarées. Même si la recherche donne à penser qu’on peut se fier aux données obtenues par le rappel d’expériences négatives de l’enfanceNote 46, la présente analyse précisait « au moins un » événement traumatique pendant l’enfance. Or, des études antérieures ont trouvé que les résultats en matière de santé mentale empirent à mesure que le nombre d’événements indésirables augmenteNote 30.

Étant donné que l’ESCC – SM menée en 2012 est une enquête transversale, il n’a pas été possible d’établir un lien de cause à effet ou temporel entre les variables. Par exemple, le stress lié à un problème de santé physique peut exister avant que ne se manifeste un problème de santé mentale, mais l’inverse est aussi vrai. L’étude n’a pas non plus permis de déterminer les raisons qui incitent à chercher du soutien, ou de tenir compte de la nature des services en question.

Enfin, la recherche de soutien professionnel ou informel pour des raisons liées à la santé mentale n’est pas indicative de la prévalence des besoinsNote 47. Les personnes ayant besoin de soins de santé mentale ne cherchent pas forcément à en obtenir ou n’y ont pas toujours accèsNote 48; dans certains cas, elles peuvent déclarer des besoins non comblés ou partiellement comblésNote 49. La présente étude porte sur l’utilisation des services de soins de santé mentale dans la population, et non sur la perception d’un besoin à cet égard chez les adolescents et les jeunes adultes. Les tendances en matière de recherche d’aide au sein de cette population peuvent être différentes de celles que l’on observe chez les personnes plus avancées en âgeNote 14-16.

Mot de la fin

L’établissement des priorités stratégiques quant à la prestation de soins de santé mentale aux adolescents et aux jeunes adultes commence par l’évaluation de l’utilisation actuelle des services et l’identification des corrélats de cette utilisation. Les résultats de l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes – Santé mentale menée en 2012 donnent à penser qu’un grand nombre de jeunes au Canada obtiennent du soutien professionnel et informel pour leurs problèmes émotionnels, de santé mentale et de consommation d’alcool ou de drogues. La présence de facteurs de risque multiples faisait généralement augmenter la propension à obtenir du soutien, particulièrement chez les personnes qui déclaraient à la fois une expérience traumatique pendant l’enfance et un trouble de consommation d’alcool ou de drogues. À l’avenir, les chercheurs pourraient explorer ces rapports plus en profondeur, particulièrement chez les personnes chez qui l’on a identifié des facteurs de risque.

Date de modification :