Hospitalisation toutes causes confondues et liée aux maladies de l'appareil circulatoire, selon le statut des générations : résultats d'un couplage de données

Warning Consulter la version la plus récente.

Information archivée dans le Web

L’information dont il est indiqué qu’elle est archivée est fournie à des fins de référence, de recherche ou de tenue de documents. Elle n’est pas assujettie aux normes Web du gouvernement du Canada et elle n’a pas été modifiée ou mise à jour depuis son archivage. Pour obtenir cette information dans un autre format, veuillez communiquer avec nous.

par Edward Ng, Claudia Sanmartin, Jack V. Tu et Douglas G. Manuel

Depuis les années 1970, les immigrants au Canada proviennent de plus en plus de pays non européens, comme l’Inde et la ChineNote 1. Ainsi, 8 % de la population totale se déclare comme étant d’origine sud asiatique ou chinoise, proportion qui devrait atteindre environ 15 % d’ici 2031Note 2. L’évolution de la composition ethnique du Canada et ses effets à long terme sur les générations subséquentes sont des facteurs dont on sait qu’ils peuvent influer sur les soins de santé.

Bien que les immigrants soient généralement en meilleure santé que les personnes nées au Canada, les variations par maladie et par pays d’origine sont considérablesNote 3,Note 4. Par exemple, peu importe l’endroit où ils vivent, les Sud-Asiatiques ont l’un des taux de maladie du cœur et de l’appareil circulatoire les plus élevés au mondeNote 5-7. Au Canada, le risque de mortalité par maladie de l’appareil circulatoire chez les Sud-Asiatiques tend à se comparer à celui observé chez la population née au Canada, mais à être plus élevé que pour les autres immigrants et groupes ethniquesNote 3,Note 8,Note 9. Inversement, le risque de maladie de l’appareil circulatoire au sein de la population d’origine chinoise est relativement faibleNote 10,Note 11. Une revue récente des études publiées sur la santé des immigrants a trouvé que le risque de maladie du cœur et d’hypertension artérielle chez les Canadiens d’origine sud asiatique a tendance à croître en parallèle avec la durée de la résidence au Canada et fait ressortir un besoin d’examiner ces effets d’un point de vue générationnelNote 12.

Les données qui illustrent la mesure dans laquelle les avantages (ou désavantages) pour les immigrants en matière de santé sont transmis de la première génération aux générations suivantes sont mitigéesNote 13-15. Dans le cadre d’une étude sur la santé des immigrants réalisée en 1976, Marmot et SymeNote 16 ont constaté que le taux de prévalence des maladies du cœur était plus élevé chez les immigrants japonais masculins en Californie et à Hawaï que chez leurs pairs japonais. Toutefois, les immigrants japonais de première génération à Hawaï avaient un taux de prévalence des maladies du cœur plus faible que la deuxième génération, le profil de santé duquel s’apparentait davantage à celui des personnes nées à Hawaï. Au Canada, les analyses générationnelles de la santé ont tendance à être axées sur les jeunes et les enfants d’âge scolaire, portent notamment sur les comportements à risque et le gain de poids et accordent peu d’attention à la santé du coeurNote 17-19. Dans une étude des immigrants vivant à Montréal, les adultes de la deuxième génération ne présentaient aucun avantage pour la santé du point de vue de l’obésité ou de l’état de santé autodéclaré, ce qui ressortait dans les quartiers défavorisés en particulier Note 20.

On dispose de peu de données sur l’utilisation des services de soins de santé selon le statut des générations. L’un des principaux obstacles est l’absence de variables sur l’immigration et sur le statut des générations dans les données administratives sur la santéNote 21. Certaines études fondées sur la région ont remplacé le statut des générations par le pourcentage d’immigrants dans le quartierNote 22, mais de telles approches écologiques présentent des limites. Or, le fait de coupler des données administratives sur la santé à des données tirées d’autres sources tenant compte du statut d’immigrant et du statut des générations permet d’examiner la santé des immigrants de plus prèsNote 3.

La présente étude repose sur un couplage de données tirées du Recensement de la population de 2006 (questionnaire détaillé) avec des données provenant de dossiers administratifs et cherche à déterminer si les profils d’hospitalisation de la première génération d’immigrants persistent à la deuxième, et si ceux des Sud-Asiatiques et des Chinois varient lorsque certaines covariables socioéconomiques sont prises en compte.

Données et méthodes

Source des données

Les données du Recensement de 2006 (questionnaire détaillé) ont été couplées à celles de la Base de données sur les congés des patients (BDCP), de l’Institut canadien d’information sur la santé. Les données du recensement tirées du questionnaire détaillé couvrent environ 20 % de la population non institutionnelle et fournissent de l’information sur la population canadienne, selon le statut des générations, le lieu de naissance et la période d’arrivée des immigrants de première génération, ainsi que les caractéristiques socioéconomiques.

La BDCP renferme des données annuelles sur les hospitalisations pour toutes les provinces, sauf le Québec, celle-ci ne soumettant pas ses données à la BDCP. En conséquence, l’étude ne tient compte ni des immigrants au Québec, ni des hospitalisations au Québec de résidents d’autres provinces.

Les données pour environ 4,65 millions de répondants au questionnaire détaillé du recensement (le Québec non compris) ont été couplées à celles de la BDCP pour les trois exercices allant de 2006-2007 à 2008-2009. On a effectué un couplage déterministe hiérarchique à l’aide de la date de naissance, du sexe et du code postal du lieu de résidence. Là où des changements d’adresse étaient survenus, on a tiré les codes postaux du Fichier historique de données fiscales. Les taux de couverture pondérés pour les données couplées ont été relativement élevés (78 % à 80 %). Une étude de validationNote 23 a permis de conclure que le fichier résultant du couplage convient pour la recherche sur la santé et qu’il est largement représentatif des immigrants au Canada.

On trouve des renseignements supplémentaires sur le processus de couplage et les résultats dans d’autres ouvrages publiésNote 23. Le couplage a été approuvé par le Comité des politiques de Statistique CanadaNote 24 et est régi par la Directive sur le couplage d’enregistrementsNote 25.

Échantillon de l'étude

La cohorte étudiée comprend les personnes âgées de 30 ans et plus qui, le 16 mai 2006 (jour du recensement), vivaient dans une collectivité urbaine, c’est-à-dire une région métropolitaine de recensement (RMR) ou une agglomération de recensement (AR)Note 26 non située dans les territoires. La majorité des immigrants, particulièrement les immigrants récents, vivent dans ces collectivités urbainesNote 27. Les résidents non permanents (les personnes se trouvant au Canada pour travailler ou pour étudier) et les personnes revendiquant le statut de réfugié ont été exclus de la cohorte. En tout, la cohorte finale étudiée comptait 2 212 755 personnes, parmi lesquelles 548 460 hospitalisations ont été enregistrées sur la période de trois ans étudiée.

Mesures

Le statut des générations a été défini à partir du statut d’immigrant et du lieu de naissance des parents. Les immigrants de première génération correspondent à ceux qui étaient ou avaient été des immigrants reçus au Canada. Un immigrant reçu est quelqu’un qui n'est pas citoyen canadien de naissance, mais à qui on a accordé le droit de vivre au Canada en permanenceNote 1. On a classé les immigrants selon leur période d'arrivée, à savoir avant 1996 dans le cas des immigrants établis de longue date, ou entre 1996 et 2006 dans celui des immigrants récents. Les immigrants de deuxième génération sont ceux nés au Canada dont au moins un des parents est né à l’extérieur du Canada. Les immigrants de troisième génération ou plus sont nés au Canada et leurs deux parents le sont aussi. Bien que l’étude mette l’accent sur les immigrants en provenance de la Chine (y compris Hong Kong) et d’Asie du Sud (Bangladesh, Bhoutan, Inde, Maldives, Népal, Pakistan et Sri Lanka), on ne fait pas la distinction entre ces origines dans la population de référence (troisième génération ou plus).

Les autres covariables tirées du Recensement sont le groupe d’âge (30 à 49 ans, 50 à 64 ans et 65 ans ou plus), le sexe, l’obtention du diplôme d’études secondaires (oui/non) et la situation de faible revenu avant impôt (oui/non/sans objet). La mesure du faible revenu est fondée sur le seuil de faible revenu, déterminé à partir de la moyenne des dépenses de tous les Canadiens au titre de la nourriture, de l’habillement et du logement. Une personne est dite en situation de faible revenu si le revenu total des membres de sa famille économique (le sien, si elle ne fait pas partie d’une famille économique) était inférieur au seuil de faible revenu, lequel varie selon la taille de la famille économique et la taille du secteur de résidenceNote 26.

Le résultat principal aux fins d’analyse est au moins une hospitalisation de courte durée entre le 1er avril 2006 et le 31 mars 2009. Deux types d’hospitalisation sont pris en compte, à savoir les hospitalisations toutes causes confondues sauf celles liées à la grossesse (codes O00 à O99 de la CIM-10) et les hospitalisations liées à une maladie de l’appareil circulatoire (codes I00 à I93 de la CIM-10), qui étaient à l’origine de 17 % (91 821) des sorties d’hôpital enregistrées dans la base de données couplées.

Méthodes statistiques

Des statistiques descriptives ont été produites pour établir le profil de la population étudiée, selon le statut des générations et selon certaines origines (Asie du Sud et Chine). Les taux d’hospitalisation bruts et normalisés selon l’âge (THNA) ont été dérivés pour les hospitalisations toutes causes confondues et pour celles liées à une maladie de l’appareil circulatoire, la population totale de la cohorte ayant constitué la population de référence. L’analyse statistique des écarts de taux normalisés selon l’âge a été effectuée à l’aide d’une transformation logarithmique, afin de corriger pour l’asymétrie de la distribution des taux. Cette technique sert aux fins d’inférence dans l’analyse d’événements raresNote 28. Des régressions logistiques multivariées ont été utilisées pour estimer les cotes exprimant le risque d’être hospitalisé au moins une fois, selon le statut des générations, en prenant la troisième génération et les subséquentes comme population de référence. Des modèles distincts ont été estimés selon le sexe et l'origine ethnique. Deux modèles ont été élaborés, le 1er corrigé selon l’âge et le second, entièrement corrigé, c’est-à-dire des effets de l’âge, de la situation de faible revenu et de la situation à l’égard du diplôme d’études secondaires. Les analyses ont été exécutées en SAS, version 9.2 Note 29.

Résultats

La première génération d’immigrants représente 31 % de la population urbaine de 30 ans et plus, tandis que la deuxième en représente 21 % (tableau 1). La troisième génération et les subséquentes représentent les autres 48 %.

Parmi les immigrants de première génération, 23 % étaient des immigrants récents (1996 à 2006) et 25 % venaient d’Asie du Sud ou de Chine.

Environ 3 % des immigrants de deuxième génération ont déclaré qu’au moins un de leurs parents était né en Asie du Sud ou en Chine. Les personnes d’ascendance sud asiatique et chinoise étaient relativement jeunes, 85 % et 79 % d’entre elles, respectivement, faisant partie des 30 à 49 ans. En comparaison, 50 % de tous les immigrants de deuxième génération appartenaient à ce groupe âge.

Les distributions selon le niveau de scolarité étaient similaires d’une génération à l’autre, la proportion d’immigrants détenant un diplôme d’études secondaires étant d’environ 80 %. Toutefois, la deuxième génération d’immigrants en provenance d’Asie du Sud et de la Chine avait un taux d’obtention du diplôme d’études secondaires supérieur à 90 %.

Le pourcentage d’immigrants de première génération qui étaient en situation de faible revenu était relativement élevé (18 %) par rapport à celui observé chez les immigrants des générations subséquentes (10 %). Ce taux était particulièrement élevé chez les immigrants en provenance de la Chine (27 %).

On observe un gradient ascendant des taux d’hospitalisation normalisés selon l’âge (THNA) au fil des générations (tableau 2). Les THNA toutes causes confondues s’établissent à 609, 792 et 839 pour 10 000 habitants, pour les générations respectives (première, deuxième et troisième ou plus); les THNA correspondants pour les maladies circulatoires sont de 119, 142 et 152. Chez les immigrants de première et deuxième générations, les THNA sont considérablement inférieurs à ceux observés chez les autres. Chez les personnes d’ascendance sud asiatique et chinoise, les profils sont similaires. Les immigrants de première génération de Chine présentent les THNA les plus faibles.

La régression logistique a révélé des cotes exprimant le risque d’hospitalisation toutes causes confondues qui augmentent en fonction du statut des générations chez les hommes et chez les femmes (tableau 3). Chez les hommes, les cotes corrigées selon l’âge exprimant le risque d’au moins une hospitalisation s’établissent à 0,50 et à 0,79, respectivement, pour les immigrants de première génération, soit récents et de longue date, et à 0,96 pour les immigrants de deuxième génération, par rapport aux générations subséquentes. La tendance est similaire chez les femmes. Dans le modèle entièrement corrigé qui tient compte du niveau de scolarité et du revenu, les écarts ont diminué, mais demeurent significatifs. Ces mêmes tendances s’observent chez les immigrants d’origine sud asiatique et chinoise.

Dans le cas des hospitalisations pour maladie de l’appareil circulatoire, les résultats sont comparables, mais quelques différences ressortent (tableau 3). Chez les hommes, les différences entre la deuxième génération et les subséquentes n’étaient pas significatives après correction en fonction des covariables. Chez les femmes, les cotes exprimant le risque d’hospitalisation de la deuxième génération et des générations subséquentes convergeaient avant même d’être corrigées.

Les résultats varient selon le pays d’origine, les personnes d’origine sud asiatique présentant les cotes exprimant le risque d’hospitalisation liée à une maladie de l’appareil circulatoire les plus élevées et les personnes d’origine chinoise, les cotes les plus faibles. Chez les Sud Asiatiques, les cotes exprimant le risque d’au moins une hospitalisation liée aux maladies de l’appareil circulatoire ne sont pas significativement inférieures chez les hommes et les femmes de deuxième génération ou chez les hommes de première génération établis de longue date (par rapport à celles observées pour la troisième génération ou plus). Chez les Chinois, même après correction, les cotes exprimant la possibilité d’au moins une hospitalisation liée aux maladies de l’appareil circulatoire sont considérablement inférieures parmi les immigrants de première et deuxième générations, par rapport aux autres.

Discussion

La convergence des taux d’hospitalisation au fil des générations d’immigrants ressort clairement chez les hommes et chez les femmes. Les immigrants récents étaient les moins susceptibles d’avoir présenté au moins une hospitalisation au cours de la période allant de 2006-2007 à 2008-2009, suivis des immigrants de longue date de première génération, puis des Canadiens de deuxième génération. Dans chacun de ces trois groupes, la probabilité d’avoir été hospitalisé était moins élevée que dans la troisième génération ou plus. Malgré une tendance à la convergence des taux d’hospitalisation liée à une maladie de l’appareil circulatoire, la situation des Canadiens de deuxième génération en général ne différait pas de celle des Canadiens de la troisième génération ou plus, ce qui s’observait particulièrement chez les femmes, ainsi que de façon plus marquée chez les personnes d’origine sud asiatique par rapport à chinoise.

La convergence des taux d’hospitalisation chez les générations successives est cohérente avec l’hypothèse selon laquelle les immigrants ont tendance à être en meilleure santé à leur arrivée que les personnes nées au pays, mais leur santé se détériore avec le tempsNote 30,Note 31. Certains soutiennent qu’à mesure que les immigrants et leurs enfants s’intègrent à la société d’accueil, ils en adoptent les normes, les attitudes et les comportements, et subissent les conséquences pour la santé qui en découlentNote 32.

Selon les recherches sur les maladies cardiovasculaires, l’acculturation est un facteur qui contribue à l’augmentation du risque chez les immigrants de première et deuxième générationsNote 33. Par exemple, les personnes d’origine mexicaine nées aux États Unis ont des taux plus élevés d’hypertension, d’usage du tabac, de cholestérol, de diabète et d’obésité que les immigrants natifs du MexiqueNote 34,Note 35; en outre, leur régimes alimentaires sont moins sains pour « la santé du cœur »Note 36. Au Canada, le risque de maladie cardiovasculaire chez les immigrants natifs d’Asie du Sud et de la Chine a tendance à augmenter avec la durée de résidenceNote 11.

Les résultats de la présente étude révèlent des cotes exprimant le risque d’hospitalisation liée aux maladies de l’appareil circulatoire plus élevées chez les Sud Asiatiques de première et deuxième générations que chez les Chinois. Des résultats comparables ont été signalés aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Afrique du Sud, dans les Caraïbes et à SingapourNote 5,Note 37-39. Par exemple, au Royaume-Uni, on a constaté un excédent de risque de troubles coronariens chez les Sud-Asiatiques de première et deuxième générationsNote 40. Une étude portant sur les immigrants natifs d’Inde à Londres, en Angleterre, a trouvé qu’ils avaient des mesures plus élevées que leurs frères et sœurs en Inde pour l’indice de masse corporelle, la tension artérielle systolique et la glycémie à jeunNote 41. On constate chez les Sud-Asiatiques vivant au Canada une prévalence élevée de facteurs de risque comme le diabète, ce qui explique peut-être certaines des conclusions de l’étudeNote 7,Note 11,Note 42. En revanche, en ce qui a trait aux facteurs de risque de maladie de l’appareil circulatoire, les Chinois ont le profil le plus favorable de tous les grands groupes ethniques du Canada, bien que celui-ci se détériore avec la durée de résidence. Une étude australienne va toutefois dans le sens contraire. Elle a trouvé que le risque de mortalité liée à l’appareil circulatoire et au diabète chez les immigrants sud-asiatiques âgés diminuait avec la durée de résidence, alors que chez les immigrants natifs du Royaume-Uni et d’Irlande, il y avait une hausse de la mortalité au fil du tempsNote 43.

Les personnes d’origine sud-asiatique ont tendance à avoir l’un des taux de maladie de l’appareil circulatoire les plus élevés au mondeNote 6,Note 44. Cela étant dit, la présente étude a révélé un risque inférieur d’hospitalisation chez les immigrants récents originaires d’Asie du Sud, comparativement aux Canadiens de la troisième génération ou plus. Cela reflète peut-être le processus de sélection qui comprend un dépistage médical chez les immigrants éventuelsNote 45. Toutefois, des analyses supplémentaires (données non présentées) ont trouvé des taux d’hospitalisation liée aux maladies de l’appareil circulatoire relativement élevés chez les jeunes Sud-Asiatiques, de première génération en particulier, ce qui concorde avec l’apparition de troubles cardiaques à un âge précoceNote 46,Note 47. En outre, les immigrants sud-asiatiques masculins de longue date et leurs homologues de la troisième génération ou plus avaient la même probabilité d’être hospitalisés par suite d’une maladie de l’appareil circulatoire. Une étude cas/témoins a révélé que les Sud-Asiatiques chez qui survient un infarctus aigu du myocarde ont tendance à être hospitalisés à un stade plus avancéNote 48, ce qui pourrait être attribuable à des différences dans les comportements d’obtention de soins ou à des difficultés culturelles ou linguistiques.

La présente étude montre que les première et deuxième générations d’ascendance chinoise affichent des cotes exprimant le risque d’hospitalisation pour maladie de l’appareil circulatoire moins élevées que la troisième génération et les subséquentes, même en tenant compte du niveau de scolarité et du revenu. Cela est cohérent avec les conclusions d’une analyse de données du recensement et données sur la mortalité coupléesNote 3 selon laquelle les immigrants récents et de longue date (de première génération) venus d’Asie de l’Est (Hong Kong, Japon, Macao, Mongolie, Corée du Nord, Chine, Taïwan, Singapour, Corée du Sud) affichent des taux de mortalité par maladie de l’appareil circulatoire inférieurs à ceux des Canadiens de naissance (en majorité de troisième génération ou plus). La même étude indique que ces taux sont également significativement inférieurs chez les immigrants sud-asiatiques de sexe masculin arrivés après 1971, mais que chez les immigrantes sud-asiatiques, ces taux se comparent à ceux notés chez les Canadiennes de naissance. Cette dernière observation ne concorde pas avec la présente analyse qui dégage des taux d’hospitalisation significativement inférieurs chez les femmes sud-asiatiques de première génération. Cela pourrait indiquer une sous utilisation des soins de santé liés aux maladies de l’appareil circulatoire par les immigrantes nées en Asie du Sud.

Limites

Parmi les limites de l’ensemble de données tirées du couplage recensement–données sur les hospitalisations figure l’absence de données sur le régime alimentaire, l’usage du tabac, l’exercice physique et le capital social (sentiment de faire partie de sa collectivité et soutien). Le manque d’information à propos des soins reçus hors de l’hôpital, par exemple auprès d’un médecin de famille ou d’un spécialiste, ou des soins de santé non conventionnels, lesquels pourraient être plus répandus chez certains groupes ethniques, est également une limite importante, car les faibles taux d’hospitalisation pourraient refléter un accès efficace aux soins de santé primaires ou non conventionnels et leur utilisation efficace, et non une meilleure santé. De plus, la deuxième génération de Sud Asiatiques et de Chinois est toujours relativement jeune, et les groupes qu’ils forment sont de petite taille. Par exemple, on pourrait croire que les cotes corrigées et non corrigées exprimant le risque d’hospitalisation liée aux maladies de l’appareil circulatoire chez les immigrantes de deuxième génération d’origine sud asiatique, soit 0,67 et 0,71, sont significativement faibles, mais les intervalles de confiance sont grands. Des recherches plus poussées sont nécessaires afin de déterminer s’il s’agit d’un effet de la taille de l’échantillon ou si les hospitalisations liées aux maladies de l’appareil circulatoire sont réellement moins répandues chez ce groupe. Enfin, le couplage des données tirées du questionnaire détaillé du recensement avec celles des dossiers hospitaliers pourraient varier selon le lieu de naissance. En particulier, le couplage des données du Recensement de 2006 aux données fiscales, afin d’obtenir les nouveaux codes postaux, lequel se fonde sur le nom, pourrait donner de faibles taux de couplage pour certains sous groupes (p. ex. les Chinois). Cela poserait problème uniquement si le couplage était effectué à partir des codes postaux dérivés des données fiscales. La plupart des appariements réalisés pour la présente étude se sont produits à la première itération et ont donné une correspondance parfaite avec le code postal sur l'enregistrement du recensement.

Mot de la fin

Les résultats de la présente analyse portent à croire que les avantages dont jouissent les immigrants sur le plan de la santé diminuent chez la deuxième génération, particulièrement en ce qui concerne les maladies de l’appareil circulatoire. Ces avantages sont disparus chez la deuxième génération dans le cas des immigrants d’origine sud-asiatique, alors que chez ceux d’origine chinoise, ils ont diminué mais tout de même persisté, par comparaison avec la troisième génération ou plus. Ces conclusions pourraient être importantes pour la santé publique et les besoins en services de soins de santé à l’avenir.

Remerciements

Les auteurs remercient David Mowat et Julie Stratton du Bureau du médecin hygiéniste en chef de la région de Peel de leur collaboration à une version préliminaire du présent article. Jack V. Tu est titulaire d’une Chaire de recherche du Canada en services de santé et bénéficie d’une bourse de chercheur de carrière de la Fondation des maladies du cœur et de l'AVC de l'Ontario.

Date de modification :