Rapports sur la santé
Risque de mélanome associé au rayonnement ultraviolet ambiant en période estivale

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par Lauren Pinault, Tracey Bushnik, Vitali Fioletov, Cheryl E. Peters, Will D. King et Michael Tjepkema

Date de diffusion : le 17 mai 2017

Le rayonnement ultraviolet fait partie du rayonnement total qui atteint la surface de la Terre. Il est possible de le modéliser à l’aide de caractéristiques géophysiques, notamment celles de la couche d’ozone et de la couverture nuageuse dérivées des observations satellites, ainsi que des données de spectrophotomètres terrestresNote 1.La diminution de la couche d’ozone a engendré l’augmentation de l’intensité du rayonnement ultraviolet, particulièrement dans les régions plus proches des pôlesNote 2Note 3Note 4.

L’exposition au rayonnement ultraviolet a des répercussions néfastes sur la peau, elle cause notamment des coups de soleil, le vieillissement de la peau et le développement de cancers de la peau sans mélanome (carcinome basocellulaire et squameux) ou avec mélanomeNote 5Note 6. L’endommagement de l’ADN, les mutations génétiques, l’immunosuppression, le stress oxydatif et les réactions inflammatoires, qui peuvent tous être attribués au rayonnement ultraviolet, influent sur la carcinogenèse de la peauNote 7.

Le mélanome cutané (appelé dans le présent rapport « mélanome ») fait partie des 10 cancers les plus couramment diagnostiqués au Canada et pour lequel on a enregistré 6 800 nouveaux cas en 2015Note 8Note 9.Entre 1986 et 2010, les incidences de mélanome ont augmenté en moyenne de 2 % par an chez les hommes et de 1,5 % par an chez les femmesNote 8.La mortalité liée au mélanome a également augmenté, particulièrement chez les hommes, dont le taux de mortalité corrigé en fonction de l’âge a augmenté de 1,2 % par an entre 1986 et 2009Note 8.

Le rayonnement ultraviolet lors d’une exposition au soleil est le premier facteur de risque de mélanomeNote 10.D’autres facteurs de risque comprennent la présence de nævi, une peau claire et des cheveux clairs, des antécédents familiaux ou personnels de mélanome, l’immunosuppression, un âge avancé, le sexe masculin et la xeroderma pigmentosumNote 6Note 8. Une incidence inférieure chez les femmes ménopausées suggère que des différences de susceptibilité entre les sexes pourraient être liées aux hormonesNote 11.Une étude effectuée au Royaume-Uni a montré une incidence supérieure de mélanome chez les groupes socioéconomiques plus riches, possiblement du fait d’une exposition au rayonnement ultraviolet lors de voyage ou d’autres différences comportementalesNote 12.

La présente étude cherche à déterminer si des tendances à grande échelle d’association entre le rayonnement ultraviolet ambiant et l’incidence de mélanome existent au Canada, alors que la majeure partie de la population y vit dans une zone latitudinale étroite. On a associé des données modélisées sur le rayonnement ultraviolet aux membres de la Cohorte santé et environnement du recensement canadien de 1991 (CSERCan). La CSERCan est un ensemble de données qui comprend 2,6 millions de répondants au recensement, pour lesquels on a suivi les diagnostics de mélanome sur une période de 18 ans. Du fait des limites des données, on a uniquement déterminé le risque de développement de mélanome attribué au rayonnement ultraviolet ambiant chez les personnes de race blanche de la cohorte. On a également évalué la modification de l’effet en fonction de la force de l’association selon le sexe, l’âge et les caractéristiques socioéconomiques.

Les cancers de la peau sans mélanome sont plus courants que le mélanome (estimation de 76 100 diagnostics en 2014Note 8), mais du fait du manque de données d’incidence dans la plupart des provinces, ils n’ont pas été pris en compte dans la présente étude.

Méthodes

Sources de données

Les données sur le rayonnement ultraviolet ont été calculées à partir d’un modèle statistique élaboré par Environnement Canada qui représente des estimations pondérées du rayonnement ultraviolet du spectre d’action érythémateuse et de la vitamine D moyen pour la période de 1980 à 1990Note 1.Ce modèle se basait sur des mesures du rayonnement solaire par pyranomètres et observations satellites (du spectromètre imageur d’ozone total [TOMS]) pour l’ozone, corrigées en fonction de la couverture neigeuse, de l’altitude et de la pression atmosphériqueNote 1. Des mesures terrestres par spectrophotomètres Brewer au Canada et aux États-Unis ont validé les données du modèleNote 1.

Le modèle de rayonnement ultraviolet utilisé était basé sur le rayonnement ultraviolet du spectre d’action de production de vitamine DNote 1.Le spectre d’action pour le mélanome n’est en effet pas bien établi. Le rayonnement ultraviolet B (longueurs d’onde courtes de 320 à 290 nm) pourrait jouer un rôle plus important dans l’initiation du mélanome que le rayonnement ultraviolet A (longueurs d’onde longues de 400 à 320 nm)Note 13 bien que des associations générales entre le rayonnement ultraviolet A et le mélanome aient été décritesNote 14.Parce que le spectre d’action de production de la vitamine D est bien moins sensible au rayonnement ultraviolet A que le spectre d’action érythémateuse (rougissement de la peau), il est plus adapté comme substitut pour le spectre d’action du mélanome. En été, les valeurs du rayonnement ultraviolet pondérées en fonction du spectre d’action érythémateuse et de production de la vitamine D sont pratiquement proportionnellesNote 15.

L’ozone absorbe le rayonnement ultraviolet B solaire et empêche environ 97 % du rayonnement ultraviolet B d’atteindre la surface de la TerreNote 16 (la couverture nuageuse peut également bloquer une partie du rayonnement ultravioletNote 16). La décennie de 1980 à 1990 a été une période d’augmentation de l’irradiance du rayonnement ultraviolet (jusqu’à 5 % du rayonnement ultraviolet B en été, par exemple, à Toronto), du fait de la diminution de la couche d’ozoneNote 16.Puisque ces changements à long terme sont relativement limités en ce qui a trait aux différences latitudinales, on a considéré pour le présent projet que le rayonnement ultraviolet moyen de 1980 à 1990 s’appliquait également aux années postérieures à 1990. Puisque la majeure partie de l’exposition au rayonnement ultraviolet au Canada est limitée aux mois d’été, on a utilisé pour l’étude l’estimation du rayonnement ultraviolet quotidien moyen de juin à août (carte 1).

La Cohorte santé et environnement du recensement canadien (CSERCan) est un ensemble de données obtenu par le couplage des enregistrements de 2,6 millions de répondants au questionnaire détaillé du Recensement de 1991 et de la Base canadienne de données sur la mortalité (BCDM), du Registre canadien du cancer (RCC), de la Base canadienne de données sur le cancer (BCDC) et du Fichier de données fiscales sommaires historiques (FDFSH), en utilisant des techniques de couplage d’enregistrements déterministe et probabiliste standardsNote 17. Les répondants au questionnaire détaillé représentaient environ 20 % des ménages canadiens. Les participants pouvaient être inclus à la CSERCan s’ils consentaient au couplage de leurs données, étaient âgés de 25 ans ou plus le jour du recensement (4 juin 1991) et qu’ils ne résidaient pas dans un établissement institutionnelNote 17.Un suivi pour un décès ou un cancer a été effectué jusqu’au 31 décembre 2009.

Le couplage a été documenté ailleursNote 17. La cohorte a été validée et utilisée dans d’autres recherches relatives à la santé et à l’environnementNote 18.Elle est généralement représentative de la population canadienne, mais est formée d’un pourcentage plus important de personnes en âge de travailler, mariées ou en union de fait, vivant dans un milieu urbain, ayant fait des études supérieures, ayant un revenu supérieur et faisant partie de la population active et non autochtonesNote 17.

Les résidences des participants ont été représentées géographiquement en fonction des codes postaux déclarés dans le cadre du Recensement de 1991, à la date de référence (jour du recensement) dans un système d’information géographique (SIG) (ArcGIS v. 10, ESRI 2010), en utilisant le Fichier de conversion des codes postaux (FCCP+) de Statistique Canada, version 5KNote 19.Le programme FCCP+ utilise un algorithme de répartition aléatoire pondéré en fonction de la population pour attribuer un emplacement approximatif par code postal (par exemple, un centroïde de côté d’îlot), selon un taux d’erreur déclaré de 1,4 % dans les régions métropolitaines de recensementNote 19.On a extrait les estimations du rayonnement ultraviolet (valeurs ponctuelles à la date de référence) pour tous les points de résidence des participants à l’aide du SIG.

On a couplé les 2 630 000 membres initiaux de la CSERCan (arrondis à la centaine la plus proche), âgés de 25 à 89 ans, aux données de rayonnement ultraviolet. On a exclu de l’étude les immigrants récents (107 400 arrivés pendant la décennie précédant immédiatement 1991), car leur historique d’exposition au rayonnement ultraviolet était inconnu. Pour assurer un risque similaire au sein des membres de la cohorte au début du suivi, on a exclu 2 300 autres personnes ayant reçu le diagnostic d’un mélanome (inscrit dans la BCDC) au cours de la période d’attente de 10 ans avant la création de la cohorte. De plus, on a exclu 122 700 personnes membres de minorités visibles, car moins de 100 cas de mélanome ont été signalés au sein de ce groupe. L’appartenance à une minorité visible est dérivée de l’origine ethnique et d’autres renseignements ethnoculturels et se définit comme les personnes (autres qu’autochtones) de race non blanche ou de couleur de peau non blancheNote 20.

Après ces exclusions, on a inclus 2 397 600 participants à l’étude (13,2 % de la population canadienne de 1991 âgée de 25 à 89 ans).

Analyse statistique

On a utilisé des modèles à risques proportionnels standards de Cox pour examiner les associations entre le rayonnement ultraviolet ambiant ainsi que les caractéristiques socioéconomiques et l’incidence du mélanomeNote 21. On a reconnu le mélanome malin par des variables d’histologie (CIM-O-3 codes 8720 à 8790), de comportement (CIM-O-3 code 3) et de siège (CIM-O-2/3 codes C440 à C449), conformément aux méthodes qu’utilise la Société canadienne du cancerNote 8.On a effectué le suivi des diagnostics de mélanome pour les participants, du jour du recensement jusqu’à la date du diagnostic enregistrée dans le RCC, la date du décès enregistrée dans la BCDM ou la date finale du suivi (31 décembre 2009). Seule la première occurrence d’un cas de mélanome est enregistrée dans le RCC; cet ensemble de données ne contient par conséquent pas de doublons.

Tous les modèles étaient stratifiés par âge (tranches d’âge de 5 ans) et par sexe, sauf dans le cas de comparaisons au sein des tranches d’âge ou selon le sexe. Les caractéristiques démographiques et socioéconomiques (à la date de référence) étaient les suivantes : immigrant (ayant immigré plus de 10 ans avant la date du recensement), état matrimonial, quintile de suffisance du revenu du ménage, niveau de scolarité, groupe professionnel et activité extérieure (tableau 1). On a calculé les quintiles de suffisance du revenu du ménage en fonction du rapport du revenu du ménage relativement au seuil de faible de revenu pour la taille du ménage et de la collectivité. Les seuils de faible revenu corrigés en fonction de la taille du ménage et de la taille ou de la région de la collectivitéNote 17Note 20 indiquent les ménages dépensant plus de 20 % de leur revenu en nourriture, en logement et en vêtements. On a élaboré une variable indiquant les activités effectuées principalement à l’extérieur (au moins deux heures par jour) à partir de la Classification nationale des professions pour statistiques (CNP-S 2006) et des variables d’industries du recensement, selon les matrices CAREX d’exposition professionnelle au CanadaNote 22; la variable en question a ensuite été vérifiée par un hygiéniste industriel.

On a effectué des analyses distinctes pour examiner les associations entre le rayonnement ultraviolet ambiant et le mélanome par sexe et siège (tête ou cou : codes topographiques de la CIM-O-2/3 C440 à C444; tronc : C445; membre supérieur ou épaule : C446; membre inférieur ou hanche : C447). On a examiné la modification de l’effet de cette association en comparant le sexe (et le sexe par siège du mélanome), les vastes tranches d’âge (moins de 65 ans par rapport à 65 ans et plus), l’activité extérieure, le quintile de suffisance du revenu du ménage (le plus bas par rapport au plus élevé) et le niveau de scolarité (inférieur au secondaire par rapport à un diplôme universitaire). On a utilisé le test Q de Cochran pour vérifier les différences statistiquement significatives entre les rapports des risques instantanés (RRI)Note 23.

Pour examiner la forme de la relation entre le risque de mélanome (RRI) et le rayonnement ultraviolet ambiant, on a adapté des splines de RRI à l’aide de la méthode de lissage du programme R « smoothHR » sur un modèle de RRI entièrement corrigéNote 24.

Pour respecter les directives en matière de divulgation, on a arrondi, après l’analyse, les tailles d’échantillon à la centaine la plus proche.

Résultats

Exposition au rayonnement ultraviolet

Au Canada, le rayonnement ultraviolet était généralement le plus élevé aux latitudes méridionales, bien que les estimations des régions montagneuses de l’ouest aient dépassé celles des régions plus à l’est, principalement du fait de l’altitude et de la moindre couverture nuageuse (carte 1). La différence d’exposition moyenne au rayonnement ultraviolet, par exemple, de juin à août (en joules par mètre carré, J/m2, une unité de rayonnement) entre Toronto et Montréal était de 326 J/m2 (5,3 %) et entre Calgary et Edmonton, de 734 J/m2 (12 %).

L’exposition moyenne au rayonnement ultraviolet de juin à août pour les membres de la CSERCan était de 6 176 J/m2 et allait de 2 678 J/m2 à 7 290 J/m2 (tableau 1). L’exposition au rayonnement ultraviolet a peu varié selon les caractéristiques démographiques et socioéconomiques, bien que l’exposition des immigrants ait été de 214 J/m2 plus élevée que celles des non-immigrants (p < 0,0001). L’estimation de l’exposition au rayonnement ultraviolet des membres de la cohorte ayant reçu un diagnostic de mélanome était légèrement sous la moyenne : 6 133,6 J/m2 (données non présentées dans les tableaux).

Cas de mélanome

Au cours du suivi sur 18 ans, 8 900 cas de mélanome ont été diagnostiqués parmi les membres de la CSERCan : 4 900 chez les hommes et 3 900 chez les femmes (tableau 1). Après examen séparé, la plupart des covariables étaient associées à une augmentation ou à une diminution du risque de mélanome. Un plus grand risque était associé au sexe masculin, à un âge plus avancé, à un quintile de suffisance du revenu du ménage plus élevé et à un niveau de scolarité supérieur; un risque inférieur était associé à l’état matrimonial non marié, à des professions autres que de direction ou libérales et à des activités extérieures.

Le siège des mélanomes diagnostiqués tendait à différer chez les hommes et les femmes. Par rapport aux femmes, les hommes enregistraient un risque plus élevé de mélanome à la tête ou au cou (RRI = 2,25; IC de 95 % : 2,03 à 2,49) et sur le tronc (RRI = 2,53; IC de 95 % : 2,34 à 2,75); pas de différence significative pour les membres supérieurs ou les épaules (RRI = 1,08; IC de 95 % : 0,99 à 1,18); un risque inférieur pour les membres inférieurs ou les hanches (RRI = 0,36; IC de 95 % : 0,33 à 0,40) (modèles stratifiés par tranche d’âge de 5 ans) (données non présentées dans les tableaux).

Rayonnement ultraviolet ambiant et mélanome

On a transformé le rayonnement ultraviolet en écart réduit pour l’analyse, où une unité de l’écart réduit (et l’unité utilisée pour les RRI) correspondait à un écart-type du rayonnement ultraviolet; soit une augmentation de 446 J/m2, ou environ de 7 % de la moyenne. Le RRI de mélanome associé à une augmentation d’une unité d’écart-type au sein de l’écart réduit du rayonnement ultraviolet ambiant était de 1,22 (IC de 95 % : 1,19 à 1,25) pour les deux sexes après correction de toutes les covariables (tableau 2). Pour les hommes, le RRI de mélanome associé au rayonnement ultraviolet ambiant était de 1,26 (IC de 95 % : 1,21 à 1,30); ce qui était statistiquement supérieur au résultat observé chez les femmes (RR = 1,17; CI de 95 % : 1,13 à 1,22) (Q de Cochran = 7,22; p < 0,01) (tableau 2). Lorsque l’on a mis à l’échelle les RRI en fonction d’exemples de la vie réelle, le RRI de mélanome par rapport à la différence du rayonnement ultraviolet entre Toronto et Montréal était de 1,16 (IC de 95 % : 1,13 à 1,18); la différence entre Calgary et Edmonton était de 1,38 (IC de 95 % : 1,33 à 1,44) (données non présentées dans les tableaux).

Les associations entre le rayonnement ultraviolet ambiant et le mélanome différaient par siège de diagnostic. Le RRI de mélanome par augmentation d’une unité d’écart-type au sein de l’écart réduit était de 1,31 (IC de 95 % : 1,25 à 1,37) pour le tronc; ce qui était significativement supérieur au RRI pour la tête ou le cou (Q de Cochran = 20,97; p < 0,001) ou pour les membres inférieurs ou les hanches (Q de Cochran = 4,88; p = 0,027) (tableau 3).

L’association entre le rayonnement ultraviolet ambiant et le mélanome était significativement élevée chez les hommes, les personnes ayant des activités extérieures, celles appartenant au quintile de suffisance du revenu du ménage le plus bas (par rapport au plus élevé) et celles ayant un niveau de scolarité inférieur au secondaire (par rapport à un diplôme universitaire) (tableau 4). Bien que les participants à revenu inférieur et à niveau de scolarité moins élevé aient enregistré un risque général de mélanome inférieur, l’association avec le rayonnement ultraviolet ambiant était plus forte parmi ces groupes, particulièrement chez les personnes travaillant en plein air (par rapport à celles ne travaillant pas à l’extérieur). On a observé des associations significativement plus faibles entre le rayonnement ultraviolet ambiant et le mélanome chez les personnes du quintile de suffisance du revenu du ménage le plus élevé (par rapport au plus bas) et le groupe de niveau de scolarité le plus élevé (par rapport au plus bas).

On peut décrire la relation entre le rayonnement ultraviolet ambiant et le rapport de risque de mélanome comme une courbe à accroissement exponentiel. Par conséquent, le modèle le mieux ajusté (fondé sur les critères d’information d’Akaike et les critères d’information bayésien) était une relation approximativement linéaire entre le logarithme naturel (ln) du RRI et le rayonnement ultraviolet croissant (figure 1).

Discussion

La présente analyse s’est fondée sur un couplage entre une vaste cohorte représentative à l’échelle nationale des participants au recensement et un modèle d’exposition au rayonnement ultraviolet estival. Au sein de la population blanche, un rayonnement ultraviolet ambiant croissant était associé à une augmentation du risque de diagnostic de mélanome. Le RRI corrigé global était de 1,22 par augmentation du rayonnement ultraviolet estival de 446 J/m2 (environ 7 % de la dose moyenne de rayonnement ultraviolet estival quotidien).

Par siège de diagnostic, les RRI de mélanome par augmentation du rayonnement ultraviolet étaient supérieurs pour le tronc comparativement à ceux pour la tête, les membres inférieurs ou les hanches. On a observé un risque de mélanome supérieur associé au rayonnement ultraviolet ambiant estival chez les hommes, les personnes appartenant au quintile de suffisance du revenu du ménage le plus bas et celles n’ayant pas terminé le niveau de scolarité secondaire.

L’une des forces de cette étude était l’importante taille de la CSERCan, au sein de laquelle 8 900 cas de mélanome ont été diagnostiqués au cours du suivi de 18 ans. Ce vaste échantillon a permis d’examiner la modification de l’effet du risque de mélanome par sexe et caractéristiques socioéconomiques ainsi que de corriger les estimations de risque en fonction de diverses caractéristiques socioéconomiques.

Une autre force de l’étude a été la capacité de corriger les estimations en fonction du statut d’immigrant et de retirer les immigrants récents de la cohorte analytique, en excluant ainsi les personnes dont l’exposition au rayonnement ultraviolet ambiant récent était à peu près inconnue.

L’association entre le rayonnement ultraviolet ambiant et le mélanome décrite dans la présente analyse s’est avérée correspondre généralement aux résultats obtenus aux États-Unis et en EuropeNote 25Note 26Note 27Note 28Note 29, malgré des méthodologies différentes. Aux États-Unis, des associations géographiques ont été signalées entre le rayonnement ultraviolet ainsi que l’incidence du cancer de la peau (et le mélanome) et la mortalité y étant liée, particulièrement au sein de la population blanche non hispaniqueNote 25Note 26Note 27. En Europe, on a observé une augmentation de l’incidence du mélanome aux latitudes méridionalesNote 28Note 29. Même si les statistiques indiquent une incidence plus élevée dans plusieurs pays d’Europe du Nord où le rayonnement ultraviolet est faible (Norvège, Pays-Bas, Danemark, Suède), ces statistiques ne tiennent pas compte des différences de susceptibilité dues à la couleur de la peau ou au comportementNote 30.

La détermination de l’augmentation du risque de mélanome en fonction d’une exposition récente au rayonnement ultraviolet ambiant dans le cadre de la présente analyse est relativement nouvelle. Une étude cas-témoins internationale a relevé une augmentation significative du risque d’exposition au rayonnement ultraviolet uniquement pendant l’enfance (quartile d’exposition le plus élevé par rapport au plus bas : risque relatif rapproché = 2,10, IC de 95 % : 1,43 à 3,08) et des associations faibles ou non significatives avec l’exposition au cours de la période adulteNote 31. De la même manière, une étude prospective sur les femmes étatsuniennes a indiqué une augmentation du risque de mélanome pour une exposition au rayonnement ultraviolet estimée à la naissance et à l’âge de 15 ans, mais aucune association avec une exposition au rayonnement ultraviolet à l’âge adulte (30 ans)Note 32.

Le risque de mélanome était supérieur chez les hommes que chez les femmes, et la relation entre le rayonnement ultraviolet ambiant et le risque de mélanome était plus fort chez les hommes. Des données de la deuxième Enquête nationale sur l’exposition au soleil de 2006 ont indiqué que les hommes passaient plus de temps au soleil; plus de deux heures par jour pour 35 % des hommes, par rapport à 19 % des femmesNote 33. Les hommes sont en outre moins susceptibles d’utiliser une protection contre le soleil33. Dans la présente étude, les hommes ont présenté un plus grand risque de mélanome au tronc et aux membres supérieurs ou aux épaules; les femmes ont enregistré un plus grand risque de mélanome aux membres inférieurs ou aux hanches. Des études précédentes ont suggéré que cette différence pouvait être dû au comportement (l’habillement, par exemple)Note 34. Des différences d’associations entre le rayonnement ultraviolet ambiant et le mélanome par siège peuvent être attribuées à une probabilité d’exposition chronique plutôt que sporadique et au risque de coups de soleil sur les divers sièges; selon l’Enquête nationale sur l’exposition au soleil, dans 47 % des cas de coup de soleil graves, le tronc était la principale partie du corps concernéeNote 34.

Dans la présente analyse, le risque général de mélanome était associé à un revenu de ménage supérieur, à un niveau de scolarité plus élevé et à un statut professionnel plus élevé. Ce résultat est conforme à une étude effectuée en 2008 en Angleterre qui a indiqué un risque de mélanome réduit chez les personnes à caractéristiques socioéconomiques plus faiblesNote 12. Cependant, malgré le plus grand risque de mélanome chez les personnes à caractéristiques socioéconomiques plus élevées au Canada, l’association entre le rayonnement ultraviolet ambiant et le mélanome était significativement plus faible dans ces groupes. Le risque global élevé pour les groupes à caractéristiques socioéconomiques plus élevés peut être moins influencé par l’exposition au rayonnement ultraviolet ambiant et davantage par des expositions lors de vacances au soleil, d’activités de loisir et des différences de protection contre le soleil. Par exemple, des adultes à caractéristiques socioéconomiques plus élevées sont plus susceptibles de signaler des coups de soleilNote 35et moins susceptibles de porter des vêtements de protection ou de rechercher l’ombreNote 36.

L’association plus forte entre le rayonnement ultraviolet ambiant et le mélanome chez les personnes appartenant à des quintiles de suffisance de revenu de ménage inférieur, des personnes travaillant en plein air et des personnes n’ayant pas terminé leurs études secondaires suggère une exposition quotidienne supérieure en été et un rôle moins important d’une exposition lors de vacances au soleil et du désir de bronzer.

Limites

Le petit nombre de cas de mélanome (moins de 100) chez les membres de minorités visibles a empêché d’étendre l’étude à la population non blanche. De plus, il n’a pas été possible de tenir compte des différences d’exposition discontinue ou chronique au rayonnement ultraviolet, comme l’utilisation d’un équipement de bronzage, des vacances au soleil et des coups de soleil attrapés tôt dans la vieNote 5Note 30Note 37. La pigmentation de la peau, la présence de nævi, le régime alimentaire, l’immunosuppression, l’exposition à d’autres carcinogènes, la susceptibilité génétique, les antécédents familiaux de mélanome et d’autres facteurs de risqueNote 6Note 8 n’ont pas pu être pris en compte.

On a estimé l’exposition au rayonnement ultraviolet à partir d’un modèle statique moyen sur trois mois, sans correction en fonction de l’exposition personnelle au rayonnement ultraviolet. Il est possible que l’exposition et le rayonnement ultraviolet soient confondus si les personnes se trouvant dans des environnements à rayonnement ultraviolet élevé passent également plus de temps à l’extérieur.

Plusieurs sources d’erreur ont été introduites par le modèle de rayonnement ultraviolet ou la cohorte. Le modèle de rayonnement ultraviolet se basait sur le spectre d’action de production de la vitamine D. Cependant, le spectre d’action réel de la carcinogenèse du mélanome est inconnu. De plus, comme nous l’avons indiqué, le modèle du rayonnement ultraviolet se basait sur la décennie de 1980 à 1990 et sur l’hypothèse que le rayonnement ultraviolet modélisé demeurerait identique tout au long du suivi. Le rayonnement ultraviolet ayant augmenté au cours de cette périodeNote 2Note 3Note 4, ce modèle a probablement sous-estimé l’exposition réelle, même si cette sous-estimation influait de la même manière sur tous les membres de la cohorte.

On a attribué les estimations du rayonnement ultraviolet à la date de référence en fonction de la résidence dont le code géographique était dérivé du code postal et du programme FCCP+. Dans les zones urbaines, où les régions définies selon le code postal sont réduites (généralement, quelques pâtés de maisons), le programme FCCP+ est exactNote 19. Cependant, en milieu rural, où les régions définies selon le code postal peuvent être étendues, l’attribution d’un rayonnement ultraviolet ambiant estimé est probablement moins exacte. Cette inexactitude peut être partiellement atténuée par une variabilité spatiale relativement faible au sein du modèle du rayonnement ultraviolet.

L’utilisation de la résidence à la date de référence augmente également la possibilité de classification erronée de l’exposition en cas de déménagement. Cependant, des recherches précédentes sur la pollution atmosphérique à l’aide de la CSERCan ont indiqué que d’attribuer l’exposition en fonction de la mobilité plutôt qu’à la date de référence avait peu de répercussions sur les rapports des risques instantanés. Peu de participants ont déménagé suffisamment loin au cours de la période du suivi pour enregistrer une exposition considérablement différenteNote 38. Jusqu’en 2007, seuls 7,4 % des membres de la cohorte avaient déménagé dans une autre province. Cependant, il est probable que les estimations du rayonnement ultraviolet à la date de référence diffèrent dans une certaine mesure de celles qui seraient dérivées de la mobilité et que l’utilisation de cette dernière réduirait la classification erronée de l’exposition.

Conclusion

La présente analyse souligne le rôle du rayonnement ultraviolet ambiant estival comme important facteur de prédiction de l’incidence du mélanome au Canada. On a modifié l’association entre le rayonnement ultraviolet ambiant et le mélanome selon le sexe et les caractéristiques socioéconomiques. Même si le risque global était moins élevé chez les personnes aux caractéristiques socioéconomiques moins élevées, on a observé une association plus forte entre le rayonnement ultraviolet ambiant et le mélanome dans ces groupes. D’autres recherches sont nécessaires pour inclure le rôle des comportements personnels en matière d’exposition au rayonnement ultraviolet ambiant, afin de déterminer leur influence combinée sur le risque de mélanome.

Références
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