Rapports sur la santé
Grande utilisation des services hospitaliers de soins de courte durée à 50 ans et plus

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par Michelle Rotermann
Date de diffusion : le 20 septembre 2017

Les dépenses en matière de soins de santé ont été estimées à 218 milliards de dollars en 2016 et représentaient plus de 11 % du produit intérieur brut du CanadaNote 1. Un faible pourcentage de la population (de 1 % à 5 %) est à l’origine d’une grande part de ces coûts de soins de santé et de l’utilisation des ressourcesNote 2Note 3Note 4Note 5Note 6Note 7Note 8.

L’utilisation disproportionnée des soins de santé a été observée dans d’autres pays, notamment aux États-UnisNote 9Note 10Note 11Note 12Note 13Note 14 et en AustralieNote 15. Toutefois, il est possible que les expériences des grands utilisateurs américains et australiens, dans des systèmes de soins de santé publics/privés à deux niveaux, ne soient pas comparables à celles des grands utilisateurs canadiens qui ont accès à des soins universels.

Dans le contexte d’une population rapidement vieillissante, les renseignements à propos des grands utilisateurs des services hospitaliers continuent d’être à la fois pertinents et importants. Une meilleure compréhension de l’utilisation élevée de ces services peut contribuer à réduire les coûts hospitaliers et à améliorer les résultatsNote 16Note 17. Les données couplées des enquêtes nationales sur la santé, des dossiers administratifs des hôpitaux et des enregistrements de décès permettent d’étudier un large éventail de facteurs associés à l’hospitalisation.

Les objectifs de la présente analyse étaient les suivants : 1) classer les personnes âgées de 50 ans et plus en trois groupes : grands utilisateurs, utilisateurs faibles ou modérés et non-utilisateurs; 2) comparer les caractéristiques socioéconomiques, les résultats en matière de santé, les comportements influant sur la santé et les expériences hospitalières des trois groupes. L’analyse reposait sur un échantillon combiné de participants âgés de 50 ans et plus résidant dans un ménage privé et issus des trois cycles de l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes, et les données étaient couplées aux dossiers d’hospitalisation et aux enregistrements de décès.

Méthodes

Sources de données

Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes

L’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (ESCC), une enquête transversale, permet de recueillir des renseignements sur la santé, le style de vie et l’utilisation des soins de santé de la population à domicile de 12 ans et plus. L’enquête exclut les membres à temps plein des Forces canadiennes, les personnes vivant en établissements, y compris les centres hospitaliers de soins de longue durée, et les résidents des réserves indiennes et de certaines régions éloignées, qui représentent conjointement environ 4 % de la population cible.

Les données pour les trois cycles de l’ESCC utilisés dans le cadre de cette analyse (2007, 2008 et 2009) ont été recueillies sur des périodes d’un an au moyen d’interviews téléphoniques assistées par ordinateur et d’interviews sur placeNote 18. Pour les personnes qui n’étaient pas en mesure de répondre aux questions de l’enquête, une autre personne bien informée (par procuration) pouvait répondre en leur nom (environ 2 % de tous les participants). Le taux de réponse moyen de 2007 à 2009 et la taille de l’échantillon étaient de 75,3 % et de 64 546 personnes respectivement (voir le tableau A de l’annexe).

Base de données sur les congés de patients

La Base de données sur les congés des patients (BDCP) dénombre les congés obtenus des hôpitaux publics du Canada (excluant le Québec)Note 19. Chaque année, la BDCP compile environ 3 millions d’enregistrements contenant des données démographiques, administratives et cliniquesNote 20. La présente analyse a utilisé les enregistrements des exercices de 2006-2007 à 2009-2010.

Base canadienne de données sur la mortalité

La Base canadienne de données sur la mortalité (BCDM) est un recensement de tous les décès enregistrés au Canada. Elle comprend les causes de décès, les dates de naissance et de décès, les noms et les codes postaux. Les décès survenus de janvier 2007 à janvier 2010 ont été couplés aux données de l’ESCC de 2007 à 2009.

Couplage des données

Les données de l’ESCC ont été couplées à celles de la BDCP et de la BCDM au moyen d’une approche probabiliste fondée sur le prénom et le nom de famille (ESCC-BCDM seulement), la date de naissance, le sexe et le code postalNote 21Note 22Note 23. Le couplage a été effectué conformément à la Directive sur le couplage d’enregistrementsNote 24 et approuvé par le Comité exécutif de gestion de Statistique CanadaNote 25.

Statistique Canada veille à la protection de la vie privée des participants pendant le couplage et l’analyse subséquente des fichiers couplés. Seuls les employés prenant directement part au processus de couplage peuvent accéder aux renseignements d’identification; ils n’ont pas accès aux données relatives à la santé ou aux décès. Une fois le couplage de données terminé, un fichier d’analyse est créé, dans lequel les données d’identification sont supprimées. De la documentation relative au couplage et à la validation est disponibleNote 21Note 22.

Échantillon de l’étude

L’échantillon de l’étude était composé de 62 675 participants à l’ESCC de 2007, de 2008 et de 2009 qui étaient âgés de 50 ans et plus, qui vivaient dans les provinces (excluant le Québec et les territoires) et qui avaient consenti au couplage et au partage de leurs données avec d’autres bases de données : 750 grands utilisateurs, 5 898 utilisateurs faibles ou modérés et 56 027 non-utilisateurs ou personnes n’ayant pas été hospitalisées (figure A de l’annexe). Les trois cycles de l’enquête ont été combinés pour obtenir des échantillons de taille suffisante pour produire des estimations fiables pour chaque catégorie d’utilisateurs des services hospitaliers. Chaque cycle a fourni un tiers des participants à l’étude. Les estimations combinées ne représentent pas la population au cours d’une année donnée; plutôt, elles représentent la moyenne pour la population à domicile de 2007 à 2009. De plus amples renseignements sur la combinaison des cycles de l’ESCC sont disponiblesNote 26.

Définitions

La présente analyse utilise la définition de grand utilisateur (30 jours ou plus à l’hôpital) proposée par l’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS)Note 27. L’approche fondée sur le seuil de centile, qui est généralement utilisée dans la plupart des études concernant les grands utilisateurs, n’était pas appropriée pour la présente analyse, puisque l’ESCC exclut certaines sous-populations de grands utilisateurs : les enfants de moins de 12 ans et la population résidant en établissements (par exemple, les personnes âgées vivant dans des centres de soins de longue durée).

Les participants à l’ESCC admissibles ont été classés en fonction du nombre de jours d’hospitalisation aux soins de courte durée accumulés au cours de la période de 365 jours (selon la date d’admission) suivant leur interview dans le cadre de l’ESCC (figure A de l’annexe) : grands utilisateurs (total cumulatif de 30 jours ou plus); utilisateurs faibles ou modérés (de 1 à 29 jours); non-utilisateurs (données non couplées; 0 jour).

Avant de calculer les jours d’hospitalisation totaux pour chaque personne, les épisodes de soins hospitaliers ont été établis, ce qui a permis de combiner les dossiers d’hospitalisation comportant des dates d’admission et de congé se chevauchant ou presque (les écarts d’un jour étaient acceptés). Les données sur les hospitalisations fondées sur les épisodes de soins hospitaliers ainsi restructurés sont moins susceptibles d’entraîner une surestimation des taux d’admission et une sous-estimation de la durée de séjourNote 28.

Les variables socioéconomiques utilisées étaient le sexe, le revenu du ménage et l’état matrimonial. Les déciles de revenu du ménage ont été obtenus en calculant le rapport entre le revenu annuel total du ménage et le seuil de faible revenu de Statistique Canada. Ils ont ensuite été combinés aux 30 % des ménages ayant déclaré les plus faibles revenus par rapport aux autres (avec imputation; sans données manquantes). Pour minimiser les différences régionales, les déciles de revenu propres à chaque province ont été estimés séparément puis combinés.

L’état matrimonial a été divisé en deux catégories : avec conjoint (marié ou en union libre) ou sans conjoint (célibataire jamais marié, séparé, divorcé ou veuf).

L’année avant le décès se traduit souvent par une plus grande utilisation des soins de santé. En couplant les participants à l’ESCC à la BCDM, il a été possible d’identifier les participants en fin de vie (étant décédés dans l’année suivant l’interview de l’ESCC).

Les variables pour l’état de santé comprenaient six problèmes de santé chroniques : incontinence, trouble de santé mentale (trouble anxieux et de l’humeur), cardiopathie, diabète, trouble neurologique (accident vasculaire cérébral, démence ou Alzheimer) et maladie pulmonaire obstructive chronique (emphysème).

Les comportements influant sur la santé comprenaient l’activité physique et l’indice de masse corporelle corrigé (IMC = poids en kilogrammes/grandeur en mètres carrés). Chez les personnes âgées, l’inactivité physique peut révéler une déficience de la mobilité, soit un facteur de risque de morbidité, d’hospitalisation, d’incapacité et de décèsNote 29.Selon la somme de la dépense énergétique quotidienne moyenne, les participants ont été classés comme inactifs (moins de 1,5 kilocalorie/kilogramme de poids corporel/jour) ou actifs.

Les extrêmes de poids peuvent augmenter le risque de décès et de problèmes de santé chroniquesNote 30Note 31. Les catégories d’IMC étaient les suivantes : insuffisance pondérale (moins de 18,5), poids normal/surpoids (de 18,5 à moins de 30,0) et obésité (30,0 ou plus). Les catégories « poids normal » et « surpoids » ont été combinées puisqu’un certain excès de poids peut avoir un effet protecteurNote 30. Un facteur de correction a été appliqué pour réduire le biais découlant du poids et de la taille autodéclarésNote 32. Une catégorie manquante a été incluse pour retenir le plus d’enregistrements possible dans les analyses multivariées.

Les facteurs liés à l’expérience hospitalière étaient l’indice de comorbidité de Charlson et le transfert vers les soins de longue durée. L’indice de comorbidité de Charlson attribue une valeur (de 1 à 6) à 17 comorbidités selon des codes de diagnostics provenant des dossiers d’hospitalisation, en excluant les problèmes survenant après l’admissionNote 33Note 34. Ces valeurs ont été additionnées pour créer un score de comorbidité par patient. Dans le cadre de la présente analyse, les scores ont été agrégés en 0 (aucune comorbidité) et 1 (comorbidité/état plus sérieux). Les dossiers d’hospitalisation comportant des dates d’admission dans les 365 jours suivant l’interview de l’ESCC ont été examinés; les occurrences multiples de comorbidités ont été comptées une seule fois.

Les patients transférés dans des « foyers pour personnes âgées » ou dans des « maisons de convalescence » étaient considérés comme ayant été transférés vers des soins de longue durée. Toutes les autres destinations de transfert ont été regroupées comme soins de courte durée. Le plus récent dossier d’hospitalisation, selon la date d’admission et de congé, a été utilisé pour déterminer le transfert vers les soins de longue durée.

Chaque dossier d’hospitalisation comprend jusqu’à 25 diagnostics fondés sur la Classification statistique internationale des maladies et des problèmes de santé connexes, dixième révision, Canada (CIM-10-CA). La première ou les deux premières caractéristiques du « principal diagnostic », qui réfère à la principale maladie diagnostiquée ou qui tient compte du plus long séjour, ont été utilisées pour trier les dossiers d’hospitalisation (et les patients concernés) dans des chapitres de diagnostics. Les trois premiers chiffres ont été utilisés pour la sous-catégorie CIM-10.

Techniques d’analyse

Des tableaux croisés ont été utilisés pour estimer la répartition en pourcentage de la population à domicile âgée de 50 ans et plus dans les trois catégories d’utilisation des soins hospitaliers ainsi que le total ou la moyenne des jours d’hospitalisation correspondants utilisés, le nombre d’épisodes de soins, les principaux diagnostics et les autres caractéristiques.

Des modèles de régression logistique et logit multinomial ajustés et non ajustés ont été mis en place pour évaluer les associations indépendantes entre les trois groupes d’utilisateurs et l’état de santé (fin de vie, incontinence, trouble de santé mentale, cardiopathie, diabète, trouble neurologique et maladie pulmonaire obstructive chronique); les caractéristiques sociodémographiques (sexe, revenu du ménage, état matrimonial); le comportement influant sur la santé (inactivité, IMC); les facteurs liés à l’expérience hospitalière (score de l’indice de comorbidité de Charlson, transfert vers les soins de longue durée). La sélection des covariables a été orientée par la documentation et les données disponibles.

Les grands utilisateurs et les non-utilisateurs ont été comparés aux utilisateurs faibles ou modérés (catégorie de référence). Puisque le score de l’indice de comorbidité de Charlson et le transfert vers les soins de longue durée ne s’appliquaient qu’aux personnes hospitalisées, des modèles ont également été utilisés pour estimer la cote exprimant le risque d’utilisation élevée des services hospitaliers par rapport à une utilisation faible ou modérée.

Des poids d’échantillonnage ont été utilisés pour tenir compte du plan de l’enquête et de la non-réponse, et pour s’adapter en ce qui concerne le consentement pour le couplage et le partage des données. Puisque trois cycles de données ont été combinés, les poids d’échantillonnage ont également été ajustés d’un facteur de trois. Tous les tableaux présentent les données par groupe d’âge, et tous les calculs ont utilisé des données pondérées.

Afin de tenir compte de la sous-estimation des erreurs-types attribuables au plan complexe de l’enquête, on a appliqué des poids bootstrap au moyen de la version 11.0 de SAS et de SAS-Callable SUDAANNote 35. Les résultats au seuil de p < 0,05 ont été considérés comme statistiquement significatifs.

Résultats

La minorité utilise la moitié des jours d’hospitalisation

À l’âge de 50 ans et plus, la norme pour la grande majorité (91,4 %) de la population canadienne est de n’avoir eu recours à aucune hospitalisation. Chaque année, de 2006-2007 à 2009-2010, environ 7 % (449 900) des personnes âgées de 50 à 74 ans ont été admises dans des hôpitaux de soins de courte durée. À l’âge de 75 ans et plus, ce pourcentage passait à près de 17 % (239 300). Parmi ces patients hospitalisés, une minorité, soit une moyenne de 33 800 patients âgés de 50 à 74 ans et de 36 000 patients âgés de 75 ans et plus, était de grands utilisateurs, c’est-à-dire qu’ils avaient passé au moins 30 jours à l’hôpital au cours de l’année (tableaux 1 et 2).

Les grands utilisateurs représentaient 0,5 % de la population à domicile âgée de 50 à 74 ans, mais ils enregistraient 45,6 % (2,0 millions) de tous les jours d’hospitalisation accumulés par des personnes de ce groupe d’âge (tableau 3). En ce qui concerne les grands utilisateurs âgés de 75 ans et plus, ils représentaient 2,6 % de la population à domicile pour ce groupe d’âge, mais ils enregistraient 56,1 % (2,2 millions) de tous les jours d’hospitalisation attribuables à ce groupe d’âge.

Le pourcentage de grands utilisateurs dans ces deux groupes d’âge était similaire dans la plupart des provinces. Des exceptions ont été observées en Ontario, où l’estimation pour les personnes âgées de 75 ans et plus était relativement faible, et en Saskatchewan et au Manitoba, où les estimations étaient relativement élevées tant pour le groupe d’âge de 50 à 74 ans que pour le groupe d’âge de 75 ans et plus (tableau 3). La part des jours d’hospitalisation attribuables aux grands utilisateurs variait de 35,6 % (Nouveau-Brunswick) à 57,1 % (Île-du-Prince-Édouard) pour les patients âgés de 50 à 74 ans et de 46,5 % (Terre-Neuve-et-Labrador) à 73,3 % (Manitoba) pour les patients âgés de 75 ans et plus.

Admissions multiples/longs séjours

Les expériences hospitalières des grands utilisateurs différaient de celles des utilisateurs faibles ou modérés (de 1 à 29 jours à l’hôpital). Près de 60 % des grands utilisateurs âgés de 50 à 74 ans ont été admis plus d’une fois dans l’année. Pour les grands utilisateurs âgés de 75 ans et plus, ce pourcentage était de 51,8 % (tableau 4). Parmi les utilisateurs faibles ou modérés, le pourcentage des patients admis plus d’une fois était de 16,2 % pour les personnes âgées de 50 à 74 ans et de 22,4 % pour les personnes de 75 ans et plus.

Les grands utilisateurs ont passé en moyenne deux mois à l’hôpital, comparativement à environ une semaine pour les utilisateurs faibles ou modérés.

Sans conjoint, en fin de vie

Peu importe s’ils étaient de grands utilisateurs ou des utilisateurs faibles ou modérés, une faible majorité des patients hospitalisés âgés de 50 à 74 ans étaient des hommes, tandis que chez les personnes âgées de 75 ans et plus, la majorité était des femmes (tableaux 1 et 2). Ce déséquilibre découle en grande partie des taux de mortalité plus élevés chez les hommes.

De 50 à 74 ans, les grands utilisateurs étaient plus susceptibles que les utilisateurs faibles ou modérés de se trouver dans le groupe des ménages à plus faible revenu (47,0 % contre 34,4 %). À 75 ans et plus, la différence entre les grands utilisateurs et utilisateurs faibles ou modérés n’était pas significative. Dans les deux groupes d’âge, les personnes n’ayant pas été hospitalisées étaient moins susceptibles de se trouver dans le groupe des ménages à plus faible revenu.

Les grands utilisateurs étaient plus susceptibles de ne pas avoir de conjoint que les utilisateurs faibles ou modérés. De plus, entre 50 et 74 ans, les personnes ayant un conjoint étaient moins susceptibles d’avoir été admises à l’hôpital.

Le fait d’être en fin de vie était fortement lié à une grande utilisation des services hospitaliers. Parmi les grands utilisateurs, 20,5 % de ceux âgés de 50 à 74 ans et 26,7 % de ceux âgés de 75 ans et plus sont décédés dans l’année suivant l’hospitalisation. Dans le cas des utilisateurs faibles ou modérés, ces chiffres étaient de 4,9 % et de 11,3 %, respectivement. Parmi les personnes n’ayant pas été hospitalisées, le fait d’être en fin de vie était rare (0,2 % pour les personnes de 50 à 74 ans et 1,0 % pour les personnes de 75 ans et plus).

Comme on pouvait s’y attendre, les problèmes de santé chroniques étaient plus fréquents parmi les grands utilisateurs, mais peu de différences statistiquement significatives ont été observées.

L’inactivité physique était plus fréquente chez les grands utilisateurs que chez les utilisateurs faibles ou modérés et moins commune chez les personnes n’ayant pas été hospitalisées.

Aucune différence statistiquement significative n’était apparente entre les grands utilisateurs et les utilisateurs faibles ou modérés pour ce qui est des catégories d’IMC. Toutefois, le pourcentage de personnes âgées de 50 à 74 ans n’ayant pas été hospitalisées qui étaient en insuffisance pondérale (0,8 %) ou obèses (28,3 %) était considérablement inférieur. Ces associations n’ont pas été observées dans le groupe de personnes âgées de 75 ans et plus.

Dans les deux groupes d’âge, la prévalence des séjours à l’hôpital avec une comorbidité sérieuse (score de 1 à l’indice de comorbidité de Charlson) était plus élevée chez les grands utilisateurs que chez les utilisateurs faibles ou modérés. À 75 ans et plus, le transfert vers les soins de longue durée était plus fréquent chez les grands utilisateurs que chez les utilisateurs faibles ou modérés (19,7 % par rapport à 4,2 %).

Bien entendu, les caractéristiques sociodémographiques, la mauvaise santé et le comportement influant sur la santé ne sont pas indépendants. Lorsque les liens entre ces facteurs ont été pris en compte, certaines associations indiquant une cote exprimant le risque accru de grande utilisation par rapport à une utilisation faible ou modérée n’étaient plus significatives (tableaux 5 et 6). Pour d’autres associations, la taille de l’effet a été modifiée (généralement à la baisse). Néanmoins, les cotes exprimant le risque d’être un grand utilisateur des services hospitaliers demeuraient élevées parmi les personnes n’ayant pas de conjoint (modèle 2, tableaux 5 et 6). De façon similaire, le fait d’être en fin de vie, de souffrir d’un trouble neurologique, d’être inactif et d’avoir un score non nul de l’indice de comorbidité de Charlson (pour les personnes âgées de 50 à 74 ans) ainsi que le fait d’être transféré vers des soins de longue durée sont restés fortement associés à une grande utilisation.

Lorsque l’on a examiné les personnes hospitalisées par rapport à celles n’ayant pas été hospitalisées dans les modèles multivariés, de nombreuses associations ont persisté, bien que de manière quelque peu atténuée. En particulier, le fait d’être une femme continuait d’assurer une certaine protection contre les hospitalisations, tandis que le fait d’être en fin de vie, de souffrir d’incontinence, d’une cardiopathie, de diabète ou d’une maladie pulmonaire obstructive chronique, ou encore le fait de présenter un poids très faible ou très élevé et d’être inactif étaient tous des facteurs augmentant les risques d’être hospitalisé.

Principaux diagnostics

Chez les personnes âgées de 50 à 74 ans, les cinq principales causes d’hospitalisation des grands utilisateurs étaient les tumeurs, les maladies circulatoires, les maladies respiratoires, les maladies digestives et les blessures (tableau 7). Pour les utilisateurs faibles ou modérés, les maladies musculosquelettiques/des tissus conjonctifs et les maladies génito-urinaires se classaient parmi les cinq causes les plus communes, surpassant les maladies respiratoires et les blessures. De plus, l’ordre des causes différait entre les deux groupes.

Chez les personnes âgées de 75 ans et plus, les cinq principales causes d’hospitalisation des grands utilisateurs étaient les maladies circulatoires, les blessures, les symptômes et les signes non spécifiés, les maladies respiratoires et les tumeurs. Chez les utilisateurs faibles ou modérés, les principales causes étaient similaires, sauf que les maladies digestives et les maladies musculosquelettiques/des tissus conjonctifs remplaçaient les tumeurs et les symptômes et signes non spécifiés. Ici aussi, l’ordre relatif des causes différait entre les deux groupes.

Discussion

La présente analyse soutient les rapports de recherche antérieurs selon lesquels une petite fraction de la population représente une part importante des coûts et des ressources en matière de soins de santéNote 3Note 4Note 5Note 6Note 7Note 8Note 10Note 11Note 12Note 13Note 14. Les grands utilisateurs représentaient 0,5 % de la population âgée de 50 à 74 ans et 2,6 % de la population âgée de 75 ans et plus, mais ils avaient accumulé environ la moitié de tous les jours d’hospitalisation (45,6 % et 56,1 % respectivement) enregistrés pour les personnes de ces groupes d’âge, et chaque patient avait passé en moyenne deux mois à l’hôpital pendant l’année.

La maladie, bien sûr, est le déterminant fondamental de l’hospitalisation. Par définition, les grands utilisateurs sont en moins bonne santé que les utilisateurs faibles ou modérés et que les personnes qui ne sont pas hospitalisées. Les grands utilisateurs se sont révélés être plus susceptibles de déclarer avoir une santé passable ou mauvaiseNote 4Note 10, de souffrir de maladies qui entraînent un lourd fardeauNote 2Note 7Note 14Note 15Note 36 et d’avoir une mobilité réduite ou une incapacitéNote 10Note 36. Les données couplées de l’ESCC, de la BDCP et de la BCDM révèlent que les facteurs associés à une grande utilisation des services hospitaliers incluent le fait d’être en fin de vie, de souffrir de troubles neurologiques et d’avoir des scores supérieurs à l’indice de comorbidité de Charlson.

La capacité de déterminer quels patients étaient en fin de vie facilite l’interprétation des résultats. Peu d’études ont tenu compte du statut vital déterminé à partir des enregistrements de décès subséquentsNote 15, bien que certaines aient eu recours aux données sur les décès survenus à l’hôpitalNote 6Note 9, ou aux registres d’assuranceNote 3Note 7.

L’association entre les troubles neurologiques et la grande utilisation des services hospitaliers dans la présente étude est bien établieNote 3Note 6Note 12 et attendue, en raison des troubles cognitifs et de mobilité connexes qui peuvent freiner la récupération et compromettre les compétences nécessaires pour vivre de façon autonomeNote 17Note 37Note 38.

Puisque les chapitres de diagnostics à l’origine de l’hospitalisation dépendent en grande partie de l’âge de la population étudiéeNote 3Note 6Note 12, on s’attendait à observer certaines similitudes dans les principaux chapitres de la CIM pour lesquels les grands utilisateurs et les utilisateurs faibles ou modérés ont été hospitalisés. Les événements cardiovasculaires graves tels que les crises cardiaques se classent parmi les cinq premiers diagnostics pour les deux groupes. Les principaux diagnostics observés exclusivement chez les utilisateurs faibles ou modérés étaient des affections moins graves liées à l’âge, comme le remplacement d’articulations ou l’ablation de la vésicule biliaire, soit des événements nécessitant de courts séjours à l’hôpital.

Dans les analyses multivariées, le revenu du ménage n’était plus associé à une grande utilisation. L’hospitalisation peut être davantage influencée par l’« équité verticale », où les personnes plus malades, sans égard au revenu, étaient admises et séjournaient plus longtemps à l’hôpital, ce qui correspond à une tendance observée ailleursNote 2Note 15. Par ailleurs, pour les personnes âgées, dont beaucoup sont à la retraite, il est possible que revenu actuel ne soit pas un indicateur fiable du statut socioéconomique.

En revanche, cette analyse corrobore le facteur de protection lié au fait d’avoir un conjointNote 6Note 39Note 40. Cette situation pourrait refléter un meilleur soutien social, une meilleure prise des médicaments ou observation du traitement, ou le fait de se rendre à l’hôpital en temps plus opportun.

Les transferts vers les soins de longue durée étaient associés indépendamment à une grande utilisation des services hospitaliers. On attribue principalement cette association à l’utilisation des services et aux dépensesNote 6Note 8Note 17Note 41. En particulier, les temps d’attente pour être transféré vers des soins de longue durée peuvent prolonger l’hospitalisation des patients qui sont incapables de retourner chez euxNote 41.

Le fait d’utiliser les données d’enquête nationales recueillies de façon systématique permet de tirer avantage de possibles mises à jour et suivis périodiques. Les variations observées dans les facteurs associés à l’absence d’hospitalisation par rapport à une grande utilisation ou à une utilisation faible ou modérée des services démontrent l’importance d’avoir des groupes de comparaison multiplesNote 42.

Limites

Les résultats de la présente analyse devraient être interprétés avec précaution.

L’étude a uniquement porté sur les soins de courte durée. Les résultats ne sont pas généralisables à d’autres types d’hospitalisation, comme les chirurgies d’un jour, ou à l’utilisation des services de santé en général. De plus, les données pour certaines variables liées à une grande utilisation n’ont pas été recueillies dans tous les cycles de l’ESCC. Par conséquent, ces variables n’ont pas pu être utilisées dans l’analyse, notamment la prise de médicaments et l’observation du traitement, l’incapacité et l’insécurité alimentaire. Les données de la BDCP pour la période à l’étude n’ont pas permis de distinguer de manière fiable un autre niveau de soins des soins de courte duréeNote 43.

Les différences dans la méthodologie appliquée à l’étudeNote 5et la généralisation limitée des résultats non canadiens dans un contexte canadien réduisent la possibilité de comparer ces résultats à ceux d’autres recherchesNote 11Note 36.

Pour accroître la puissance statistique, de nombreux cycles de l’ESCC ont été combinés, mais l’utilisation individuelle des services hospitaliers varie, c’est-à-dire que les personnes se trouvant dans les centiles supérieurs une année peuvent ne pas l’être une autre annéeNote 3Note 6Note 12Note 44.

L’ESCC repose sur des données autodéclarées ou sur des déclarations par procuration. Elle est donc sujette à des erreurs de déclaration; aucune source clinique indépendante n’était disponible pour vérifier l’exactitude des réponses

Les résultats concernent les adultes vivant dans des ménages privés. Les résidents des établissements de soins de longue durée, un groupe particulièrement susceptible d’être de grands utilisateurs des services hospitaliers, n’étaient pas admissibles à participer à l’ESCC, bien que certains participants qui avaient été transférés vers des soins de longue durée pendant la période de suivi aient été inclus.

Les participants à l’ESCC au Québec ont été exclus de l’étude parce que la BDCP ne contient pas de données du Québec. Dans le cas où des participants d’autres provinces étaient hospitalisés au Québec, leurs séjours à l’hôpital n’ont pas été enregistrés. En outre, après 2005, les hospitalisations en santé mentale de l’Ontario ont eu tendance à être signalées dans le Système d’information ontarien sur la santé mentaleNote 45, et non pas dans la BDCP.

Le couplage probabilistique a servi à apparier les enregistrements des enquêtes et ceux des hôpitaux. Il est possible que cela entraîne des couplages incorrects ou manqués.

Conclusion

Il s’agit de la première étude nationale basée sur la population d’utilisateurs des services hospitaliers de courte durée vivant dans la collectivité. L’analyse démontre l’importance de coupler les données provenant des hôpitaux et les données sur les décès à celles des enquêtes sur la santé de la population et ainsi d’examiner un large éventail de facteurs de risque. Les résultats fournissent un portrait global des facteurs associés à une grande utilisation des services hospitaliers chez les Canadiens âgés de 50 ans et plus. Le fait d’être en fin de vie, de souffrir de troubles neurologiques et d’être transféré vers des soins de longue durée s’est avéré prédictif d’une grande utilisation des services. Le fait d’avoir un conjoint et d’être actif s’est quant à lui révélé être protecteur. Une meilleure compréhension des caractéristiques propres aux grands utilisateurs peut éclairer les programmes visant à identifier les personnes à risque d’une grande utilisation et aider à élaborer des stratégies pour réduire le temps passé à l’hôpital.

Références
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