Tendances de la détention provisoire dans les services correctionnels pour adultes et de la détermination de la peine

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par Rebecca Kong et Valerie Peters

Les adultes accusés de crimes passent plus de temps en détention provisoire
Les peines de un mois ou moins représentent maintenant une plus forte proportion des peines privatives de liberté imposées par les juges
La proportion de peines de plus de un an varie peu
L'utilisation des peines de détention est en hausse pour certains types d'infractions
Résumé
Bibliographie
Notes

En un jour donné au Canada, le nombre d'adultes placés sous garde dans les établissements provinciaux et territoriaux en attente de leur procès ou de la détermination de leur peine dépasse celui des adultes purgeant une peine (graphique 1). Le nombre d'adultes admis en détention provisoire, c'est-à-dire placés sous garde avant leur procès ou le prononcé de leur sentence, n'a pas cessé d'augmenter au cours de la dernière décennie et demie, alors que le nombre de personnes mises en détention après condamnation a reculé (Landry et Sinha, 2008). Pendant la même période, il s'est aussi produit une augmentation du temps passé en détention provisoire par les adultes. Par contre, le temps passé en détention après condamnation a affiché un recul1.

Graphique 1
Les adultes en détention provisoire représentent la plupart des adultes détenus en milieu provincial ou territorial
Graphique 1 Les adultes en détention provisoire représentent la plupart des adultes détenus en milieu provincial ou territorial

Notes : En raison de données manquantes pour certaines années, l'Île-du-Prince-Édouard, les Territoires du Nord-Ouest et le Nunavut ont été exclus. Les autres types de détention temporaire ont été exclus. En 2005-2006, ils visaient 229 détenus. Le présent graphique exclut la détention en milieu fédéral.
Source : Statistique Canada, Centre canadien de la statistique juridique, Rapport sur les indicateurs clés pour adultes.

Le paragraphe 515(10) du Code criminel précise les circonstances dans lesquelles une personne peut être arrêtée, les procédures qui doivent être suivies lorsqu'il y a arrestation, ainsi que les facteurs dont les juges doivent tenir compte pour décider si une personne accusée d'un crime devrait être détenue ou libérée avant le règlement de sa cause par le tribunal.

Une personne accusée d'un crime peut être renvoyée en détention provisoire avant l'instruction de sa cause par le tribunal pour diverses raisons : il est démontré qu'elle risque de ne pas se présenter à la date fixée pour sa comparution; on estime qu'elle constitue un danger pour elle-même ou pour d'autres; ou la détention est nécessaire pour maintenir la confiance dans l'administration de la justice (par exemple, si la personne accusée risque de récidiver).

L'accroissement du nombre de personnes en détention provisoire et le roulement à l'intérieur de cette population peuvent avoir de nombreuses répercussions sur les services correctionnels : surpeuplement et augmentation des risques pour la sécurité du personnel et des détenus; croissance des coûts de transport, car plus de prisonniers doivent comparaître en cour; et hausse des dépenses de personnel étant donné qu'un plus grand nombre de prisonniers doivent être supervisés (Johnson, 2003).

À mesure que les causes des adultes en détention provisoire avancent dans le système de justice, le temps passé en détention provisoire peut influer sur le type et la durée des peines imposées à la suite d'un verdict de culpabilité car, tel qu'il est énoncé au paragraphe 719(3) du Code criminel, les juges peuvent prendre en considération le temps passé en détention provisoire dans la détermination de la peine. Bien que la Loi ne prévoie aucune formule mathématique pour calculer le crédit à accorder pour le temps passé en détention avant procès, la jurisprudence a permis d'établir qu'un crédit de deux mois est approprié (et courant) pour chaque mois passé en détention avant procès, mais que ce crédit peut varier selon les circonstances de la détention avant procès (Martin's Criminal Code, 2009). Un crédit « deux pour un » est considéré comme approprié pour tenir compte de la rigueur de la détention provisoire (La Reine c. Wust; La Reine c. Arrance; La Reine c. Arthurs). Les établissements de détention provisoire peuvent être surpeuplés; ils ont normalement un niveau de sécurité élevé; et ils n'offrent habituellement pas de programmes aux détenus. La jurisprudence indique également qu'il doit y avoir une justification en principe pour le refus d'accorder un crédit pour le temps passé (La Reine c. Rezaie; La Reine c. Mills; La Reine c. Doiron).

On examine, dans la présente analyse, les changements en matière de détermination de la peine qui se sont produits parallèlement à l'augmentation du nombre d'adultes et de la durée des séjours en détention provisoire. À l'heure actuelle, il n'existe aucune donnée sur la façon dont les juges appliquent les crédits pour le temps passé aux peines qu'ils imposent. Toutefois, les données indiquent que les peines infligées ont changé avec l'augmentation du recours à la détention provisoire. La présente analyse se fonde sur les données des tribunaux de juridiction criminelle pour adultes de 1996-1997 à 2006-2007 et sur les données du système correctionnel pour adultes de 1996-1997 à 2005-2006.

Les adultes accusés de crimes passent plus de temps en détention provisoire

Pendant la dernière décennie, la durée des périodes de détention provisoire a généralement augmenté, la proportion d'adultes mis en détention provisoire pour une semaine ou moins ayant baissé de 62 % à 54 % entre 1996-1997 et 2005-2006. Au cours de cette période, la proportion de ceux qui sont restés trois mois ou plus en détention provisoire est passée de 4 % à 7 %, et la durée médiane de la détention provisoire s'est accrue dans la plupart des provinces et des territoires (Landry et Sinha, 2008). Ce changement a des répercussions surtout sur les services correctionnels provinciaux et territoriaux, qui sont responsables des personnes en détention provisoire.

Les peines de un mois ou moins représentent maintenant une plus forte proportion des peines privatives de liberté imposées par les juges

Au cours de la même période de 10 ans, la durée des peines privatives de liberté purgées par des adultes a diminué. Les peines de moins de huit jours constituaient 27 % des peines en 2005-2006, comparativement à 14 % en 1996-1997.

Dans le cas des peines de un an ou moins, les données des tribunaux pour adultes dans huit secteurs de compétence indiquent qu'il s'est produit un glissement des peines plus longues (plus de 1 mois à 12 mois) aux peines plus brèves (1 mois ou moins).

En 1996-1997, chacune de ces deux catégories de durées représentaient environ 46 % de l'ensemble des peines de détention2. Une décennie plus tard, la proportion de peines plus brèves a atteint 55 % alors que la proportion de peines plus longues avait baissé pour s'établir à 37 % (graphique 2).

Graphique 2
Une proportion croissante des causes ayant donné lieu à la détention aboutissent à une peine d'emprisonnement de 1 mois ou moins, huit secteurs de compétence au Canada, 1994-1995 à 2006-2007
Graphique 2 Une proportion croissante de toutes les causes ayant donné lieu à la détention, aboutissent à une peine d'emprisonnement de un mois ou moins, huit secteurs de compétence au Canada, 1994-1995 à 2006-2007

Notes : Inclut les données de Terre-Neuve-et-Labrador, de l'Île-du-Prince-Édouard, de la Nouvelle-Écosse, du Québec, de l'Ontario, de la Saskatchewan, de l'Alberta et du Yukon. Exclut les causes pour lesquelles la durée de l'emprisonnement était inconnue. Cette durée était inconnue pour moins de 1 % des causes en 2006-2007, alors que le pourcentage correspondant pouvait atteindre 6 % en 2001-2002.
Source : Statistique Canada, Centre canadien de la statistique juridique, Enquête sur les tribunaux de juridiction criminelle pour adultes.

Les données laissent entendre que la tendance aux peines plus brèves a été dictée par l'évolution des peines imposées pour les crimes contre les biens, car ce sont ces crimes qui ont connu le changement de la durée des peines le plus marqué et qui représentent une forte proportion des causes (28 % de toutes les causes ayant donné lieu à un placement sous garde en 2006-2007). En 1996-1997, les peines plus longues ont été imposées dans la majorité (54 %) des causes de crimes contre les biens ayant abouti à un placement sous garde, et les peines plus brèves, dans 39 % d'entre elles (graphique 3). Toutefois, la proportion de causes ayant donné lieu à une peine plus brève s'est accrue au fil du temps, et depuis 2002-2003, elle est plus élevée que celle des causes où une peine plus longue a été imposée.

Graphique 3
Pour les crimes contre les biens, les peines d'emprisonnement de 1 mois ou moins sont devenues plus fréquentes que celles de plus de 1 mois à 12 mois, huit secteurs de compétence, 1994-1995 à 2006-2007
Graphique 3 Pour les crimes contre les biens, les peines d'emprisonnement de 1 mois ou moins sont devenues plus fréquentes que celles de plus de 1 mois à 12 mois, huit secteurs de compétence, 1994-1995 à 2006-2007

Notes : Inclut les données de Terre-Neuve-et-Labrador, de l'Île-du-Prince-Édouard, de la Nouvelle-Écosse, du Québec, de l'Ontario, de la Saskatchewan, de l'Alberta et du Yukon. Exclut les causes pour lesquelles la durée de l'emprisonnement était inconnue. Cette durée était inconnue pour moins de 1 % des causes en 2006-2007, alors que le pourcentage correspondant pouvait atteindre 5 % en 2001-2002.
Source : Statistique Canada, Centre canadien de la statistique juridique, Enquête sur les tribunaux de juridiction criminelle pour adultes.

Avant 1999-2000, la proportion de peines de détention plus longues qui ont été imposées pour des crimes contre la personne dépassait toujours celle des peines plus brèves (un mois ou moins). Toutefois, en 1999-2000, l'écart entre les deux a commencé à se rétrécir (graphique 4).

Graphique 4
Pour les crimes contre la personne, une proportion croissante de causes ayant donné lieu à la détention aboutissent à une peine d'emprisonnement de un mois ou moins, huit secteurs de compétence, 1994-1995 à 2006-2007
Graphique 4 Pour les crimes contre la personne, une proportion croissante de causes ayant donné lieu à la détention aboutissent à une peine d'emprisonnement de un mois ou moins, huit secteurs de compétence,  1994-1995 à 2006-2007

Notes : Inclut les données de Terre-Neuve-et-Labrador, de l'Île-du-Prince-Édouard, de la Nouvelle-Écosse, du Québec, de l'Ontario, de la Saskatchewan, de l'Alberta et du Yukon. Exclut les causes pour lesquelles la durée de l'emprisonnement était inconnue. Cette durée était inconnue pour moins de 1 % des causes en 2006-2007, alors que le pourcentage correspondant pouvait atteindre 6 % en 2001-2002.
Source : Statistique Canada, Centre canadien de la statistique juridique, Enquête sur les tribunaux de juridiction criminelle pour adultes.

Dans le cas des infractions contre l'administration de la justice, des autres infractions au Code criminel et des infractions à d'autres lois fédérales, on a aussi constaté une tendance à la hausse des peines de 1 mois ou moins et une tendance à la baisse des peines de plus de 1 mois à 12 mois. Seules les peines privatives de liberté pour des délits de la route prévus au Code criminel faisaient exception.

La proportion de peines de plus de un an varie peu

Les peines de détention de plus de un an, mais de moins de deux ans représentaient une petite proportion (environ 3 %) des peines privatives de liberté imposées par les juges. Cette proportion n'a pas beaucoup changé entre 1996-1997 et 2006-2007. Le nombre de causes dans lesquelles cette peine a été infligée variait d'une année à l'autre, la moyenne annuelle s'élevant à plus de 2 300 causes.

Pour environ 4 % des peines de détention imposées chaque année, la durée est de deux ans ou plus, ce qui signifie que les délinquants sont placés sous responsabilité fédérale. Alors que la proportion de peines comportant une période de détention dans un établissement fédéral est demeurée stable depuis 1996-1997, la durée de ces peines a affiché un recul — elle a baissé de 39,2 mois à 30,5 mois (graphique 5). Par conséquent, le recours accru à la détention provisoire et la prise en compte du temps déjà passé peuvent avoir moins d'incidence sur le nombre de délinquants condamnés à une peine dans un établissement fédéral et plus d'incidence sur la durée de ces peines imposées par les tribunaux.

Graphique 5
La durée médiane des peines de détention en milieu fédéral est en baisse, 1996-1997, 2001-2002 et 2005-2006
Graphique 5 La durée médiane des peines de détention en milieu fédéral est en baisse, 1996-1997, 2001-2002 et 2005-2006

Note : Les chiffres excluent les détenus purgeant une peine de durée indéterminée ou une peine d'emprisonnement à perpétuité.
Source : Statistique Canada, Centre canadien de la statistique juridique, Enquête sur les services correctionnels pour adultes.

L'utilisation des peines de détention est en hausse pour certains types d'infractions

Alors que la durée médiane des peines privatives de liberté a diminué, la fréquence à laquelle ces peines sont imposées est demeurée relativement stable, selon les données des tribunaux pour adultes de huit secteurs de compétence. Plus précisément, chaque année entre 1996-1997 et 2006-2007, environ 1 cause avec condamnation sur 3 a donné lieu à une peine de détention3.

Toutefois, derrière cette stabilité générale, on constate certaines variations pour ce qui est des diverses infractions. En effet, pour certaines infractions, comme la conduite avec facultés affaiblies, les voies de fait simples et le trafic de stupéfiants, le recours aux placements sous garde après condamnation a accusé une légère baisse pendant cette période. Pour d'autres, dont la tentative de meurtre, les infractions relatives aux armes, le vol, la possession de biens volés et certaines infractions sexuelles, l'utilisation des peines privatives de liberté s'est accrue.

À l'heure actuelle, les données ne nous permettent pas de déterminer dans quelle mesure la moins grande utilisation des peines privatives de liberté pour certaines infractions peut tenir à l'octroi de crédits équivalant à toute la période passée en détention provisoire. Cependant, le recours régulier et même accru à la détention pour certains types d'infractions, y compris les crimes violents, laisse entendre que la prise en compte du temps passé pourrait se traduire par une réduction de la période de détention lorsque la détention est justifiée, plutôt que par aucune période de détention après condamnation.

Résumé

Le recours accru à la détention provisoire et la durée plus longue des séjours en détention provisoire sont des questions auxquelles fait face le système de justice canadien sur plusieurs fronts, l'une étant l'impact que pourrait avoir cette tendance sur la détermination de la peine. Puisque le paragraphe 719(3) du Code criminel du Canada autorise les juges à considérer le temps passé en détention provisoire comme du temps déjà purgé et à rendre leurs décisions en conséquence, l'augmentation du recours à la détention provisoire et de la durée des séjours en détention provisoire a des répercussions pour le délinquant, la collectivité et le rendement du système de justice pénale.

Au cours de la période de 10 ans qui a débuté en 1996-1997, le nombre d'adultes en détention provisoire s'est accru, si bien qu'à la fin de cette période, le nombre d'adultes en détention provisoire dépassait celui des détenus condamnés en milieu provincial ou territorial. La durée de la détention provisoire a aussi augmenté pendant cette période.

En même temps, la proportion d'adultes condamnés à une peine de détention a progressé pour certaines infractions et a reculé pour d'autres, de sorte que l'utilisation globale des peines privatives de liberté par les juges a peu changé. Toutefois, la durée des peines de détention a diminué. À l'échelon des provinces et des territoires, les peines de un mois ou moins représentaient plus de la moitié de toutes les peines privatives de liberté en 2006-2007, comparativement à 47 % une décennie auparavant. À l'échelon fédéral, où sont surveillés les détenus purgeant une peine de 24 mois ou plus, le temps médian purgé a fléchi.

Dans la présente analyse, on a établi des parallèles entre les tendances de la détention provisoire et celles de la détermination de la peine afin d'élargir les connaissances sur la question du plus grand recours à la détention provisoire au Canada. Il faudra faire une analyse plus poussée pour confirmer les liens entre cette utilisation accrue et les tendances de la détermination de la peine.

Bibliographie

Landry, Laura, et Maire Sinha. 2008. « Les services correctionnels pour adultes au Canada, 2005-2006 », Juristat, produit no  85-002 au catalogue de Statistique Canada, vol. 28, no  6.

Johnson, Sara. 2003. « La détention provisoire au Canada, 1986-1987 à 2000-2001 », Juristat, produit no  85-002 au catalogue de Statistique Canada, vol. 23, no  7.

R. c. Arrance, (2000) 1 R.C.S. 488.

R. c. Arthurs, (2000) 1 R.C.S. 481.

R. c. Doiron, (2005) 194 C.C.C. (3d) 468.

R. c. Rezaie, (1996), 112 C.C.C. (3d) 97.

R. c. Mills, (1999), 133 C.C.C. (3d) 451.

R. c. Wust, (2000), 1 R.C.S., 455.

Notes

  1. Les facteurs qui pourraient avoir entraîné la hausse de la détention provisoire sont explorés dans d'autres études analytiques (Johnson, 2003; Landry et Sinha, 2008).
  2. Il convient de mentionner que, parmi les causes qui ont donné lieu à une peine de plus de 1 mois à 12 mois, environ la moitié ont entraîné une peine de plus de 1 mois à 3 mois.
  3. Les tendances du recours à la détention ne devraient pas être examinées pour la période antérieure à 1997-1998, qui est la première année pour laquelle on dispose de données complètes sur les condamnations avec sursis, une nouvelle peine à purger dans la collectivité établie en 1996-1997. Dans le cadre d'une condamnation avec sursis, le délinquant purge une peine d'emprisonnement dans la collectivité, qui est assortie de conditions bien précises. Ces conditions sont normalement plus strictes que les conditions de la probation, et si elles sont enfreintes, la condamnation avec sursis peut être révoquée et le délinquant, admis en détention après condamnation.

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