Tendances du signalement des incidents de victimisation criminelle à la police, 1999 à 2009

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par Maire Sinha

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Début du texte

Il est important d’observer les changements dans la volonté des victimes et des témoins de signaler un incident à la police pour comprendre et contextualiser les données sur les crimes déclarés par la police, de même que pour fournir un indicateur indirect de la confiance des Canadiens à l’égard du système de justice pénale. À l’échelle internationale, on constate un intérêt accru concernant les taux de signalement à la police (Tarling et Morris, 2010). On a remarqué que les coûts des incidents non signalés peuvent avoir de nombreuses conséquences, tant pour les victimes que pour l’ensemble de la société (Tarling et Morris, 2010). Le fait de ne pas signaler un incident peut signifier que les victimes n’ont pas accès aux services dont elles ont besoin, notamment aux services de police ou à ceux relevant des tribunaux. À l’échelon de la société, l’auteur présumé peut récidiver et le système de justice pénale ne dissuade peut-être pas les autres de commettre des incidents (Bosick et autres, 2012; Tarling et Morris, 2010).

Les enquêtes sur la victimisation auprès de la population permettent de recueillir des renseignements sur les expériences de victimisation autodéclarées, et ce, peu importe si l’incident est porté à l’attention de la police. Par conséquent, elles peuvent fournir un indicateur des taux de signalement à la police. Au Canada, l’Enquête sociale générale (ESG) sur la victimisation, menée tous les cinq ans, constitue la principale source de données pour mesurer les expériences de victimisation criminelle autodéclarées et les comportements en matière de signalement (voir l’encadré 1). Les améliorations apportées à cette enquête au fil des ans ont augmenté la possibilité de faire le suivi des changements dans les tendances de signalement des incidents fortement sous-déclarés, comme les incidents de violence conjugale et d’agression sexuelle.

À l’aide des données tirées des cycles de 1999, 2004 et 2009 de l’ESG sur la victimisation, la première partie du présent Juristat permet d’explorer les tendances de signalement des incidents à la police au fil du temps et de faire ressortir les différences entre les infractions et entre les provinces. Dans la deuxième partie, on présente des statistiques descriptives sur les facteurs ayant une incidence sur la décision de signaler un incident à la police ainsi que tout changement concernant ces facteurs. On analyse plus particulièrement cinq indicateurs clés, dont l’incidence sur le signalement à la police a été démontrée : 1) les caractéristiques de la victime, 2) le lien de la victime avec l’auteur présumé, 3) la gravité des incidents de victimisation criminelle, 4) les raisons des victimes de signaler ou de ne pas signaler l’incident à la police et 5) les contacts de la victime avec la police et le niveau de confiance qu’elle accorde à cette dernière.

Les données sur la victimisation criminelle non liée à la violence conjugale reposent sur les incidents survenus au cours des 12 mois ayant précédé l’enquête. Les données concernant la violence conjugale, toutefois, se rapportent aux expériences de victimisation avec violence ayant été subies au cours des cinq années précédentes afin de faciliter l’obtention d’estimations fiables à des niveaux inférieurs de désagrégation.

Début de l'encadré

Encadré 1
Enquête sociale générale sur la victimisation

L’Enquête sociale générale (ESG) sur la victimisation est une enquête-échantillon menée auprès des Canadiens de 15 ans et plus. Elle exclut les personnes vivant en établissement (p. ex. en établissement de soins de longue durée et en prison) et celles qui ne parlent ni le français ni l’anglais, ainsi que les ménages sans service téléphonique par ligne terrestre ou qui utilisent seulement un téléphone cellulaire.

Une composante de l’enquête porte sur les expériences de victimisation des Canadiens au cours des 12 mois précédents. Huit types d’infractions sont saisis, dont trois incidents violents (les voies de fait, l’agression sexuelle et le vol qualifié) et cinq incidents sans violence (l’introduction par effraction, le vol de véhicules à moteur ou de leurs pièces, le vol de biens du ménage, le vandalisme et le vol de biens personnels). Pour chaque incident, les répondants doivent préciser si l’incident a été signalé ou non à la police.

Tableau de l'encadré
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Tableau de l'encadré. Les données sont présentées selon Type de victimisation (titres de rangée) et Description(figurant comme en-tête de colonne).
Type de victimisation Description
Victimisation avec violence  
Agression sexuelle Activité sexuelle forcée, tentative d’activité sexuelle forcée, ou attouchements sexuels, agrippement, baisers ou caresses non désirés.
Vol qualifié Vol ou tentative de vol dans lequel l’auteur a une arme ou dans lequel il y a des actes de violence ou des menaces de violence contre la victime.
Voies de fait Attaque (victime frappée, giflée, empoignée, poussée par terre ou battue), menace de préjudices physiques proférés face à face ou incident dans lequel une arme est présente.
Victimisation sans violence

Victimisation des ménages
 
Introduction par effraction Introduction illégale ou tentative d’introduction illégale dans une résidence ou un autre bâtiment sur le terrain de la victime.
Vol de véhicules à moteur ou de leurs pièces Vol ou tentative de vol d’une auto, d’un camion, d’une fourgonnette, d’une motocyclette, d’un cyclomoteur ou d’un autre véhicule, ou encore des pièces d’un véhicule à moteur.
Vol de biens du ménage Vol ou tentative de vol de biens appartenant au ménage, comme des spiritueux, des bicyclettes, du matériel électronique, des outils ou des appareils ménagers.
Vandalisme Endommagement intentionnel de biens personnels ou de biens du ménage.
Vol de biens personnels Vol ou tentative de vol de biens personnels, comme de l’argent, des cartes de crédit, des vêtements, des bijoux, des sacs à main ou des portefeuilles. (Contrairement au vol qualifié, l’auteur ne confronte pas sa victime.)

Outre ces huit types d’infractions, l’ESG sur la victimisation contient un module spécial sur la violence conjugale, qui permet de saisir des renseignements détaillés sur la dynamique de la violence dans les relations conjugales et les unions libres. Les Canadiens ayant eu des contacts avec un conjoint ou une conjointe au cours des cinq années précédant la tenue de l’enquête devaient répondre à une série de questions sur la violence aux mains de leur conjoint actuel ou conjointe actuelle et/ou de leurs ex-conjoints et ex-partenaires en union libre. Les questions portent sur l’ensemble des expériences de victimisation conjugale et sur le signalement à la police, plutôt que sur des incidents de violence précis.

La collecte de données sur la violence conjugale dans le cadre de l’ESG est faite différemment de celle sur la violence non conjugale. Dans le cas de la violence conjugale, on pose de nombreuses questions à la victime sur l’ensemble de ses expériences de victimisation conjugale, plutôt que sur des incidents de violence précis. Par conséquent, la victime est l’unité de dénombrement. En revanche, dans le cas de la victimisation non conjugale, l’enquête permet de saisir plusieurs incidents de victimisation distincts subis par une seule victime. L’unité de dénombrement pour la victimisation non conjugale est généralement l’incident criminel plutôt que la victime.

Fin de l'encadré

Taux de signalement à la police

Un tiers des incidents de victimisation sont signalés à la police

Une certaine proportion d’incidents criminels ne viennent jamais à l’attention du système de justice pénale; ils constituent le « côté sombre » de la criminalité. Selon les données de l’ESG de 2009, environ le tiers des incidents de victimisation autodéclarés sont signalés à la police, bien qu’il y ait des écarts importants selon le type de victimisation (tableau 1). L’introduction par effraction ainsi que le vol de véhicules à moteur ou de leurs pièces ont affiché les plus hauts taux de signalement à la policeNote 1. En effet, plus de la moitié de ces incidents ont été portés à l’attention de la police (54 % des introductions par effraction et 50 % des vols de véhicules à moteur ou de leurs pièces). Le taux de signalement était même plus élevé dans le cas des vols réussis de véhicules à moteur (excluant le vol de pièces de véhicules à moteur), qui s’établissait à 90 %.

En revanche, les agressions sexuelles commises par une personne autre que le conjoint sont rarement signalées à la police, ce qui en fait l’infraction ayant le niveau de sous-déclaration le plus élevé. Environ 9 agressions sexuelles sur 10 (88 %) commises par un agresseur autre que le conjoint ne sont jamais signalées à la police. La sous-déclaration était la plus prononcée pour ce qui est des attouchements sexuels, 93 % de ces incidents n’ayant pas été signalés à la police. Par comparaison, 64 % des agressions sexuelles commises par une personne autre que le conjoint n’ont jamais été portées à l’attention de la police.

D’autres types d’infractions criminelles pouvant présenter divers niveaux de signalement ne sont pas visés par l’ESG. Par exemple, on reconnaît à l’échelle internationale que les affaires d’homicide sont plus souvent signalées, une proportion beaucoup plus élevée de ces affaires étant portées à l’attention de la police (Nivette 2011).

Le signalement des incidents de violence non conjugale à la police demeure stable, mais celui des incidents de victimisation sans violence diminue

Les formes non-conjugales d’incidents de violence étaient tout aussi susceptibles d’être portés à l’attention de la police en 2009 qu’ils ne l’étaient 10 ans plus tôt (tableau 1)Note 2. En revanche, un moins grand nombre d’incidents de victimisation sans violence ont été signalées à la police en 2009 par rapport aux années précédentes. Entre 1999 et 2009, le taux de signalement des crimes contre les ménagesNote 3 a diminué, passant de 44 % à 36 % (tableau 1).

Les introductions par effraction et les vols de véhicules à moteur ou de leurs pièces, soit les deux types de victimisation ayant les taux de signalement les plus élevés, ont enregistré certains des plus importants reculs; ils ont diminué de 8 et de 10 points de pourcentage, respectivement. Les taux de signalement de vols de biens du ménage et de biens personnels ont également diminué. Seul le taux de signalement à la police de vandalisme est demeuré stable au cours de la période de 10 ans, bien que le niveau de signalement ait augmenté en 2009, après avoir fléchi en 2004.

On observe une baisse du signalement de la violence conjugale à la police

La violence conjugale a inscrit un des niveaux de signalement les plus faibles, moins du quart (22 %) des victimes de violence conjugale en 2009 ayant indiqué que les incidents avaient été portés à l’attention de la policeNote 4. De plus, en 2009, les victimes de violence conjugale étaient moins susceptibles de mentionner qu’elles avaient signalé l’incident à la police qu’elles ne l’étaient 5 ans et 10 ans plus tôt. Plus précisément, le signalement de la violence conjugale a diminué, passant de 27 % en 2004 à 22 % en 2009, après une période de stabilité entre 1999 et 2004 (graphique 1).

Graphique 1

Description du graphique 1

Outre la police, les victimes de violence conjugale peuvent recourir à d’autres sources officielles de soutien, comme les centres de crise, les conseillers, les refuges ou d’autres services aux victimes. Comme pour le signalement à la police, les victimes de violence conjugale étaient moins susceptibles de recourir aux services officiels en 2009 comparativement aux années précédentes. Néanmoins, en 2009, les victimes de violence conjugale étaient tout aussi susceptibles de parler de leur expérience de victimisation conjugale avec les membres de la famille, les amis et les voisins qu’elles ne l’étaient au cours des années précédentes.

Les taux de signalement à la police sont semblables dans l’ensemble des provinces

Les taux de signalement des incidents de victimisation avec violence varient peu d’une région à l’autre, les provinces de l’Atlantique, le Québec, l’Ontario, les provinces des Prairies et la Colombie-Britannique ayant tous affiché des taux semblables. Cela était le cas tant pour la violence non conjugale, que pour la violence conjugale (tableau 2). De plus, aucune région n’a observé de changement statistiquement significatif dans les taux de signalement de violence non conjugale entre 1999 et 2009.

Pour ce qui est de la violence conjugale, la diminution du signalement à l’échelle nationale était largement attribuable à l’Ontario. Dans cette province, la proportion de victimes de violence conjugale ayant indiqué avoir signalé l’incident à la police a diminué de 11 points de pourcentage au cours de la période de 10 ans.

Le signalement à la police de la victimisation des ménages était semblable dans l’ensemble du Canada. Au Québec, le taux de signalement était plus élevé (41 %) tandis que le signalement des vols de biens personnels (22 %) était significativement plus bas que la moyenne nationale de 28 %. Des reculs au chapitre du signalement des crimes contre les ménages et des vols de biens personnels ont été observés dans presque toutes les régions. Les seules exceptions étaient le Québec, pour ce qui est des crimes contre les ménages, et les provinces de l’Atlantique et la Colombie-Britannique, en ce qui a trait aux vols de biens personnels, où l’on n’a observé aucun changement statistiquement significatif dans les taux de signalement.

Début de l'encadré

Encadré 2
Taux internationaux de signalement à la police de types particuliers d’infractions

En plus de mener l’Enquête sociale générale sur la victimisation, le Canada a pris part à l’Étude internationale sur les victimes de la criminalité (EIVC). Le plus récent cycle de l’enquête a été réalisé en 2004-2005 dans 30 pays. Dans le cadre de l’enquête, on a recueilli des renseignements autodéclarés auprès de résidents de 30 pays sur leur expérience quant à la victimisation criminelle et au signalement à la police. Au moyen d’un questionnaire standard et de procédures et de techniques d’enquête servant à obtenir des résultats, l’EIVC a permis de relever le défi de comparer les données sur la victimisation de divers pays (Sauvé et Hung, 2008).

Selon un taux de signalement combiné de cinq types d’infractions (vol dans une voiture, vol de bicyclette, introduction par effraction, tentative d’introduction par effraction, vol de biens personnels), le Canada s’est classé légèrement en dessous de la moyenne internationale (Sauvé et Hung, 2008). Plus précisément, 48 % des victimes canadiennes ont signalé ces incidents à la police, par rapport à la moyenne de 53 % dans les 30 pays participants (graphique de l’encadré). Les taux de signalement les plus élevés parmi les pays participants on été observés en Autriche et en Belgique, s’établissant à 70 % et 68 %, respectivement.

Dans le cadre de l’enquête, on a égalemant demandé aux victimes d’introduction par effraction d’indiquer les raisons de ne pas avoir signalé l’incident à la police. La raison la plus souvent mentionnée était que l’incident n’était pas assez important (34 %), venaient ensuite la conviction que la police n’aurait pu rien faire (21 %) ou que la police ne ferait rien (20 %) (Van Dijk et autres, 2007).

Graphique de l'encadré

Description du graphique de l'encadré

Fin de l'encadré

Comprendre les tendances du signalement à la police

Les incidents de victimisation criminelle peuvent être signalés à la police de diverses façons. Les victimes peuvent signaler l’incident elles-mêmes; les témoins, les membres de la famille ou les amis peuvent communiquer avec la police; ou la police peut constater directement l’acte criminel. De façon générale, lorsque les incidents sont signalés, ce sont les victimes qui sont les plus susceptibles de porter les incidents de victimisation criminelle à l’attention de la police. En 2009, 65 % des incidents de violence non conjugale portés à l’attention de la police ont été signalés par la victime. Cela était le cas de 69 % des victimes de violence conjugale, de 73 % des incidents de victimisation des ménages et de 67 % des vols de biens personnels.

Par conséquent, les tendances au fil du temps du signalement des incidents à la police sont principalement attribuables à la volonté des victimes de signaler les incidents à la police, plutôt qu’aux comportements des autres personnes. À titre d’exemple, de 1999 à 2009, le taux de signalement des incidents de violence conjugale par les victimes a diminué, passant de 19 % à 15 %, de même que les taux de signalement de la victimisation des ménages et du vol de biens personnels, qui sont passés respectivement de 34 % à 27 % et de 26 % à 19 %. Au cours de la même période, on n’a observé aucun changement en ce qui a trait aux autres modes de signalement (c.-à-d. les témoins, la détection par la police).

Le signalement des incidents de victimisation criminelle à la police nécessite de tenir compte d’une série de facteurs, tout en pesant à la fois les coûts et les avantages. Les caractéristiques de la victime et son lien avec l’auteur présumé, de même que la gravité et les circonstances du crime, peuvent influer sur la probabilité que le crime sera signalé. Les motifs personnels de la victime pour ce qui est de signaler l’incident à la police ou de régler l’incident d’une autre façon sont étroitement liés. Toute décision peut aussi dépendre des contacts précédents de la victime avec la police et de la confiance qu’elle lui accorde.

Caractéristiques sociodémographiques des victimesNote 5

Le signalement de la violence non conjugale à la police est plus fréquent chez les victimes plus âgées

Le sexe et l’âge de la victime peuvent avoir une incidence sur le signalement à la police. Toutefois, dans le cas de la violence non conjugale, la police était tout aussi susceptible de prendre connaissance des incidents dans lesquels la victime était de sexe féminin, que des incidents dans lesquels la victime était de sexe masculin. Cela était vrai en 2009, ainsi que 10 ans plus tôt.

Bien que le sexe de la victime n’ait rien à voir avec le signalement de la violence non conjugale à la police, l’âge de la victime joue un rôle dans le fait de signaler les incidents de victimisation avec violence non conjugale. À l’instar des recherches antérieures sur les tendances du signalement durant tout le cycle de vieNote 6, les incidents de violence non conjugale commis contre de jeunes victimes étaient moins souvent signalés que ceux perpétrés contre des victimes plus âgées. En 2009, environ le quart (24 %) des incidents violents commis contre des victimes de 15 à 34 ans ont été signalés à la police, par rapport à environ 39 % des incidents envers les victimes âgées de 35 ans et plus. Bien que l’ampleur de la disparité selon l’âge ait fluctué au fil du temps, les incidents commis contre les plus jeunes victimes sont toujours moins susceptibles d’être portés à l’attention de la police, malgré le fait que les taux de violence non conjugale sont supérieurs dans ce groupe.

Au fil du temps, les taux de signalement de la violence non conjugale sont demeurés stable à la fois chez les femmes et chez les hommes, et également parmi les victimes de tout âge. Le profil des victimes de violence non conjugale est aussi demeuré inchangé. Les incidents de violence non conjugale continuent d’être légèrement plus susceptibles de viser des hommes (54 %) et beaucoup plus susceptibles d’être commis envers une victime de moins de 35 ans (dans une proportion de plus de 60 %).

La baisse du signalement de la violence conjugale est attribuable aux victimes de sexe féminin

Contrairement à la victimisation avec violence non conjugale, on constate des différences significatives entre les femmes et les hommes pour ce qui est du signalement des incidents de victimisation conjugale à la police. En 2009, le taux de signalement chez les victimes de sexe féminin se chiffrait à plus du double de celui observé chez les victimes de sexe masculin (30 % par rapport à 13 %). Les taux de signalement selon l’âge ont suivi une tendance semblable à ceux de la violence non conjugale, les victimes plus jeunes de violence conjugale ayant affiché de plus faibles taux de signalement à la police.

En raison du taux beaucoup plus élevé de signalement chez les femmes, la diminution des taux de signalement de la violence conjugale globale était surtout attribuable à un recul des taux de signalement de la violence conjugale faite aux femmes. En 2009, 30 % des victimes de sexe féminin ont indiqué que la violence conjugale commise à leur endroit avait été signalée à la police, soit une diminution par rapport à 36 % observé en 2004 et en 1999. Cette baisse a été constatée chez les femmes de tout âge.

Une diminution semblable du signalement à la police ne s’est pas manifestée chez les victimes de violence conjugale de sexe masculin, le signalement étant demeuré relativement stable au cours de la même décennie. Cette absence de changement reflète les tendances du signalement à la police chez les hommes de moins de 35 ans, puisque le taux de signalement a augmenté chez les victimes de sexe masculin de 35 ans et plus, passant de 21 % en 2004 à 30 % en 2009.

À part le sexe et l’âge, les recherches antérieures fondées sur l’ESG ont donné des résultats variables concernant le lien entre les autres caractéristiques sociodémographiques et le signalement à la police (Sinha, 2013). À titre d’exemple, on a constaté que des niveaux de scolarité et des revenus plus faibles sont liés à des taux plus élevés de signalement de la violence non conjugale, mais pas de la violence conjugale.

Gravité des incidents

Les taux de signalement de la violence non conjugale augmentent en fonction de la gravité des incidents

Les recherches antérieures ont permis de constater que la gravité accrue d’une infraction augmente le recours à la police (Tarling et Morris, 2010; Goudriaan et autres, 2006; Skogan, 1994). Cela est aussi le cas pour l’ESG, peu importe le type de victimisation.

Pour ce qui est de la violence non conjugale, les indicateurs traditionnels de la gravité sont notamment la gravité des blessures subies par la victime, l’utilisation d’une arme et l’implication de plusieurs auteurs présumés. Selon les résultats de l’ESG de 2009, le taux de signalement à la police des incidents de violence non conjugale ayant entraîné des blessures corporelles s’élevait à 40 % en 2009, soit un taux environ 1,5 fois supérieur à celui des incidents n’ayant entraîné aucune blessure (27 %) (graphique 2). On a constaté une différence encore plus significative pour ce qui est des taux de signalement des incidents dans lesquels une arme a été utilisée. Plus de la moitié (54 %) des incidents dans lesquels une arme a été utilisée, que ce soit un couteau, une arme à feu ou un autre type d’arme, ont été portés à l’attention de la police en 2009. Ce taux correspondait à près de trois fois le taux de signalement des incidents violents n’ayant impliqué aucune arme (19 %).

Graphique 2

Description du graphique 2

Les incidents mettant en cause plusieurs auteurs présumés sont également plus susceptibles d’être signalés à la police. Lorsque plusieurs auteurs étaient impliqués, le taux de signalement était près de 2,5 fois supérieur à celui des incidents commis par un seul auteur (49 % par rapport à 20 %)Note 7.

La relation qui existe entre le signalement d’un incident à la police et la gravité de l’incident reflète celle observée 10 ans auparavant et confirme le fait que la gravité accrue de la victimisation avec violence non conjugale est liée à un taux plus élevé de signalement à la police. De ce fait, toute variation de la gravité des incidents peut avoir une incidence sur les taux de signalement.

En effet, les trois mesures de la gravité des incidents liés au signalement à la police — les blessures corporelles, l’utilisation d’une arme et l’implication de plusieurs auteurs présumés — sont demeurées inchangées au fil du temps, ce qui coïncide avec l’absence de changement dans les taux de signalement à la police. Entre 1999 et 2009, il n’y a pas eu de changement important dans la probabilité de blessure corporelle, 1 victime sur 5 ayant indiqué avoir été blessée lors d’un incident de violence non conjugale. De même, l’utilisation d’une arme dans la perpétration d’un incident de victimisation avec violence est restée stable, une arme ayant été utilisée dans environ le quart de tous les incidents de violence non conjugale. En outre, les infractions avec violence ont continué d’être commises principalement par un seul auteur présumé, soit dans environ les trois quarts de tous les incidents de violence non conjugale.

L’interruption des activités quotidiennes contribue à l’augmentation du signalement à la police

La réaction émotionnelle d’une victime à son expérience de victimisation peut être un autre facteur important pour ce qui est du signalement à la police. En général, des conséquences psychologiques accrues, comme le sentiment de colère, de dépression ou de crainte, étaient liées à une probabilité plus élevée de signalement. Parmi les victimes de violence non conjugale qui ont exprimé avoir subi certaines conséquences psychologiques, 33 % ont dit que l’incident avait été signalé à la police en 2009. Cela se compare à la proportion de 13 % des victimes qui ont signalé l’incident, malgré le fait qu’elles aient indiqué que les conséquences étaient négligeables.

De même, l’interruption des activités quotidiennes était plus étroitement liée au signalement des incidents. En 2009, les victimes qui trouvaient difficile ou impossible de vaquer à leurs activités quotidiennes étaient deux fois plus susceptibles que les autres de répondre que l’incident avait été signalé à la police (44 % par rapport à 23 %).

Il n’y a eu aucun changement dans la proportion de victimes de violence non conjugale ayant indiqué des conséquences psychologiques ou une interruption de leurs activités quotidiennes entre 1999 et 2009.

Le recul de la gravité de la violence conjugale reflète la diminution du signalement à la police

La gravité des infractions occupe aussi une place importante dans le signalement de la violence conjugale à la police. En 2009, plus de la moitié des victimes des formes les plus graves de violence conjugale ont indiqué que la police avait été appelée, dont 49 % des victimes qui ont été agressées sexuellement et 55 % des victimes qui ont été battues, étranglées ou agressées à l’aide d’une arme. En comparaison, 13 % des victimes ayant subi des formes moins graves de violence conjugale, notamment le fait d’avoir été poussées, empoignées, bousculées ou giflées, ont signalé l’incident à la police. Ces tendances de signalement reflètent celles observées en 1999 et en 2004.

Les blessures corporelles augmentent aussi la probabilité de faire appel à la police, en particulier si les blessures nécessitent des soins médicaux. En 2009, 65 % des victimes de violence conjugale ayant subi des blessures nécessitant des soins médicaux ont mentionné que la police avait été prévenue, comparativement à 38 % des victimes ayant subi des blessures corporelles ne nécessitant aucun soin médical, et à 13 % des victimes n’ayant subi aucune blessure corporelle. De même, les taux de signalement à la police étaient plus élevés chez les victimes de violence conjugale ayant affirmé qu’elles avaient subi des conséquences psychologiques et qui craignaient pour leur vie en raison de l’incident.

Certaines données laissent entendre que la gravité des incidents de violence conjugale a diminué, ce qui reflète le recul des taux de signalement de la violence conjugale à la police. La proportion de victimes ayant subi les formes les plus graves de violence a diminué. En effet, un moins grand nombre de victimes ont été battues, étranglées ou menacées à l’aide d’une arme en 2009 (15 %) que 10 ans plus tôt (19 %) (graphique 3). Par ailleurs, les formes les moins graves de violence conjugale sont devenues plus courantes, les menaces ayant augmenté de 13 % à 18 % de l’ensemble des victimes de violence conjugale. Ces tendances étaient principalement attribuables aux tendances de la victimisation avec violence conjugale envers les femmes.

Graphique 3

Description du graphique 3

En outre, les victimes de violence conjugale en 2009 étaient également moins susceptibles de dire que la violence n’avait pas eu de conséquences psychologiques sur elles (12 % par rapport à 19 % en 1999) et moins sujettes à dire qu’elles craignaient pour leur vie (19 % par rapport 24 %). Toutefois, il n’y a eu aucun changement dans la gravité des blessures en 2009, comparativement à 2004 et à 1999.

Les crimes contre les ménages ayant entraîné une plus grande perte financière sont plus souvent signalés

La gravité d’un incident de victimisation sans violenceNote 8 peut être mesurée en examinant les coûts tangibles et intangibles associés à ce type de victimisation. La perte matérielle représente une mesure des coûts tangibles des crimes contre les ménages et peut être quantifiée en fonction de la valeur des biens volés ou endommagés. En règle générale, plus la perte financière était importante, plus la probabilité de signaler le crime contre les biens à la police était élevée. En 2009, environ 7 incidents contre les ménages sur 10 constituant une perte financière d’au moins 1 000 $ ont été signalés à la police. Cette proportion atteignait 90 % lorsque la perte totalisait 5 000 $ et plus. En comparaison, 27 % des incidents ayant donné lieu à une perte de moins de 500 $ ont été signalés à la police.

La perte financière, indicatrice de la gravité, est aussi étroitement liée aux raisons pragmatiques du signalement. Il faut souvent un rapport de police pour obtenir une indemnisation qui couvre le coût de la perte matérielle, et le rapport peut être déposé seulement si la valeur des biens volés ou endommagés est supérieure au montant de la franchise de l’assuranceNote 9. Selon les résultats de l’ESG de 2009, le taux de signalement à la police était plus élevé quand la victime avait une assurance (39 % par rapport à 24 % sans assurance), la probabilité que l’incident soit signalé ayant augmenté lorsqu’une demande de règlement était présentée. Plus précisément, on estime que 84 % des crimes contre les ménages ayant mené à une demande de règlement ont été signalés à la police. Cette proportion est près de trois fois supérieure au taux de signalement lorsqu’aucune demande de règlement n’a été déposée (29 %).

De plus, les incidents autodéclarés d’introduction par effraction étaient généralement plus susceptibles d’être signalés à la police que les incidents de tentative d’introduction par effraction. En 2009, 58 % des introductions par effraction qui se sont produites ont été signalées à la police, par rapport à 43 % des tentatives d’introduction par effraction. Toutefois, la réussite du crime n’avait aucune incidence sur le signalement à la police des vols de véhicules à moteur ou des vols de biens du ménage.

On observe un recul dans le signalement des incidents ayant entraîné des pertes financières plus importantes

Après correction pour tenir compte de l’inflation, la probabilité de signaler un crime contre les ménages ayant entraîné une perte financière de 1 000 $ et plus a diminué, passant de 84 % en 1999 à 68 % en 2009Note 10. Des recherches semblent indiquer qu’une augmentation du niveau de vie réduit la valeur réelle des objets volés au fil du temps (Tarling et Morris, 2013), ce qui peut diminuer la tendance des victimes à signaler ce type de victimisation à la police.

La valeur des biens volés ou endommagés a aussi diminué au cours de la période de 10 ans analysée. Un moins grand nombre de crimes contre les ménages ont entraîné une perte financière de 1 000 $ et plus en 2009, comparativement à 10 ans plus tôt (16 % par rapport à 22 % en 1999). Ce recul de la perte financière globale n’était pas uniforme pour les biens volés par rapport aux biens endommagés, ni pour tous les types de crimes contre les ménages. Par exemple, la diminution de la perte financière a été observée pour les biens volés mais non pour les biens endommagés. De plus, la valeur de la perte financière découlant des introductions par effraction et du vandalisme n’a pas changé, alors que la proportion d’incidents entraînant une perte d’au moins 1 000 $ a diminué pour ce qui est des vols de véhicules à moteur ou de leurs pièces et des vols de biens du ménage.

À l’instar des crimes contre les ménages, la diminution du signalement des vols de biens personnels à la police suit la même tendance pour ce qui est de la gravité. La proportion de vols ayant entraîné une perte de 1 000 $ et plus a diminué. Toutefois, à la différence des crimes contre les ménages, on a observé une diminution du signalement tant pour les biens personnels volés que pour les biens personnels endommagés.

Comme dans le cas de la victimisation avec violence, lorsque les victimes indiquaient avoir subi des conséquences psychologiques en raison d’un incident, les taux de signalement à la police étaient plus élevés comparativement aux incidents qui avaient entraîné très peu de conséquences psychologiques (40 % par rapport à 23 %). De même, le taux de signalement était plus élevé lorsque les victimes devaient s’absenter du travail pour remplacer ou réparer leurs biens ou pour consulter des agents d’assurance en raison d’un incident. Le taux de signalement de 2009 des incidents contre les ménages ayant perturbé les activités quotidiennes des victimes (59 %) était presque le double du taux de signalement des incidents n’ayant pas perturbé ces activités (31 %).

Une proportion de victimes légèrement plus élevée a mentionné que l’incident n’avait pas donné lieu à des conséquences psychologiques en 2009, comparativement à 1999 (19 % par rapport à 16 %). Toutefois, le pourcentage des crimes contre les ménages ayant mené à l’interruption des activités quotidiennes est demeuré inchangé au cours de la même période, se maintenant à 18 % de tous les crimes contre les ménages.

Lien de la victime avec l’auteur présumé

La violence non conjugale commise par les membres de la famille est la plus souvent signalée à la police

En plus de la gravité de l’infraction, la probabilité de communiquer avec la police peut dépendre d’autres circonstances entourant l’incident violent, notamment le lien de la victime avec l’auteur présumé. Les incidents de violence familiale perpétrée par une personne autre qu’un conjoint ou une conjointe, comme un parent ou un frère ou une soeur, étaient les plus susceptibles d’être signalés à la police. Ces derniers ont affiché un taux de signalement de 39 % en 2009. La violence perpétrée par un étranger arrivait au deuxième rang, ayant enregistré un taux de signalement de 33 %.

En revanche, les actes de violence commis par une connaissance, un voisin ou un ami étaient les moins susceptibles de faire l’objet d’un signalement, 1 de ces actes sur 5 (18 %) ayant été signalés à la police. Les taux de signalement pour ces trois groupes sont demeurés constants au fil du temps.

Les taux de signalement sont plus élevés pour la violence conjugale mettant en cause un ancien partenaire

Les taux de signalement varient beaucoup selon l’état de la relation conjugale. Plus d’un tiers (36 %) des victimes menacées ou attaquées par un ancien partenaire ont indiqué que la police avait été appelée. Cela représente plus de trois fois le signalement des victimes de violence conjugale aux mains d’un partenaire actuel (10 %). On a observé un écart semblable pour ce qui est du taux de signalement selon l’état matrimonial en 1999; 37 % des incidents de violence conjugale aux mains d’un ex-conjoint ont été signalés et 15 % de ceux commis par un conjoint actuel l’ont été.

Les taux de signalement mettant en cause des anciens partenaires sont demeurés stables entre 1999 et 2009, mais, on a observé une diminution de la violence conjugale envers les ex-conjoints, la forme de violence ayant le plus souvent fait l’objet de signalement à la police (graphique 4). Cela était vrai à la fois chez les femmes et chez les hommes.

Graphique 4

Description du graphique 4

Raisons pour lesquelles les incidents sont signalés ou non à la police

Le fait de comprendre les raisons qui motivent les victimes à communiquer avec la police permet de dégager les tendances de signalement à la police. Cela peut également aider à mieux voir les façons possibles d’accroître la participation des victimes à l’administration de la justice, à savoir le signalement à la police.

Les raisons évoquées par les victimes pour ce qui est de signaler un incident à la police sont demeurées relativement constantes au fil du temps. Pour ce qui est du signalement des incidents de victimisation avec violence, venait au premier rang le désir des victimes de mettre un terme à l’incident et de recevoir de la protection de la part de la police, bien que cette raison ait été plus souvent citée par les victimes de violence conjugaleNote 11. En 2009, 89 % des victimes de violence conjugale qui ont signalé l’incident à la police ont évoquées cette raison pour l’avoir fait (graphique 5). La même raison a été mentionnée par 75 % des victimes de violence non conjugale qui ont signalé l’incident à la police.

Graphique 5

Description du graphique 5

Le sens du devoir et le désir d’arrêter et de punir l’auteur présumé étaient les principales raisons invoquées pour le signalement tant de la violence non conjugale que de la victimisation sans violence. Ces raisons, notamment le souci d’arrêter l’auteur présumé, étaient moins présentes chez les victimes de violence conjugale. En 2009, moins du tiers (31 %) des victimes de violence conjugale ont mentionné le désir de faire arrêter l’auteur présumé comme raison de communiquer avec la police. Cela représentait une diminution importante par rapport à 1999, lorsque 45 % des victimes de violence conjugale ont donné cette raison pour appeler la police.

Parallèlement, le sens du devoir a augmenté en proportion comme raison invoquée pour signaler les incidents de violence non conjugale et les crimes contre les ménages. En 2009, le sens du devoir a été mentionné comme raison dans 82 % des incidents de violence non conjugale, ce qui représente une hausse par rapport à la proportion de 72 % observée en 1999. Pour ce qui est de la victimisation des ménages, la proportion de répondants ayant déclaré le sens du devoir a augmenté, passant de 80 % à 86 % au cours de cette période. Selon des recherches antérieures, cette même conscience sociale peut dissuader les personnes de signaler un incident de victimisation à la police, si elles estiment qu’il est de leur devoir de ne pas faire perdre le temps et les ressources de la police (Tarling et Morris, 2010).

La volonté de mettre fin à l’incident est également devenue une raison plus courante motivant le signalement de la victimisation des ménages (38 % en 1999 et 47 % en 2009), de même que le conseil d’un tiers de procéder au signalement (9 % en 1999 par rapport à 13 % en 2009). De même, le souci d’appréhender l’auteur présumé a affiché un recul, ayant passé de 75 % en 1999 à 67 % en 2009. Les raisons liées à l’assurance étaient également moins courantes (57 % en 1999 par rapport à 47 % en 2009), ce qui peut être attribuable à la baisse du nombre de victimes ayant une police d’assurance.

On observe une progression de la raison « l’incident n’était pas assez important » pour ne pas signaler la violence conjugale

Les raisons et la motivation des victimes qui sous-tendent la décision de ne pas signaler un incident à la police peuvent être essentielles pour comprendre les tendances du signalement, surtout lorsqu’on examine les diminutions du signalement de la violence conjugale. Comparativement aux années précédentes, une plus forte proportion de victimes de violence conjugale ont indiqué en 2009 qu’elles n’avaient pas signalé leur expérience de victimisation à la police en raison du fait que l’incident n’était « pas assez important ». Plus précisément, 34 % des victimes de violence conjugale ne considéraient pas l’incident comme étant assez important en 2009 pour le signaler, par rapport à 25 % en 1999. La progression de cette raison principale, qui est aussi la raison dominante pour ne pas signaler les incidents de violence conjugale, reflète la diminution de la gravité des types d’actes de violence conjugale et la baisse des conséquences psychologiques autodéclarées des incidents de violence conjugale.

Les principales raisons de ne pas signaler un crime contre les ménages à la police sont demeurées relativement constantes au fil du temps, n’ayant accusé aucun changement important dans l’ensemble. Le fait que les victimes estimaient que l’incident n’était pas assez important et que la police n’aurait rien pu faire sont demeurés les principales raisons de ne pas signaler les incidents à la police, représentant 26 % et 40 %, respectivement.

Il y a toutefois eu quelques changements au cours de la décennie à l’étude quant aux raisons évoquées de ne pas signaler certains types d’infractions sans violence à la police. À titre d’exemple, le fait que la police n’aurait rien pu faire était moins souvent mentionné dans le cas des vols de véhicules à moteur en 2009 qu’en 1999 (18 % par rapport 28 %). De même, les victimes de vols de biens personnels étaient moins susceptibles de dire que l’incident a été réglé d’une autre façon au cours de la même période de 10 ans, leur proportion étant passée de 16 % à 12 %.

Les victimes de violence non conjugale étaient moins susceptibles en 2009 de dire qu’elles n’avaient pas signalé leur expérience de victimisation parce qu’elles ne voulaient pas avoir affaire à la police (5 % en 2009 par rapport à 10 % en 1999). Toutes les autres raisons sont pratiquement restées constantes au cours de la période de 10 ans.

Contacts avec la police et confiance à l’égard de celle-ci

Les avantages perçus de faire appel à la police peuvent varier selon l’expérience personnelle antérieure de la victime avec la police et le niveau de confiance qu’elle lui accorde (Baumer, 2002; Bosick et autres, 2012). L’ESG permet d’examiner le type de contact que les victimes ont eu avec la police et la probabilité que ces dernières lui signalent leur expérience de victimisation. Cela étant dit, il n’est pas possible de déterminer si ces contacts se sont produits avant ou après leurs expériences de victimisation. La perception de la police se mesure en examinant les évaluations effectuées par les victimes du rendement de la police dans un certain nombre de domaines, ainsi que le niveau de confiance général que les victimes lui accordent.

Il existe un lien entre le signalement d’un incident et le contact de la victime avec la police pour ce qui est de la violence non conjugale. En 2009, les victimes de violence non conjugale qui ont participé à une séance d’information ou de prévention du crime offert par la police au cours des 12 mois précédents étaient environ 1,5 fois plus susceptibles de demander l’aide de la police que ceux qui n’ont pas participé à une telle séance (35 % par rapport à 27 %). De même, les personnes qui ont été témoins d’un crime étaient plus susceptibles de signaler leur propre expérience de victimisation à la police que ceux qui ne l’ont pas été (40 % par rapport à 25 %).

En revanche, les victimes ayant eu un contact antérieur avec la police en raison d’un délit de la route affichaient de plus faibles taux de signalement de la violence non conjugale. Parmi les victimes de violence non conjugale, 24 % de celles qui sont entrées en contact avec la police en raison d’un délit de la route ont signalé l’incident de violence, par rapport à 30 % de celles qui n’ont pas eu de contact avec la police en raison d’un délit de la route. À l’exception de la participation à une séance d’information, on a observé les mêmes tendances de signalement en fonction de la nature du contact avec la police au cours des années précédentes.

On a observé aucune relation entre le signalement à la police et le contact antérieur avec cette dernière pour ce qui est de toutes les autres formes de victimisation, y compris la violence conjugale, la victimisation des ménages et le vol de biens personnels.

La confiance envers la police n’est pas toujours liée au signalement à la police

Des recherches antérieures laissent entendre que le niveau de confiance envers la police peut être étroitement lié à la volonté ou à la réticence de signaler des expériences de victimisation à la police (Baumer, 2002). Les victimes qui ont un niveau de confiance plus élevé envers l’efficacité de la police se sont révélées être plus aptes à voir les avantages de faire appel au système de justice pénale, alors qu’on a constaté le contraire chez les victimes ayant un niveau de confiance moins élevé à l’égard de la police (Baumer, 2002).

Certaines mesures des attitudes positives à l’endroit des services de police locaux ont été liées à des taux plus élevés de signalement des incidents à la police, bien que la relation ait varié selon le type de victimisation, ainsi que la période d’enquête à l’étude. Par exemple, une perception positive de la police, pour ce qui est d’informer le public en matière de prévention de la criminalité, a été liée au signalement de la violence non conjugale en 2009, mais non au cours des années précédentes ni pour d’autres types de victimisation.

Pour ce qui est de la violence conjugale, seule l’évaluation globale de la police a été liée à des taux de signalement plus élevés. En 2009, les victimes de violence conjugale ayant indiqué avoir une grande confiance envers la police étaient près de deux fois plus susceptibles de lui signaler les incidents dont elles ont été victimes que celles qui ne l’ont pas indiqué (22 % par rapport à 13 %). Il n’est pas possible d’examiner ce lien pour d’autres périodes, puisque cette question a été posée pour la première fois en 2009.

En raison des résultats variables obtenus en reliant la confiance accordée à la police au signalement des incidents à la police, il est difficile de déterminer si des changements dans la perception qu’ont les victimes de la police auraient une incidence sur les tendances du signalement. Néanmoins, on a observé des changements importants dans l’évaluation que faisaient les victimes de la police au cours de la période de 10 ans examinée. Tant chez les victimes de violence non conjugale et que celles d’incidents sans violence, la certitude que la police réussissait à adopter une attitude ouverte a diminué entre 1999 et 2009. On a également constaté des reculs importants concernant le rôle de la police pour ce qui est d’informer le public en matière de prévention de la criminalité et d’assurer la sécurité des citoyens, mais seulement chez les victimes de crimes contre les ménages. On a observé aucun changement en ce qui a trait à l’évaluation du rendement de la police par les victimes de violence conjugale au fil du temps.

Résumé

Selon les données de l’ESG, seulement le tiers des incidents de victimisation criminelle autodéclarés au Canada sont signalés à la police, bien qu’il y ait beaucoup de variation selon le type d’infraction. Dans le même ordre d’idée, les tendances du signalement varient selon le type d’infraction. Les taux de signalement se sont maintenus pour ce qui est des formes de violence non conjugale, mais ont diminué en ce qui a trait à la violence conjugale et aux formes de victimisation sans violence.

La diminution des taux de signalement de la violence conjugale — attribuable principalement à la baisse du signalement chez les jeunes victimes de sexe féminin en Ontario — coïncide avec la diminution de certains indicateurs de la gravité de la criminalité et la réduction des taux de violence conjugale aux mains d’un ancien partenaire. La diminution de la gravité des incidents se reflète dans la plus forte proportion de victimes de violence conjugale en 2009 qui ont affirmé ne pas avoir porté à l’attention de la police leur expérience de victimisation parce que l’incident n’était « pas assez important ».

L’absence de changement pour ce qui est du signalement à la police de la violence non conjugale au cours de la dernière décennie reflète probablement l’absence de changement dans la gravité de ces formes de victimisation. Il n’y a pas non plus eu de changement pour ce qui est des raisons de ne pas signaler des incidents à la police, bien que le sens du devoir soit une raison plus fréquente de signaler un incident.

Pour ce qui est des incidents sans violence, la baisse du taux de signalement à la police a acompagné une diminution de la tendance à signaler les incidents ayant entraîné une importante perte financière et, une baisse générale de la perte financière réelle de ces types de victimisation.

Avec la diffusion prochaine des données de l’ESG de 2014 sur la victimisation, il faudrait faire des efforts pour déterminer si des changements dans les taux de signalement, ou l’absence de changements, représentent une tendance à long terme des comportements de signalement. Des recherches futures devraient aussi permettre d’examiner les facteurs ayant une incidence sur le signalement à la police, comme les indicateurs communautaires de la cohésion sociale, et leurs répercussions sur différents segments de la population de victimes, surtout celles dont les taux de signalement sont les plus bas, comme les jeunes adultes. Enfin, comme certaines relations peuvent changer quand d’autres facteurs sont maintenus constants, une analyse multivariée pourrait faire la lumière sur les prédicteurs les plus solides du signalement à la police.

Source des données

Le présent rapport est fondé sur les données de l’Enquête sociale générale sur la victimisation de 1999, de 2004 et de 2009. Aux fins de ce rapport, la population cible comprenait les personnes de 15 ans et plus vivant dans les 10 provinces canadiennes, à l’exception des personnes habitant à temps plein dans des établissements.

Pour obtenir de plus amples renseignements sur les sources de données, veuillez consulter les documents suivants :

2009

http://www23.statcan.gc.ca/imdb/p2SV_f.pl?Function=getSurvey&SurvId=51198&InstaId=49195&SDDS=4504

2004

http://www23.statcan.gc.ca/imdb/p2SV_f.pl?Function=getSurvey&SurvId=1715&InstaId=7705&SDDS=4504

1999

http://www23.statcan.gc.ca/imdb/p2SV_f.pl?Function=getSurvey&SurvId=1715&InstaId=5267&SDDS=4504

Tableaux de données détaillés

Tableau 1 Incidents de victimisation signalés à la police, selon le type d'infractions, 1999, 2004 et 2009

Tableau 2 Incidents de victimisation signalés à la police, selon la région, 1999 et 2009

Références

BAUMER, Eric P. 2002. « Neighborhood Disadvantage and Police Notification by Victims of Violence », Criminology, vol. 40, no 3, p. 579 à 617.

BOSICK, Stacey J., et autres. 2012. « Reporting violence to police : Predictors through the life course », Journal of Criminal Justice, vol. 40 no 6, p. 441 à 451.

GOUDRIAAN, Heike, Karin WITTERBROOD et Paul NIEUWBEERTA. 2006. « Neighbourhood Characteristics and Reporting Crime: Effects of Social Cohesion, Confidence in Police Effectiveness and Socio-Economic Disadvantage », British Journal of Criminology, vol. 46, no 4, p. 719 à 742.

NIVETTE, Amy E. 2011. « Cross-national predictors of crime: A meta-analysis », Homicide Studies, Sage Publications, vol. 15, no 2, p. 103 à 131.

SAUVÉ, Julie, et Kwing HUNG. 2008. « Une perspective internationale sur les victimes de la criminalité », Juristat, produit no 85-002 au catalogue de Statistique Canada, vol. 28, no 10.

SINHA, Maire. 2013. « Mesure de la violence faite aux femmes : tendances statistiques », Juristat, produit no 85-002 au catalogue de Statistique Canada.

SKOGAN, Wesley G. 1994. « Contacts between Police and Public: Findings from the 1992 British Crime Survey », Home Office Research Study, no 134, Londres: Home Office www.homeoffice.gov.uk (site consulté le 30 mars 2015).

TARLING, Roger, et Katie MORRIS. 2010. « Reporting crime to police », British Journal of Criminology, no 50, p. 474 à 490.

VAN DIJK, Jan, John VAN KESTEREN et Paul SMIT. 2007. Criminal Victimization in International Perspective: Key findings from the 2004-2005 ICVS and EU ICS, Tilburg University, UNICRI et UNODC.

Notes

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