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par Brian Cozzarin, professeur agrégé, Université de Waterloo
Même si les investisseurs privés et les organismes publics de financement ont appris que le secteur de la biotechnologie nécessite un modèle de financement différent de celui de la fabrication traditionnelle, on n'a pas effectué suffisamment de recherches empiriques pour examiner les corrélations entre les caractéristiques du modèle de financement et le rendement des entreprises. Le présent article vise à déterminer les sources de financement qui ont la plus forte incidence sur la croissance des entreprises.
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À propos de l’auteur
Pour les fins de la présente analyse, les données de 1999 et de 2001 de l’Enquête sur l’utilisation et le développement de la biotechnologie (EUDB) ont été utilisées pour examiner les entreprises qui ont emprunté des capitaux et leur rendement subséquent. L'enquête de 1999 a été postée aux 3 377 entreprises canadiennes de biotechnologie rattachées à certains codes du Système de classification des industries de l’Amérique du Nord (SCIAN). Après rajustement en fonction de la non-réponse, il restait 358 entreprises1. Les observations ont été extraites en fonction de deux critères. Premièrement, les entreprises devaient avoir emprunté des capitaux en 1999, de manière à ce que leur rendement subséquent en 2001 puisse être évalué. Les résultats révèlent que 178 entreprises ont tenté d'emprunter des capitaux, mais seulement 138 d'entre elles sont parvenues à leurs fins. Deuxièmement, de ces 138 entreprises, seules celles qui faisaient partie de l'échantillon de l’EUDB de 2001 ont été retenues. Après les procédures de sélection susmentionnées, il restait 52 entreprises aux fins de l'analyse.
De plus amples renseignements concernant l’Enquête sur l’utilisation et le développement de la biotechnologie sont disponibles ici (sélectionnez « Autres périodes de référence » pour accéder aux questionnaires et aux métadonnées de 1999 et de 2001).
Toutes les variables financières sont exprimées en millions de dollars canadiens de 2001, rajustés en fonction de l’Indice des prix des produits industriels pour l’industrie pharmaceutique. Tous les coefficients ont été rajustés en fonction de l’hétéroscédasticité2.
La biotechnologie est un secteur en plein essor sur la scène internationale, affichant une croissance de près de quatre fois supérieure à la moyenne du Groupe des Sept pour tous les secteurs. Les revenus canadiens de la biotechnologie sont passés de 1,9 milliard de dollars en 1999 (25 % de plus qu'en 1998) à plus de 3,6 milliards de dollars en 2001. En 2001, on dénombrait 375 entreprises de biotechnologie en exploitation dans 10 provinces canadiennes, ce qui représentait une hausse comparativement aux 358 entreprises dénombrées en 1999 (Statistique Canada, 2001; McNiven, 2001). De plus, en 1999, les entreprises de biotechnologie ont emprunté des capitaux d’une valeur de 2,147 milliards de dollars; 644,1 millions de dollars (ou 30 %) des sociétés à capital de risque, 579,7 millions de dollars (ou 27 %) des investisseurs providentiels, 493,8 millions de dollars (ou 23 %) des alliances de collaboration, 150,3 millions de dollars (7 %) des sources publiques, 150,3 millions de dollars (7 %) des sources conventionnelles telles que les banques et 42,9 millions de dollars (2 %) des premiers appels publics à l'épargne (PAPE); les 85,9 millions de dollars restants (4 %) provenaient « d'autres » sources (Traore, 2005).
Cet article s'appuie sur les données de l’Enquête sur l’utilisation et le développement de la biotechnologie de 1999 et de 2001 pour examiner l’effet des sources de financement sur la croissance des entreprises dans le secteur canadien de la biotechnologie.
La biotechnologie est un secteur jeune, où les nouvelles entreprises font face à des marchés inconnus pour leurs produits. La réussite de chaque étape du développement, qu'il s'agisse de la R‑D, des essais précliniques, de la réglementation ou de la production, est entravée par une grande incertitude, et l'entreprise elle-même n'a que peu ou pas d'antécédents sur lesquels fonder ses prévisions. Les explications des préférences financières du propriétaire ou du gestionnaire corroborent les cadres du compromis statique et de l'ordre hiérarchique de Myers et Majluf (1984). Dans ce contexte, « l'ordre hiérarchique » renvoie aux entreprises qui ont un ordre de préférences explicite en ce qui concerne les sources de financement possibles.
Conformément à l'hypothèse de l'ordre hiérarchique, les sources internes sont préférées à la dette, et la dette est préférée aux droits sur l'actif détenus par de tierces parties (Myers et Majluf, 1984). Ce résultat est confirmé par les données sur le financement ci-dessus recueillies auprès des entreprises canadiennes de biotechnologie. La majorité du financement de ces entreprises provient de sociétés à capital de risque et d’investisseurs providentiels; les alliances de collaboration et les sources conventionnelles de financement arrivent toutes deux en troisième place, les « autres » sources occupent le quatrième rang, et les premiers appels publics à l'épargne sont en dernier. Jeng et Wells (2000) prédisent également que le financement provenant de sociétés à capital de risque est celui qui convient le mieux à un tel secteur.
Le modèle empirique
Pour estimer l'effet des sources de financement sur la croissance des entreprises, les deux équations de régression suivantes ont été proposées :
Les variables dépendantes de la régression étaient les suivantes : croissance des revenus et ratio de la croissance des revenus par rapport aux capitaux affectés à la R‑D (ci-après croissance des revenus /capitaux en R‑D). On a créé la variable de la croissance des revenus en soustrayant les revenus totaux de 1999 de ceux de 2001. Étant donné que les capitaux en R‑D ne sont pas directement observables, on les a calculés au moyen de trois méthodes en utilisant les valeurs des dépenses totales en R‑D pour chacune des années à l'étude pendant les cycles 1999 et 2001 de l’EUDB. Les méthodes en question étaient les suivantes : la sommation des dépenses totales en R‑D, le rajustement en fonction de l’amortissement constant et le rajustement en fonction de l’amortissement dégressif à taux double (voir « Les trois méthodes pour calculer les capitaux en R-D »). Même si la méthode de sommation a été retenue pour estimer les capitaux en R‑D et qu’elle fonctionne bien, les deux autres méthodes sont plus rigoureuses du point de vue conceptuel.
Les trois méthodes pour calculer les capitaux en R-D
Selon la méthode de la sommation, on a calculé la variable en sommant tout simplement les valeurs des dépenses totales en R-D de 1998 à 2001 sans tenir compte de la dépréciation. Dans la perspective de la méthode de l’amortissement constant, on présumait que la valeur de récupération des capitaux totaux en R-D disponibles chaque année représentait 10 % des dépenses totales annuelles en R-D, étant donné qu'on ne disposait d’aucune information directe. Habituellement, la valeur de récupération des capitaux en R-D varie de 10 % à 20 % des capitaux en R-D dans les entreprises à forte intensité de R-D, mais les résultats ne fluctueraient pas de façon significative si on établissait cette proportion à 20 % (Hall et coll., 1998).
Dans l’optique de la méthode de l’amortissement dégressif à taux double, on supposait que la valeur de récupération des capitaux en R-D disponibles chaque année représentait 10 % des dépenses totales annuelles en R-D, et que la durée de vie utile approximative des capitaux en R-D était de seulement quatre ans. On a obtenu la valeur des capitaux en R-D disponibles en 2001 en sommant les valeurs des dépenses totales en R-D des entreprises pour chacune des années, après rajustement pour la dépréciation en 2001.
Les variables indépendantes comprenaient six sources de financement au niveau de l'entreprise en 1999 : les investisseurs providentiels ou la famille ou les amis; les prêts ou les subventions du gouvernement; les sociétés de capital de risque; les sources conventionnelles telles que les banques et/ou les sociétés de fiducie; les premiers appels publics à l'épargne; et les alliances de collaboration. Elles comprenaient également le montant total des capitaux empruntés en 1999, ainsi que le type de propriété (société publique ou privée). Les produits et les procédés de biotechnologie étaient caractérisés par quatre étapes différentes du développement (de la conception à la commercialisation) : la R‑D; les essais précliniques ou les essais pratiques restreints; l’étape de la réglementation/ évaluation de la diffusion non retreinte; et l’approbation ou la mise en marché/en production3. Lorsqu'une entreprise a eu un PAPE au cours d'une année donnée entre son année d'établissement et 2001, la variable « Publique » a été établie à 1; autrement, elle était de 0.
Pour le premier modèle de régression (croissance des revenus), les résultats révèlent que des six sources de financement, seuls les coefficients des capitaux provenant d’investisseurs providentiels, de sociétés de capital de risque et de sources conventionnelles sont significatifs (tableau 1). Les capitaux qui proviennent de sources conventionnelles ont la plus forte incidence sur la croissance des revenus entre 1999 et 2001. Les capitaux provenant d'investisseurs providentiels se classent au deuxième rang, tandis que les capitaux provenant de sociétés de capital de risque arrivent en troisième. Les résultats indiquent également que parmi les quatre étapes du développement de produits ou de procédés, seul le coefficient de R‑D n'est pas significatif. Les coefficients des étapes restantes (c'est-à-dire les essais précliniques, la réglementation et la mise en marché) sont toutes significatives au niveau 10 % et se comportent comme prévu. Parallèlement, les résultats des capitaux totaux empruntés pendant l’année financière 1999 et l'inscription à la bourse de l’entreprise sont des facteurs positifs et statistiquement significatifs.
Tableau 1
Résultats de la régression des moindres carrés ordinaires (la variable dépendante est la croissance des revenus)
Le tableau 2 présente les résultats de la régression dans le cadre du deuxième modèle (croissance des revenus / capitaux en R‑D). Parmi les six sources de financement, seuls les coefficients des capitaux provenant d'investisseurs providentiels, de sociétés de capital de risque et de sources conventionnelles sont significatifs et positifs. Si nous excluons la méthode de la sommation (parce qu'elle est moins rigoureuse du point de vue conceptuel), par ordre d’importance, ce sont les capitaux provenant de sources conventionnelles, d’investisseurs providentiels et de sociétés de capital de risque qui contribuent le plus à la croissance des entreprises.
Tableau 2
Résultats de la régression des moindres carrés ordinaires (la variable dépendante est la croissance des revenus / capitaux en R-D)
Parmi les quatre étapes du développement de produits ou de procédés, seul le coefficient de la R‑D n’est pas significatif peu importe laquelle des trois méthodes des capitaux en R-D est utilisée. Les coefficients des essais précliniques, de la réglementation et de la mise en marché sont tous significatifs et positifs. Par ordre d’intensité, les étapes de la mise en marché/en production, de la réglementation et, finalement, des essais précliniques sont celles qui ont la plus forte incidence sur la croissance des ventes. Cette constatation semble plus logique en théorie qu’en pratique, comme l’indiquent les résultats du tableau 2, étant donné que les produits et/ou les procédés qui se rapprochent le plus de l’étape de la mise en marché/en production devraient être plus étroitement liés à la croissance des entreprises. Les coefficients des capitaux totaux empruntés en 1999 et de la propriété publique ou privée sont significatifs et positifs.
Les résultats indiquent que parmi les sources de financement, seuls les capitaux provenant d'investisseurs providentiels, de sociétés de capital de risque et de sources conventionnelles ont contribué de façon significative à la formation de capitaux en R‑D et à la croissance des revenus. En revanche, on a déterminé que le financement provenant du gouvernement, des PAPE et des alliances de collaboration était de moindre importance pour l’échantillon donné des entreprises de biotechnologie. Il existe des résultats contraires au sens commun en ce qui concerne l’importance des capitaux provenant de sources conventionnelles pour le taux de croissance des entreprises. On s’attendait à ce que les capitaux des sociétés de capital de risque soient les plus importants; cependant, il se pourrait que les banques favorisent les entreprises plus anciennes dont les produits sont mieux connus ou du moins déjà sur le marché. Dans ce cas, il est peut-être logique que le capital de la banque soit corrélé à un taux de croissance plus élevé.
Les résultats éclairent les décideurs et les investisseurs (aussi bien dans le secteur privé que public); les capitaux provenant d'investisseurs providentiels, de sociétés de capital de risque et de sources conventionnelles ont tous un rôle important à jouer à l’égard de la croissance des entreprises de biotechnologie. Il faut toutefois faire une mise en garde : les sociétés de capital de risque, les investisseurs providentiels et les banques peuvent établir des critères de sélection plus rigoureux pour choisir les éventuelles entreprises en démarrage. Il se peut également qu’une fois choisies, les entreprises en démarrage bénéficient de contributions importantes en matière de gestion (non offertes par le gouvernement, les alliances de collaboration ou les PAPE), ce qui favorise leur réussite. La seule réponse possible à cette mise en garde réside dans la poursuite des recherches.
Hall, B. H., J. Mairesse, L. Branstetter, B. Crepon (1998). Does cash flow cause investment and R&D: an exploration using panel data for French, Japanese, and United States scientific firms. University of California at Berkeley, Document de travail, Janvier.
Jeng, L.A. et P.C. Wells (2000). The determinants of venture capital funding: evidence across countries. Journal of Corporate Finance, 6(3): 241-289.
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Statistique Canada (2001). Enquête sur l’utilisation et le développement de la biotechnologie. Division des sciences, de l’innovation et de l’information électronique.
Traore, N. (2005). Accès aux capitaux de financement des entreprises canadiennes innovatrices de biotechnologie. Division des sciences, de l’innovation et de l’information électronique, Statistique Canada, no 88F0006XIF2005 au catalogue - no 010, avril.
Brian Cozzarin est un professeur agrégé avec l’Université de Waterloo. Pour de plus amples renseignements communiquez avec la DSIIE au dsiieinfo@statcan.gc.ca.